Nous sommes requis d'être lucides. Mais M. Rajoy n'est au pouvoir que depuis deux mois, dans un pays où le taux de chômage atteint plus de 22 % ; on ne peut pas, d'emblée, lui jeter la pierre. Quelle est l'urgence ? Le AAA ? Mais la situation n'est pas la même que dans notre pays, riche d'une épargne dont on peut espérer que les institutions bancaires qui la collectent préfèreront, en cas de difficulté, la prêter à la France qu'aux Grecs. Les déficits des collectivités ? Mais si l'on me demande, demain, de réduire mon budget de fonctionnement de 10 %, je sais faire.
L'urgence, à la vérité, c'est l'emploi. Or, on ne parviendra à rien avec un euro à 1,30 dollar. Face à nous, les Chinois, avec le yuan, n'y vont pas par quatre chemins. Et les Anglais, les Américains, n'hésitent pas à laisser filer la livre et le dollar au nom de l'emploi. La vraie valeur d'une monnaie, c'est sa capacité exportatrice. Le problème de l'emploi nous guette, surtout au sud de l'Europe. Les Allemands l'ont résolu, mais leur excellence est telle, dans de tels domaines - machines outils, automobiles - qu'ils jouissent d'un quasi monopole sur le marché mondial. Imaginez-vous qu'en France, ce n'est pas M. Arnault qui se plaint du cours de l'euro pour LVMH, mais tous les secteurs qui souffrent.
La situation des pays de la zone ? Elle n'est pas si catastrophique, y compris celle de l'Italie. Le patrimoine des Français représente huit à douze fois le PIB. Une dette à 86 %, ce n'est pas une somme si colossale au regard de l'encours, à condition qu'elle vienne alimenter des investissements sains, comme le rail, et non du fonctionnement. Mais notre système de comptabilisation de la dette est pervers. On ne compte que l'intérêt dû, sans s'attacher au stock. Dès que les taux d'intérêt baissent, on considère que l'on peut emprunter beaucoup, sans incidence sur la charge financière. Mais la vertu se retourne alors contre nous : on accumule un stock de dette, et que se passe-t-il si les taux montent ? Prenons garde que si nous ne savons pas traiter le sujet, c'est la rue qui s'en saisira.