Intervention de Bruno Sido

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 15 février 2012 : 1ère réunion
L'avenir de la filière nucléaire en france — Présentation du rapport de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo de Bruno SidoBruno Sido :

L'arrêt total ou partiel de l'activité nucléaire risquerait de déstabiliser l'organisation mise en place en France, et de remettre en cause une expertise aujourd'hui reconnue au plan international.

Tout d'abord, la dynamique de sûreté ne peut s'envisager que dans une recherche permanente de perfectionnement. L'annonce d'une sortie de l'énergie nucléaire pourrait contribuer, paradoxalement, à accroître les risques par son effet sur les investissements physiques et sur le savoir-faire acquis et transmis par le personnel. Qui souhaiterait investir ou s'engager dans une filière sans avenir ?

Plus généralement, une démobilisation des chercheurs et des industriels ferait reculer notre position concurrentielle dans cette industrie de pointe, avec des effets immédiats sur l'attractivité de l'EPR, pourtant en cours de développement dans plusieurs pays.

Ensuite, l'arrêt des centrales nucléaires mettrait en cause l'organisation de la gestion des matières et déchets radioactifs, mise en place par les lois de 1991 et 2006. Les centres existants n'ont pas les capacités suffisantes pour traiter les déchets dont le volume s'accroîtrait immanquablement avec les démantèlements et un abandon du retraitement. À ces difficultés s'ajouterait celle du déclassement en déchets de quantités élevées de matières valorisables, telles que l'uranium appauvri ou le plutonium. Ces dernières sont actuellement considérées comme réutilisables, soit sous forme de Mox pour les réacteurs de deuxième et troisième génération, soit, à l'avenir, comme combustible pour les réacteurs de quatrième génération.

La France dispose d'atouts certains sur les générateurs de quatrième génération, parce qu'elle accumule des stocks de matières valorisables, sources d'indépendance énergétique, et parce qu'elle participe à plusieurs programmes internationaux de recherche dans le cadre du forum international « génération IV ». Elle développe son propre projet de réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium, ASTRID, destiné à prouver la faisabilité industrielle de ce type de réacteur. Il serait très dommageable d'abandonner cette voie, qui nous permet d'exploiter pleinement nos atouts.

Nous ne possédons pas, comme l'Allemagne, des réserves de charbon pour 350 ans ; en revanche nous disposons d'un stock de matières valorisables, uranium appauvri et plutonium, d'environ 300 tonnes à ce jour pour ce dernier. Les calculs qui nous ont été présentés montrent que nous aurons juste ce qu'il faut de plutonium, produit par les réacteurs de deuxième et troisième génération, pour alimenter le premier chargement des réacteurs rapides, étant entendu que ces réacteurs ne consomment plus ensuite de plutonium puisque celui-ci est régénéré.

Enfin, selon les personnes que nous avons auditionnées, ASTRID sera bien un réacteur de type nouveau, y compris en termes de sûreté. Des recherches sont en cours pour éviter tout risque de fonte du coeur nucléaire, sachant que le temps d'intervention sur ce type de réacteur est considérable, par rapport à ce qu'il est sur un réacteur à eau, en raison de l'inertie de la capacité thermique du sodium. Ensuite, le circuit de refroidissement serait conçu pour minimiser le risque de réaction sodium-eau. Ces recherches devront permettre, pour les réacteurs de génération IV, un niveau de sûreté au moins équivalent, sinon supérieur, à ceux de troisième génération, ce qui est bien évidemment la condition sine qua non de leur développement.

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