La commission entend la présentation par MM. Claude Birraux, Bruno Sido et Christian Bataille, du rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques : « L'avenir de la filière nucléaire en France ».
Je tiens d'abord à saluer tous les membres de la Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire présents et à remercier tout particulièrement Daniel Raoul, qui avant de devenir président de votre commission était vice-président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, de nous avoir invités à présenter le rapport final de la mission sur la sécurité nucléaire, la place de la filière et son avenir.
Ce rapport, publié le 15 décembre dernier, a marqué la fin de l'étude qui a été confiée, en mars 2011, à la mission créée à l'initiative des présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Cette mission était composée des 36 députés et sénateurs membres de l'Office, augmentés de 15 parlementaires membres des commissions compétentes au sein des deux assemblées, dont 8 membres de votre commission.
Les deux rapporteurs de cette mission, que j'ai l'honneur de présider, sont Bruno Sido, président de notre Office, et mon collègue Christian Bataille, ici présents.
La première partie de notre étude, consacrée à la sécurité nucléaire, avait donné lieu, le 30 juin 2011, à la publication d'un rapport d'étape comportant de multiples recommandations destinées, par exemple, à mieux encadrer l'appel à la sous-traitance au sein de la filière nucléaire ou encore à consolider les moyens dévolus au contrôle de la sûreté et à la transparence.
La deuxième partie de notre étude a été principalement consacrée aux questions relatives à l'avenir de la filière nucléaire, avec deux visites menées par Christian Bataille en Allemagne et au Japon et quatre auditions ouvertes a la presse.
Mais les questions relatives à la sécurité nucléaire sont restées au coeur de nos préoccupations dans la deuxième partie de notre étude comme l'illustrent les contrôles surprise que Bruno Sido et moi avons menés le 30 novembre dernier dans les centrales du Blayais et de Paluel.
De la même façon, nous avons tenu à nous assurer, dès la reprise de nos travaux en septembre 2011, des conditions de la bonne mise en oeuvre des recommandations du rapport d'étape, en organisant une réunion avec les administrations et organismes concernés. Constatant après un mois, malgré cette précaution, leur inertie, nous avons adressé le 24 novembre 2011 un courrier à M. le Premier ministre afin que les ministères en charge nous communiquent, avant la publication du rapport final, un calendrier de mise en oeuvre des recommandations. Nous n'avons malheureusement jamais reçu de réponse à ce courrier.
Je regrette notamment que nos recommandations relatives aux conditions de la sous-traitance ne fassent pas l'objet d'une mise en oeuvre plus active, car la manière de gérer la sous-traitance est une composante essentielle de la cohésion du personnel autour des objectifs de sûreté. Nous avons pu vérifier, Bruno Sido et moi, au cours de nos visites inopinées, que la motivation des personnels restait forte, ce qui lui permettait de surmonter les imperfections des procédures écrites. Mais il faut tout faire pour entretenir cette flamme, nourrie par la légitime fierté de travailler dans un contexte exceptionnel.
Nous avons ainsi constaté, lors d'un exercice de crise à la centrale de Paluel, que certaines fiches n'étaient pas à jour, certains indicateurs sur les tableaux électriques étaient erronés ; il manquait également une clé dynamométrique, en commande.
Mais je reviens à notre rapport sur l'avenir de la filière nucléaire. S'agissant du rapport lui-même, il souligne que le devenir du bouquet électrique français doit se régler sur la vitesse de maturation industrielle des énergies renouvelables. Ce constat nous a conduit à décrire une « trajectoire raisonnée », fonction des perspectives plausibles d'évolution des technologies en jeu.
Cette « trajectoire raisonnée » n'interdit en rien une évolution plus rapide si les ruptures technologiques permettent de sauter des étapes. Mais nous considérons que toute démarche de substitution qui prétendrait être plus volontariste en faisant fi des limites bien réelles des techniques actuelles prendrait le double risque de nous conduire à l'incohérence climatique et à une impasse économique.
Je laisse les rapporteurs vous présenter les constats de faits et les analyses qui nous ont permis de parvenir à cette conclusion.
Les déplacements que nous avons effectués en Allemagne, avec Marcel Deneux, et au Japon, avec Catherine Procaccia, nous ont permis de confirmer que les choix énergétiques dépendent avant tout des spécificités nationales et des processus historiques.
L'Allemagne n'est pas l'eldorado des énergies renouvelables. C'est le charbon qui domine, moitié pour la houille et moitié pour le lignite, ce dernier produisant près d'un quart de l'électricité allemande. Les Allemands nous ont dit qu'ils avaient 350 ans de réserves de lignite. Ils importent également du gaz de Russie. Quant à la part d'énergie renouvelable, elle est limitée à seulement 16 %. Ils connaissent une certaine réussite sur l'éolien et expérimentent les énergies vertes.
Le Japon, pour sa part, est sur la voie de l'arrêt de toutes ses centrales nucléaires : certaines ont été arrêtées pour des raisons de sécurité après l'accident de Fukushima, tandis que les autres, stoppées pour révision ou investissements, n'ont pas pu redémarrer parce que les autorités n'ont pas voulu en prendre la responsabilité.
La situation est donc très tendue dans ce pays : nous avons constaté sur place de fortes tensions sur l'approvisionnement en électricité. Le Japon va devoir s'approvisionner massivement en gaz et en pétrole sur les marchés mondiaux.
Plus généralement, l'audition du 27 octobre 2011 sur les politiques énergétiques a montré que les choix énergétiques sont aussi déterminés par la progression de la demande, notamment dans les pays émergents. Malgré le rôle croissant des énergies renouvelables, l'alternative sera pour eux pendant encore de nombreuses années, entre les énergies fossiles et l'énergie nucléaire. On ne peut donc pas éluder le débat sur les coûts économiques, écologiques et sanitaires respectifs de ces deux formes d'énergie, ce qui ne doit pas empêcher de préparer le long terme par le développement de technologies et de filières encore plus performantes.
Pour notre pays, le recours à l'industrie nucléaire s'est inscrit dans un contexte national spécifique. Elle nous a permis de répondre, malgré l'épuisement des réserves d'énergie fossile de notre sous-sol, à quatre priorités stratégiques.
La première priorité est de disposer d'une production électrique suffisante et adaptée, en énergie et en puissance. En effet, au cours des trente dernières années, notre consommation intérieure d'électricité, tirée par une démographie et une économie orientées à la hausse, s'est accrue deux fois plus vite que la consommation d'énergie, en passant d'un peu plus de 150 térawattheures (TWh) au début des années 1970 à près de 500 TWh aujourd'hui. Les besoins en électricité se sont multipliés, par exemple en matière de santé, avec le développement de technologies toujours plus performantes dans les hôpitaux, les usages industriels, le chauffage résidentiel avec aujourd'hui les pompes à chaleur, le maintien de la chaîne du froid dans l'agro-alimentaire, les outils de signalisation ou la démocratisation des matériels électroniques et de l'informatique. Ces besoins iront croissants avec le déploiement des automobiles électriques. Le choix de l'électricité nucléaire a permis de disposer d'un outil assez puissant pour couvrir en quantité suffisante les besoins d'électricité liés à ces évolutions des modes de consommation, tout en permettant une forte réduction de la production thermique à flamme.
La deuxième priorité est l'indépendance énergétique, tant dans l'approvisionnement que dans le savoir-faire. À cet égard, il faut rappeler que notre pays importe la quasi-totalité des énergies fossiles qu'il consomme, pour un montant supérieur à 45 milliards d'euros, à peu près égal, en 2010, au déficit de notre balance des paiements. Pourtant, grâce à la production électronucléaire, notre taux d'indépendance énergétique est proche de 50 %. Nos approvisionnements en uranium, limités annuellement à 8 000 tonnes et à un coût de 200 millions d'euros, sont sécurisés par leur provenance depuis plusieurs régions du monde. De plus, le retraitement des combustibles usés à La Hague permet d'assurer près du cinquième de l'approvisionnement annuel de nos réacteurs. Notre indépendance énergétique se trouve donc confortée par l'autonomie technologique de notre industrie nucléaire, qui maîtrise tous les procédés qu'elle utilise.
La troisième priorité est la préservation du développement de notre tissu économique et industriel par une énergie peu chère et de qualité. Les chocs pétroliers ont démontré que la disponibilité en énergie constitue une composante essentielle de la croissance économique. L'énergie nucléaire, avec son coût de production à la fois bas et stable, a fourni une assise de long terme à la croissance en France. Cet avantage de coût est illustré par une étude récente de l'Union française de l'électricité qui montre qu'une réduction de 75 % à 20 % du parc nucléaire aboutirait à l'horizon 2030 à un quasi doublement du prix de l'électricité pour les particuliers comme pour les entreprises. Cet avantage en termes de coût permet aussi d'éviter que nombre de nos concitoyens à faibles revenus ne tombent dans la précarité énergétique du fait des à-coups des marchés énergétiques mondiaux. Il permet enfin d'éviter les risques de délocalisation d'activités et de destruction de PME que pourrait provoquer la délivrance d'une énergie moins fiable et plus chère. Au Japon, l'organisation patronale, qui comprend des industries électro-intensives, nous a fait part de son désarroi face à la pénurie d'électricité liée à l'arrêt progressif, mais inexorable, de l'ensemble des centrales nucléaires.
La quatrième priorité est la neutralité environnementale de notre outil de production électrique. Dans le contexte international de lutte contre le changement climatique, le recours à l'énergie nucléaire présente l'atout incontestable de délivrer une puissance considérable sans émettre de gaz carbonique, sauf celui résultant de l'utilisation d'énergies fossiles dans certaines phases du cycle du combustible nucléaire (extraction de l'uranium, préparation du combustible, transports). Les données fournies par l'Agence internationale de l'énergie sur les émissions de CO2 par pays montrent que la France, avec 90 grammes par kWh, est globalement mieux placée que le Danemark avec 303 grammes par kWh, et surtout que l'Allemagne, qui émet 430 grammes par kWh. Pour produire une unité de produit intérieur brut, la France diffuse deux fois moins de CO2 que l'Allemagne.
À cet égard, il faut souligner ce que serait la situation de la France si une décision comparable à celle prise en Allemagne y était mise en oeuvre : ne disposant pas de ressources en charbon analogues dans son sous-sol, elle ne pourrait qu'accroître massivement ses importations de gaz, avec des conséquences lourdes en termes de balance des paiements et d'indépendance énergétique. Quand nous nous sommes rendus dans ce pays, les Allemands nous ont incités à ne pas arrêter nos centrales pour acheter de gros volumes de gaz, car cela ferait augmenter considérablement les prix.
Le développement à grande échelle d'énergies renouvelables intermittentes, sans percée technologique sur les moyens de stockage, impliquerait automatiquement une augmentation de la part des sources fossiles dans la production électrique. Cet accroissement de la dépendance de notre pays aux énergies fossiles étrangères serait préjudiciable pour trois raisons.
Tout d'abord pour des questions géostratégiques. En effet, un accroissement de notre approvisionnement en ressources fossiles étrangères constituerait un élément d'instabilité supplémentaire dans une période déjà particulièrement volatile. Ne disposant ni de gaz ni de charbon, nous serions alors à la merci des soubresauts des marchés énergétiques.
De plus, une telle augmentation de notre dépendance envers les ressources fossiles est, sur le moyen et long terme, un non-sens économique. Les réserves d'énergies fossiles, qu'elles soient de pétrole, de charbon, ou de gaz, sont des réserves finies alors que la croissance de la demande mondiale est exponentielle et que les réserves les plus facilement accessibles sont les premières à avoir été mises en exploitation.
Enfin, le retour à une part plus importante d'énergies fossiles est également peu souhaitable pour des raisons environnementales. La consommation d'énergies fossiles carbonées telles que le gaz ou le charbon sont à l'origine de l'augmentation de la concentration en gaz à effet de serre, les possibilités techniques de capture et de stockage du CO2 n'étant que balbutiantes et avec un impact environnemental incertain.
Nous considérons donc qu'il serait irresponsable de réorienter nos capacités de production électrique vers du thermique à flamme afin de pallier l'intermittence d'un parc renouvelable développé dans la précipitation. Le maintien du parc thermique à son niveau actuel est adéquat pour permettre un développement raisonné des énergies intermittentes, en attendant les solutions industrielles de stockage d'électricité, tout en agissant de manière déterminé pour maîtriser la pointe électrique.
Je vais à présent laisser la parole à Bruno Sido qui va justement évoquer les développements qui restent nécessaires dans le domaine du stockage et des réseaux intelligents pour permettre aux énergies renouvelables de se substituer aux énergies fossiles ou à l'énergie nucléaire pour la production d'électricité.
Le degré de maturation des technologies d'exploitation des énergies renouvelables ne permet aujourd'hui d'envisager qu'une substitution limitée à l'énergie nucléaire. La substituabilité de ces deux types d'énergie pourrait toutefois s'accroître, à l'avenir, à condition de progresser dans deux directions : d'une part, la mise en place de réseaux intelligents ; d'autre part, le stockage de l'énergie.
Tout d'abord, les énergies renouvelables rencontrent plusieurs freins à leur développement.
Malgré un effort de recherche important, elles rencontrent toujours des obstacles technologiques, et connaissent des degrés de maturité divers. Les filières matures (hydroélectricité, éolien terrestre) ont un coût moins élevé que les technologies en développement (telles que le solaire photovoltaïque, la géothermie, l'éolien en mer). Même si certaines technologies progressent et que leur coût décroît très rapidement, il n'en faudra pas moins quelques décennies pour développer de véritables filières industrielles.
Par ailleurs, l'approvisionnement en matières premières, notamment en métaux rares, peut représenter à terme une contrainte.
Les infrastructures posent aussi des questions d'acceptabilité sociale et de conflits d'usage de la ressource. On le voit par exemple dans le cas des éoliennes marines, en raison de la proximité d'activités de pêche et de tourisme. Le déploiement des énergies renouvelables passe par une large concertation avec les acteurs locaux.
Ensuite, la déconnexion entre lieux de production et lieux de consommation rendrait problématique un développement massif et rapide des infrastructures d'exploitation d'énergies renouvelables. Celles-ci sont en effet implantées en fonction de la géographie et du climat. C'est le cas des énergies de la mer, de la géothermie, de la ressource hydroélectrique, qui satisfont des besoins de proximité. Bien que le vent et le soleil soient plus répandus, leurs moyens de production demeurent très concentrés et largement déconnectés des lieux de consommation. Cette situation implique de développer les réseaux, pour améliorer l'acheminement de l'électricité. La question n'est pas accessoire, car les délais de construction de lignes à très haute tension sont d'environ dix ans, très supérieurs aux délais de mise en route des infrastructures, qui sont de trois à quatre ans.
Au problème de l'acheminement s'ajoute celui de l'intermittence, qui entraîne une production fluctuante, c'est-à-dire un risque de pénurie ou, au contraire, de congestion. Certes, une compensation partielle peut être assurée à l'échelle d'un territoire, par un effet de moyenne qui permet de lisser la production globale. Mais ce mécanisme, dit de « foisonnement », est insuffisant car il est lui-même aléatoire. La production demeure difficilement prévisible, même au niveau agrégé d'un pays. Quand bien même la prévisibilité serait accrue, cela ne résoudrait pas complètement le problème du décalage entre production et consommation. Le risque est de devoir interrompre l'approvisionnement électrique, ou, au contraire, d'être dans l'obligation d'arrêter les moyens de production. L'Allemagne et le Royaume-Uni ont ainsi fait l'expérience d'arrêts forcés de leurs éoliennes. Le risque de décalage est encore plus évident dans le cas de l'utilisation d'énergie solaire puisque celle-ci fonctionne mieux l'été et le jour, alors qu'en France, le pic de consommation se situe l'hiver en soirée.
L'intégration des énergies éolienne et solaire dans le système électrique suppose donc l'existence de sources de secours rapidement mobilisables, pour compenser les fluctuations de production.
Or les centrales à énergies fossiles sont les équipements susceptibles de monter le plus rapidement en charge et sont utilisées en priorité pour compléter l'apport des énergies renouvelables. C'est le cas en Allemagne, où l'on constate un effort d'investissement dans des centrales au gaz à cycle combiné de dernière génération, caractérisées par un fort rendement et une grande flexibilité. On le voit, l'essor des énergies renouvelables est susceptible de s'accompagner paradoxalement d'un surcroît d'émission de gaz à effet de serre.
Dans un pays qui tire l'essentiel de son électricité de l'énergie nucléaire, comme la France, l'intérêt de développer les technologies de gestion de l'intermittence est grand, si l'on veut éviter que le développement des énergies renouvelables ne s'accompagne d'un recours à des capacités supplémentaires de centrales thermiques à flamme.
Quelles sont donc ces technologies de gestion de l'intermittence ?
En premier lieu, grâce aux technologies de l'information et de la communication, les réseaux « intelligents » peuvent contribuer à compenser les fluctuations dans la fourniture d'électricité. De nombreuses expérimentations sont en cours. En France, elles s'appuient sur le compteur Linky, qui dote les réseaux d'une capacité de pilotage très fin ; le Gouvernement en a d'ores et déjà décidé la généralisation.
Les réseaux « intelligents » visent à une optimisation des flux électriques entre clients et producteurs, avec des modulations possibles en fonction des besoins et de la tarification. Les expérimentations en cours permettront d'évaluer jusqu'à quel point ces dispositifs sont susceptibles d'absorber l'intermittence des sources décentralisées d'énergies renouvelables. Il ne faut toutefois pas en attendre de miracle : les réseaux « intelligents » permettront certes d'étendre, à production centralisée constante, la capacité d'adaptation à des fluctuations d'approvisionnement d'ampleur limitée, mais pas de s'affranchir d'un appel à des centrales thermiques à flamme ou à des dispositifs de stockage massifs, lorsque les variations d'ampleur deviennent plus importantes.
C'est pourquoi il faut engager dès à présent un effort de recherche et développement soutenu dans le domaine des dispositifs de stockage d'énergie. Les auditions réalisées ont permis de faire le point sur deux pistes qui paraissent bien adaptées pour répondre à des besoins de stockage massif d'énergie.
D'une part, les stations de transfert d'énergie par pompage (STEP), qui retiennent l'eau dans des réservoirs pour la déverser le moment voulu dans des turbines. Elles sont capables de délivrer des puissances de plusieurs gigawatts. Ce type d'infrastructure est particulièrement utile dans des contextes insulaires, non interconnectés, où le taux d'insertion des énergies renouvelables est volontairement limité, malgré un potentiel parfois considérable, afin d'assurer la sécurité d'approvisionnement. L'utilisation du dénivelé des falaises permettrait de développer le stockage et donc d'insérer davantage d'énergies renouvelables dans le bouquet électrique de ces zones. Il n'existe aujourd'hui qu'une seule STEP marine au monde, à Okinawa (Japon), mais un consortium français piloté par EDF étudie un projet de même nature en Guadeloupe, dans le cadre des investissements d'avenir.
D'autre part, le stockage d'énergie dans des hydrocarbures de synthèse est une piste qui présenterait le triple avantage de résoudre la question de l'intermittence, de permettre un recyclage du carbone, et de sécuriser l'approvisionnement énergétique des pays qui en maîtriseront la technologie. Plusieurs procédés sont à l'étude, notamment celui dit de « méthanation », qui consiste à produire du méthane par un mélange d'hydrogène et de gaz carbonique en présence d'un catalyseur. Le gaz obtenu peut être stocké ou distribué sur le réseau. La France doit s'engager, comme le fait l'Allemagne, dans cette voie d'avenir qui intéressera aussi les pays émergents fortement émetteurs de CO2.
Christian Bataille va maintenant vous présenter les différents scénarios évoqués dans le rapport.
Je voudrais souligner en préambule la difficulté qu'ont les élus à réfléchir sur l'énergie. Alors que le temps politique est de cinq ou six ans pour un parlementaire, elle est de cinquante ans en matière énergétique, notamment nucléaire. Il est donc difficile de faire des propositions ; or nous ne sommes qu'au milieu du temps nucléaire. L'époque du charbon, pour sa part, a duré deux siècles à deux siècles et demi.
Bien que l'exercice soit difficile, nous avons souhaité analyser trois scénarios possibles pour l'avenir de la production électrique dans notre pays.
Le premier scénario consisterait à camper sur notre acquis dans la filière nucléaire, en prolongeant la durée de vie des réacteurs existants puis en les remplaçant progressivement par des modèles de troisième génération. Ce scénario est défendu par les industriels, mais cet immobilisme risquerait de nous exposer au syndrome japonais en nous contraignant, en cas d'accident, à une sortie accélérée du nucléaire.
Le deuxième scénario consisterait en une sortie totale, en cédant à l'impression que le temps politique est le même que le temps énergétique, et en faisant abstraction des réalités industrielles et économiques. Nous avons donc cherché à évaluer les conséquences d'une sortie précipitée de la filière nucléaire.
Celle-ci reviendrait à devoir gérer l'impact d'une perte de 450 TWh de production électrique au regard de notre consommation qui est de 500 TWh.
À cette fin, trois solutions pourraient se combiner : la restriction de la consommation, selon le degré d'acceptation sociale de 0 à 450 TWh, des importations plus ou moins massives de gaz ou encore d'électricité. Ces deux dernières mesures seraient susceptibles d'alourdir le déficit de notre balance commerciale de 25 milliards d'euros, sinon plus si la tension provoquée sur les marchés poussait les prix d'importation à la hausse.
Une telle sortie accélérée du nucléaire induirait aussi des pertes économiques sévères: 400 000 emplois directs et indirects de la filière nucléaire, des faillites et des délocalisations des entreprises victimes du surenchérissement et de la dégradation de la qualité de l'électricité, au premier chef les industries électro-intensives, et enfin l'arrêt des recherches sur la transmutation des déchets. À ces pertes, il faudrait ajouter des coûts d'ajustement, correspondant au démantèlement anticipé des 59 réacteurs en activité et des installations aval et amont de la filière, à hauteur de dizaines de milliards d'euros, ainsi que la nécessité de création d'une capacité de 63 GW de production à flamme, représentant quelques 60 milliards d'euros et d'une capacité de production d'énergie renouvelable, qui représenterait 30 % du parc thermique, pour un investissement de l'ordre de 150 milliards d'euros sur 50 ans, en comptant les renouvellements des équipements (éoliennes, panneaux solaires) en fin de vie.
Enfin, nos émissions de CO2 passeraient de 90 à 210 grammes par kWh, ce qui correspond à un doublement des émissions du secteur de l'énergie.
Le troisième scénario, celui d'une trajectoire raisonnée, correspond aux données que nous a exposées Bruno Sido concernant la maturation des technologies de stockage d'énergie.
En prenant en considération le délai indispensable pour passer du concept scientifique à la maturité industrielle et le besoin de caler le bouquet d'approvisionnement électrique sur un socle énergétique solide, on peut estimer que les énergies renouvelables ne pourront prendre une place véritablement conséquente au sein du bouquet énergétique qu'au terme d'un long processus.
On peut donc estimer que la période s'étendant jusqu'au milieu du vingt-et-unième siècle devrait voir se déployer progressivement, dans des conditions de coûts de plus en plus favorables, à la fois les énergies renouvelables et les réacteurs de troisième génération.
Le remplacement en fin de vie des centrales nucléaires actuelles pourrait se faire au rythme d'un réacteur sur deux, au bénéfice exclusif de la technologie des EPR ; nous faisons l'hypothèse que l'arrivée en fin de vie serait prononcée en moyenne au moment de la cinquième visite décennale, sous réserve de la décision de l'Autorité de sûreté nucléaire. Je crois en effet qu'il n'appartient pas à l'autorité politique de fixer les conditions techniques de bon fonctionnement des réacteurs nucléaires : l'autorité politique décide du lancement des programmes et le suivi revient à l'Autorité de sûreté nucléaire.
On obtiendrait ainsi en 2036 une production d'électricité nucléaire équivalente à moins des deux tiers de la production totale d'électricité d'aujourd'hui, avec une vingtaine d'EPR. En poursuivant à ce rythme jusqu'en 2052, année du cinquantième anniversaire des deux derniers réacteurs mis en service en France, ceux de Civeaux en 2002, la part de production nucléaire dans l'électricité, grâce aux progrès parallèles des technologies de stockage intersaisonnier d'énergie, pourrait être abaissée vers 50 à 60 % de la production totale actuelle, avec une trentaine d'EPR.
Ce scénario permettrait de conserver les avantages d'une filière nucléaire dynamique : un parc plus sûr, grâce aux EPR, le maintien de nos compétences d'ingénierie, grâce aux constructions de réacteurs, le maintien de notre crédibilité à l'exportation, par l'entretien d'un parc français conséquent, ainsi que la poursuite des recherches intéressant la transmutation des déchets.
Le remplacement des derniers réacteurs de deuxième génération, vers 2050, par des EPR serait concomitant avec les premières mises en chantier des réacteurs « rapides » de quatrième génération, appelées à s'intensifier dans la seconde partie du siècle. Notamment, les EPR parvenus en fin de vie au bout de 60 ans pourraient être remplacés par des réacteurs « rapides », au rythme d'un sur deux eux aussi.
La « trajectoire raisonnée » proposée, en prenant en considération le délai « historiquement plausible » de maturation industrielle des solutions technologiques dans le secteur de l'énergie, ramènerait l'énergie nucléaire à 50 ou 60 % de la production totale actuelle vers 2050, et peut-être à 30 % vers 2100.
À la fin du siècle, ce parc réduit serait alors constitué majoritairement de réacteurs « rapides », qui serviraient de socle pour tout le système de production d'électricité, notamment pour alimenter les dispositifs de stockage d'énergie qui permettront l'exploitation sans intermittence des énergies renouvelables. Nos stocks d'uranium appauvri et de plutonium constitués grâce à notre maîtrise du cycle du combustible, notamment à travers le retraitement effectué à la Hague, seraient alors une sorte de réserve énergétique pour notre pays, équivalente à celle que procurent à l'Allemagne ses 350 ans de réserve de lignite.
La filière nucléaire doit continuer à jouer un rôle, complémentaire à celui des autres technologies, car celles-ci ne pourront s'y substituer qu'au fur et à mesure de leur maturation. Il serait hasardeux de remettre en cause brutalement une filière qui constitue l'un de nos fleurons industriels, puisqu'elle représente 410 000 emplois directs et indirects, contribue à la compétitivité de notre territoire et accroît le dynamisme de nos exportations.
Du reste, les circonstances peuvent commander de s'adapter : Areva ne vient-elle pas de faire savoir que les Allemands, du fait de la vague de froid, ont redémarré des centrales nucléaires qu'ils gardaient en réserve ?
C'est faux ! Le ministère allemand de l'énergie a publié un communiqué indiquant qu'il s'agit là d'une rumeur ! J'ignorais qu'Areva la relayait, mais dans le fond, cela ne m'étonne guère...
L'arrêt total ou partiel de l'activité nucléaire risquerait de déstabiliser l'organisation mise en place en France, et de remettre en cause une expertise aujourd'hui reconnue au plan international.
Tout d'abord, la dynamique de sûreté ne peut s'envisager que dans une recherche permanente de perfectionnement. L'annonce d'une sortie de l'énergie nucléaire pourrait contribuer, paradoxalement, à accroître les risques par son effet sur les investissements physiques et sur le savoir-faire acquis et transmis par le personnel. Qui souhaiterait investir ou s'engager dans une filière sans avenir ?
Plus généralement, une démobilisation des chercheurs et des industriels ferait reculer notre position concurrentielle dans cette industrie de pointe, avec des effets immédiats sur l'attractivité de l'EPR, pourtant en cours de développement dans plusieurs pays.
Ensuite, l'arrêt des centrales nucléaires mettrait en cause l'organisation de la gestion des matières et déchets radioactifs, mise en place par les lois de 1991 et 2006. Les centres existants n'ont pas les capacités suffisantes pour traiter les déchets dont le volume s'accroîtrait immanquablement avec les démantèlements et un abandon du retraitement. À ces difficultés s'ajouterait celle du déclassement en déchets de quantités élevées de matières valorisables, telles que l'uranium appauvri ou le plutonium. Ces dernières sont actuellement considérées comme réutilisables, soit sous forme de Mox pour les réacteurs de deuxième et troisième génération, soit, à l'avenir, comme combustible pour les réacteurs de quatrième génération.
La France dispose d'atouts certains sur les générateurs de quatrième génération, parce qu'elle accumule des stocks de matières valorisables, sources d'indépendance énergétique, et parce qu'elle participe à plusieurs programmes internationaux de recherche dans le cadre du forum international « génération IV ». Elle développe son propre projet de réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium, ASTRID, destiné à prouver la faisabilité industrielle de ce type de réacteur. Il serait très dommageable d'abandonner cette voie, qui nous permet d'exploiter pleinement nos atouts.
Nous ne possédons pas, comme l'Allemagne, des réserves de charbon pour 350 ans ; en revanche nous disposons d'un stock de matières valorisables, uranium appauvri et plutonium, d'environ 300 tonnes à ce jour pour ce dernier. Les calculs qui nous ont été présentés montrent que nous aurons juste ce qu'il faut de plutonium, produit par les réacteurs de deuxième et troisième génération, pour alimenter le premier chargement des réacteurs rapides, étant entendu que ces réacteurs ne consomment plus ensuite de plutonium puisque celui-ci est régénéré.
Enfin, selon les personnes que nous avons auditionnées, ASTRID sera bien un réacteur de type nouveau, y compris en termes de sûreté. Des recherches sont en cours pour éviter tout risque de fonte du coeur nucléaire, sachant que le temps d'intervention sur ce type de réacteur est considérable, par rapport à ce qu'il est sur un réacteur à eau, en raison de l'inertie de la capacité thermique du sodium. Ensuite, le circuit de refroidissement serait conçu pour minimiser le risque de réaction sodium-eau. Ces recherches devront permettre, pour les réacteurs de génération IV, un niveau de sûreté au moins équivalent, sinon supérieur, à ceux de troisième génération, ce qui est bien évidemment la condition sine qua non de leur développement.
Je remercie les deux rapporteurs pour leur engagement au cours de ces sept mois assez intenses qu'a duré la mission. L'accident de Fukushima, et la saisine qui nous a été transmise dans la foulée en mars par les présidents de nos deux assemblées a précédé pratiquement de neuf mois la remise du rapport final de la mission, mais il faut en retirer les deux mois d'été qui nous privent habituellement d'interlocuteurs, et nous permettent aussi de souffler un peu.
D'un commun accord, les rapporteurs ont décidé, compte tenu de la tension du climat politique, de ne pas formuler explicitement des recommandations dans le rapport final. J'observerai néanmoins que ce rapport fourmille d'idées fortes, la principale étant qu'on ne peut pas abaisser arbitrairement la part d'énergie nucléaire dans notre électricité sans disposer de solutions de remplacement véritablement équivalentes du point de vue du coût, de la lutte contre l'effet de serre, de la préservation de l'indépendance nationale et de l'emploi.
Le rapport souligne également l'importance des économies d'énergie, notamment pour compenser la croissance des besoins liée aux évolutions technologiques et aux loisirs numériques. Ils insistent, encore, sur les marges de progression dans l'efficacité énergétique des bâtiments : pour que la performance énergétique soit mesurée de façon transparente, ils appellent à la création d'une agence de régulation, sur le modèle de l'ARCEP - qui a compté dans le succès des communications électroniques. Il faudrait, pour bien faire, associer dans cette autorité un éventail large d'acteurs - je pense à la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), au Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME).
L'OPECST a étudié la question de la réglementation thermique 2012 : nous sommes entrés dans le détail des techniques de construction, il le fallait, tant les professionnels nous disaient de ne toucher à rien, ou bien nous aurions menacé l'ensemble de leur secteur économique. Nous avons tenu bon, en particulier pour que soit prise en compte la seule mesure faite après les travaux pour la labellisation, et pour souligner les mérites de la ventilation à double flux, seule garantie de la basse consommation.
Les économies d'énergie sont cruciales, c'est ce qu'a reconnu la commission Énergie 2050 dans le rapport qu'elle vient de remettre au ministre de l'énergie.
Quelques mots sur l'épisode de grand froid que nous venons de vivre : l'Allemagne, comme je l'entends ici ou là, n'est pas « venue au secours de la France » - dans les deux pics des 7 et 8 février, nous n'avons importé d'outre-Rhin qu'un nombre limité de mégawatts, sur les 100 500 que nous avons consommés et qui provenaient pour l'essentiel du nucléaire. Il faut rétablir la mesure des réalités.
Je vous félicite, rapporteurs comme président, pour l'excellence de votre travail et je soutiens pleinement votre option pour le troisième scénario que vous nous avez exposé.
Sur la question de la sécurité des centrales, je me félicite que vous insistiez sur le problème de la maintenance, qui est trop souvent confiée à des sous-traitants dans des conditions qui peuvent ne pas être optimales : nous avons des progrès à faire en la matière, merci de l'avoir souligné.
J'apprécie également votre souplesse en ce qui me concerne la durée de vie des centrales : les cinquante ans ne sont pas un dogme, cette durée peut être écourtée ou allongée - aux États-Unis, on va jusqu'à 60 ans - selon ce qu'en dira l'autorité de sûreté, qui est la plus compétente en la matière et qui, par son sérieux, mérite toute notre confiance.
Le remplacement des centrales actuelles par des EPR nécessite un effort financier. Le coût des EPR est plus élevé que prévu, les causes en sont nombreuses, et parmi elles les dépenses de génie civil : nous avons perdu de notre performance en la matière, il suffit de voir ce que font nos concurrents pour s'en convaincre. Nous devons faire des progrès également en matière de stockage, tout comme sur les réseaux intelligents. Je ne m'explique pas, en particulier, pourquoi, alors que tous les obstacles administratifs sont levés, ERDF ne lance toujours pas son appel d'offres pour le compteur « Linky ».
Vous avez évoqué une « trajectoire raisonnée » de la filière nucléaire, reposant sur la vitesse de maturation des énergies renouvelables. Je rappelle cependant que certaines de ces énergies sont déjà arrivées à maturation. Il y a donc un manque de volonté politique pour soutenir leur développement, ainsi que pour favoriser la sobriété énergétique.
S'agissant du stockage de l'électricité, qui constitue une réponse au problème de l'intermittence des énergies renouvelables, où en est-on du stockage dans les hydrocarbures de synthèse par fixation de l'hydrogène obtenu par électrolyse ? Par ailleurs, qu'attendez-vous précisément de l'Agence de régulation que vous souhaitez mettre en place, qui serait calquée sur l'ARCEP ?
L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a remis au Premier ministre son audit sur la sécurité des centrales nucléaires. Si elle juge le niveau de sûreté des installations satisfaisant, elle considère que des travaux et des études doivent être engagés rapidement en matière de robustesse. Je rejoins Ladislas Poniatowski : la question de la sous-traitance est essentielle. Quelles sont vos recommandations en la matière ?
Merci aux rapporteurs. Avez-vous établi une comparaison des coûts entre les différents types d'énergie ? Beaucoup d'eau est nécessaire pour refroidir les centrales nucléaires : pourrait-il être réaliste de stocker cette eau et de l'utiliser pour produire de l'énergie hydraulique ? On m'a enfin alerté sur un numéro de « Sciences et vie » de novembre dernier, qui évoquait les réacteurs au thorium : est-ce que ce type de réacteurs constitue une filière d'avenir ?
S'agissant de la maintenance, c'est la sous-traitance en cascade qui pose problème : comment assurer un réel contrôle dans ces conditions ? EDF est ainsi incapable de communiquer le nombre de sous-traitants travaillant dans une centrale un jour donné. Je rappelle cependant qu'EDF recourt à la sous-traitance suite à de graves incidents qui ont eu lieu lorsque la maintenance était opérée par ses propres agents.
S'agissant des compteurs intelligents Linky, je m'interroge : ne s'agit-il pas du « minitel de l'énergie » ? D'autres projets plus ambitieux sont en effet aujourd'hui à l'étude.
S'agissant de l'Agence de régulation, je vous invite à lire les réponses de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) figurant dans le rapport. Elles sont révélatrices. S'agissant enfin des STEP, elles peuvent constituer un complément aux énergies renouvelables.
S'agissant des énergies renouvelables, les STEP en bordure de mer ne sont pas encore au point aujourd'hui, même si des stations expérimentales existent. D'autres technologies émergentes, encore peu connues, existent. Dans une ou deux générations, l'émergence massive de ces énergies renouvelables et un effort d'économie d'énergie par la généralisation des bâtiments basse consommation (BBC) pourront être atteints. Ceci explique le scénario progressif que nous vous avons présenté.
S'agissant des centrales allemandes, il est vrai que l'Allemagne a redémarré, pendant la période récente, de vieilles centrales au charbon. Nous avons cependant visité près de Stuttgart une centrale nucléaire arrêtée récemment mais qui est maintenue en l'état, pour être éventuellement remise en fonction. Au Japon, les centrales sont arrêtées, mais certaines ont fait l'objet d'investissements lourds : elles sont donc prêtes à redémarrer, une fois qu'elles auront obtenu les autorisations administratives.
S'agissant du thorium, il figure dans le programme « génération IV » au même titre que le sodium ou les réacteurs refroidis au plomb ou à l'hélium.
Il faut bien avoir à l'esprit que l'avenir des énergies renouvelables intermittentes passe par le stockage. Cela suppose également des moyens de transport d'électricité, notamment des réseaux très haute tension.
Il est amusant de constater que la contribution de l'énergie nucléaire à la lutte contre le réchauffement climatique constitue un argument supplémentaire qui vient renforcer l'arsenal d'arguments plus anciens en faveur de l'énergie nucléaire en France. Pour autant, lier le nucléaire et la lutte contre le réchauffement climatique n'est pas totalement pertinent, car la question du réchauffement climatique se joue au niveau mondial. À ce niveau, l'énergie nucléaire représente moins de 5 % de l'énergie finale et 13 % de l'électricité mondiale. Or, personne n'imagine que la part du nucléaire dans l'énergie mondiale puisse croître, en tout cas en allant au-delà de l'accompagnement de la croissance de la consommation d'électricité. Il est certain que le nucléaire ne pourra pas croître à proportion de la réduction nécessaire des énergies fossiles au niveau mondial. Il existe deux raisons à cela. La première tient à ce que la technologie nucléaire se heurte aux limites des réserves d'uranium. La seconde tient à ce que cette technologie ne peut pas être vendue à n'importe qui : elle n'est acceptable que s'il y a transparence, indépendance d'une autorité de sûreté nucléaire - ce qui n'est pas le cas de l'Inde aujourd'hui - et s'il existe un haut niveau de protection civile, supposant un niveau de développement élevé.
En deuxième lieu, j'estime qu'il est réducteur de réduire le monde à deux catégories : les pro-nucléaire et les anti-nucléaire. Le débat est plus subtil. Il repose sur une question fondamentale : le nucléaire est-il une énergie d'avenir ou une énergie de transition ? Si c'est une énergie de transition, ce qui est le cas de pratiquement de toutes les énergies, à l'exception des énergies renouvelables, il faut alors penser l'après-nucléaire. Ce débat revêt une dimension technique mais aussi une dimension idéologique et économique. En effet, la spécificité française du nucléaire correspond à un modèle économique peu favorable aux énergies renouvelables. En France, depuis les années 1970, c'est l'offre d'énergie qui a déterminé la demande : ainsi, on a installé partout du chauffage électrique car on avait besoin de produire de l'électricité pour faire tourner l'appareil industriel. Les opérateurs qui ont un modèle économique fondé sur une consommation et une production élevées sont-ils les mieux à même de nous conduire vers la sobriété énergétique ? Par ailleurs, pour développer l'énergie renouvelable, nous avons besoin d'un modèle déconcentré et diversifié. Là encore, ce modèle est-il compatible avec les intérêts des opérateurs et constructeurs qui ont aujourd'hui la mainmise sur la politique énergétique de la France ?
Je voudrais saluer les auteurs du rapport de l'OPECST sur l'avenir de la filière nucléaire, que j'ai trouvé excellent et que j'ai voté. Comme Christian Bataille, j'estime que le temps politique est différent du temps de l'énergie. C'est d'ailleurs la première chose qu'a dite Christophe de Margerie devant le groupe d'études sénatorial de l'énergie il y a quelques jours. Les transitions énergétiques s'inscrivent dans le temps long : on ne sort pas du nucléaire en un claquement de doigts et dire que le politique peut tout en matière énergétique est faux.
Je me félicite qu'on ait un débat apaisé aujourd'hui sur la question nucléaire et souhaite que dans les deux mois qui viennent, nous sortions des mensonges et outrances des dernières semaines. Je regrette la manière dont le Président de la République a abordé cette question lors de sa visite dans les locaux d'Areva au Tricastin. Sur le nucléaire, nous nous posons tous des questions. Il n'y a pas d'un côté les pro-nucléaire et d'un autre les anti-nucléaire, mais un débat sur les orientations à prendre. Pour ma part, je pense que notre pays a besoin de conforter une énergie nucléaire forte.
Nous le répétons partout, la position des socialistes dans l'élection présidentielle consiste à refuser la sortie du nucléaire et à conforter une filière forte. Trois points sont essentiels : le premier concerne la sous-traitance. Pour ma part, je souhaite l'interdiction de la sous-traitance en cascade, dans le souci d'assurer la sûreté du nucléaire. Le deuxième point concerne la sobriété énergétique, qui est indispensable. Le troisième point concerne la transformation de notre « mix énergétique ». On ne peut pas sortir du nucléaire. Il faut donc poursuivre la recherche, construire des EPR, mais peut-être aussi des centrales de moindre capacité comme les ATMEA, pour remplacer nos anciennes centrales. Mais toute cette stratégie doit s'appuyer sur les avis de l'Autorité de sûreté nucléaire. Enfin, nous savons que d'ici 20 à 30 ans, il faudra fermer certaines centrales. Aujourd'hui, nous démantelons l'usine Eurodif. Le débat public est difficile sur ce point. Or, nous avons besoin de ne pas rater la mise en place dès aujourd'hui d'une filière de démantèlement, dotée des formations adéquates, et s'appuyant sur les outils industriels adaptés. Ne rééditons pas nos erreurs de stratégie industrielle commises en matière d'énergies renouvelables, en laissant le solaire à la Chine et les éoliennes à l'Allemagne.
Lorsqu'on parle des anciennes centrales nucléaires, il faut certes faire confiance à l'Autorité de sûreté nucléaire mais les politiques ne doivent pas se dessaisir du sujet, qui concerne la sécurité de nos concitoyens. La sobriété énergétique constitue un objectif partagé mais sera-t-elle tenable si nous nous engageons dans la voie de la ré-industrialisation de notre pays ? Enfin, l'intermittence constitue un sujet délicat : seule la méthanisation agricole, d'une ampleur modeste, constitue une énergie dont la production peut être régulée à la demande, et qui est acceptable par nos concitoyens.
La méthanisation ne pourra représenter qu'une part infime de la production d'énergie ...
En matière énergétique, il faut se garder de changer de position à l'occasion de chaque nouvelle échéance électorale. J'ai vécu la remise en cause dans la Vienne du projet d'enfouissement de déchets nucléaires. L'Autorité de sûreté nucléaire joue un rôle essentiel qui doit être conforté. Une mission d'évaluation a été mise en place pour connaître les coûts du nucléaire. Je souhaiterais aussi connaître les coûts des autres énergies, à efficacité énergétique égale.
Depuis 1990, j'ai produit de nombreuses études pour l'OPECST, en particulier sur les questions énergétiques. Jamais ces rapports n'ont défendu le nucléaire comme solution universelle. Je l'ai rappelé lors d'une visite récente au Bangladesh. Le monde ne peut être couvert de centrales nucléaires : il est nécessaire de disposer d'une infrastructure scientifique et technologique de haut niveau, avec une autorité de sûreté indépendante.
La lutte contre le réchauffement climatique ne marchera que si tous les pays du monde y contribuent : c'est la juxtaposition des efforts de tous les pays dans le même sens qui produira des effets, et il faut que chacun se sente concerné. Naturellement, la sobriété énergétique est nécessaire. N'oublions pas aussi que dans le monde, la question énergétique est liée à celle de la précarité et de la pauvreté. Il est nécessaire, comme le rappelait le regretté Patrick Jourde, de lancer des énergies renouvelables comme le solaire à bas coûts, pour que les pays les plus pauvres y aient accès.
Les rôles du politique et des scientifiques doivent être parfaitement définis. Le professeur Pellerin a servi de paratonnerre aux politiques, ce qui n'est plus acceptable.
Constatons d'abord qu'à l'échelle mondiale, le nucléaire représente une part faible de l'énergie totale. Le rapport de l'OPECST concerne cependant surtout la France où le choix nucléaire, ancien, pèse fortement.
À l'évidence, il est imprudent de vouloir développer le nucléaire n'importe où. Mais en ce qui concerne l'Inde, le développement du nucléaire est pertinent car l'Inde offre suffisamment de garanties technologiques et scientifiques.
Concernant la sobriété énergétique, elle est nécessaire si l'on veut stabiliser notre consommation électrique, tout en couvrant les nouveaux usages de l'énergie : automobiles électriques, équipements électroniques qui représentent jusqu'à 15 % de notre consommation.
S'agissant du biogaz, la visite que j'ai effectuée avec Marcel Deneux à Schwandorf, en Bavière, a montré qu'il s'agissait là d'une solution peu satisfaisante, présentant un bilan énergétique presque négatif puisqu'on consomme autant d'énergie qu'on en produit.
Je rappelle qu'il a été décidé de procéder à l'enfouissement des déchets nucléaires à Bure et non plus dans la Vienne. Il faut au demeurant cesser de dire que la filière nucléaire n'a pas de solutions pour la gestion de ses déchets. D'ici à 20 ans, nous aurons une réponse complète, grâce au stockage profond.
Je voudrais ajouter une question sur la méthanisation. Le bilan énergétique de cette technique n'est pas simple, ce qui est vrai également sans doute pour la méthanation. Quelle énergie va-t-on en effet dépenser pour fabriquer l'hydrogène ? Si cette technologie aura pour avantage de refixer du dioxyde de carbone, quel en sera en revanche le bilan énergétique ?
Une expérimentation a eu lieu dans le laboratoire de Sandia au Nouveau-Mexique : on utilise des capteurs solaires concaves qui envoient l'énergie solaire sur une tour.
Je tiens à préciser que les Allemands financent leurs agriculteurs sous prétexte d'un accompagnement de la méthanisation et du photovoltaïque en substitut d'une baisse des subventions de la PAC.
Je tiens également à remercier les rapporteurs pour leur approche rationnelle. Nous sommes en période d'élection présidentielle. Il devrait y avoir des sujets sur lesquels une perspective de réflexion objective et d'unité nationale est possible : les aspects d'indépendance énergétique en font partie. J'ai retenu trois conditions dans ce débat sur l'évolution du nucléaire, qui doivent guider nos choix futurs. La première, c'est le soutien à l'activité économique. La deuxième, c'est l'indépendance énergétique. Et la troisième, c'est la diminution des gaz à effet de serre. Mais il y a eu la catastrophe de Fukushima. Et à ce propos, j'attire votre attention sur la difficulté de concilier le temps politique et une réflexion de fond, d'autant qu'il faut en outre gérer l'émotion et ce qu'on pourrait appeler le « temps médiatique ».
Il me semble que la bonne manière de gérer cela, c'est d'aller vers davantage de transparence, notamment sur les questions de sécurité des centrales ou la sous-traitance en cascade. Sur toutes ces questions, il faut impérativement de la transparence : nos concitoyens doivent avoir l'impression d'avoir en face d'eux des responsables qui leur disent la vérité. Sinon, les responsables politiques que nous sommes ne parviendront pas à s'adresser à l'intelligence des gens mais ne s'adresseront qu'à leurs émotions.
Enfin, dernier point, je voudrais évoquer la question du traitement des déchets. Est-ce que dans ce domaine précis, la recherche a connu des évolutions intéressantes et positives que vous pourriez nous exposer ?
Enfin, le scénario que vous proposez m'apparaît raisonnable et sensé. Ma seule interrogation concerne vos recommandations : pourquoi ne sont-elles pas rendues publiques ?
Peu nombreuses sont les personnes qui défendent encore le « tout nucléaire » et, de la même manière, peu nombreuses sont les personnes qui préconisent un arrêt immédiat du nucléaire. Il convient en revanche de s'entendre, lorsque l'on parle de scénario raisonné, sur ce que l'on entend par « raisonnable ». Lorsque l'on dresse un parallèle avec l'agriculture raisonnée, on se rend compte qu'elle aurait dû faire la part plus belle aux agricultures alternatives. Ma crainte serait qu'on reconnaisse les énergies renouvelables, tout en continuant à mettre fortement l'accent sur le nucléaire. Concernant la recherche, les moyens devraient être beaucoup plus importants sur le bouquet des énergies alternatives. La problématique du stockage devrait en outre être résolue.
Un mot sur l'approche mondiale. L'Inde est déjà équipée : mais est-elle stable dans le temps ? Il est impossible de le savoir, tout comme il est impossible de savoir quel pays sera stable dans trente ans. Un représentant d'AREVA est récemment convenu, lors de nos journées parlementaires, que les pays émergents étaient une source importante de marchés pour exporter les technologies nucléaires. Concernant les coûts, comme y invite le rapport de la Cour des comptes du 31 janvier dernier, il faut évidemment prendre en compte les coûts de démantèlement, les coûts de sécurité, les coûts de gestion des déchets et on constate que le coût réel du Mégawattheure pour une centrale classique passe de 42 à 50 euros et de 70 à 90 euros pour l'EPR. Concernant l'acceptabilité sociale, la question se pose aujourd'hui pour les éoliennes par exemple, mais se l'est-on seulement posée pour le nucléaire ? Par exemple en Bretagne, il ne sera pas possible d'implanter une centrale nucléaire. D'où la nécessité de chercher un bouquet énergétique alternatif sur ce territoire.
Enfin, une phrase dans le condensé de votre rapport m'a fait bondir : « De plus, une décision d'arrêt total ou partiel de l'activité nucléaire risquerait d'affaiblir les dispositifs de sûreté mis en place en France ». Cela revient à dire que si on allait vers une sortie du nucléaire, les efforts seraient relâchés au niveau de la sécurité. Ce paragraphe me semble particulièrement dangereux.
Je voudrais faire plusieurs remarques après avoir également remercié les rapporteurs. Je m'étonne tout d'abord que la sous-traitance en cascade puisse exister d'un point de vue juridique.
Deuxième chose, je souhaiterais savoir où nous en sommes sur le traitement des déchets. Est-ce que enfin, nous allons réussir à les traiter complètement et définitivement ?
Enfin, je comprends mal la notion de « sobriété » énergétique. Que veut-elle dire vraiment ?
Ce rapport est en effet complet et étayé. Mais il ne peut pas se cantonner à la problématique telle qu'elle est définie. Nous venons d'évoquer à l'instant le concept de sobriété énergétique : on a bien compris que pour qu'il y ait un lissage qui s'achemine progressivement vers un moindre recours à l'électricité d'origine nucléaire, il faut qu'il y ait parallèlement une montée en puissance des énergies alternatives, nécessitant des efforts financiers colossaux et ce, au prix également d'une véritable incertitude. Quand on fait une projection sur la sortie du nucléaire à un horizon de quarante ou cinquante ans, j'ai l'impression que dans l'intervalle, on aura fait un saut qualitatif qui risque de disqualifier ce sur quoi nous devons nous déterminer aujourd'hui.
Concernant la sobriété énergétique, pourrait-on faire la compilation des engagements financiers que supposera le schéma proposé dans votre rapport et la mettre en regard avec ce qu'il faudrait pour la renforcer ? Quels efforts seraient-ils nécessaires pour mettre en adéquation l'habitat français, du point de vue du chauffage par exemple, avec l'impératif de sobriété énergétique ? J'ai déjà eu l'occasion de dire qu'un certain nombre de Français peuvent faire le choix de la pompe à chaleur, de la voiture hybride ou encore des énergies alternatives parce qu'ils en ont les moyens. Dans le même temps, certaines personnes vivent dans des habitats sans pouvoir même utiliser, pour des raisons de coût, leurs radiateurs électriques imposés par le propriétaire parce que c'était pour celui-ci la solution la moins chère.
J'aimerais donc qu'on puisse faire un autre rapport sur le coût réel de la remise à niveau de la plus grande partie de l'habitat en France.
Je voudrais féliciter les rapporteurs pour leur pragmatisme, notamment sur les risques par rapport à l'Allemagne ou au Japon. Je suis pour ma part tout à fait favorable à votre proposition de trajectoire raisonnée. Mais, sur chacun des scénarios que vous présentez, il faudrait que l'on puisse connaître le coût exact induit mais également le coût pour l'usager.
Sur le coût, mon cher collègue, je vous recommande de regarder le rapport de l'Union française de l'électricité.
Premier point, je voudrais féliciter pour leur travail les rapporteurs qui ont bien montré qu'il y aura un avant et un après Fukushima. Deuxième point, en matière de nucléaire, je crois qu'il n'est pas possible d'affirmer que le risque est nul, et les Français l'ont compris. L'appel à la sous-traitance de façon systématique et désorganisée pose un problème de sécurité nucléaire qui est au coeur du débat.
Par ailleurs, un scientifique a récemment montré que 50 % de la consommation d'énergie pourrait être épargnée avec une véritable politique d'économie d'énergie. Mais pour les couches populaires, qui recourent au chauffage électrique, cela pose problème. Sur la politique d'économie d'énergie, le bâtiment français est en avance : une vraie politique publique sur ce secteur-là pourrait représenter des centaines de milliers d'emplois.
Dernière chose, nous avons besoin d'un développement inédit des énergies renouvelables. De ce point de vue, l'Allemagne ne doit pas être regardée avec condescendance : elle vient de créer 400 000 emplois dans les énergies renouvelables et pense en créer un million. Elle fait le pari que sa transition énergétique sera réussie sans recourir aux centrales à charbon. En discutant avec des ingénieurs et responsables politiques allemands, on se rend compte que lorsque nous mettons en place chez nous un capteur solaire, ils en mettent en place dix. Il y a des possibilités énormes dans les algues marines, dans la géothermie, l'éolien, la méthanisation ou encore les énergies marines. On aurait tort de sous-estimer des sources d'énergies qui vont être progressivement mises en évidence par la recherche.
Les difficultés de l'entreprise Photowatt ou de la filière solaire qui comptait 25 000 emplois doivent faire réfléchir à la nécessité de « booster » le secteur des énergies renouvelables.
On ne parle pas suffisamment de la géothermie, alors que l'utilisation de l'électricité pour faire du chauffage correspond à une utilisation de l'énergie sous une forme très dégradée : cela me choque. On devrait plutôt imposer, par exemple dans les permis de construire, l'utilisation du solaire thermique.
Des constructeurs allemands proposent de nouvelles chaudières à condensation qui produisent de l'électricité à titre secondaire pour les ménages : c'est dommage que nous restions à côté de cela.
Je m'occupe, dans la Meuse, d'un projet de centrale solaire : c'est un véritable parcours du combattant ! Le projet a été laminé par le moratoire sur le photovoltaïque alors que le projet se veut vertueux. Deux écoles d'ingénieurs de Nancy souhaitent fabriquer un pilote industriel de stockage dans le cadre de notre projet. Je vous informe d'ailleurs que l'industriel allemand Bosch vient de racheter une usine désaffectée en banlieue lyonnaise pour fabriquer des panneaux solaires en France : la filière solaire peut réussir dans notre pays.
Je ne me réjouis pas de la situation en Bretagne. Cette région ne dispose pas d'une boucle complète en très haute tension ; surtout, elle ne produit que 5 % de l'énergie qu'elle consomme : cette région bénéficie de la solidarité des autres régions qui ont accepté de recevoir des installations de production.
S'agissant de la sûreté des installations nucléaires, personne, à l'OPECST, ne prétend que le risque zéro existe. Je rappelle que l'accord en Allemagne avec le gouvernement Schröder prévoyait que, en échange de la limitation de la durée de vie des centrales, il ne serait pas exigé de travaux trop importants pour élever leur niveau de sûreté.
Concernant le bâtiment, la sobriété, c'est aussi une utilisation rationnelle de l'énergie. Pensons par exemple aux ouvertures trop prolongées de fenêtres. La réglementation RT 2012 s'applique aux bâtiments neufs ; la rénovation des bâtiments existants devrait être facilitée par la baisse des coûts.
L'Agence internationale de l'énergie publie les coûts pour les particuliers et les industries dans les pays membres de l'Agence. La matière première compte moins pour l'électricité produite à partir d'uranium que pour celle produite à partir de gaz.
Au sujet enfin du photovoltaïque, il faut d'abord que les technologies soient matures. Une filière industrielle complète doit être créée et l'Institut national de l'énergie solaire doit la faire bénéficier de ses efforts de recherche.
En matière d'énergie comme de défense, les alternances politiques ne doivent pas entraîner de ruptures dans les choix réalisés : les changements de politiques ont nui au nucléaire allemand.
Plusieurs sites ont été proposés pour les déchets, dans la Vienne, dans la Haute-Marne et la Meuse, enfin dans le Gard. C'est le second qui a finalement été choisi. Le projet de Bure avance bien. Pendant ce temps, la recherche se poursuit sur le retraitement poussé des déchets, mais les colis vitrifiés déjà produits devront de toute manière être stockés.
Je vous renvoie aux rapports que nous avons rendus sur ce sujet ; les parlementaires devront, en 2015, discuter d'une loi qui définisse les conditions de la réversibilité du stockage des déchets nucléaires.
Je vous remercie. Je souhaiterais que les rapports de l'OPECST puissent faire à l'avenir l'objet d'une présentation devant notre commission lorsqu'ils comportent des aspects technico-économiques.