Intervention de Henri de Raincourt

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 21 février 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Henri de Raincourt ministre auprès du ministre d'etat chargé de la coopération sur la situation au sahel

Photo de Henri de RaincourtHenri de Raincourt :

Je savais en venant ici que j'aurais à faire à un auditoire parfaitement averti des enjeux qui se jouent au Nord Mali. Il y avait d'ailleurs dans vos propos liminaires, Monsieur le Président, beaucoup des éléments que je souhaitais porter à votre attention. Il s'agit de la quatrième crise relative à la question touarègue depuis l'indépendance. Comme vous l'avez rappelé, le Mali est composé de deux régions au Nord et au Sud, dont les caractéristiques géographiques, ethniques et culturelles sont fort différentes. N'oublions pas que les frontières de ces pays sont héritées du tracé des empires coloniaux. Cela étant dit, pourquoi cette crise a-t-elle débouché sur une révolte armée depuis le 17 janvier dernier ? En réalité, les choses couvaient depuis longtemps et force est de constater qu'entre les accords de 1992 et de 2006 et la réalité actuelle du terrain, un fossé croissant s'est creusé, nourrissant une frustration parmi les populations touarègues. Les engagements pris lors des accords d'Alger et du pacte national n'ont pas été suivis de suffisamment d'effets. A cette situation se sont ajoutées les conséquences du conflit libyen. Certains Touaregs vivaient en Libye depuis des décennies, parfois au service de Khadafi. La chute du régime libyen a entraîné un afflux de Touaregs dans les pays riverains, en Mauritanie, au Niger et au Mali. Une grande partie de ces Touaregs sont arrivés munis d'armes prélevées sur l'arsenal libyen. Ils ont reçu un accueil très différencié selon les pays. Certains pays ont pris la précaution de filtrer l'arrivée des Touaregs afin de neutraliser les armes en leur possession et de favoriser leur intégration. Cela n'a pas été le cas au Mali où il y a eu une assez large diffusion des armes qui ont ensuite été utilisées lorsque le MNLA a décidé d'engager des opérations militaires le 17 janvier dernier. Il faut constater que ces opérations ont eu jusqu'à présent un certain succès puisque les forces rebelles progressent. Il est vrai qu'au début les autorités maliennes ont donné pour consigne aux forces armées d'éviter les affrontements et de ne pas faire de victimes. Cette consigne est conforme à la volonté du président malien d'être un homme de consensus, réticent à engager des opérations militaires. Des exactions commises lors de premiers affrontements ont cependant conduit les autorités maliennes à engager de rudes combats, qui se poursuivent encore aujourd'hui. Cette rébellion déstabilise les autorités maliennes et on a même pu craindre, il y a quelques semaines, qu'un coup d'Etat ne conduise le président ATT à céder le pouvoir pour entamer une phase de transition. Pour ma part, je n'envisage pas une transition démocratique, il faut respecter le calendrier électoral dont le premier tour des élections présidentielles est prévu le 29 avril.

Quelle a été l'attitude du Gouvernement face à cette situation ? Nous avons considéré qu'il était légitime que nous intervenions tant au regard des relations historiques qui nous lient au Mali, au Niger, à la Mauritanie et à l'Algérie qu'au regard de nos intérêts propres, et notamment de nos six otages qui sont encore détenus dans le Nord Mali. C'est pourquoi j'ai tenu à me déplacer sur le terrain pour analyser la situation avec mes homologues et avoir une juste appréciation des enjeux et des positions de chacune des parties. J'ai informé mon homologue algérien de l'ensemble de ces consultations. L'Algérie est un pays incontournable dans la recherche d'une solution politique. C'est d'ailleurs ce pays qui a parrainé les précédents accords et qui souhaite naturellement être en première ligne de la résolution de cette nouvelle crise. J'ai indiqué à l'ensemble de mes correspondants que la position de la France s'articulait autour de trois principes : le respect de l'intégrité territoriale du Mali, la mise en place d'un cessez-le-feu immédiat, le maintien du calendrier électoral. Je crains en effet qu'un report des élections ne fragilise les institutions démocratiques maliennes. Je considère en effet que les clés de cette sortie de crise résident dans le respect du calendrier électoral qui doit permettre la venue d'un nouveau président de la République, légitimé par des élections. Dans ce contexte, le Président malien, qui ne se représente pas, considère que l'Algérie a un rôle privilégié à jouer et que la France doit également contribuer à sa place à faciliter l'issue de la crise. La Mauritanie a proposé ses bons offices pour mener un dialogue constructif avec le MNLA. L'Algérie partage la position de la France sur les principes que je viens d'évoquer et souhaite que des négociations s'organisent avec un nombre limité d'acteurs, en évitant que trop d'initiatives diplomatiques ne paralysent le processus de négociation. Une première ébauche de dialogue a commencé début février avec des représentants touaregs n'appartenant pas au MNLA. Ce processus dit d'Alger devrait se poursuivre et, même si le MNLA n'a pas participé à la réunion d'Alger formellement, nous savons qu'il suit les discussions. J'ai souligné à mon homologue algérien que la France n'avait aucune concurrence à engager avec l'Algérie dont le rôle était incontournable et indiscuté. Je lui ai indiqué que nous pouvions appuyer les initiatives d'Alger et tenter d'amener les autorités maliennes et le MNLA à favoriser un dialogue constructif débouchant sur un cessez-le-feu reconnu par tous. En attendant, la situation humanitaire se détériore, les combats ont déjà entraîné plus de 60 000 déplacés à l'intérieur du Mali et 50 000 réfugiés à l'extérieur du pays. Il est donc urgent de trouver une solution politique pour éviter un drame humanitaire.

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