Intervention de Jean-Jacques Mirassou

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 25 janvier 2012 : 1ère réunion
Dispositions d'ordre cynégétique — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Jacques MirassouJean-Jacques Mirassou, rapporteur :

Une « proposition de loi portant diverses dispositions d'ordre cynégétique » est, pour faire court, un texte sur la chasse. Et, en l'occurrence, c'est le septième dont le Sénat est saisi en douze ans et le deuxième en neuf mois.

Avant d'examiner le fond du texte, revenons sur la situation un tant soit peu surréaliste consistant à nous demander de réexaminer des dispositions que nous avons déjà adoptées le 5 mai dernier dans la proposition de loi de notre collègue Pierre Martin. Les députés ont en effet voté, dix jours après nous, un texte déposé par M. Jérôme Bignon et qui reprend la quasi-totalité du texte du Sénat. Une telle perfusion constitue une mauvaise manière de légiférer. Manifestement, il y a là un dysfonctionnement, même si ce texte contient quelques dispositions supplémentaires.

Cette accélération législative, en l'espace de quelques années, s'explique par la course poursuite entre les usagers des espaces naturels depuis l'émergence des notions de développement durable et de biodiversité. Le but de cette proposition de loi est ainsi d'officialiser l'apaisement des polémiques. Sa vocation est de consacrer l'équilibre qui semble aujourd'hui partagé par tous les acteurs, mais dont je m'empresse d'ajouter qu'il est très fragile.

Parce que la discussion avait lieu entre gens passionnés, le sujet est en effet devenu passionnel. L'impact sociétal de ce texte doit néanmoins être relativisé au regard des bouleversements sociaux et économiques que nous vivons, en France, en Europe et dans le monde.

Certains chantiers importants, il faut le signaler, relèvent du réglementaire. Il s'agit d'une part, de l'approche scientifique de la biodiversité dans la mesure où il n'y a pas de méthode de comptage des oiseaux et autres espèces fiables et acceptée par tous, et, d'autre part, de la gouvernance globale de la biodiversité et de la nature qui doit évoluer vers un meilleur partage des responsabilités.

Ce texte, initialement composé de 17 articles, en comporte aujourd'hui 20, sachant que la plupart des articles additionnels proviennent de la proposition de loi de notre collègue Pierre Martin.

Avec les articles 1 et 2, le législateur reconnaît, enfin, le rôle que la chasse et les chasseurs jouent dans la « gestion de la biodiversité », une notion que je proposerai de faire figurer explicitement, au même titre que les autres usagers de la nature, ni plus ni moins. Toujours dans ce but, l'article 2 bis prévoit l'éligibilité des fédérations régionales et interdépartementales des chasseurs à l'agrément au titre de la protection de l'environnement, comme c'est le cas pour la Fédération nationale et les fédérations départementales. Il s'agit là d'un oubli du législateur. De même, l'article 4 ouvre aux chasseurs qui entretiennent les zones humides le bénéfice de l'exonération partielle de taxe sur le foncier non bâti, dont ils étaient exclus a priori jusque-là.

Le deuxième type de mesures vise à améliorer et à simplifier la pratique de la chasse au quotidien qui, pour nos territoires, constitue une activité économique importante : 1,3 million de chasseurs, 2,2 milliards d'euros de retombées économiques et 24 000 emplois. Dans certaines communes rurales, l'activité cynégétique peut représenter jusqu'à 5 % du budget. C'est pour ces raisons d'ailleurs que, constitutionnellement, le Sénat a une légitimité particulière sur un tel texte, en tant que représentant des territoires. Dans cet objectif, je proposerai la suppression de l'article 3, qui rendait au préfet la compétence d'initiative en matière de création des réserves de chasse, supprimée en 2005. Par souci de simplification encore, l'article 6, qui fera vraisemblablement débat, organise la chasse en enclos. Si certains, la considérant honteuse, veulent l'interdire, il est plus pertinent je pense de l'organiser. Quant à l'article 6 bis, il vise à tenir compte des décalages qui peuvent exister entre les départements pour les heures du lever et du coucher du soleil qui réglementent la chasse à la passée. L'article 7 intègre les modalités de déplacement d'un poste fixe pour la chasse de nuit au gibier d'eau dans le schéma départemental de gestion cynégétique. Le but de l'article 8 est de responsabiliser les propriétaires de terrains non soumis à un plan de chasse qui ne procèdent pas à la régulation des espèces sur leurs fonds quand ces dernières provoquent des dégâts. Je vous proposerai par ailleurs de supprimer l'article 8 bis : les infractions au prélèvement maximum autorisé (PMA) et au plan de gestion cynégétique sont déjà punies par une contravention de quatrième classe ; un retrait de permis serait disproportionné. Une petite modification rédactionnelle est nécessaire à l'article 13 : il faut en effet sanctionner les braconniers en Guyane, mais sans infliger aux populations locales la brimade qui consisterait à interdire une pratique ancestrale. Je vous proposerai enfin de modifier l'article 14 : refuser automatiquement de délivrer un permis à des personnes condamnées pour des délits mineurs sans rapport avec la chasse serait une forme de double peine. L'article 16 codifie une disposition adoptée en 2008 encadrant le transport du gibier mort. L'article 16 bis transfère la responsabilité du prélèvement maximal autorisé national aux chasseurs. Quant à l'article 17, il précise les conditions d'utilisation du grand duc artificiel pour la destruction des animaux nuisibles.

Enfin, le troisième et dernier type de mesures vise à rendre la chasse plus attractive. En effet, le nombre de chasseurs a diminué de moitié en 40 ans. L'article 4 bis prévoit un dispositif incitatif pour les nouveaux chasseurs : offrir à tout détenteur d'un permis départemental une journée de chasse par an dans un autre département. D'après la Fédération nationale, ce dispositif sera très difficile à mettre en oeuvre. Je vous proposerai donc d'y substituer la possibilité, pour tout nouveau chasseur, de chasser sur l'ensemble du territoire national durant sa première saison de chasse. Pour chasser hors de son département, il devra tout de même être invité. Avec l'article 5, la diminution de 50 % des cotisations fédérales ainsi que de la redevance cynégétique pour les nouveaux chasseurs deviendra effective. Enfin, les articles 10 et 11 améliorent le fonctionnement des associations communales de chasse agréées (ACCA) : leur regroupement y compris par fusion en une association intercommunale de chasse agréée (AICA) sera rendu possible, de même que l'adhésion des nouveaux propriétaires de terrains situés dans une commune à ACCA.

Pour finir, je vous proposerai de maintenir la suppression de cinq articles. L'article 7 A rétablissait la chasse au gibier d'eau la nuit à partir de postes fixes en Vendée ; il est loin de faire l'unanimité dans cette région. L'article 9 visait à étendre la servitude de marchepied sur le domaine public fluvial aux chasseurs de gibier d'eau. L'article 12 autorisait une mise en commun des territoires de chasse contigus à l'intérieur des ACCA et des AICA et des chasses privées pour la réalisation d'un plan de chasse. L'article 15 visait à étendre aux gardes-chasse particuliers la possibilité de saisir des armes et d'appréhender des contrevenants. L'article 15 bis visait à élargir la compétence territoriale des agents de développement salariés par les fédérations de chasseur ; il est intéressant, mais prématuré.

Pour conclure, poursuivre la modernisation du droit de la chasse, rendre cette pratique plus attractive et, surtout, autoriser une pause législative dans ce processus d'adaptation entamé il y a déjà quelques années : voilà l'essentiel de mes propositions.

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