Je souhaiterais préciser le sens de ma démarche et de celle de la majorité sénatoriale. Celle-ci s'est opposée à l'orientation retenue par le Gouvernement, pour deux raisons essentielles.
D'une part, en raison de l'annexe, assez substantielle, intégrée au projet de loi. L'objet de ce projet est de programmer la construction de nouveaux établissements pénitentiaires. Un postulat - qui n'a pas été démontré et ne semble pas pouvoir l'être - a été posé, à savoir la nécessité de construire 80 000 places de prison d'ici 2017. Cela est problématique à la veille d'échéances électorales importantes, à l'occasion desquelles les citoyens seront précisément amenés à se prononcer sur les orientations en matière de justice et de politique pénale.
D'autre part, certains choix figurent dans le projet de loi, en particulier celui de recourir, pour les constructions précitées, aux partenariats publics-privés, partenariats dont la Cour des comptes et d'autres commentateurs ont contesté le bien-fondé, dans la mesure où des dépenses lourdes et incompressibles à long terme ne peuvent qu'hypothéquer l'avenir. Les échéances électorales seront naturellement aussi l'occasion pour les citoyens de se prononcer sur l'usage ainsi proposé des deniers publics.
Ce texte a été inspiré par certains faits dramatiques. Mais ni le temps de la réflexion, ni celui du débat, n'ont été pris - rappelons en particulier, que la procédure accélérée a été engagée par le Gouvernement.
Le Sénat a donc préféré une autre option : partir d'un socle commun existant, la loi pénitentiaire de 2009, qui a été votée et a pour objectif de faire de l'incarcération un dernier recours, tout en améliorant les conditions de la détention. À partir de cette loi, le Sénat a souhaité décliner les mesures susceptibles de faire l'objet d'un débat, de sorte que le nombre d'incarcérations puisse diminuer dans un délai de cinq ans.
Ce nombre peut être considéré comme important, si l'on garde à l'esprit que les peines non exécutées sont, à hauteur de 90 %, voire plus, des peines de courte durée pour partie en cours d'aménagement. En somme, il est possible de se passer, dans un nombre non négligeable de cas, de l'exécution des peines en prison.
Il convient, dans cette perspective, de proposer des peines alternatives. Le Sénat a retenu les dispositions suivantes : supprimer les peines planchers ; favoriser l'aménagement des peines de prison inférieures ou égales à trois mois ; intégrer au texte les dispositions de la proposition de loi de M. Dominique Raimbourg sur la prévention de la surpopulation carcérale ; intégrer de même les dispositions contenues dans la proposition de loi de M. Jean-René Lecerf, telle qu'elle a été adoptée par le Sénat, mais jamais examinée par l'Assemblée nationale, sur la question de l'atténuation de la responsabilité pénale des auteurs d'infraction - il n'y a pas lieu, par exemple, de prévoir des modalités d'incarcération longues pour les malades mentaux.
Par ailleurs, la majorité sénatoriale a aussi supprimé les articles du projet de loi tendant à accroître les incarcérations. Elle s'est attachée à s'assurer, avant même l'échéance de 2017, de la présence des postes nécessaires, pour ce qui concerne notamment l'amélioration du fonctionnement des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) et les possibilités de recrutement des conseillers d'insertion et de probation.
Mais il est difficile, encore une fois, compte tenu des conditions d'organisation de la discussion, de débattre plus avant de ce sujet important de l'exécution des peines.