Sur la question du contenu des programmes d'ajustement, qui impliquent une baisse de l'investissement public, donc un effet contraire au but recherché, à savoir des conditions de soutenabilité de la dette publique sur un horizon de dix à quinze ans, il est vrai que certains programmes relèvent du réflexe. Le cas du Portugal est emblématique de cette dérive. Ainsi, les réformes structurelles entreprises portent essentiellement sur son marché du travail. Pourtant, son taux de chômage structurel est parmi les plus bas, et son taux d'emploi parmi les plus élevés. En revanche, il a un véritable problème de qualification de sa main-d'oeuvre, en termes de compétitivité hors prix. Il doit investir dans l'éducation pour combler ce retard. Or, on constate que les dépenses publiques en faveur de l'éducation ont diminué en 2011. L'investissement public est le plus touché car il ne crée pas de créance acquise par l'opinion publique. Je partage donc le souci de Patrick Artus, tout en mesurant la difficulté politique à protéger ces dépenses d'avenir.
Sur la question de la soutenabilité à long terme des pays en crise en l'absence de capacité à ajuster leur taux de change, je constate avec satisfaction que la zone euro a permis le rétablissement de certains déficits courants, sans recourir, ni à la déflation intérieure ni à la dévaluation. Deux exemples : le Portugal avait un déficit de sa balance courante de 14 % du PIB en 2007, aujourd'hui il est de 3,5 %. L'Espagne avait une balance courante à - 11 % en 2007, et de - 3,5 % aujourd'hui. On peut donc corriger des écarts de balance extérieure sans dévaluer.
Sur la question de la « fédéralisation », l'absence de budget européen puissant et d'euro-obligations, je relie cette question à celle du traité européen et de son orientation vers l'austérité budgétaire : il y a nécessairement une séquence préalable. En effet, l'Allemagne, pays excédentaire et vertueux, ne peut accepter de s'engager dans la voie d'un système de solidarité contraignant sans obtenir de garantie sur le bon emploi des fonds issus de cette solidarité. Elle ne peut donner un chèque en blanc. C'est pour cela que j'estime que le Pacte budgétaire est un premier pas, qui pourra ensuite être modifié et intégrer davantage d'éléments relatifs à la croissance.
Sur la politique monétaire, la crise a définitivement détruit le mythe selon laquelle la BCE serait plus conservatrice que la Réserve fédérale des Etats-Unis. Sa politique monétaire a été même trop souple pour empêcher certaines dérives avant la crise. S'il doit y avoir une contribution de la BCE au retour de la croissance de la zone euro, j'estime qu'elle a largement joué son rôle, à travers une politique monétaire accommodante, et il lui est difficile de faire plus. Ce qui manque, c'est la capacité à traduire cette politique monétaire accommodante en création de crédits pour le secteur privé, mais cela échappe à son contrôle direct. Là encore, c'est une question de séquence politique. Avant de recréer du crédit, il faut rassurer le système bancaire sur le fonctionnement systémique de la zone. Il faut donc en premier lieu apporter une réponse à la crise souveraine, ce qui passe nécessaire par un soutien bancaire au financement des Etats.
Enfin, sur la question du FMI, si la zone euro ne peut mettre en place une solidarité financière suffisamment crédible aux yeux des marchés, le risque serait de recourir au FMI en première intention, en cas de nouvelle crise. Cela poserait un problème de déperdition de la capacité politique de la zone euro à agir ensemble collectivement.