Intervention de Valérie Pécresse

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 8 février 2012 : 2ème réunion
Loi de finances rectificative pour 2012 — Audition de M. François Baroin ministre de l'économie des finances et de l'industrie et de Mme Valérie Pécresse ministre du budget des comptes publics et de la réforme de l'etat

Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat :

La détermination du Gouvernement à tenir ses engagements de réduction des déficits, tout en restaurant la compétitivité de nos entreprises, reste entière. Ce projet de loi de finances rectificative comporte justement deux volets : renforcement de la compétitivité, adaptation de nos prévisions budgétaires à un contexte économique où l'activité faiblit. La compétitivité est la condition sine qua non de la croissance et de l'équilibre budgétaire : dans son rapport annuel sur la trajectoire des finances publiques publié aujourd'hui, la Cour des comptes parle d'une « orientation indispensable » et appelle à des « décisions nationales ».

Nous tirons d'abord toutes les conséquences budgétaires de la révision de l'hypothèse de croissance pour 2012, ramenée de 1 % à 0,5 % suite au ralentissement économique plus brutal que prévu au quatrième trimestre de 2011. Si la révision est faible, c'est que nos estimations initiales étaient prudentes ; le chiffre de 0,5 % devrait faire consensus à droite et à gauche. Nous diminuons aussi d'un demi-point notre hypothèse de croissance de la masse salariale en la ramenant à 2,5 % ; en revanche, nous maintenons notre hypothèse d'inflation à 1,7 %. En conséquence, le produit de l'impôt sur les sociétés devrait être inférieur d'1,8 milliard aux prévisions, celui de la TVA de 800 millions, les recettes des collectivités locales de 200 millions et celles de la sécurité sociale d'1,8 milliard ; les dépenses d'indemnisation du chômage, elles, augmentant de 400 millions.

Au total, l'impact de la révision des hypothèses sur le solde des administrations publiques est de 5 milliards d'euros. Il sera intégralement compensé, sans un troisième plan de rigueur. Un déficit inférieur de 5,5 % aux prévisions, cela représente un gain de 4 milliards d'euros, et les bons résultats de 2011 auront cette année un prolongement de 3,6 milliards. En outre, nous tirons parti d'un surcroît de ressources intégralement affecté à la réduction des déficits : la vente de fréquences pour la téléphonie mobile de quatrième génération a rapporté 800 millions d'euros de plus que prévu, la mise aux enchères participant d'une bonne gestion du patrimoine immatériel de l'Etat.

La prudence de nos hypothèses initiales nous donne des marges de manoeuvre supplémentaires sur les taux d'intérêt. Les taux à court terme sont actuellement de 0,17 % à trois mois, et, selon un scénario de remontée progressive, l'économie potentielle sur la charge de la dette devrait être bien supérieure à 1 milliard d'euros. Prudents comme toujours, nous misons sur 700 millions seulement, afin de pouvoir faire face à une éventuelle accélération de l'inflation. Quant aux taux à long terme, j'ai la conviction qu'ils seront inférieurs aux 3,7 % prévus : ils se situent aujourd'hui en-dessous de 3 %. Mais l'impact de la diminution des taux à long terme ne se fera sentir qu'à partir de 2013.

Nous tirons aussi bénéfice de la hausse de la réserve de précaution, portée à 6 milliards d'euros en 2012. L'annulation d'1,2 milliard dans ce collectif s'imputera principalement sur cette réserve. Les 400 millions destinés aux mesures pour l'emploi annoncées lors du sommet sur la crise du 18 janvier seront financés par redéploiement de crédits du ministère du travail. L'effort des ministères se montera à 1,2 milliard ; comme de coutume, l'enseignement supérieur, la recherche et la justice en ont été exonérés, et la contribution de l'éducation nationale sera limitée.

Enfin, deux types de recettes nouvelles combleront le manque à gagner : la taxe sur les transactions financières, qui rapportera 400 millions d'euros cette année et 1,1 milliard en année pleine, et le durcissement des sanctions de la fraude fiscale, qui fait suite aux mesures prises dans le dernier collectif. Les amendes pénales n'avaient pas été réévaluées depuis des années. Nous proposons de substituer à l'amende forfaitaire de 1 500 euros un prélèvement de 5 % du montant des avoirs à l'étranger non déclarés ; de porter l'amende en cas de fraude fiscale de 37 500 à 500 000 euros, et même à 750 000 euros dans les cas les plus graves, par exemple en cas de récidive ; et d'instaurer une sanction pénale spécifique en cas de fraude via un paradis fiscal : 1 million d'euros d'amende et 7 ans d'emprisonnement. Cet arsenal sera très dissuasif. En 2010, les mesures prises contre la fraude et l'évasion fiscales ont relevé de 7,5 % le produit des redressements, et nous attendons un résultat semblable pour 2011. L'impôt sur la fortune a également produit 300 millions d'euros de plus que prévu en loi de finances initiale pour 2011. Tout cela nous permet d'inscrire dans ce collectif 300 millions de recettes liées à la lutte contre la fraude, et c'est une estimation basse.

De même que nous avons tenu et même dépassé nos objectifs de réduction des déficits en 2011, malgré deux révisions successives de l'hypothèse de croissance, nous les tiendrons en 2012. En neutralisant la contribution française au MES, qui est sans effet sur le solde public, le déficit prévisionnel s'établit dans ce collectif à 78,4 milliards d'euros, soit 300 millions de moins qu'en loi de finances initiale.

Mais l'objectif principal de ce collectif, c'est de renforcer notre compétitivité afin de relancer la pompe à croissance dans un environnement économique incertain, sans augmenter la dépense. Car la faiblesse de notre compétitivité fragilise notre industrie et nos emplois : 500 000 emplois industriels ont disparu en dix ans, et nous avons perdu des parts de marché : notre part dans les exportations de la zone euro est passée de 15,8 % en 2000 à 12,9 %. Nos exportations augmentent trois fois moins vite que celles des Allemands. Si la dégradation de notre balance commerciale est due en partie à l'aggravation de la facture énergétique, la perte de compétitivité y est pour beaucoup. Loin de se voiler la face, le Gouvernement veut combattre jusqu'au bout.

Notre politique depuis 2007 est d'une grande continuité. Nous avons d'abord cherché à améliorer notre compétitivité hors prix, sans pouvoir escompter de résultats immédiats. L'acte I a consisté à encourager l'innovation et la formation : triplement du crédit d'impôt recherche, renforcement de l'appareil de recherche, investissements d'avenir de 35 milliards d'euros, modernisation de l'enseignement supérieur, développement de l'apprentissage. Nous voulons aller plus loin dans ce domaine. Certes, 500 000 jeunes sont entrés en apprentissage en 2011, soit 7 % de plus qu'en 2010, mais cela reste insuffisant : l'Allemagne fait beaucoup mieux. Nos grandes entreprises sont à la traîne : la moitié des entreprises de plus de 250 salariés comptaient moins d'1 % d'apprentis, alors que le taux légal est de 4 %. Nous proposons donc de doubler les pénalités et de porter le plancher à 5 % : on peut en attendre 270 000 apprentis de plus.

Acte II, les mesures en faveur de l'investissement : réforme de la taxe professionnelle, suppression de l'impôt forfaitaire annuel sur les PME, renforcement d'Oseo. Là encore, nous voulons aller plus loin en créant une nouvelle branche d'Oseo destinée aux PME et entreprises de taille intermédiaire industrielles, dotée d'1 milliard d'euros de fonds propres et qui pourra ainsi accorder environ 10 milliards de prêts. Voilà qui complète une large palette de mesures en faveur de l'investissement industriel. Les crédits proviendront du redéploiement des fonds des investissements d'avenir.

Il faut aussi oeuvrer pour la compétitivité-prix : c'est l'acte III. Attendre serait une grave erreur, car notre retard s'aggrave. Il faut donc alléger le coût du travail. Les prélèvements assis sur le travail sont plus élevés en France que chez aucun de nos partenaires : 23 % contre 20 % en moyenne en Europe, 3 points représentant 60 milliards d'euros. Ce sont surtout les employeurs qui en pâtissent : pour un salaire brut de 4 000 euros, l'employeur paie 700 euros de charges en Allemagne, 1 200 en France ! Réduire le coût du travail permettra aux entreprises de diminuer leurs prix et de regagner des parts de marché. Nous vous proposons donc d'abaisser, pour le secteur privé, les cotisations patronales qui financent la branche famille de la sécurité sociale. Est-il d'ailleurs logique que les entreprises financent cette branche ? Certes, elles en bénéficient, et le lien ne doit pas être rompu. Mais nous devons privilégier un éventail plus large de contributeurs. Le projet de loi prévoit de supprimer les cotisations famille sur les salaires inférieurs à 2,1 smic bruts mensuels, soit 2 300 euros nets ; de les rendre progressives et inférieures à leur niveau actuel entre 2,1 et 2,4 smic ; de les maintenir au-delà. Ces mesures, qui se concentrent sur les salaires moyens, complètent les allégements sur les bas salaires jusqu'à 1,6 smic. Sont ciblées les entreprises entrant dans le champ des allégements généraux « Fillon » ; sont donc exclus les grandes entreprises, les services publics et les travailleurs indépendants. Sur le marché français, la réforme favorisera les produits fabriqués en France, puisque les produits importés subiront la TVA mais ne bénéficieront pas de la baisse des cotisations. Nos produits seront également favorisés à l'export, car ils ne sont pas soumis à la TVA. C'est ainsi que nous luttons contre les délocalisations qui rongent le tissu industriel français. Les effets sont concentrés sur les secteurs les plus exposés à la concurrence internationale : 97 % des effectifs de l'agriculture, 75 % de ceux du secteur automobile, et 80 % des emplois industriels. Nous attendons de cette mesure 100 000 emplois nouveaux.

La baisse des cotisations patronales sera exactement compensée par la hausse de la TVA et de la CSG sur les revenus du capital : au total, les prélèvements obligatoires resteront stables. Je le dis avec force : la hausse de la TVA ne sert pas, comme dans beaucoup d'autres pays européens, à réduire les déficits publics, mais à renforcer notre compétitivité. Le taux normal passera de 19,6 % à 21,2 %, ce qui correspond à la moyenne européenne : le financement de la branche famille sera ainsi assuré par un prélèvement à assiette plus large et à taux plus bas, plus favorable à la compétitivité et à l'emploi. L'impact sur les prix devrait être faible, puisque les produits soumis à la TVA à taux normal verront aussi baisser leur coût de production ; les exemples étrangers, le contexte économique et la vive concurrence nous conduisent à la même conclusion. Le pouvoir d'achat des Français n'en pâtira pas, puisque 60 % de la consommation des ménages porte sur des produits exonérés ou soumis au taux réduit (produits alimentaires ou de première nécessité, services publics, médicaments, etc.), lesquels bénéficieront de la baisse des charges. Enfin, nous avons prévu pour des raisons techniques que ces mesures entreraient en application le 1er octobre.

Il est normal que les plus fortunés contribuent au financement de la solidarité, et c'est pourquoi nous portons les prélèvements sociaux sur les revenus du capital de 8,2 % à 10,2 %. Sur les revenus du patrimoine, cette mesure n'aura de rendement qu'à partir de 2013, mais sur les revenus de placements, elle sera appliquée dès le 1er juillet 2012. Au total, il n'y aura pas de perte de rendement. La moitié du produit de ces prélèvements provient des 5 % des ménages les plus aisés : ce sont les principaux concernés.

Ce projet de loi s'inscrit donc avec une parfaite cohérence dans la politique menée par ce Gouvernement depuis des années : réduction des déficits, respect des engagements budgétaires, renforcement de la compétitivité, engagement pour l'emploi.

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