Intervention de Gaëtan Gorce

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 10 janvier 2012 : 1ère réunion
Remboursement des dépenses de campagne de l'élection présidentielle — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Gaëtan GorceGaëtan Gorce, rapporteur :

A quelques semaines de l'élection présidentielle, on peut s'interroger sur l'opportunité de modifier les règles de calcul du plafond des dépenses de campagne et du montant remboursable par l'Etat. Il n'est d'ailleurs pas certain que ce projet de loi organique atteigne l'objectif affiché par le gouvernement, qui est de faire participer les partis politiques et les candidats à l'effort d'économie budgétaire prévu par les différents plans annoncés par le Premier ministre ces derniers mois.

Le texte transpose à l'élection présidentielle les mesures d'économies déjà appliquées aux autres scrutins par la loi de finances pour 2012 en apportant deux modifications à la loi du 6 novembre 1962. La première est le gel transitoire du plafond de dépenses applicable aux candidats éliminés au premier tour et de celui applicable aux candidats admis au second tour au niveau fixé par le décret de 2009, ce qui revient à remettre en cause la revalorisation annuelle en fonction de l'inflation, décidée en avril 2011. Ce gel durerait tant que les finances publiques ne seront pas ramenées à l'équilibre ; autant dire qu'il sera durable...

La seconde modification, définitive, consiste en une diminution de 5 % des taux de remboursement des dépenses de campagne : pour les candidats obtenant moins de 5 % des suffrages, il serait ainsi ramené de 5 % à 4,75 % du plafond de dépenses, et de 50 % à 47,5 % au-delà de 5 % des voix.

On estime la baisse conséquente de remboursement à 900 000 euros pour les candidats admis au second tour, 700 000 euros pour les candidats non admis au second tour mais ayant obtenu plus de 5 % des voix, et à 70 000 euros pour les candidats ayant recueilli moins de 5 % des suffrages, soit une économie pour l'Etat de 3,7 millions d'euros sur 220 millions de coût global de cette élection, à la condition que, comme en 2007, quatre candidats obtiennent plus de 5 % des voix, et que six autres candidats obtiennent moins de 5 % des suffrages. Modeste, cette économie est également très aléatoire, car nous ne connaissons pas encore le nombre de candidats à l'élection de 2012.

Plutôt qu'une modification des règles de l'élection qui ne me semble pas très pertinente, et dont le résultat s'annonce faible et incertain, il conviendrait de souhaiter une campagne propre et transparente, comme les révélations de ces dernières semaines en ont révélé la nécessité. Ne pourrait-on saisir l'occasion de ce texte pour réfléchir à des améliorations possibles du dispositif d'ensemble de financement de l'élection présidentielle ? C'est l'objet des amendements que je propose.

Les deux premiers renforcent l'interdiction d'utilisation au profit de la campagne de moyens liés à l'exercice d'un mandat public. Nous pourrions la rendre plus explicite en nous appuyant sur la jurisprudence du Conseil d'Etat qui distingue l'exercice d'un mandat et la participation au débat politique national, la campagne électorale entrant dans cette dernière catégorie. Cette disposition serait essentiellement symbolique puisqu'il reviendrait à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au Conseil constitutionnel d'en apprécier la portée, mais un tel rappel semble néanmoins fort utile au vu de récentes polémiques.

Mon troisième amendement est de portée plus pratique. Lorsque l'élection présidentielle est terminée, les candidats doivent déposer leurs comptes auprès de la Commission des comptes de campagne. Or, le Conseil constitutionnel prononçant le résultat définitif de l'élection avant que ces comptes n'aient pu être validés, le respect des règles de financement des campagnes n'a aucun impact sur le résultat final, ce qui est compréhensible, et ne peut pas donner lieu à d'autre sanction qu'une diminution voire une suppression pure et simple du remboursement, sans conséquence pénale ou politique.

Si la Commission des comptes de campagne est amenée à réformer les comptes d'un candidat, seul celui-ci peut exercer un recours de pleine juridiction devant le Conseil constitutionnel. Quand un candidat est en désaccord sur l'imputation de telle ou telle dépense pour son concurrent, la contestation n'est pas possible devant une juridiction susceptible de dire le droit. On en a eu l'exemple récemment sur la question des transports et des déplacements du Président de la République : la Commission des comptes de campagne, qui n'y était pas tenue, a donné un point de vue ; celui-ci, qui n'était pas contestable devant le Conseil d'Etat puisque le juge de l'élection présidentielle est le Conseil constitutionnel, et puisqu'il ne s'agit pas d'une décision faisant grief, ne l'est pas non plus par un autre candidat, puisque seul le candidat concerné par une éventuelle modification de son compte peut saisir la haute juridiction.

Je vous propose donc d'ouvrir aux candidats à l'élection présidentielle la possibilité de contester devant le Conseil constitutionnel les comptes de campagne d'un des candidats, de façon que ce dernier puisse examiner l'ensemble des comptes, si nécessaire. Les conséquences d'une telle saisine sont nulles sur le plan électoral puisque la décision du Conseil interviendra après la proclamation des résultats et qu'aucune sanction d'inéligibilité n'est prévue par la loi du 6 novembre 1962. En revanche, une telle action aurait des conséquences jurisprudentielles et financières sur le candidat mis en cause en cas de dépenses irrégulières.

L'élection présidentielle est en effet la seule élection pour laquelle le non respect des règles relatives au financement des comptes de campagne n'est pas sanctionné autrement que par une réformation du montant des comptes et des remboursements.

En outre, sans doute par voie d'amendement extérieur, et à titre personnel, je vous proposerai une autre modification. Je m'interroge en effet sur la justesse et l'efficacité du dispositif de remboursement forfaitaire : à l'heure actuelle, les candidats ayant obtenu moins de 5 % des voix bénéficient de 800 000 euros de remboursement, tandis que ceux qui ont dépassé ce seuil peuvent percevoir jusqu'à 8 millions. Pour quelques centaines de voix de plus ou de moins, l'inégalité est considérable. Ce dispositif a d'ailleurs pour effet d'encourager de toutes petites candidatures, alors qu'une élection présidentielle doit conduire à un débat sur les grandes questions. Je ne suis pas certain que mon groupe partage cette opinion ; je déposerai donc peut être à titre personnel un amendement pour que le remboursement soit proportionnel aux suffrages obtenus. Ainsi, les 42 millions prévus pour l'élection présidentielle seraient non pas indicatifs mais limitatifs et répartis entre les candidats au prorata des voix recueillies, une prime étant accordée aux candidats parvenant au deuxième tour.

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