J'ai suivi, vécu, étudié le cortège des crises de ces dernières années. La première des sources documentées est l'INSEE, autrement plus fiable que les relevés ponctuels. Les prix à la consommation sont beaucoup plus élevés qu'en métropole, - jusqu'à 50 % a-t-on dit. Mais il faut prendre en compte la structure comparée des paniers métropolitains et ultramarins : alors, l'écart est de 22 % pour la Guyane, de 14 % en Martinique, 11 % à La Réunion et 9 % pour la Guadeloupe. Les écarts de prix ont également été étudiés en 2009 par l'Autorité de la concurrence qui s'appuyait sur les données fournies par la DGCCRF : les prix sont liés à l'étroitesse des marchés, aux coûts d'approche, à la cherté du fret et aux frais de stockage.
Il faut cependant nuancer : ainsi, La Réunion dispose d'une industrie alimentaire propre, mais le développement endogène reste un objectif à atteindre dans les autres DOM.
La fiscalité spécifique pèse aussi : l'octroi de mer est un obstacle au jeu concurrentiel, même s'il a sa légitimité. Il encourage les politiques de prix élevés et n'incite pas à l'amélioration de la compétitivité.
Troisième document utile, celui de la DGCCRF à l'occasion de la crise de Mayotte à l'automne 2011, sur le poulet et la viande. M. Stanislas Martin conclut que les distributeurs travaillent à marge nette proche de zéro, voire à marge négative sur la viande de boeuf : voilà qui contredit l'intuition...
Les marges commerciales - la marge brute, pas le résultat net avant charge - de la distribution sont-elles plus élevées outre-mer ? Elles atteignent 20 à 25 % à La Réunion, 25 à 26 % aux Antilles, pour une moyenne de 23 à 24 % en métropole, selon l'Autorité de la concurrence. S'agissant des marges économiques, c'est-à-dire l'excédent brut d'exploitation rapporté à la valeur ajoutée, elles atteignent 14 % en Guadeloupe, 21 % en Martinique, 24 % à La Réunion, contre 27 % en métropole en 2007. Quant aux résultats nets, il faudra attendre le rapport de l'Observatoire des prix et des marges, institué par la loi de modernisation de l'économie.
Dans les DOM, il existe une véritable concurrence, contrairement à ce qu'on peut penser. Ainsi, à la Martinique, le premier distributeur ne détient que 17 % de parts de marché. Dans la plupart des DOM, les cinq grandes enseignes nationales sont présentes.
Les employeurs ont ainsi une fonction sociale, ce qui participe aux coûts d'exploitation : on emploie plus de monde - environ 40 % - outre-mer qu'en métropole.
Reste que les ultramarins sont pénalisés par des prix plus hauts : tout le monde ne bénéficie pas des « sursalaires ». On pourrait assouplir la réglementation relative à l'implantation des grandes et moyennes surfaces, pour renforcer la concurrence et la baisse des prix, tout en favorisant la production locale. La densité commerciale est plus faible en outre-mer qu'en métropole. Il faudrait favoriser la structuration et le développement de filières de production locale (coopératives, interprofessions...) : à La Réunion, la distribution s'est ainsi impliquée dans la constitution d'une filière de salaison, d'élevage. Il n'en va pas de même aux Antilles, ces industries ne se sont pas développées autant. La distribution est pourtant prête à jouer le jeu de la production locale. Il n'est pas normal qu'à Mayotte n'existe pas de « filière poulet ». Nous sommes prêts à accompagner sa création. Il y a d'autres problématiques : ainsi, aux Antilles, les pêcheurs préfèrent souvent vendre eux-mêmes leurs produits plutôt que passer par la grande distribution. Il y a aussi le problème des oeufs aux Antilles...