Intervention de Jean-Yves Perrot

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 4 avril 2012 : 1ère réunion
La zone économique exclusive des outre-mer : quels enjeux — Audition de M. Jean-Yves Perrot président-directeur général de l'institut français de recherche pour l'exploitation de la mer ifremer

Jean-Yves Perrot, président-directeur général de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER) :

Je ne sais pas si je peux vous rassurer, mais je peux vous informer. Vos questions sur le SIH sont au coeur, pour paraphraser Edgar Morin, des tensions dialogiques des missions qui sont les nôtres. C'est un peu comme si vous demandiez, toutes proportions gardées, à l'Éducation nationale de résoudre tous les problèmes de la société française, et à un institut de recherche appliquée à la mer de résoudre toutes les contradictions de la gestion du milieu marin à l'échelle de la France, à l'échelle de l'Europe, à l'échelle du monde. Je vais cependant essayer, à mon niveau, d'apporter quelques éléments de précision complémentaires.

Les autres pays européens disposent d'un outil plus ou moins équivalent au SIH français. Dans le Golfe de Gascogne, nous avons avec les Espagnols des campagnes communes sur l'anchois, menées par les instituts de recherche espagnols. La France se singularise par le fait que l'IFREMER intervient sur toute la gamme des ressources, alors que la plupart des pays européens ne disposent que d'instituts dédiés à l'halieutique. Ces instituts européens répondent au même cahier des charges qui est celui de l'Union européenne dans le cadre de la PCP.

La PCP a en grande partie échoué dans ses objectifs pour une raison fondamentale à mes yeux : il lui manque le lien entre l'approche biologique et l'approche économique. Le véritable équilibre, c'est l'approche bioéconomique. Il faut intéresser les acteurs de la ressource, qui sont d'abord les acteurs économiques : les pêcheurs, qui investissent et ont des charges, mais qui sont aussi les gardiens de la ressource. Le lien entre la biologie et l'économie, que l'Europe n'a pas fait, doit être créé.

Troisième élément de réponse : à travers l'outre-mer, on décrit un espace européen mais aussi un espace mondial. L'approche européenne a quelque chose d'angélique : dès lors que nous nous imposons un système de références et de normes, que nous n'avons pas la capacité à partager et à appliquer avec le monde qui nous environne, la question est de savoir si nous sommes dans un scénario d'exemplarité avec une faculté d'entraînement - c'est le scénario vertueux - ou dans un scénario d'exemplarité naïve dans lequel nous creusons notre propre tombe en renonçant à combattre à armes égales. C'est une question qui dépasse très largement les compétences de l'IFREMER.

L'accès à la connaissance en matière halieutique requiert de la modestie, raison pour laquelle nous considérons que les campagnes communes avec les pêcheurs, complémentaires des campagnes strictement scientifiques, sont indispensables, ne serait-ce que pour expliquer la discordance naturelle et perturbante entre la constatation opérationnelle des pêcheurs, qui voient des bancs de poissons dans la mer, et les campagnes à vocation scientifique qui disent que ces mêmes espèces se raréfient. Il faut expliquer cette discordance apparente et mesurer la relativité des perceptions. Un des outils qui permettra de le faire dans le cadre de la PCP est la conférence consultative régionale.

Par ailleurs, la question clé de la ressource halieutique est celle de la résilience : quand on applique un certain nombre de décisions de contingentement de la pêche, la ressource se reconstitue-t-elle ou pas ? Certains exemples de régulation comme celui de l'anchois montrent qu'il est possible d'organiser la résilience. D'autres exemples, qui ne sont pas ultra-marins mais qui sont transposables, le montrent aussi : la langoustine dans certaines zones de Bretagne, la coquille Saint-Jacques dans la baie de Saint-Brieuc.

Vous me demandez si nous sommes propriétaires des données que nous produisons. La réponse est oui.

Je vous ferai parvenir, en réponse à votre question sur le panorama général, un document qui regroupe l'état des ressources segment par segment - halieutique, aquaculture, ressources minérales et énergie marine - dans une version consolidée.

Les données sur Saint-Pierre-et-Miquelon ne sont pas encore disponibles. Elles sont en cours de traitement. Il n'y a pas de SIH pour l'instant. Il faudrait des campagnes d'évaluation de la ressource, si possible communes avec les Canadiens, afin de gérer au mieux les intérêts respectifs des parties.

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