Pourquoi une organisation à but non lucratif ?, demandez-vous. Pour nous, l'important est avant tout notre analyse du marché de la notation. Les notations sont considérées comme des opinions, ce afin de protéger la notation de la responsabilité du fait du produit. C'est une manière d'esquiver toute responsabilité quant à la stabilité des marchés financiers.
Les agences de notation sont le département crédit des marchés financiers : si elles ne fonctionnent pas correctement, ne détectent pas le risque à temps, le marché encourt un risque systémique - que seul le contribuable peut couvrir. Voyez le marché des subprimes, de la titrisation des crédits immobiliers américains : il y avait une incitation à multiplier les crédits hypothécaires, au point que le marché est passé de 300 à 3000 milliards de dollars en six ans, avant que la bulle n'éclate. Dans des conditions de crédit normales, si les agences évaluant le risque avaient bien fonctionné, la moitié de ce volume n'aurait jamais été créé !
Mais il y avait la motivation du profit, et des conflits d'intérêt, car ce sont les émetteurs qui paient. Deuxième conflit d'intérêt : les agences de notation conseillaient les émetteurs, et notaient leurs propres produits ! Ce second conflit a été résolu, mais pas le premier. Sans remettre en cause le caractère lucratif des agences de notation, nous estimons que le secteur de la notation ne doit pas uniquement leur bénéficier.
La notation est aussi un produit. Le Parlement européen a récemment définit les agences de notation comme des services d'information. C'est une condition préalable - mais non suffisante - pour leur appliquer une responsabilité du fait du produit.
Les notations sont aussi des biens publics. Elles ont des externalités positives en ce qu'elles permettent la désintermédiation et réduisent les coûts de financement pour l'industrie. L'asymétrie entre prêteurs et emprunteurs est réduite. Mais si leur fonctionnement est faussé, les externalités sont négatives. Les dégâts sont tels que les États sont au bord du précipice : certains pays se sont trouvés en difficulté car ils ont dû renflouer leurs banques...
Il faut tenir compte de ces trois aspects de la notation : c'est une opinion, elle doit donc être gratuite ; c'est un produit, ce qui implique une responsabilité ; c'est un bien public, les agences de notation devraient donc avoir l'intérêt commun à l'esprit.
J'en viens à l'aspect européen. Nous sommes ouverts à des partenaires non européens, et avons été contactés par des investisseurs aux Etats-Unis et en Asie. Nous nous concentrons toutefois, pour des raisons logistiques, sur l'Europe. Pour trouver trente investisseurs prêts à contribuer chacun 10 millions, il faut en solliciter soixante-dix, rencontrer à chaque fois le PDG : c'est un cauchemar logistique ! Les investisseurs non européens ne font pas partie des treize qui se sont déjà engagés. Reste que nous devrons agir sur le marché mondial si nous voulons faire concurrence aux institutions mondiales qui dominent actuellement le marché.