Intervention de Jacques Legendre

Commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois — Réunion du 30 mai 2012 : 1ère réunion
Communication audiovisuelle et nouveau service public de la télévision — Application de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 - examen du rapport

Photo de Jacques LegendreJacques Legendre, co-rapporteur :

Je parlerai franchement : ce rapport a demandé un gros effort... Il faut s'interroger sur sa pertinence. Était-il bien sage d'examiner un texte dont la mise en application n'est pas achevée ? M. Assouline et moi-même étions-nous les bonnes personnes pour le faire ? Je n'ai pas été très heureux pendant ce débat, je ne voulais pas rendre mon collègue malheureux mais ne voulais pas non plus être complaisant à son égard -il ne l'a pas été non plus envers moi ! Si nous voulons être efficaces, il faut réfléchir au moment où nous nous saisissons des textes ; et peut-être vaut-il mieux confier les rapports à des parlementaires qui n'ont pas été en première ligne lors du vote de la loi...

Le bilan de la loi est en effet mitigé. Mais je vois, moi, le verre à moitié plein ; M. Assouline le voit à moitié vide !

Tout d'abord, l'application de la loi au sens strict est positive : la quasi-intégralité des décrets a été prise, dans un temps assez rapide. Sur le comité de suivi de la loi, le Gouvernement a apporté des réponses précises et argumentées sur son choix de ne pas prendre le décret. La quasi-intégralité des rapports demandés ont également été rendus. Le « service après-loi » a été rapide et efficace.

L'analyse exhaustive d'une loi nous conduit à mettre en relief un bilan incomplet. D'une part, parce que, dans l'enthousiasme des débats, on met beaucoup d'espoir dans l'adoption de mesures qui, sur le terrain, rencontrent forcément des difficultés. D'autre part, parce que les dispositions qui peinent à être mises en oeuvre sont toujours celles que l'on met en avant.

S'agissant de la suppression de la publicité, dont j'étais depuis toujours un ardent partisan, alors que David Assouline était contre, je serai beaucoup plus modéré que mon collègue. Son impact sur le visage éditorial de France Télévisions n'a pas été majeur, en effet. Mais les programmes du soir, s'ils ne débutent pas à 20 h 35, commencent cependant bien plus tôt que sur les chaînes privées. C'est désormais un atout majeur.

Le confort des téléspectateurs est largement amélioré. Le sondage réalisé à la demande de l'Assemblée nationale montre qu'ils sont en grande majorité pleinement satisfaits de cette suppression de la publicité en soirée. C'est un élément très fort de différenciation avec l'offre télévisuelle privée et il légitime à mes yeux pleinement la réforme. L'engagement de France Télévisions en faveur de la création, soit 420 millions d'euros en 2012, est aussi un atout majeur de promotion de la culture française. L'ensemble des acteurs l'a reconnu et tous ont insisté sur cet aspect.

Je regrette que, pour des raisons économiques, la suppression totale de la publicité ait dû être reportée. Mais je me félicite qu'elle ait été rendu possible, par la stratégie de suppression en deux étapes. Cela a été une grande force de cette loi que de laisser la place à l'expérimentation et à la prudence. C'est une leçon qu'il faudra probablement retenir.

Le maintien du parrainage après 20 heures était une erreur ; il ne doit pas y avoir de publicité du tout en soirée, quelle que soit sa forme. France Télévisions a compris que l'esprit de la loi devait prévaloir et nous a proposé d'établir une charte sur le parrainage, garantissant une utilisation raisonnée. J'espère une suppression quand les temps seront meilleurs. Ou bien on rétablit la publicité, sans hypocrisie, ou bien on supprime réellement toute forme de publicité.

Sur l'entreprise unique, la loi était forcément brève. Cette oeuvre est tout bonnement gigantesque. Une telle fusion est extrêmement rare dans le paysage industriel français, avec 11 000 salariés à réunir sous une bannière unique. La fusion poursuit sa route dans de bonnes conditions. Sa légitimité n'a jamais été contestée. La mission est de longue haleine, mais utile et nécessaire. Cette fusion est accompagnée financièrement : les crédits dédiés à France Télévisions ont ainsi augmenté régulièrement depuis trois ans avec une augmentation toujours supérieure à l'inflation.

David Assouline a mentionné, à juste titre, l'amélioration de la gouvernance du groupe. On ne peut passer sous silence la question de la nomination des présidents de l'audiovisuel public par le président de la République. Je considère, quant à moi, que cette mesure a effectivement mis fin à une hypocrisie. L'existence d'un État actionnaire de l'entreprise à 100 % crée forcément des doutes sur les relations potentiellement dangereuses que la télévision publique et les politiques entretiendraient. La vérité est que France Télévisions mène ses missions en toute indépendance. Je mets au défi quiconque de projeter des images des journaux ou magazines d'information de France Télévisions particulièrement favorables à l'ancien président de la République ou à la majorité, dans une période récente !

Les personnes qui ont été nommées sont à la fois compétentes, consensuelles et incontestées. C'est le bilan simple et visible par tous que je tire de la mesure. La composition du CSA le rend moins légitime que l'élu de l'ensemble des citoyens !

Évoquons enfin les sujets qui ne fâchent pas. Ils sont à mettre au crédit de la loi et du précédent Gouvernement. Les dispositions relatives aux services de médias audiovisuels à la demande ont permis de faire entrer la télévision de rattrapage et la vidéo à la demande dans notre corpus juridique et dans notre quotidien. Leur succès est aujourd'hui frappant, grâce au législateur, qui a facilité leur développement.

L'accessibilité des programmes aux personnes aveugles ou malvoyantes a été particulièrement renforcée. Le législateur s'y est employé avec les articles 28, 46, 47 et 52 à 54. Il a laissé le choix des moyens au régulateur pour les chaînes privées et à l'État pour les chaînes publiques, avec une mesure incitative de valorisation de l'audio-description dans la contribution à la création. Cette méthode a été efficace : dès l'année prochaine, nous pourrions avoir un programme audio-décrit par soirée sur le paysage audiovisuel français. La volonté de promouvoir la diversité de la société française, à la fois en matière de programmation audiovisuelle et de gestion des ressources humaines des éditeurs, a conduit le législateur à introduire pas moins de cinq dispositions dans la loi, pour des résultats que le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a jugé positifs. L'autorité a imposé des engagements précis aux chaînes : une mesure cliquet impose notamment aux éditeurs d'être chaque année meilleurs dans le baromètre établi par l'autorité. Si le bilan de la loi n'est pas parfait, reconnaissons que ce sujet est une belle réussite, qui symbolise à la fois les vertus du volontarisme législatif et l'importance des organes d'application.

Au bénéfice de ces observations, je vous fais part de mon accord pour que ce rapport soit publié.

Ce sujet mériterait des heures de débat et nous avons mené des auditions très nombreuses. J'avais souhaité que figure dans le rapport de synthèse une réflexion sur le recours à la procédure d'urgence. Je l'ai toujours dénoncée, David Assouline aussi, hélas il semble désormais beaucoup moins pressé de l'évoquer dans le rapport...

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