Intervention de Nicolas d'Hautefeuille

Mission commune d'information Agences de notation — Réunion du 29 mai 2012 : 1ère réunion
Table ronde sur le conseil en notation

Nicolas d'Hautefeuille, head of rating advisory chez Crédit agricole CIB :

Une notation est une matrice de transition entre cinq et dix ans, d'où la nécessité de construire une relation de confiance entre l'entreprise et l'agence. Notre valeur ajoutée repose sur un travail « en profondeur » en termes de recherche. Le succès « EADS », sur lequel M. Gallois a autorisé le Crédit agricole à communiquer, vous éclairera. Les enjeux étaient importants. EADS était noté BBB+ et Boeing A+. Nous étions au moment de l'affaire Lehmann Brothers, cela pouvait générer un problème d'appel de marges potentiel, avec un risque de liquidités pour EADS sur ses positions de change. Nous nous sommes invités au comité de notation ; nous avons refait le travail que font les agences. Un raisonnement un peu brutal consistait à dire : Boeing a une marge de 10 %, EADS de 1 %, donc une entreprise est rentable, l'autre pas.

Même si les entreprises étaient équivalentes en termes de profil financier, l'argument selon lequel il fallait donner une meilleure note à l'entreprise rentable prévalait. Le travail de notre équipe à consisté à attirer l'attention de l'agence de notation sur des points peu mis en valeur : la vision donnée par Boeing de sa marge comptable est basée sur des comptes aux normes US-GAAP alors qu'EADS élabore ses comptes selon les normes IRFS.

Tout cela impliquait selon nous la nécessité de procéder à des ajustements sur la dette et sur le résultat d'exploitation. Les deux avionneurs font face à des problèmes identiques : ils doivent financer des programmes très lourds, de l'ordre de 10 milliards d'euros pour construire un avion. Airbus inscrit ses charges d'investissement dans son compte de résultat comme des charges effectives, alors que Boeing les inscrit en besoins de fonds de roulement (actifs d'exploitation). Sur ces bases, des ajustements ont été faits pour comparer les deux marges, si bien qu'on a pu obtenir de la part de l'agence que la note d'EADS soit revalorisée.

On le voit, la notation est d'abord un dialogue très technique. Notre métier, c'est d'être les avocats de l'entreprise auprès des agences. Nous essayons de faire en sorte que le jeu soit le plus équilibré possible entre l'entreprise et les agences afin que l'accès à la liquidité de l'économie soit assuré dans les meilleures conditions, en ayant présent à l'esprit que la notation est le passeport du crédit.

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