Quand on a des responsabilités politiques à l'égard d'un peuple qui souffre, on ne peut se permettre le luxe du pessimisme radical. C'est une attitude morale qui peut se justifier, mais politiquement ce serait une trahison. Notre mandat est d'avancer vers des solutions et non pas de nous contenter de crier au désespoir. Il faut donc de la patience. Vingt ans, c'est très long à l'échelle d'une vie humaine, au regard de l'histoire, c'est presque rien. C'est terrible pour ceux qui ont souffert et qui souffrent. Mais il y a des seuils à franchir, nous en recherchons les moyens. En physique, à 99°, l'eau ne bout toujours pas, il faut un degré de plus pour qu'elle change d'état. Nous n'avons pas encore atteint le seuil du saut qualitatif que nous recherchons. Il n'y a pas d'alternative. Retourner à la violence est suicidaire. Ne rien faire est criminel. Il faut continuer à oeuvrer pour arriver au point d'ébullition et c'est ce que nous faisons. Nous le faisons avec espoir car l'espoir est un élément vital dans cette équation. Il est contre-productif de laisser s'installer le désespoir. Il y a déjà trop de désespérance.
Les trois-quarts du peuple palestinien vivent à l'extérieur de la Palestine. Ils sont exilés ou réfugiés. Il faudrait y ajouter les déplacés de force qui vivent dans des camps comme à Naplouse. Les Israéliens ne les reconnaissent pas comme réfugiés, ils ne reconnaissent d'ailleurs que la première génération et pas leurs descendants. Pour eux, ils sont 800.000, en fait ils sont 5 millions.
Lors des négociations de Camp David, il avait été évoqué quatre options pour les réfugiés : le retour d'une partie sur le territoire israélien, le retour d'une partie sur le territoire palestinien, le maintien dans les pays d'accueil mais en perdant le statut de réfugiés au profit d'une intégration comme naturalisés ou résidents étrangers, l'émigration dans un pays tiers. Israël n'avait semble-t-il pour exigence que la négociation de la première option. Nous avons expliqué aux réfugiés que le retour en Israël en ferait des citoyens de seconde zone. Cette option n'est attrayante que pour ceux qui vivent dans les camps du Liban dans des conditions très difficiles. Les autres sont bien intégrés ailleurs. Ils n'ont aucun intérêt marqué au retour en Israël. Le droit au retour ne concerne en réalité qu'au grand maximum 300.000 réfugiés. Ils ne menacent ni l'équilibre démographique ni l'identité d'Israël. Yasser Arafat avait proposé de réserver le droit au retour aux seuls refugiés des camps du Liban dans les dix premières années. Les autres Palestiniens devront attendre dix ans pour formuler leur demande. Ce n'est donc pas une menace démographique concrète pour Israël.
Notre histoire nous apprend à être méfiants des gouvernements, il y a eu des précédents douloureux. Nos soutiens au Moyen-Orient sont d'abord les opinions publiques. Avec les printemps arabes, la sympathie avec le peuple palestinien s'exprime mieux.