Intervention de Yves Nicolas

Commission d'enquête Evasion des capitaux — Réunion du 29 mai 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Yves Nicolas vice-président de la compagnie nationale des commissaires aux comptes

Yves Nicolas, vice-président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes :

Avant de répondre à vos questions, permettez-moi d'évoquer la manière dont nous appliquons les procédures de déclaration à TRACFIN et de révélation au procureur de la République, car il s'agit, me semble-t-il, d'un sujet éminemment important pour votre commission.

Le champ d'intervention du commissaire aux comptes se limite aux missions précédemment exposées. Comme je l'ai dit, nous avons une obligation non pas de résultat, mais de moyens : nous donnons une opinion sur les comptes de l'entreprise et, d'une certaine manière, sur son devenir au travers des difficultés qu'elle est susceptible de rencontrer. En matière de fiscalité, notre mission n'est pas active : nous n'avons pas à rechercher des erreurs ou des fraudes fiscales.

Cependant, au cours de nos travaux, nous pouvons être confrontés à une situation de fraude fiscale. Dans ce cas, le commissaire aux comptes doit déclencher deux procédures parallèles : la révélation de faits délictueux auprès du procureur de la République et la déclaration à TRACFIN en cas de suspicion de blanchiment d'argent.

Nous disposons aujourd'hui de certaines statistiques dans la mesure où le commissaire aux comptes établit une fois par an une déclaration d'activité. Il doit auprès de la compagnie régionale à laquelle il est inscrit, laquelle consolidera les données auprès de la Compagnie nationale, déclarer non seulement ses mandats et le contenu de ses rapports - s'il a procédé à une certification pure et simple ou avec réserves -, mais également les révélations qu'il a été conduit à faire.

En 2009, sur un total de 223 388 mandats, 1 075 révélations ont été faites, ce qui représente 0,5 % des rapports. En 2010, il n'y a eu que 886 déclarations - franchement, je n'ai pas d'éléments à vous donner pour expliquer cette baisse - sur 223 570 mandats, soit seulement 0,4 %. Je ne pense pas que l'on puisse en déduire que les sociétés que nous contrôlons ont été beaucoup plus attentives à ces problèmes. Cette proportion est surtout liée au fait que nous soyons ou non confrontés aux fraudes fiscales.

Je souligne que nous ne vérifions les comptes que d'une minorité d'entreprises françaises. Certes, nous intervenons de façon obligatoire dans les grandes entreprises, mais, en dessous d'une certaine taille, le commissaire aux comptes n'intervient pas.

Dans le droit positif français, l'article L. 823-12 du code de commerce prévoit l'obligation de révélation et l'article L. 820-7 du code précité est relatif à la sanction de non révélation.

Aux termes de l'article L. 823-12, « les commissaires aux comptes signalent à la plus prochaine assemblée générale ou réunion de l'organe compétent les irrégularités ou inexactitudes relevées par eux au cours de l'accomplissement de leur mission ». Tous les actionnaires sont donc au courant. « Ils révèlent au procureur de la République les faits délictueux dont ils ont eu connaissance ». Souvent, l'opération se fait en deux temps : le commissaire aux comptes explique oralement au procureur de la République ou à l'un de ses substituts le problème qu'il rencontre et, ensuite, il envoie un courrier confirmant les faits. Vous vous en doutez bien, il arrive que le commissaire aux comptes n'ait aucune certitude : il constate des faits qui l'inquiètent et qui l'obligent à mener des investigations un peu plus poussées, mais il n'a évidemment pas les moyens de la police ou du procureur de la République pour aller beaucoup plus loin.

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