L’article 21 du projet de loi instaure la libre négociabilité des conditions générales de vente, sans aucune limite, favorisant ainsi les acteurs économiques qui sont déjà en position de force sur le marché. La discrimination tarifaire, qui, jusque-là, était au moins encadrée en raison de la dangerosité des abus en la matière, devient désormais la règle. Le Gouvernement signe ici clairement son soutien aux monopoles privés et cautionne les phénomènes de concentration.
Ainsi, cet article vide totalement de son contenu les conditions générales de vente, cadre certes imparfait mais néanmoins protecteur. Il permet en effet des dérogations sans limite aux conditions générales de vente et la différenciation tarifaire au sein d’une même catégorie d’acheteurs.
Voilà maintenant un certain nombre d’années que la différenciation tarifaire a pris la forme des fameuses « marges arrière », qui depuis longtemps sont non plus la contrepartie d’une quelconque coopération commerciale, mais simplement un moyen pour les distributeurs de contourner le cadre légal de la négociation commerciale en imposant des versements aux fournisseurs.
Cette « fausse coopération » n’a pas cessé d’augmenter. En 2005, les marges arrière constituaient 33, 5 % du prix net ; elles se sont encore accrues en 2006, pour atteindre près de 37 % – chiffre énorme qui continue d’augmenter. Très récemment, la Fédération nationale des producteurs de légumes a gagné son procès devant la cour d’appel de Caen face à une grande enseigne de distribution qui imposait de fausses coopérations.
Quand on confie à la grande distribution la mission de faire baisser les prix et d’augmenter le pouvoir d’achat des Français grâce à la dérégulation totale des relations commerciales il ne faut pas s’étonner d’en être réduit à faire de la publicité autour du pouvoir d’achat !
Non seulement le pouvoir d’achat n’augmentera pas, mais, en plus, avec ce que vous appelez « la libre négociation », le rapport de force inégal aura pour effet de pressurer un peu plus les producteurs.
La manœuvre est simple : on transfère la négociation vers l’avant, et on en profite pour la libéraliser afin de permettre aux distributeurs de conserver les marges qu’ils s’octroyaient sur l’arrière. Dans ces conditions, il ne servira pas à grand-chose de faire figurer la coopération en pied de facture, comme le prévoit le texte, car l’ajustement se fera autrement.
Pour nous, la solution est ailleurs. Il faudrait renforcer le socle des conditions générales de vente pour en faire un régime encore plus protecteur. Une négociation devrait donc, d’après nous, être lancée avec tous les protagonistes des différentes filières pour faire évoluer le cadre légal. Il faudrait également supprimer purement et simplement les contreparties financières à la fausse coopération commerciale.
Nous espérons que le Sénat saura se montrer plus sage que l’Assemblée nationale et qu’il ne votera pas un énième texte dont on dira dans quelques mois qu’il constitue un échec. En attendant, les conséquences dramatiques sur nombre de fournisseurs seront là.