Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons la chance de pouvoir profiter de la présence, au banc du Gouvernement, de M. le secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation. C’est la réunion, en un même talent, de deux fonctions qui pourraient en apparence être contradictoires.
C’est exactement la façon dont devait être réglé l’article 21 : accepter le conflit, la compétition, la concurrence, et donc la négociabilité qui est au cœur même de l’économie de marché, laquelle est une économie contractuelle où il s’agit d’établir un libre contrat et de faire en sorte que cette négociation aboutisse, par des ajustements innombrables – c’est la main invisible du marché –, à une situation satisfaisante pour le consommateur et pour l’industriel. Et nous avons besoin de prendre les deux en considération.
Le texte antérieur, celui qui fixait le principe d’un tarif de vente, avait l’ambition, somme toute assez naïve, de considérer que l’on pouvait enfermer les relations entre le producteur et le consommateur dans le cadre d’un tarif de catalogue, alors qu’un prix est nécessairement la rencontre de deux demandes différentes : celle de l’industriel et celle du distributeur. Et il n’y a aucune raison de penser que, à court terme, ces intérêts soient solidaires.
D’ailleurs, nous avons connu en France une époque – jusque dans les années soixante-quinze – où l’offre dirigeait la demande et où les industriels imposaient leurs prix. L’ouverture des frontières et l’apparition de nouvelles formes de distribution ont bousculé ce rapport au bénéfice, il est vrai, de la seule distribution, vous le rappeliez à l’instant, cher collègue du groupe communiste républicain et citoyen.
C’est en réalité plus compliqué, car, si l’on observe le rapport de force, on s’aperçoit qu’il y a pour vous, monsieur le secrétaire d’État chargé de l’industrie, deux types de produits industriels et, en qualité d’ancien ministre de l’industrie, c’est le point de vue que je voudrais faire valoir.
Certains industriels ont le bénéfice d’avoir des produits prévendus, c’est-à-dire dont la notoriété est telle que le grand public se porte naturellement acquéreur de ces produits, et les centrales d’achat, aussi puissantes soient-elles, ont l’obligation de les fournir à leurs clients, faute de quoi ces derniers déserteraient leurs gondoles.
Ce rapport de force est bien réel. Dans le domaine de l’alimentaire, quelques grandes centrales – cinq, peut-être sept – dont nous connaissons les noms, réalisent 60 %, voire 70 % de leur chiffre d’affaires avec quelques grands producteurs de taille mondiale. Il existe donc d’un côté des industriels forts avec des distributeurs forts, et je fais confiance aux uns et aux autres pour avoir des relations, comme on dit dans le rugby, loyales mais viriles, c’est-à-dire des affrontements permanents sur des rapports égalitaires.
Telle n’est pas la situation des petits industriels notamment de l’agroalimentaire dont les produits ne bénéficient pas de cette notoriété. À l’occasion de cet article 21, ne nous limitons pas à défendre ces industriels par une impossible protection juridique. Nous tous connaissons ces professionnels de l’industrie agroalimentaire qui ont des produits de terroirs, des produits de signature, des produits de qualité, des produits de tradition. Faites en sorte, monsieur le secrétaire d’État, qu’ils puissent exister plus facilement en dehors de la grande distribution. Il n’y a aucune raison durable et évidente pour qu’un distributeur veuille enrichir l’industriel qui le fournit et dont il assure la distribution. Son objectif est de s’enrichir lui-même, pas son fournisseur.
En revanche, nous pouvons, nous, pouvoirs publics, vous, monsieur Chatel, en tant que secrétaire d’État, aider la valeur ajoutée de l’industriel de faible taille qui ne bénéficie pas de la notoriété. C’est par une politique de valeur ajoutée du produit fabriqué par des petites entreprises que des marges nouvelles sont possibles afin que les grandes centrales se rendent compte de l’évidente nécessité de proposer ces produits à leurs clients dans leurs gondoles, sous peine de perdre des parts de marché. Je vais donc vous citer propositions concrètes.
Naturellement, l’innovation tout d’abord et sa protection. C’est la meilleure façon de créer de la valeur ajoutée ; c’est l’avantage comparatif. Il faut la protéger et vous devez favoriser son développement.
J’évoquerai également la certification, les labels, ou les appellations d’origine contrôlée. Dans le secteur agroalimentaire, à travers la protection de la marque, la protection des origines, des savoir-faire et des procédés traditionnels, vous pouvez favoriser la négociation entre le fournisseur et son distributeur au profit du premier.
Mais il y a une seconde solution, qui est d’ailleurs parfois évoquée avec crainte par certains mais qui est une providence. Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes le ministre de tutelle de La Poste, dont nous reparlerons dans le débat à un autre moment, compte tenu de l’actualité.