Intervention de René Vandierendonck

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 3 juillet 2012 : 1ère réunion
Proposition de loi visant à abroger la loi relative à la majoration des droits à construire — Examen du rapport pour avis

Photo de René VandierendonckRené Vandierendonck, rapporteur pour avis :

La proposition de loi vise à abroger un texte qui, rejeté en mars par le Sénat avant la suspension de nos travaux en séance publique, avait été adopté in extremis par l'Assemblée nationale au cours de l'ultime séance de la treizième législature. J'avais eu l'honneur, comme rapporteur pour avis, de présenter alors nos arguments en défaveur de ce texte porté par le gouvernement d'alors, et d'en souligner les dangers : effet inflationniste sur les prix du foncier, logique recentralisatrice, risque de contentieux lié aux actes préparatoires, telle la note d'information. Toutes nos critiques d'alors restent d'actualité et sont corroborées par les statistiques recueillies auprès des collectivités locales.

L'article unique de la proposition de loi, déposée le 14 juin par le groupe socialiste, à l'initiative de Thierry Repentin alors sénateur, vise à revenir à l'état du droit antérieur à la loi du 20 mars 2012, dont je rappelle qu'il offrait déjà aux collectivités trois options de majoration des droits à construire dans le cadre de leur plan local d'urbanisme (PLU) : de 20 % dans les zones urbaines, à la suite de la loi de mobilisation pour le logement (article L. 123-1-11 du code de l'urbanisme), de 50 % pour les logements sociaux (article L. 127-1 du même code), de 30 % pour la performance énergétique à la suite du Grenelle II (article L. 128-1 du même code), ces deux dernières majorations, à l'initiative des collectivités locales titulaires de la compétence d'urbanisme, pouvant se cumuler dans la limite du plafond de 50 %.

Lors de l'examen du projet de loi en mars dernier, nous étions en pleine période électorale, et à l'heure où les experts du logement guettent le glas du rapport de la Fondation Abbé Pierre : le constat d'une aggravation de la crise rendait plus que jamais nécessaire pour l'État d'afficher une volonté forte. Vint alors le discours de Longjumeau, que nous gardons tous en tête, où le président Nicolas Sarkozy appelait à « faire sauter les verrous de la construction par le relèvement de 30 % de toutes les contraintes des plans d'urbanisme fixés par les collectivités locales pour trois ans et sur tout le territoire national ». L'annonce a été reprise par le gouvernement, dans des conditions acrobatiques, avec l'adoption du texte en une seule journée après l'échec de la commission mixte paritaire.

Cette loi introduisait deux novations assez fortes. Elle introduisait une majoration à caractère automatique et général. Si nous en proposons aujourd'hui l'abrogation, c'est d'abord que la mesure est inefficace. L'aggravation des difficultés d'accès à la propriété tient à des problèmes d'ordre économique, à la détérioration du pouvoir d'achat, à l'augmentation du coût du foncier, lequel occupe une part non négligeable dans le coût du logement. Or, une majoration automatique a inévitablement des effets haussiers pervers sur la valeur vénale des terrains, avec leurs conséquences mécaniques sur la formation des prix. J'ai mené des consultations, notamment auprès de l'Association des communautés urbaines de France : aucune communauté urbaine n'a l'intention d'accepter cette majoration. Toutes sont animées par le souci de préserver un urbanisme décentralisé, et attendent l'abrogation comme la soif attend l'orange.

Ce texte contredit les principes posés par le Grenelle II, qui prônait une amélioration de la densité urbaine qui ne soit pas mécanique, mais épouse le contexte local - loin donc d'une norme automatique s'appliquant uniformément sur tout le territoire. Aurait-on l'idée d'aller construire des tours au bord d'un bassin minier classé au patrimoine mondial par l'Unesco ?

La loi contrevient encore au principe de spécialité des EPCI, lequel va de pair avec l'exclusivité de la délégation de la compétence. La décision prise par un EPCI titulaire de la compétence d'urbanisme peut, avec la loi du 20 mars 2012, être contredite par la décision contraire d'une commune, au risque de compromettre toute logique de cohérence territoriale entre plans locaux d'urbanisme (PLU), schémas de cohérence territoriale (SCOT) et programmes locaux de l'habitat (PLH).

Enfin, la fameuse « note d'information » n'est pas une étude d'impact. Que recouvre ce document « canada dry » ? En l'absence de précision sur son contenu, il y a un risque non négligeable de contentieux.

J'ai loyalement cherché les arguments qui pourraient ébranler les plus réticents. Ils m'ont été donnés par Dominique Braye qui, lorsqu'il était rapporteur de la loi Boutin, alors que le gouvernement était déjà saisi de la tentation d'instituer une majoration uniforme et autoritaire, plaidait à l'inverse pour qu'il soit permis aux communes, sur délibération, de délimiter des règles de majoration, afin de conserver aux collectivités leur rôle en matière de planification urbaine. Voilà très précisément ce qui nous anime, ici comme à la commission des affaires économiques : nous entendons préserver le titulaire de la compétence.

L'abrogation est d'autant plus cohérente que trois majorations restent possibles, et que les chiffres montrent qu'elles restent très largement utilisables : nulle part sur le territoire les droits à construire ne sont saturés. La proposition de loi ne prive pas les collectivités de marge d'initiative.

Dernier point enfin, une abrogation ne dispose que pour l'avenir ce qui justifie ma proposition d'amendement pour les communes qui ont appliqué la majoration.

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