La commission désigne M. Bernard Saugey rapporteur sur la proposition de résolution présentée par M. Jacques Mézard et plusieurs de ses collègues tendant à créer une commission d'enquête sur l'influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé.
La commission examine le rapport pour avis de M. René Vandierendonck sur la proposition de loi n° 595 (2011-2012) présentée par M. Thierry Repentin et plusieurs de ses collègues visant à abroger la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire.
La proposition de loi vise à abroger un texte qui, rejeté en mars par le Sénat avant la suspension de nos travaux en séance publique, avait été adopté in extremis par l'Assemblée nationale au cours de l'ultime séance de la treizième législature. J'avais eu l'honneur, comme rapporteur pour avis, de présenter alors nos arguments en défaveur de ce texte porté par le gouvernement d'alors, et d'en souligner les dangers : effet inflationniste sur les prix du foncier, logique recentralisatrice, risque de contentieux lié aux actes préparatoires, telle la note d'information. Toutes nos critiques d'alors restent d'actualité et sont corroborées par les statistiques recueillies auprès des collectivités locales.
L'article unique de la proposition de loi, déposée le 14 juin par le groupe socialiste, à l'initiative de Thierry Repentin alors sénateur, vise à revenir à l'état du droit antérieur à la loi du 20 mars 2012, dont je rappelle qu'il offrait déjà aux collectivités trois options de majoration des droits à construire dans le cadre de leur plan local d'urbanisme (PLU) : de 20 % dans les zones urbaines, à la suite de la loi de mobilisation pour le logement (article L. 123-1-11 du code de l'urbanisme), de 50 % pour les logements sociaux (article L. 127-1 du même code), de 30 % pour la performance énergétique à la suite du Grenelle II (article L. 128-1 du même code), ces deux dernières majorations, à l'initiative des collectivités locales titulaires de la compétence d'urbanisme, pouvant se cumuler dans la limite du plafond de 50 %.
Lors de l'examen du projet de loi en mars dernier, nous étions en pleine période électorale, et à l'heure où les experts du logement guettent le glas du rapport de la Fondation Abbé Pierre : le constat d'une aggravation de la crise rendait plus que jamais nécessaire pour l'État d'afficher une volonté forte. Vint alors le discours de Longjumeau, que nous gardons tous en tête, où le président Nicolas Sarkozy appelait à « faire sauter les verrous de la construction par le relèvement de 30 % de toutes les contraintes des plans d'urbanisme fixés par les collectivités locales pour trois ans et sur tout le territoire national ». L'annonce a été reprise par le gouvernement, dans des conditions acrobatiques, avec l'adoption du texte en une seule journée après l'échec de la commission mixte paritaire.
Cette loi introduisait deux novations assez fortes. Elle introduisait une majoration à caractère automatique et général. Si nous en proposons aujourd'hui l'abrogation, c'est d'abord que la mesure est inefficace. L'aggravation des difficultés d'accès à la propriété tient à des problèmes d'ordre économique, à la détérioration du pouvoir d'achat, à l'augmentation du coût du foncier, lequel occupe une part non négligeable dans le coût du logement. Or, une majoration automatique a inévitablement des effets haussiers pervers sur la valeur vénale des terrains, avec leurs conséquences mécaniques sur la formation des prix. J'ai mené des consultations, notamment auprès de l'Association des communautés urbaines de France : aucune communauté urbaine n'a l'intention d'accepter cette majoration. Toutes sont animées par le souci de préserver un urbanisme décentralisé, et attendent l'abrogation comme la soif attend l'orange.
Ce texte contredit les principes posés par le Grenelle II, qui prônait une amélioration de la densité urbaine qui ne soit pas mécanique, mais épouse le contexte local - loin donc d'une norme automatique s'appliquant uniformément sur tout le territoire. Aurait-on l'idée d'aller construire des tours au bord d'un bassin minier classé au patrimoine mondial par l'Unesco ?
La loi contrevient encore au principe de spécialité des EPCI, lequel va de pair avec l'exclusivité de la délégation de la compétence. La décision prise par un EPCI titulaire de la compétence d'urbanisme peut, avec la loi du 20 mars 2012, être contredite par la décision contraire d'une commune, au risque de compromettre toute logique de cohérence territoriale entre plans locaux d'urbanisme (PLU), schémas de cohérence territoriale (SCOT) et programmes locaux de l'habitat (PLH).
Enfin, la fameuse « note d'information » n'est pas une étude d'impact. Que recouvre ce document « canada dry » ? En l'absence de précision sur son contenu, il y a un risque non négligeable de contentieux.
J'ai loyalement cherché les arguments qui pourraient ébranler les plus réticents. Ils m'ont été donnés par Dominique Braye qui, lorsqu'il était rapporteur de la loi Boutin, alors que le gouvernement était déjà saisi de la tentation d'instituer une majoration uniforme et autoritaire, plaidait à l'inverse pour qu'il soit permis aux communes, sur délibération, de délimiter des règles de majoration, afin de conserver aux collectivités leur rôle en matière de planification urbaine. Voilà très précisément ce qui nous anime, ici comme à la commission des affaires économiques : nous entendons préserver le titulaire de la compétence.
L'abrogation est d'autant plus cohérente que trois majorations restent possibles, et que les chiffres montrent qu'elles restent très largement utilisables : nulle part sur le territoire les droits à construire ne sont saturés. La proposition de loi ne prive pas les collectivités de marge d'initiative.
Dernier point enfin, une abrogation ne dispose que pour l'avenir ce qui justifie ma proposition d'amendement pour les communes qui ont appliqué la majoration.
Des collectivités, certes en nombre très minoritaire, ont fait le choix d'aller vite : elles ont établi une note d'information, rendu compte devant l'organe délibérant, ce qui autorise mécaniquement une majoration de 30 % des droits à construire pour la délivrance de permis et le dépôt de déclarations jusqu'au 31 décembre 2015. D'autres communes, j'en connais, ont délibéré sans mettre en place la procédure de consultation, ce qui n'empêche donc pas la loi de s'appliquer. D'où l'urgence à l'abroger et à prévoir le cas théorique des communes qui ont choisi la majoration, en leur donnant la possibilité de revenir en arrière, que leur enlèverait la pure et simple abrogation. Mon amendement n'a donc d'autre objet, là encore, que de sauvegarder la liberté de décision des communes. Telles sont les raisons qui fondent ma démarche.
Une précision technique. Qu'en est-il des communes où la consultation n'a pas encore eu lieu, bien qu'une délibération ait été prise pour l'organiser ? Doivent-elles poursuivre la procédure ?
Je suis sensible à votre argument sur le temps de la concertation, qui n'a pu être satisfaisant. Ce texte a néanmoins le mérite d'exister et j'ai cru comprendre que vous n'étiez pas hostile par principe aux facultés d'assouplissement des règles en matière de construction. C'est pourquoi je regrette que vous proposiez son abrogation sans soumettre, dans le même temps, d'alternative. Mieux vaudrait soutenir des projets concrets en échange d'un texte qui a le mérite d'exister ? Il est dommage de ne pas lui donner sa chance. Les propositions avancées durant les dernières campagnes sont assez faibles et le discours de politique générale que nous venons d'entendre montre déjà un retrait, ainsi sur la mesure phare qu'était le doublement du plafond du livret A pour le financement du logement social - le gouvernement a d'ailleurs raison d'y renoncer car le montant moyen des dépôts sur ce livret ne dépasse pas quelques centaines d'euros. Le plafond actuel est donc loin d'être un verrou.
Souhaitons de ne pas voir se multiplier les textes de revanche, qui ne font pas avancer les choses sur des sujets aussi sensibles. Entre 2002 et 2007, 100 000 logements par an ont été construits, alors que l'on plafonnait, depuis 1997 à 43 000. Et l'on a atteint l'an dernier les 120 000, preuve que nos efforts ont porté leurs fruits, et méritent d'être poursuivis.
Je remercie le rapporteur de son effort pour rechercher des arguments susceptibles de nous convaincre, mais j'en ai un autre à lui opposer, et de nature transpartisane : celui de l'étalement urbain. Une ferme disparaît toutes les vingt-cinq minutes : en sept ans, c'est l'équivalent d'un département qui a été urbanisé. Or le texte que nous avions voté permet d'augmenter la construction sur terrain d'assiette inchangée, sans s'étaler sur des zones non encore ouvertes à l'urbanisme. L'enjeu alimentaire à l'échelle mondiale impose une politique agricole ambitieuse, qui accroîtra la valeur économique des terres agricoles. Veut-on respecter les règles posées par le Grenelle, avec les trames verte et bleue, les espaces protégés, qui réduisent inévitablement les zones constructibles ? Le texte que vous entendez abroger résolvait le dilemme.
L'augmentation des prix ? Construire davantage à foncier équivalent réduit le prix du mètre carré. Certes, les problématiques ne sont pas les mêmes à Paris et en province, mais la majoration reste un moyen. Le droit existant prend déjà en compte les disparités entre territoires, et la majoration ne fera que s'appliquer en fonction de ces disparités. Enfin, elle constitue, dans un contexte difficile, une mesure de soutien au BTP. Je comprends donc mal que vous vouliez l'abroger.
J'avais émis des réserves, d'ordre architectural, environnemental, financier, sur le projet de loi lors de son examen, même si je l'avais voté par solidarité. Ces réserves ne sont toujours pas levées, même si je n'aime pas plus que M. Béchu un détricotage qui dessert la démocratie. Je m'abstiendrai donc.
Je comprends l'attachement de nos collègues à l'héritage de l'ex-président de la République, dont ce texte qu'ils ont voté. Il n'en faut pas moins l'abroger. Outre que des outils existaient déjà pour améliorer la constructibilité, je suis las qu'on ramène la pénurie de logements à un simple problème réglementaire. Que fait-on de la disponibilité du foncier ? J'espère que ce gouvernement saura s'y attaquer en dynamisant les pouvoirs des établissements publics fonciers régionaux, et je pense tout particulièrement à l'Île-de-France et à ma région Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Que fait-on, ensuite, du financement ? Un nombre toujours plus grand de plans de financement d'opérations immobilières, surtout à but social, ne sont pas équilibrés, d'où un appel croissant aux collectivités. Le maire doit user de toute sa diplomatie pour faire passer la pilule auprès de ses administrés et en plus, on le fait payer pour avoir des ennuis !
Le texte incriminé complique un droit déjà très compliqué. Un droit à majoration qui s'applique sauf délibération contraire ? C'est se moquer des élus ! Je m'étonne que certains s'acharnent à le défendre.
L'opposition a du mérite à jouer son rôle d'opposant. Reconnaissez que personne n'avait songé depuis vingt-cinq ans à un tel urbanisme d'État. Autoriser une modification automatique des règles d'urbanisme sauf délibération contraire ! C'est l'exemple même, pour le législateur, de ce qu'il ne faut pas faire. Et certains, ici, peuvent le croiser avec leur expérience de terrain. On peut être sûrs des dysfonctionnements ! Les règles de l'urbanisme restant les mêmes, chaque détenteur foncier se verrait donc doté d'une capacité de construction supplémentaires de 30 % ? C'est de l'urbanisme à la Riboud ! Inverser le sens de la délibération est absurde. Le droit antérieur était loin d'être déraisonnable : une délibération positive est l'occasion pour l'intercommunalité ou la commune d'expliquer les raisons de son choix, fonction des spécificités du territoire.
Commencer par dresser un inventaire des collectivités qui ne souhaitent pas appliquer le dispositif aurait peut-être mis le gouvernement en responsabilité. Avez-vous songé aux communes qui ont dû recruter des cabinets d'étude pour préparer la note d'information avant le 20 septembre prochain ? Cela coûte aux plus petites d'entre elles entre 2 000 et 3 000 euros. Vous abrogez le texte sans même prévoir l'indemnisation des communes qui ont engagé des frais.
Je suis maire d'une commune qui ne voulait pas de ce texte. Il ruinait notre travail de deux ans : nous venions d'adopter notre PLU, en harmonie avec l'opposition municipale. Dès lors que l'on autorise 30 % de construction en plus, plus aucune des règles du PLU ne peut être respectée. Parce que c'était intolérable, j'avais engagé la procédure pour que le conseil municipal délibère, il y a trois semaines.
Je ne vois toujours pas l'intérêt de ce texte, d'autant qu'il existe déjà, dans le code, des mesures de dépassement. Je me rallie donc aux conclusions du rapporteur.
L'opposition joue son rôle d'opposant sans faire de l'obstruction systématique : elle a exprimé de véritables interrogations. Certains élus municipaux sont confrontés à un vrai problème. Vouloir revenir sans délai sur ce texte, c'est, de la part de la majorité, ne jouer que la majorité ! Quelles que soient les imperfections de la loi, il aurait fallu, comme l'a fait valoir M. Bas, lui laisser le temps de vivre, ne serait-ce que parce qu'elle obligeait les municipalités à mener une réflexion sur cet important enjeu. Dans ma commune, qui se trouve confrontée à la loi SRU, il constitue une réelle difficulté. Et ce n'est pas une seule discussion au conseil municipal qui lèvera les réticences de la population.
Une question au rapporteur, enfin. Pourquoi la proposition de loi prévoit-elle le retour à un taux de 20 % sur la majoration de l'article L. 123-1-11 du code de l'urbanisme ? Est-ce là un symbole destiné à montrer qu'il ne doit rien rester du dispositif voté en mars dernier ?
Je me range aux côtés du doyen Gélard. Mon seul regret est que ce texte n'ait pu être abrogé plus tôt. Car c'est une véritable atteinte à la libre administration des collectivités, obligée -c'est un comble !- de fonctionner à l'envers. Je ne comprends d'ailleurs pas comment il a passé l'obstacle du contrôle de constitutionnalité. J'ajoute qu'il est contraire aux objectifs du Grenelle II. Dans ma commune, surdensifiée, les seuls qui soient favorables à ce texte sont les promoteurs et les agents immobiliers ! Je voterai son abrogation des deux mains.
N'est-ce pas Raymond Aron qui disait que « l'idéologie est l'idée de mon adversaire » ? Pour ma part, j'ai été guidé par une règle : ne pas me désolidariser de la position des territoires, je pense à l'AMF, à l'ADF, à l'ACUF.
L'abrogation, Monsieur Bas, n'a pas pour effet d'abroger les trois autres majorations qui existaient avant la loi du 20 mars 2012, et dont une enquête menée sur 71 départements a montré qu'elles étaient loin d'être utilisées à plein : 140 communes utilisent la majoration pour le logement social, 160 celle pour la performance énergétique et 30 celle de la loi Boutin. Il est vrai qu'il y a un débat à avoir sur la question du contexte local, mais c'est un débat de SCOT, de PLU, parce que les droits à construire ne sont aujourd'hui saturés dans aucune collectivité.
Une collectivité a toujours moyen, Monsieur Béchu, de mener une politique de densification. Pour être en charge du Scot pour Lille métropole, je puis vous dire que si on se contente de laisser venir la demande, on a tôt fait d'empiéter sur les terres agricoles. Nous ne sommes pas un modèle, mais qu'avons-nous fait ? Nous avons dit que quand les droits à construire n'étaient pas tous consommés, il n'était pas question d'ouvrir des terres agricoles à l'urbanisation : nous avons ouvert un compte foncier et essayé d'avoir un débat sur le Scot. Le niveau du vote Front national dans le périurbain montre bien qu'il est urgent de décloisonner les raisonnements, pour que densité cesse d'être synonyme de pauvreté. Mais ce n'est sans doute pas ici le lieu d'entrer dans ce débat. Quant à l'amendement, je l'ai déjà présenté.
L'abrogation met fin à la procédure pour les communes, Monsieur Détraigne : la majoration ne pourra entrer en vigueur. Si les résultats de la consultation sont présentés, ce sera à titre purement informatif.
On leur a déjà évité 30 000 euros de dépense : si la rédaction initiale du texte avait été votée, ce n'était pas une note d'information mais une étude d'impact qu'il fallait mettre en oeuvre.
Je voterai l'amendement, car si le texte doit être voté, il est important qu'il le soit avec cet amendement.
L'amendement n° LOIS 1 est adopté.
L'amendement sera donc défendu par notre rapporteur devant la commission des affaires économiques.
La commission donne un avis favorable à l'adoption de la proposition de loi.