Intervention de Daniel Raoul

Réunion du 7 juillet 2008 à 15h00
Modernisation de l'économie — Article 21

Photo de Daniel RaoulDaniel Raoul :

J’ai défendu cet amendement de suppression lors de mon intervention sur l’article. J’apporterai simplement quelques éléments complémentaires à l’analyse que j’ai développée.

Comme vous l’avez encore dit à l’instant, monsieur le secrétaire d’État, vous pensez, par cet article, mettre fin aux marges arrière. Je ne crois pas que vous y parviendrez de cette manière.

Le rapport de Mme Marie-Dominique Hagelsteen laisse sceptique. Elle souligne, en effet, que les objectifs poursuivis par les réformes Dutreil puis Chatel n’ont pas permis de réduire significativement les marges arrière : « On doit cependant constater qu’un des objectifs poursuivis, le recul des marges arrière, n’a pas été atteint, ou ne l’a été que partiellement. De fait, ces marges ont continué de croître, passant de 33, 5 % du prix net sur facture en 2005 à environ 37 % en 2006. ».

Je ne suis pas sûr que plus de liberté de négociation et plus de liberté de discrimination permettront de mettre fin à ce système.

En revanche, je crains que cette liberté de négociation des conditions générales de vente ne mène à une nouvelle détérioration des conditions de travail dans la grande distribution, déjà marquée par des politiques salariales draconiennes.

Le secteur de la grande distribution est, en effet, réputé pour la faiblesse des salaires de la majorité de ses employés.

En 2004, dans ce secteur, l’augmentation des salaires de la majorité des employés s’est située en dessous du niveau de l’inflation. Ainsi, les employés de Carrefour ont perçu une augmentation de leur salaire de 1, 79 %. Mais, dans le même temps, – vous connaissez cet épisode – le P-DG de Carrefour partait avec une indemnité de départ de trois années de salaire, soit au total 9, 39 millions d’euros, dont 4, 9 millions payés en 2005.

Cette confortable indemnité était assortie, comme le soulignent Patrick Artus et Marie-Paule Virard dans leur ouvrage Le capitalisme est en train de s’autodétruire –, « d’une retraite supplémentaire lui garantissant à vie 40 % de son dernier salaire et pour laquelle l’entreprise a provisionné 29 millions d’euros dans ses comptes ».

En février dernier, un mouvement de grève important a touché la grande distribution. Les salariés ont protesté contre la faiblesse des salaires, la dureté des conditions de travail, le temps partiel non choisi, les heures de travail éparpillées au cours de la semaine, etc.

Dans Le Monde daté du 25 mars, on apprenait que les salariés du plus grand hypermarché marseillais de l’enseigne Carrefour « demandaient une prime exceptionnelle de 250 euros, la fin des temps partiels imposés et la revalorisation du ticket-restaurant – il était à 3, 05 euros », ce qui représente « tout juste de quoi acheter un sandwich » […]. Ils souhaitaient également que le magasin ferme à 21 heures au lieu de 22 heures, au moins pendant l’hiver. »

Sur les 650 000 salariés que compte le secteur de la grande distribution, 37 % sont employés à temps partiel. Pour les femmes, cette proportion atteint 55 % : ce sont surtout elles qui subissent aujourd’hui de plein fouet la précarisation de leur statut et la dégradation de leurs conditions de travail, notamment en raison de la parcellisation de leur temps de travail, dans un contexte d’exacerbation de la concurrence.

Nous craignons qu’avec l’article 21 le pire ne soit à venir, pour les salariés du secteur aussi bien que pour les consommateurs !

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

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