Intervention de Jean-René Lecerf

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 4 juillet 2012 : 1ère réunion
Application de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 — Examen du rapport d'information

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf, co-rapporteur :

Merci.

Mes chers collègues, entrée en vigueur le 24 novembre 2009, la loi pénitentiaire a bien entendu marqué à la fois une profonde rupture et un véritable renouveau après que les commissions d'enquête du Sénat et de l'Assemblée nationale eurent dressé, en 2000, un état très critique des prisons françaises. Je vous rappelle le titre de la commission d'enquête du Sénat présidée par M. Jean-Jacques Hyest : « Prisons en France : une humiliation pour la République ».

La situation n'a cependant évolué que bien lentement et le 28 juin 2009, devant le Congrès réuni à Versailles, le chef de l'Etat lui-même a dressé un réquisitoire tout aussi implacable. Je me permets de le citer : « Comment accepter que la situation dans nos prisons soit aussi contraire à nos valeurs de respect de la personne humaine ? La détention est une épreuve dure ; elle ne doit pas être dégradante. Comment espérer réinsérer dans la société ceux qu'on aura privés pendant des années de toute dignité ? L'état de nos prisons, nous le savons tous, est une honte pour notre République, quel que soit par ailleurs le dévouement du personnel pénitentiaire ».

Le Parlement -et le Sénat en tout premier lieu- ont largement contribué à donner au projet de loi pénitentiaire une ambition dont il était initialement dépourvu, qu'il s'agisse de l'affirmation des droits des personnes détenues ou des dispositions sur le sens de la peine que je me permets de rappeler également : « Le régime d'exécution de la peine de privation de liberté concilie la protection de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de préparer l'insertion ou la réinsertion de la personne détenue afin de lui permettre de mener une vie responsable et de prévenir la commission de nouvelles infractions ».

Quant aux aménagements de peine, leur principe constituait sans doute l'aspect le plus abouti du projet de loi.

Même si une évaluation de la loi pénitentiaire dans toute sa portée suppose encore le recul de plusieurs années, vos co-rapporteurs peuvent déjà constater que l'application de cette loi n'est pas à la hauteur des espoirs qu'elle avait soulevés, pour de multiples raisons qui tiennent au retard dans la prise des décrets d'application -deux ans et demi après la promulgation de la loi, deux décrets importants sont encore attendus- à l'insuffisance des moyens, en particulier pour le développement des aménagements de peine -notamment l'insuffisance des personnels d'insertion et de probation- et à une certaine résistance de l'administration pénitentiaire par rapport à des dispositions qui marquent une novation par rapport aux pratiques habituelles. Je pense notamment aux problèmes des fouilles, de la consultation des personnes détenues ou du droit à l'image.

Il faut y ajouter les difficultés supplémentaires générées par l'augmentation du nombre de personnes détenues, passées de 61.656 à 66.915 entre le 1er juin 2010 et le 1er juin 2012 et les difficultés générées par les évolutions législatives récentes, conjuguées à une politique pénale tendant à ramener à exécution toutes les peines d'emprisonnement ferme. La loi du 27 mars 2012 de programmation relative à l'exécution des peines ne contredit-elle pas les orientations de la loi pénitentiaire, notamment quant à l'aménagement des courtes peines d'emprisonnement ?

Vos co-rapporteurs estiment que l'heure est venue de redonner souffle aux principes fondateurs de la loi pénitentiaire, non seulement en permettant une application plus satisfaisante de ses dispositions mais aussi en la complétant dans l'esprit et la logique qui avaient animé le législateur en 2009.

Nicole Borvo Cohen-Seat et moi-même vous parlerons successivement de l'organisation du service public pénitentiaire, des droits des personnes détenues, puis des conditions de détention et enfin des aménagements de peine.

S'agissant de l'organisation du service public pénitentiaire, je traiterai trois points : le développement du contrôle et de l'évaluation, l'implication limitée des collectivités locales et l'insatisfaction persistante des personnels pénitentiaires.

En matière de développement du contrôle et de l'évaluation, la loi pénitentiaire a prévu l'institution auprès de chaque établissement de conseils d'évaluation en remplacement des commissions de surveillance dont l'inefficacité avait été depuis longtemps dénoncée.

Il n'est pas sûr, néanmoins, que cette nouvelle instance, dont la composition est encore plus lourde que celle de la commission de surveillance, joue un rôle efficace.

Contrairement au souhait du législateur, le pouvoir exécutif n'a pas tiré les enseignements de l'échec des commissions de surveillance en donnant à ces nouvelles structures une composition allégée qui leur permette d'exercer à la fois un rôle d'évaluation et de proposition.

La loi pénitentiaire avait consacré le rôle du Contrôleur général des lieux de privation de liberté et des délégués du Médiateur de la République, devenu délégués du Défenseur des droits. Vos co-rapporteurs soulignent le rôle éminent du contrôle extérieur joué par Jean-Marie Delarue et ses équipes et constatent qu'après quelques incertitudes liées à une période de transition, les délégués du Défenseur des droits reprennent leur rôle de relais, très utile dans le règlement des différends entre les personnes détenues et les administrations.

Enfin, vos co-rapporteurs regrettent qu'un des volets importants de la loi pénitentiaire ne puisse encore s'appliquer : il était prévu de confier à l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales le recueil et l'analyse des données relatives aux infractions, à l'exécution des décisions de justice en matière pénale, à la récidive et à la réitération.

La loi pénitentiaire assignait également à cet Observatoire la responsabilité d'élaborer un rapport annuel comportant les taux de récidive et de réitération par établissement pour peines.

L'intention du législateur n'a jamais été de créer je ne sais quel palmarès des établissements pénitentiaires mais d'avoir les éléments de réflexion nécessaires pour pouvoir juger de l'incidence des conditions de détention sur la récidive et sur la réinsertion.

Deuxième idée : l'implication limitée des collectivités locales. Le législateur avait souhaité marquer que le service public pénitentiaire ne soit pas l'affaire exclusive de l'administration pénitentiaire mais qu'il s'exerce avec le concours des autres services de l'Etat, des collectivités territoriales, des associations et autres personnes publiques ou privées.

On retrouvera d'ailleurs la même idée dans la volonté de multiplier le travail carcéral : le faire sans les entreprises n'aurait guère de sens !

Or, on constate une visibilité réduite des collectivités territoriales au sein des instances d'orientation. Certes, le décret d'application prévoit bien que le Conseil d'évaluation compte le président du conseil général, le président du conseil régional, les maires des communes sur le territoire desquels est situé l'établissement et que ces autorités puissent se faire représenter.

Il n'est pas sûr qu'un président de conseil général ou un président de conseil régional ait assisté à ce jour à un seul conseil d'évaluation. N'aurait-il pas été plus efficace de prévoir tout simplement l'élection d'un représentant parmi les membres de ces assemblées ?

On constate également une participation embryonnaire à la formation professionnelle. L'expérimentation du transfert aux régions des actions de formation professionnelle des personnes détenues a rencontré un obstacle imprévu du fait de la nécessité d'indemniser les partenaires privés des établissements en gestion déléguée compétents en matière de formation.

Il a donc été décidé de borner le champ de l'expérimentation aux seuls établissements en gestion publique. Cela a entraîné le désistement de deux régions qui étaient d'accord pour jouer le jeu de l'expérimentation, la région PACA et la région Nord-Pas-de-Calais. Seules à ce jour les régions Pays de Loire et Aquitaine jouent le jeu.

Vos co-rapporteurs souhaitent donc que les régions puissent également s'impliquer dans la formation professionnelle des personnes détenues dans les établissements en gestion privée. Les marchés négociés avec les partenaires privés devraient prendre en compte cette évolution

Dernier point : l'insatisfaction des personnels pénitentiaires.

L'adhésion à la loi des personnels pénitentiaires reste mitigée. Nous avons notamment été fréquemment l'objet de critiques sur le travail du législateur concernant le raccourcissement du délai de quartier disciplinaire, pourtant l'un des plus élevés des pays européens, les fouilles et la consultation des personnes détenues. Les surveillants tendent à considérer que la loi n'est pas équilibrée et s'attache trop à la reconnaissance des droits des détenus.

Ces critiques ont cependant pour arrière-plan les inquiétudes des personnels, liées en particulier à l'insuffisance des effectifs dans de nombreux établissements confrontés à la surpopulation carcérale ainsi qu'à la reprise des missions d'extraction judiciaires, auparavant assurées par les services de police et de gendarmerie. Or, on sait bien que le compte n'y est pas en matière de personnel.

Notons que la question de la formation continue demeure sensible, dans la mesure où les nécessités de service -notamment dans les établissements où les effectifs sont en tension- interdisent en pratique aux personnels de s'absenter pour suivre des sessions de formation, ce qui est fort dommageable.

Quant à la réserve civile pénitentiaire, élément également important du dispositif, on note que moins d'une centaine de contrats de réservistes ont été signés à ce jour, ce qui est dérisoire !

Autre point important : les droits des personnes détenues. La loi pénitentiaire rappelle que l'administration pénitentiaire doit garantir à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits.

Il existe une interprétation parfois restrictive de certains droits. Si de réels progrès ont été accomplis en matière d'information des personnes détenues sur leurs droits, d'autres aspects posent questions : ainsi, en ce qui concerne le respect de la liberté de conscience et de l'exercice du droit de culte, les réponses sont encore inadaptées aux besoins de la population pénale.

Vos co-rapporteurs ont souvent constaté lors de leurs visites l'insuffisance du nombre d'aumôniers musulmans. Dans certains établissements, ils sont totalement absents, ce qui peut faire le jeu de quelques activistes prosélytes.

L'utilisation du droit de domiciliation auprès de l'établissement pénitentiaire reste marginale. Ainsi, en mai 2012, seules 275 personnes détenues s'étaient domiciliées dans leur établissement. Or, cette domiciliation avait un triple objectif : l'exercice des droits civiques -notamment le droit de vote- le bénéfice de l'aide sociale légale et la facilitation des démarches administratives.

Nous venons de vivre une période d'élections : extrêmement peu de personnes détenues ont fait jouer leur possibilité de voter, ce qui est dommageable à la fois en termes de citoyenneté et en termes de retour de ces personnes à une vie sociale.

Nous pensons que la seule solution pour qu'il en soit autrement est la mise en place d'un bureau de vote dans les établissements, qui permettrait de favoriser cette participation.

Quant au droit à l'image, nous nous heurtons à une interprétation très restrictive. Avant l'entrée en vigueur de la loi pénitentiaire, le principe de l'anonymat s'appliquait de manière absolue pour tout reportage. Le législateur a autorisé l'identification des personnes détenues par l'image ou la voix à la condition que les intéressés donnent leur accord et que l'administration pénitentiaire ne s'y oppose pas au regard de la sauvegarde de l'ordre public, de la prévention des infractions, de la protection des droits des victimes ou des tiers.

D'une manière générale, vos co-rapporteurs ont pu constater l'extrême réticence de l'administration pénitentiaire à ouvrir les portes de la prison aux journalistes, encore plus lorsqu'ils sont munis de caméras. Cette opacité, que nous regrettons, entretient des préjugés parfois injustifiés sur la situation des prisons et la méconnaissance sur les progrès qui peuvent y être accomplis. Elle ne favorise pas non plus la prise de conscience, au sein de l'opinion, des enjeux posés par les questions pénitentiaires. Or, les prisons de la République appartiennent également aux citoyens...

En second lieu, lorsque des reportages sont autorisés, le visage des personnes détenues est systématiquement flouté, malgré l'accord donné par les intéressés. Cette pratique n'est pas toujours justifiée par les motifs de restriction légaux.

L'administration pénitentiaire invoque parfois, sans autre précision, l'intérêt de la personne détenue, fut-ce contre l'expression même de sa volonté. Une telle argumentation paraît renvoyer la personne détenue à un état de minorité alors même que la capacité à mener une vie responsable a été placée au coeur de la peine par la loi de 2009.

En matière de droits et d'obligations économiques et sociaux, le bilan est décevant. L'introduction de l'obligation d'activité introduite par le Sénat à l'initiative de votre commission des lois était inspirée par l'objectif de rompre avec le désoeuvrement dans lequel beaucoup de personnes détenues sont trop souvent laissées et de mettre à profit le temps en détention pour préparer la réinsertion de la personne.

Pourtant, l'emploi et la formation ne concernent aujourd'hui qu'une minorité de personnes détenues. Le taux d'activité global s'élève en effet à 39,1 % avec néanmoins de fortes disparités entre les maisons d'arrêt -34,7 %- et les établissements pour peine -48,4 %. 24.934 personnes détenues ont eu en moyenne mensuelle une activité rémunérée en 2011, soit moins de la moitié des personnes détenues.

Vos co-rapporteurs sont certes conscients des efforts déployés par l'administration pénitentiaire pour développer l'emploi en détention, notamment par les mesures mises en oeuvre dans le secteur de l'artisanat et celui de l'entreprise mais ils restent persuadés que des moyens d'action existent et que des efforts supplémentaires devraient être accomplis.

On constate par exemple l'insuffisance des locaux affectés au travail et cela même dans les établissements récents. Tel est le cas du centre pénitentiaire du Havre, ce qui est assez paradoxal !

Par ailleurs, le mode de gestion déléguée, qui inclut notamment la prospection d'entreprises concessionnaires, n'a pas donné les résultats escomptés. Le partenaire privé se borne à atteindre -parfois avec difficulté- le niveau d'emploi prévu par le contrat de délégation sans aller au-delà. Or, l'ardente obligation que représente le développement du travail en détention justifierait la mobilisation de toutes les énergies -concessionnaire privé, lorsqu'il est présent, mais aussi direction de l'établissement.

Selon vos co-rapporteurs, différentes pistes peuvent être explorées pour accroître le nombre d'activités rémunérées proposées en prison. L'expérience fructueuse d'emploi de personnes détenues à une plateforme de tri sélectif est en cours d'installation à la maison d'arrêt de Douai, après avoir été initiée au centre pénitentiaire de Lille-Loos, les personnes formées étant systématiquement embauchées à leur sortie pour six mois minimum par une société d'économie mixte qui travaille en liaison avec Lille Métropole Communauté Urbaine (LMCU).

En outre, lors de l'examen de la loi pénitentiaire, j'avais souhaité, en tant que rapporteur, qu'une priorité soit donnée, dans le cadre des attributions de marchés publics, aux productions des établissements pénitentiaires et j'avais obtenu des engagements en ce sens du Gouvernement, notamment de la part de Mmes Dati et Alliot-Marie. Depuis, la chancellerie a précisé que le Service de l'Emploi Pénitentiaire (SEP), n'ayant pas de personnalité morale distincte de celle de l'Etat, n'était pas soumis au code des marchés publics lorsqu'il lui fournit des prestations. Cela étant, il pourrait fournir des prestations à d'autres personnes publiques que l'Etat, voire à des personnes privées. En revanche, le droit de préférence devrait être étendu aux entreprises concessionnaires des établissements pénitentiaires. Il s'agit d'un droit assez banal, comme le droit de priorité, dont bénéficient les Sociétés Coopératives Ouvrières de Production (SCOP).

Enfin, la loi pénitentiaire avait prévu l'implantation au sein des établissements pénitentiaires de structures d'insertion par l'activité économique. Si des discussions ont été engagées entre l'administration pénitentiaire et la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, les textes d'application tardent, deux ans et demi après la promulgation de la loi !

Par ailleurs, je l'ai dit, la culture pénitentiaire demeure rétive à la consultation des personnes détenues. L'administration pénitentiaire s'était pourtant initialement montrée plus ambitieuse en confiant à une magistrate, Mme Cécile Brunet-Ludet, le soin d'esquisser des pistes de travail pour la mise en oeuvre d'un droit d'expression collective des personnes détenues et d'accompagner une expérimentation dans des établissements pilotes. Selon les témoignages recueillis par vos co-rapporteurs, l'expérience s'est révélée fructueuse dans plusieurs des sites concernés.

Vos co-rapporteurs regrettent que le rapport élaboré à l'issue de ce travail n'ait fait l'objet d'aucune diffusion. Ce document permettrait en effet de mieux déterminer dans quelles conditions il est possible d'élargir, dans une perspective de responsabilisation des personnes détenues et d'apaisement des tensions, le champ de la consultation aux aspects quotidiens de la détention. La loi ne prévoyait cette consultation que sur les activités proposées.

L'aide en nature ou en numéraire constitue une dépense très limitée. La loi pénitentiaire a prévu que les personnes détenues les plus démunies pourraient recevoir dans des conditions fixées par voie réglementaire une aide en nature. A l'initiative du Sénat, sur proposition de votre commission des lois, cette aide peut aussi être versée en numéraire.

Alors que l'aide est actuellement fournie prioritairement en nature -vêtements, nécessaires de correspondance, trousses de toilette- vos co-rapporteurs estiment qu'il n'y a pas lieu de privilégier l'aide en nature par rapport à l'aide en numéraire. Le Parlement aurait d'ailleurs précisé le contenu d'une telle aide, sous la forme d'un revenu minimal carcéral, s'il n'en avait été empêché par l'article 40 de la Constitution. Vos co-rapporteurs estiment que le principe d'un revenu minimal carcéral conserve toute son actualité. Son coût pour les finances publiques serait modique. Martin Hirsch, à l'époque, l'avait évalué à 8 millions d'euros. En outre, cette aide éviterait par exemple que de jeunes détenus qui souhaitent suivre une formation ne soient obligés d'y renoncer pour effectuer un travail d'intérêt général et porter des repas à leurs co-détenus.

Nous assistons, en matière de rémunération du travail, à quelques difficultés pratiques de mise en oeuvre. A l'initiative de la commission des affaires sociales, le Sénat avait introduit dans la loi pénitentiaire le principe selon lequel la rémunération du travail des personnes détenues ne pouvait être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum de croissance.

La mise en oeuvre d'une rémunération fondée sur un taux horaire au lieu d'une rémunération à la pièce rencontre de vives résistances -quelquefois assez fondées. Plusieurs des chefs d'établissement craignent que la généralisation du dispositif ne conduise à évincer des postes de travail les personnes détenues les plus fragiles afin de répondre aux objectifs de rentabilité des entreprises concessionnaires. La direction de l'administration pénitentiaire a indiqué que le dispositif législatif serait d'abord mis en oeuvre de manière expérimentale dans un nombre limité d'établissements afin d'en mesurer les conséquences.

Vos co-rapporteurs, s'ils ne sous-estiment pas ces difficultés, considèrent cependant qu'elles pourraient être surmontées, s'agissant des personnes détenues les plus vulnérables, par la combinaison d'un salaire horaire minimal et du revenu minimum carcéral préconisé plus haut.

Autre point important : la vie familiale et les relations avec l'extérieur. Depuis la loi pénitentiaire, on constate une augmentation du nombre des permis de visites. Selon les statistiques mensuelles communiquées par l'administration pénitentiaire, un rendez-vous parloir est désormais accordé à 54 % des personnes détenues contre 34 % en janvier 2010.

On doit cependant noter que le choix d'implanter les nouveaux établissements du programme « 13.200 places » à la périphérie souvent lointaine des centres urbains complique beaucoup l'organisation des visites.

Signalons une mobilisation des moyens autour de l'extension des unités de vie familiale et des parloirs familiaux. Ces initiatives avaient au départ rencontré l'hostilité du personnel pénitentiaire qui a désormais changé d'avis et qui y est aujourd'hui totalement favorable.

A l'initiative de vos co-rapporteurs, la loi pénitentiaire avait apporté une consécration législative aux Unités de Vie Familiale (UVF) et aux parloirs familiaux tout en élargissant le champ des bénéficiaires à toutes les personnes détenues et non seulement aux condamnés. L'objectif est de permettre, pour les parloirs familiaux, trois jours d'ouverture par semaine et une demi-journée à chaque parloir et, pour les unités de vie familiale, une ouverture six jours par semaine et une journée -voire davantage- à chaque visite.

Signalons également des progrès dans l'accompagnement social des mères détenues et un meilleur accès au téléphone. Nous regrettons simplement qu'il n'existe pas, dans les coursives ou dans les cours de promenade, des cabines permettant de préserver la confidentialité de la conversation.

D'autre part, la sécurité des personnes est encore mal assurée, en particulier dans des établissements surdimensionnés. La loi pénitentiaire fixait pourtant pour obligation à l'administration pénitentiaire d'assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs ou individuels. Or, les faits de violences entre personnes détenues ne cessent de croître du fait de la surpopulation carcérale : 7.590 en 2009, 7.825 en 2010, 8.365 en 2011.

Selon les comptes rendus d'événements transmis par les directions interrégionales de l'administration pénitentiaire, le nombre d'agressions dont sont victimes les personnels progresse également légèrement -775 en 2011, 764 en 2010. On sait en outre que pour les personnels, ces chiffres correspondent à une réalité ; pour les personnes détenues, ce sont les seuls auxquels l'administration pénitentiaire a eu accès. A la maison d'arrêt d'Orléans, que nous avons visitée, où trois à quatre personnes se partagent 9 m2, on ignore bien entendu l'essentiel de ce qui se passe à l'intérieur des cellules.

Je terminerai par le volet santé. Je ne l'aborderai que de manière rapide, la loi pénitentiaire n'ayant pas prévu grand-chose sur ce point. Ce volet avait été enrichi à l'initiative de notre collègue Nicolas About. Deux problèmes continuent à se poser. Le premier concerne la participation des médecins à la commission pluridisciplinaire unique, les médecins y étant dans leur grande majorité hostiles. Il faudrait trouver une solution pour assurer le respect du secret professionnel et permettre la sécurité des personnes.

Le second problème est celui de la prise en charge des personnes atteintes de troubles psychiatriques, qui n'a pas été traité par la loi pénitentiaire.

Nous avons étudié cette question avec Jean-Pierre Michel et deux collègues de la commission des affaires sociales, dans le cadre d'un groupe de travail. J'avais déposé une proposition de loi, dont Jean-Pierre Michel était rapporteur, sur la responsabilité pénale des personnes souffrant de troubles mentaux. Cette proposition avait recueilli une quasi-unanimité au Sénat ; elle n'a jamais été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale !

Je crois pourtant qu'elle permettrait de gérer ce problème spécifiquement français, de nombreuses personnes souffrant de troubles mentaux très lourds dans nos établissements pénitentiaires. Nous avons estimé à 10 % le nombre de ceux pour lesquels la peine ne pouvait avoir aucun sens et qui n'avaient pas leur place dans ces établissements.

Cela explique en partie le nombre très élevé de suicides que l'on constate dans ces établissements. Une grande loi sur la santé mentale reste à prendre ; à tout le moins, on pourrait commencer par discuter de la proposition de loi que nous avions déposée !

Je passe à présent la parole à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat...

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