Je partage ce qui vient d'être dit. Je rappelle que, lors de la discussion de la loi sur l'exécution des peines, en mars 2012, nous avions ici souhaité réintroduire dans notre corpus législatif la loi Lecerf-Michel, dont l'Assemblée nationale n'avait pas voulu. Je crois donc qu'il faut remettre cette nécessité sur le devant de la scène.
Je voudrais insister sur un double aspect concernant les conditions de détention et le respect de la dignité : j'aime à ce propos citer un Président de la République, qui n'est pas de mon bord, Valéry Giscard d'Estaing qui, en 1976, disait : « La prison, c'est la privation de liberté et rien d'autre ! ».
La question de la dignité des personnes est au coeur des règles pénitentiaires européennes que nous avons dû prendre en compte au bout de nombreuses années. Elle continue de nous guider. Les conditions de détention doivent permettre de s'intéresser à la sortie des détenus ; ce faisant, on doit renoncer à les infantiliser et chercher, en les responsabilisant, à les aider à se mettre en accord avec la société lorsqu'ils sortiront.
Jean-René Lecerf a évoqué les fouilles. Dans chaque établissement que nous avons visité, nous avons été interpellés sur cette question. Les préconisations de la loi pénitentiaire ne sont en effet pas suivies et restent très problématiques. Comme cela a été dit, c'est un sujet de crispation majeure avec les personnels.
En 2009, le législateur s'était inspiré de la jurisprudence du Conseil d'Etat et voulait encadrer cette pratique, sur le fondement des nécessités d'adaptation au motif poursuivi et à la proportionnalité. Or, le décret du 23 décembre 2010 interprète a minima les prescriptions de la loi pénitentiaire.
Il prévoit la nécessité d'adapter la nature de la fouille et sa fréquence au profil de la personne détenue mais aussi aux circonstances de la vie en détention et à la spécificité de l'établissement. L'administration pénitentiaire a donc entendu être maîtresse des circonstances et de la spécificité de l'établissement, ce qui laisse la porte ouverte à une interprétation extensive.
D'après l'administration pénitentiaire et les personnels que nous avons entendus, la fouille contribue à éviter l'intrusion d'objets dangereux au sein des établissements ; par ailleurs, le choix d'effectuer des fouilles intégrales sur l'ensemble des personnes détenues à l'issue du parloir, y compris sur celles ne présentant pas un comportement laissant penser qu'il fait courir un risque à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre de l'établissement, s'expliquerait aussi par la nécessité de protéger les personnes détenues les plus fragiles, qui pourraient servir de « mules » à d'autres détenus.
Saisie par certaines personnes détenues et par l'Observatoire international des prisons du caractère systématique des fouilles, la juridiction administrative a enjoint à plusieurs reprises à l'administration pénitentiaire de cesser ces pratiques.
Cependant, ces décisions n'ont qu'une portée individuelle. En outre, la jurisprudence admet que l'établissement pénitentiaire établisse de manière spécifique que sa situation justifie pour tous les détenus sans distinction, une fouille corporelle intégrale répétée à la sortie de chaque parloir autorisé. Aussi les chefs d'établissement continuent-ils de la pratiquer. Cette position ne nous paraît pas satisfaisante. L'administration pénitentiaire l'admet d'ailleurs et souhaiterait que la loi pénitentiaire soit corrigée pour lui permettre de continuer à pratiquer les fouilles à sa discrétion. Un tel retour en arrière ne nous paraît pas acceptable. Le recours aux fouilles intégrales, que la loi n'a jamais entendu écarter en cas de nécessité absolue, ne peut revêtir le caractère systématique que présentent les pratiques actuelles.
La conciliation des principes de sécurité et de respect de la dignité de la personne passe par le recours aux portiques à ondes millimétriques permettant de visualiser les contenus du corps et de repérer la présence à la fois de substances illicites ou d'objets dangereux sans que la personne détenue ait besoin de se dévêtir. Voilà ce que nous avons voulu, que vous avez voté et que nous voulons encore !
Aujourd'hui, il existe un portique millimétrique à la prison de Lannemezan. Un tel portique coûte 140.000 euros et l'administration pénitentiaire devrait acquérir une soixantaine de portiques dans un premier temps...