Merci de le préciser...
Si la mise en place de ces dispositifs techniques représente une réelle avancée, elle ne saurait à elle seule régler toutes les difficultés. Comme l'avait observé M. Jean-Marie Delarue, Contrôleur général des lieux de privation de liberté, les fouilles continueront de s'imposer sans considération de la personnalité des détenus tant que l'administration pénitentiaire sera impuissante à empêcher les rapports de forces entre co-détenus.
C'est donc un sujet qui dépasse largement le problème des objets qui peuvent passer par l'intermédiaire des détenus.
Il convient de rappeler que malgré les fouilles, de nombreux objets pénètrent à l'intérieur des prisons. La focalisation sur les parloirs ne doit pas conduire à occulter à cet égard le phénomène très préoccupant d'objets illicites projetés de l'extérieur dans l'enceinte pénitentiaire. Ainsi au cours du week-end précédant notre visite au centre pénitentiaire d'Avignon, 110 colis ont été introduits de cette façon à l'intérieur de l'établissement.
Il est donc indispensable de se préoccuper, en particulier dans ces nouvelles prisons, du risque de passage par la voie de projection de colis ou autres, qui pourraient faire l'objet de complicités internes.
En matière de discipline, la loi pénitentiaire avait introduit la présence d'assesseurs extérieurs au sein de la commission de discipline.
Néanmoins, aujourd'hui, certains établissements sont encore dépourvus d'assesseurs extérieurs. Or, les décisions prises en l'absence d'assesseur extérieur sont susceptibles d'encourir la nullité. Cette situation introduit en effet une rupture d'égalité entre les personnes poursuivies.
En outre, le rôle dévolu au chef d'établissement au sein de la commission de discipline n'est pas conforme au principe d'impartialité commandé par la Cour de Strasbourg. A minima, nous estimons nécessaire de conférer aux assesseurs une voix délibérative.
S'agissant de la procédure de recours contre une sanction disciplinaire, l'article 91 a prévu que lorsqu'une personne détenue est placée en quartier disciplinaire ou en confinement, elle peut saisir le juge des référés en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Encore faut-il que le juge admette la situation d'urgence...
Nous proposons que la condition d'urgence soit présumée remplie, comme l'avait initialement proposé M. Alain Anziani lors de l'examen de la loi pénitentiaire, ce qui avait été accepté par le Sénat mais refusé par l'Assemblée nationale.
Quant aux régimes de détention, ils comportent un écart entre les principes et les réalités. L'organisation des régimes de détention, telle qu'elle résulte de la loi pénitentiaire, s'articule autour de trois lignes directrices :
- l'homogénéisation des régimes de détention pour chaque catégorie d'établissements pénitentiaires ;
- la réaffirmation du principe de l'encellulement individuel sous réserve d'exceptions encadrées ;
- la faculté de différenciation des régimes de détention selon le profil de la personne détenue. Cette dernière disposition demeure encore aujourd'hui débattue. Personnellement, je n'y étais pas favorable au moment de la discussion de la loi pénitentiaire -mais elle avait été adoptée.
Je veux évoquer ici les règlements intérieurs type renvoyant pour les autres aspects au rapport écrit. A l'initiative de notre commission des lois, le législateur a souhaité que des règlements intérieurs type, adoptés sous la forme de décrets en Conseil d'Etat, déterminent pour chaque catégorie d'établissement pénitentiaire des règles de fonctionnement homogènes.
En effet, d'un établissement à l'autre, au sein d'une même catégorie -maison d'arrêt, centre de détention, maison centrale- les régimes de détention peuvent beaucoup varier selon la personnalité du chef d'établissement, l'histoire ou la culture propre à chaque prison. Il en résulte des différences de traitement parfois ressenties comme l'expression d'une forme d'arbitraire.
Le règlement intérieur type a vocation à limiter ces risques d'inégalité tout en permettant aux personnes détenues de mieux appréhender leurs droits et devoirs. Il s'agit par exemple de fixer un certain nombre de règles communes quant aux types de produits que peuvent commander les détenus -fixés parfois de manière restrictive selon les établissements.
J'en viens aux aménagements de peine. Je souligne que nous avons débattu ici de cette question lors de l'examen de la loi sur l'exécution des peines. La majorité sénatoriale a eu l'occasion de souligner combien l'accumulation des lois répressives contrarie la nécessité d'aménagement de peine que le législateur a voulu avec la loi pénitentiaire.
Concernant l'assouplissement des conditions d'octroi de certains aménagements de peine ou de leur mise en oeuvre, la loi pénitentiaire a posé deux principes fondamentaux :
- en matière correctionnelle et en dehors des condamnations en récidive légale, une peine d'emprisonnement ferme ne peut être prononcée qu'en dernier recours ;
- lorsqu'une telle peine est prononcée, elle doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'un aménagement de peine, selon l'article 132-44 du code pénal.
J'insisterai sur l'assouplissement des mesures d'aménagement pour les personnes détenues âgées ou malades.
La loi a supprimé tout délai d'éligibilité à la libération conditionnelle pour les condamnés âgés de plus de 70 ans dès lors que la réinsertion de la personne est assurée, sauf en cas de risque grave de renouvellement de l'infraction ou si cette libération est susceptible de causer un trouble grave à l'ordre public.
Cependant, il semble que cette disposition rencontre des difficultés d'application, les juridictions considérant qu'elle ne peut s'appliquer tant que la peine exécutée est encore couverte par la période de sûreté prévue par l'article 720-2 du code de procédure pénale. Telle n'était pas l'intention du législateur. Aussi, nous vous proposons d'écarter explicitement l'application de l'article 720-2 du code de procédure pénale -comme tel est déjà le cas en matière de suspension de peine pour motif médical.
En second lieu, le recours aux procédures simplifiées d'aménagement de peine reste très prudent.
Tirant les conséquences du médiocre bilan de la nouvelle procédure d'aménagement des peines (NPAP) introduite par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, le législateur a profondément remanié ces dispositifs par la mise en place d'une nouvelle procédure simplifiée d'aménagement des peines (PSAP) et le placement sous surveillance électronique de fin de peine (SEFIP).
La PSAP concerne les personnes auxquelles il reste à purger une peine égale ou inférieure à deux ans.
Si, comme dans l'ancien dispositif, le directeur du Service Pénitentiaire d'Insertion et de Probation (SPIP) doit élaborer un projet d'aménagement de peine reposant sur un projet sérieux d'insertion, il incombe désormais au procureur de la République de saisir le juge de l'application des peines aux fins d'homologation. Le ministère public joue ainsi un rôle de filtre de ces propositions.
Les vives réserves exprimées par les magistrats lors de l'examen de la loi pénitentiaire n'ont pas été levées par les conditions de mise en oeuvre de la PSAP. En 2011, 18.881 dossiers ont été traités par les SPIP dans le cadre de la PSAP et 2.232 ont fait l'objet d'une proposition d'aménagement de peine au parquet, soit 12 % des dossiers. 820 mesures seulement ont été accordées.
Pour une majorité de nos interlocuteurs il est très délicat pour un juge de l'application des peines d'accorder un aménagement à un condamné qu'il n'a pas rencontré et pour lequel il n'a pas toujours la possibilité d'obtenir des vérifications complémentaires.
Concernant la SEFIP, la loi a autorisé le placement sous surveillance électronique en fin de peine pour les personnes condamnées auxquelles il reste quatre mois d'emprisonnement.
Ce placement est de droit sauf cas d'impossibilité matérielle, de refus de l'intéressé ou de risque de récidive. Le placement est mis en oeuvre par le directeur du SPIP sous l'autorité du procureur de la République, qui peut fixer les mesures de contrôle et les obligations auxquelles la personne condamnée devra se soumettre.
Votre commission des lois avait souhaité que ce nouveau mécanisme ne s'apparente pas à une « grâce électronique ».
Néanmoins le ministère de la justice en a envisagé le champ d'application de manière très souple et l'administration pénitentiaire n'hésite pas à y voir un moyen de régulation de la population sous écrou.
Cependant, en pratique, la SEFIP a reçu une application très limitée. En 2011, 28.876 dossiers ont été traités par les SPIP, 5.493 ont fait l'objet d'une proposition au parquet, 3.069 SEFIP seulement ont été accordées. Les parquets, dans leur ensemble, au prix d'ailleurs de certaines tensions avec les SPIP, sont très rigoureux sur les critères d'éligibilité à la SEFIP.
Le nombre limité de SEFIP et leur caractère sélectif expliquent un taux d'échec réduit dans l'exécution des mesures mais, selon nous, ce dispositif, s'il peut être maintenu, doit conserver ce caractère sélectif et surtout s'accompagner d'un suivi socio-éducatif -que le législateur n'avait pas imposé expressément- afin d'accroître les chances de réinsertion.
Aujourd'hui, les résultats de la PSAP et de la SEFIP paraissent modestes et décevants à l'aune de l'énergie déployée pour les mettre en oeuvre. Le découragement des conseillers d'insertion et de probation a pour arrière-plan une réelle incompréhension entre ces derniers et les magistrats. Cette situation connaît heureusement nombre d'exceptions mais n'en demeure pas moins préoccupante alors que le développement des aménagements de peine requiert la mobilisation de toutes les énergies.
Nous continuons de penser qu'il faut aller vers un nombre bien plus important d'aménagements de peine. C'est une nécessité et je voudrais insister tout particulièrement sur le fait que nous avons confirmation que les courtes peines n'ont aucun effet éducatif sur les jeunes détenus, ni sur leur sortie. Le législateur se doit d'empêcher que la prison soit, pour les jeunes, un lieu de passage sans aucun effet sur leur réinsertion et leur vie future. Le législateur a donc sa part de responsabilité et l'aménagement de peine doit être développé de façon bien plus importante.
Nos recommandations vous ont été remises : j'espère qu'elles vous conviendront...