A mon tour je souligne combien il m'a été agréable de travailler avec Claire-Lise Campion. Je reconnais toutefois avoir été un peu frustrée : nous aurions pu disposer de plus de temps pour approfondir cette loi très vaste.
La deuxième partie du rapport est consacrée à la scolarisation des enfants handicapés. La loi de 2005 reconnaît en effet à tout enfant handicapé le droit d'être scolarisé dans l'école de son quartier ; la scolarisation en milieu ordinaire constitue désormais le droit commun. Elle peut prendre deux formes : la scolarisation dite individuelle dans les classes ordinaires avec accompagnement par un auxiliaire de vie scolaire individuel (AVS-i), la scolarisation dite collective dans les classes adaptées (« Clis » à l'école primaire et « Ulis » au collège et au lycée). Le parcours de scolarisation repose sur une approche globale et pluridisciplinaire mise en oeuvre par la MDPH à travers le projet personnalisé de scolarisation.
Le constat est unanime : la loi de 2005 a permis un réel mouvement d'ouverture de l'école de la République sur le monde du handicap. Preuve en est l'augmentation d'un tiers du nombre d'enfants handicapés scolarisés en milieu ordinaire depuis 2006, soit 55 000 enfants supplémentaires accueillis.
Ces bons résultats doivent cependant être nuancés car on estime à 20 000 le nombre d'enfants handicapés sans solution de scolarisation. Ce chiffre est toutefois à prendre avec précaution dans la mesure où il n'existe pas d'outil statistique national permettant de chiffrer précisément le nombre d'enfants handicapés scolarisables.
Cette avancée quantitative ne s'est pas accompagnée d'une avancée qualitative de même ampleur. Les situations vécues par les familles varient considérablement selon les départements : les temps hebdomadaires de scolarisation sont très aléatoires, et les projets personnalisés de scolarisation sont de qualité hétérogène, voire inexistants. Des ruptures surgissent au sein des parcours de scolarisation du fait de la difficulté à poursuivre la scolarité en milieu ordinaire dans le second degré et d'un accès encore très limité à l'enseignement supérieur. L'accompagnement en milieu ordinaire a échoué : le recours croissant aux assistants de vie scolaire (AVS), insuffisamment formés et recrutés sur des contrats précaires, ne répond pas de manière pertinente aux besoins. Sur ce sujet, nous avons découvert une initiative très intéressante dans le département de la Marne : la création d'un service spécialisé d'accompagnement scolaire et social. Grâce à « Cap intégration », neuf enfants handicapés sont accompagnés tout au long de la journée, à l'école et dans leurs activités périscolaires.
Nous observons aussi l'insuffisante formation des enseignants, qui se sentent souvent démunis devant le handicap d'un élève, et relevons un manque de coopération entre le secteur médico-social et l'éducation nationale, qui se caractérise par un cloisonnement des filières préjudiciable à la qualité de la prise en charge.
Ce constat nous conduit à proposer les mesures suivantes : l'élaboration d'un outil statistique national évaluant précisément le nombre d'enfants handicapés non scolarisés ; le développement de référentiels communs entre académies et entre MDPH afin d'harmoniser les pratiques sur le territoire ; la réactivation, dès le mois de septembre prochain, du groupe de travail sur les AVS afin de définir un véritable cadre d'emploi et d'améliorer leurs débouchés professionnels ; le renforcement de la problématique du handicap dans la formation initiale et continue des enseignants ; la promotion de la coopération entre les sphères médico-sociale et éducative.
J'en viens à notre déplacement en Belgique. L'autisme est Grande Cause Nationale 2012. Si nous ne pouvions matériellement pas traiter ce sujet dans son intégralité, nous tenions à nous rendre sur place afin de comprendre pourquoi de plus en plus d'enfants handicapés français sont scolarisés dans des établissements belges.
Contrairement à la France, qui a fait de la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire une priorité, la Belgique a privilégié l'enseignement spécialisé, même si l'intégration dans l'enseignement ordinaire existe aussi. Dans les écoles d'enseignement spécialisé, comme celle que nous avons visitée en zone transfrontalière, les enfants sont accueillis dans des classes à petit effectif (six élèves par classe), et encadrés par deux intervenants, un enseignant spécialisé et un professionnel paramédical.
Plusieurs raisons expliquent pourquoi 3 000 enfants français sont aujourd'hui scolarisés dans de tels établissements : la prise en charge est centrée sur les besoins spécifiques de chaque enfant ; les équipes éducatives, particulièrement bien formées, font preuve d'un grand pragmatisme en recourant à différentes méthodes d'apprentissage (Teacch, ABA, PECS...) ; l'enfant et ses parents sont accompagnés et conseillés tout au long du parcours scolaire par un service spécialisé.
Les progrès réalisés par les enfants sont remarquables : des petits arrivés à l'école dans un état très grave (mutisme, comportements violents...) parviennent, quelques mois plus tard, à communiquer, à faire des activités, à ne plus être effrayés par la présence d'autrui, voire à tenir une conversation - je vous renvoie à notre rapport sur ce sujet passionnant.
Sa troisième partie est consacrée à la formation et à l'emploi des personnes handicapées.
La loi de 2005 consacre un changement de paradigme : traditionnellement appréhendé à partir de l'incapacité, l'emploi de la personne handicapée s'apprécie désormais à partir de l'évaluation de ses capacités. L'intégration professionnelle devient un élément à part entière de la citoyenneté.
Dans la continuité de la loi du 10 juillet 1987, la loi « Handicap » maintient l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés pour tous les employeurs, privés et publics, de vingt salariés ou plus, dans la proportion de 6 % de l'effectif total, en leur permettant de répondre à cette exigence selon diverses modalités. Elle étend aux employeurs publics la contribution annuelle financière pour compenser le non-respect de l'obligation d'emploi, en créant le fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP).
La loi prévoit, par ailleurs, la mise en oeuvre de politiques régionales concertées d'accès à la formation et à la qualification professionnelles, et charge les MDPH d'évaluer leur employabilité et de les orienter vers le marché du travail.
Cette politique à la fois incitative et coercitive porte ses fruits. Dans le secteur privé, 65 % des établissements assujettis employaient directement au moins un travailleur handicapé en 2009, contre 53 % en 2006 ; la proportion d'établissements à quota zéro est passée de 35 % à 11 % sur la même période ; le nombre d'établissements contribuant à l'association nationale de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) est en constante diminution. Dans le secteur public, le nombre d'employeurs contribuant au FIPHFP a diminué de 13 % entre 2007 et 2011 ; sur la même période, le nombre de recrutements de handicapés a plus que doublé pour atteindre 14 000. Malgré ces constats encourageants, le taux d'emploi demeure en deçà de l'objectif des 6 % : il ne s'établit qu'à 2,7 % dans le privé, tandis qu'il est de 4,2 % dans le public. Le taux d'emploi global des personnes handicapées est, quant à lui, nettement inférieur à celui de l'ensemble de la population active (35 % contre 65 %) et le taux de chômage, deux fois plus important (20 % contre 10 %).
Le principal obstacle à l'accès et au maintien dans l'emploi des personnes handicapées est leur faible niveau de qualification : 83 % d'entre elles ont aujourd'hui une qualification égale ou inférieure au CAP ou au BEP. C'est pourquoi, il est indispensable de relever le niveau de qualification des personnes handicapées, ce qui suppose d'agir prioritairement en direction des jeunes, en leur permettant d'accéder aux études supérieures, en mieux les informant sur les parcours d'études possibles, en les rapprochant du monde de l'entreprise.
Nous proposons aussi un réel accès à la formation professionnelle, en rendant les lieux et le contenu des formations accessibles, en accompagnant les travailleurs handicapés tout au long de leur parcours professionnel, en accélérant la mise en oeuvre des politiques régionales concertées.
Nous souhaitons également rendre effective l'obligation d'accessibilité des lieux de travail posée par la loi de 2005, en publiant l'arrêté nécessaire.
Enfin, nous insistons sur la nécessité d'encourager les entreprises à mettre en oeuvre des actions positives comme l'aménagement des postes de travail, la prévention des licenciements pour inaptitude, l'amélioration de la qualité des accords exonératoires.