Dans la quatrième partie de notre rapport, nous nous intéressons à la question de l'accessibilité.
Jusqu'alors limitée au seul handicap moteur, la notion d'accessibilité a été étendue par la loi de 2005 à tous les types de handicap et à tous les domaines de la vie en société. On parle désormais d'accessibilité universelle pour désigner l'élimination de toutes les barrières à l'accomplissement des activités quotidiennes. Cette approche s'adresse non seulement aux personnes atteintes d'une déficience, mais aussi à toute personne pouvant être confrontée, un jour ou l'autre, à une situation de handicap, temporaire ou durable. Au regard du vieillissement de la population, l'enjeu est considérable.
La loi pose un principe général d'accessibilité du cadre bâti, des transports et de la voirie, dans les dix ans suivant sa publication, et se fixe pour objectif la pleine participation des personnes handicapées à la vie en société.
Nous constatons l'absence criante de données sur l'état d'avancement de la mise en accessibilité. La loi n'a, en effet, pas prévu de remontées d'informations obligatoires de la part des acteurs publics ou privés concernés. Même l'Observatoire interministériel de l'accessibilité et de la conception universelle n'est pas en mesure de dresser un bilan exhaustif. Le retard est important, en dépit de réels progrès. Le baromètre de l'accessibilité de l'association des paralysés de France (APF) affiche, certes, des résultats en constante progression, mais seuls 15 % des établissements recevant du public (ERP) seraient actuellement accessibles.
Parmi les services publics, les mairies, les théâtres, les équipements sportifs, les piscines et les bureaux de poste sont les plus avancés. Les transports en commun et la voirie le sont beaucoup moins. Les schémas directeurs d'accessibilité des transports collectifs ont été élaborés avec trois ans de retard sur le calendrier prévu et 5 % seulement des plans d'accessibilité de la voirie ont été adoptés !
Dans le secteur privé, les centres commerciaux et les cinémas ont réalisé d'importants travaux, tandis que les commerces de proximité et les cabinets médicaux ou paramédicaux sont encore très en retard.
A trois ans de l'échéance, force est de reconnaître que l'ensemble du cadre bâti, de la voirie et des transports ne sera pas accessible.
Cette date peut sembler très ambitieuse au regard de l'ampleur de la tâche à accomplir et des contraintes techniques, financières et administratives. La fixation d'un délai à moyen terme était néanmoins indispensable pour tirer les leçons des résultats décevants de la loi de 1975, éveiller les consciences et engager une nouvelle dynamique en faveur de l'accessibilité.
Plusieurs facteurs expliquent le retard pris. L'échelonnement, sur plusieurs années, de la publication de la quarantaine de textes réglementaires nécessaires, a retardé d'autant la mise en oeuvre concrète des mesures. Le portage politique a été insuffisant : autant la loi de 2005 a été voulue et soutenue au plus haut sommet de l'Etat, autant la mise en oeuvre de son volet accessibilité n'a pas mobilisé les pouvoirs publics autant qu'elle aurait dû. Les nombreuses tentatives de dérogations législatives ou réglementaires pour le bâti neuf en attestent. Enfin, l'appropriation de l'objectif d'accessibilité a été insuffisante, sur le terrain, chez les décideurs publics comme chez les acteurs privés.
En tout état de cause, reculer la date de 2015 n'est pas envisageable, ni souhaitable ; ce serait un très mauvais signal envoyé aux personnes handicapées et à leurs familles, chez qui la loi de 2005 a suscité un formidable espoir ; cela aurait un effet contreproductif, en démobilisant les acteurs et en décalant les travaux en cours ou programmés. En outre, une telle décision serait interprétée comme une forme de renoncement à un chantier, certes très ambitieux, mais dont l'enjeu sociétal justifie que l'on s'y attèle véritablement.
Aussi, est-il indispensable d'impulser, dès à présent, une nouvelle dynamique en créant les conditions d'un meilleur pilotage national des enjeux de l'accessibilité ; en mettant en oeuvre, avant l'échéance de 2015, un système de remontées d'informations obligatoires ; en dressant, d'ici 2010, un bilan exhaustif du chantier de l'accessibilité sous la forme d'un rapport remis au président de la République ; en lançant une véritable démarche d'acculturation à la notion d'accessibilité universelle. Le projet de création d'une agence nationale à l'accessibilité universelle, porté par le président de la République, accélérera la mutualisation des outils méthodologiques et permettra la promotion des bonnes pratiques.
Jamais une loi n'aura à ce point structuré l'ensemble d'une politique publique. De l'avis de tous, la loi du 11 février 2005 est « une très belle loi », qui affirme à la fois de grands principes et pose les jalons d'une politique forte en faveur des personnes handicapées. Des avancées significatives ont été réalisées dans tous les domaines mais, comme toute réforme ambitieuse, le bilan reste, sept ans après, en deçà des espoirs initiaux. Comme nous l'ont très justement fait remarquer plusieurs acteurs du secteur, « la loi de 2005 reste à déployer ».