Intervention de Nathalie Goulet

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 4 juillet 2012 : 1ère réunion
Approbation de l'accord de coopération en matière de sécurité intérieure entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de l'etat des emirats arabes unis — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Nathalie GouletNathalie Goulet :

Vous savez que la France développe, depuis une quinzaine d'années, une coopération technique en matière de sécurité intérieure avec les Emirats arabes unis, à la demande de ceux-ci.

Pour poursuivre cette action sur une base claire et stable, le présent accord a été conclu le 26 mai 2009 à Abou Dhabi par le ministre français des affaires étrangères et européennes et par le ministre émirien de l'intérieur. Il constituera un texte de référence pour les deux pays.

Proposé en 1995 par la France à son partenaire, l'accord a fait l'objet de négociations qui ont permis d'intégrer les remarques des deux parties.

Je vous rappelle que, fondée le 2 décembre 1971 lors du départ des Britanniques, la Fédération des Emirats arabes unis est constituée de sept émirats, dont les principaux sont Abou Dhabi et Dubaï.

D'une superficie d'environ 80.000 km2, dont Abou Dhabi représente 80 %, la fédération est peuplée de 7,1 millions d'habitants, dont 1,06 million de nationaux, selon les estimations émiriennes de 2010, soit 13 %.

Cet ensemble a été caractérisé par un fort développement économique durant la dernière décennie.

Vous trouverez dans mon rapport écrits des éléments concrets sur le contenu, et les limites, de cette croissance.

J'en viens directement aux buts du présent accord.

Il faut relever que les autorités émiriennes sollicitent les principaux pays européens en matière de coopération de sécurité intérieure. En effet, les points faibles de la police émirienne résident dans sa jeunesse, car les Emirats arabes unis existent seulement depuis 40 ans, et son manque d'expérience en matière de gestion de crise, sa répartition sur sept Emirats, sans structure fédérale solide de supervision et l'obligation de recourir à de la main d'oeuvre étrangère pour effectuer cette mission régalienne : presque tous les officiers sont émiriens, mais les tâches d'exécution sont le plus souvent confiées à des contingents de policiers provenant de pays de la Ligue arabe.

Enfin, l'absence d'une doctrine claire d'emploi, car de nombreux pays concourent à former la police des Emirats arabes unis, sans que cette dernière ne définisse toujours l'organisation ou les méthodes qui sont adaptées aux réalités du pays.

Conscientes de ces vulnérabilités, les autorités émiriennes ont conclu des accords bilatéraux de sécurité intérieure avec plusieurs pays européens comme l'Allemagne en 2005 ; la Grande-Bretagne en 2006 et les Pays-Bas en 2009. Ces forces de sécurité sont bien équipées, mais leurs structures sont perfectibles. Dans un but d'efficacité, le Vice-Premier ministre, ministre fédéral de l'Intérieur, est aussi le chef de la police d'Abou Dhabi. Il a engagé une action visant à renforcer progressivement son contrôle sur les polices des 6 autres Emirats de la fédération, mais la police fédérale a encore peu de prise sur ces entités.

La principale menace dans ce pays prospère, épargné jusqu'à présent par le terrorisme et marqué par un taux de délinquance très faible, réside dans la présence de communautés étrangères très largement majoritaires démographiquement par rapport aux nationaux. Cette caractéristique vaut également pour la police, qui n'est nationale ni dans ses structures, puisque chaque émirat a sa propre police, ni dans sa composition ethnique, car les personnels subalternes, qui sont les plus nombreux, sont étrangers.

Le rapport écrit détaille les structures de ces forces, composées d'environ 44 000 hommes, dont 5 000 relèvent du niveau fédéral.

Situés au coeur d'une zone sensible, les Emirats arabes unis n'ont, jusqu'à présent, jamais subi d'attaque terroriste. Cela s'explique par d'excellents services de renseignement, qui recourent abondamment à la technologie, comme l'utilisation massive de la vidéosurveillance, la censure d'internet, la surveillance des liaisons téléphoniques, les équipements de pointe dans les aéroports, mais aussi aux sources humaines. Dans un pays qui compte environ 85 % d'expatriés, les services de renseignement disposent d'un réseau très efficace d'informateurs réguliers ou occasionnels.

La menace la plus importante aux Emirats arabes unis en matière de sécurité intérieure réside dans l'insécurité routière, en dépit d'infrastructures en excellent état. Des automobilistes de plus de 150 nationalités partagent les mêmes routes, au volant de véhicules puissants et volumineux et, malgré l'implantation de très nombreux radars, les comportements au volant sont dominés par le fatalisme et l'insouciance. Depuis le début 2011, la police d'Abou Dhabi a engagé une politique volontariste de contrôles routiers sur les routes. Les vitesses maximales ont été abaissées de 160 km/h à 140 km/h, ce qui a eu un impact rapide sur le comportement des conducteurs. Des progrès encourageants sont donc constatés, même si beaucoup reste à faire.

Cet accord est, cependant, tout à fait opportun, car il permettra de renforcer une coopération déjà en oeuvre, avec la formation des forces spéciales de l'armée émirienne par le GIGN, notamment. Vous trouverez en annexe du rapport écrit la liste des actions de formation menées par la France au profit de chacun des émirats en 2009 et 2010. Ces actions sont très diverses, et vont de la formation des agents de l'aéroport d'Abou Dhabi à la détection des fraudes documentaires, jusqu'aux procédures de déminage, et à la gestion de la sécurité des stades, dans d'autres émirats.

En conclusion, je vous recommande d'adopter le présent accord dont les actions en cours et à venir seront intégralement financées par les Emirats arabes unis, et qui permettra à la France de développer les atouts spécifiques de sa coopération en matière de sécurité intérieure. Cet accord a déjà été ratifié en 2009 par les autorités émiriennes.

Je vous suggère que cet accord fasse l'objet d'un examen en séance publique, pour les raisons suivantes : ce texte contribue à renforcer la présence française aux Emirats arabes unis, qui bénéficie déjà de la création d'une base militaire à Abou Dhabi. Par ailleurs, il est indéniable que les Emirats arabes unis constituent une zone névralgique pour la stabilité du Golfe arabo-persique, située aux confins des pays marqués par les « printemps arabes ». Ces éléments me paraissent mériter que cet accord soit adopté au terme d'une délibération publique.

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