Intervention de Pierre Mariani

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 3 juillet 2012 : 1ère réunion
Audition de Mm. Pierre Mariani président du comité de direction de dexia hervé de villeroché chef du service du financement de l'économie à la direction générale du trésor dgt et olivier bourges directeur général adjoint de l'agence des participations de l'etat ape sur la situation du groupe dexia

Pierre Mariani, président du comité de direction de Dexia :

J'étais devant votre commission le 12 octobre, deux jours après que le conseil d'administration de Dexia eut engagé non pas la restructuration, mais la résolution ordonnée du groupe. Ces quatre dernières années, avec le président Jean-Luc Dehaene, nous avons fait tout ce qui dépendait de nous pour réussir cette opération. Depuis le mois d'octobre dernier, nous avons engagé la cession des principales entités opérationnelles. L'Etat belge a acquis le 20 octobre 2011 l'intégralité de Dexia Banque Belgique - devenue Belfius -, après que le groupe eut été déconsolidé le 1er octobre, et Dexia a remboursé à Belfius dès le 31 mars 2012, avec neuf mois d'avance, les financements non sécurisés qui avaient été consentis par Dexia Banque Belgique à Dexia Crédit Local (DCL), rompant ainsi la plupart des liens financiers entre les deux banques. Le 3 avril 2012, nous sommes convenus de céder à la Banque royale du Canada notre participation de près de 50 % dans RBC Dexia Investor Services, banque spécialisée dans la conservation de titres ; la Commission européenne a donné son accord le 15 mai, et l'opération sera finalisée lorsque les régulateurs bancaires des nombreux pays où cette banque opère auront fait de même. Après des négociations entamées dès octobre 2011, un accord a été conclu le 4 avril 2012 pour la cession à Precision Capital, investisseur du Qatar, et au Luxembourg de notre participation de 99,9 % dans la Banque internationale à Luxembourg ; l'enquête approfondie de la Commission européenne est maintenant achevée, et j'espère que la transaction pourra aboutir au troisième trimestre. Une étape importante a été franchie le 8 juin, quand nous avons signé un accord de cession de notre filiale en Turquie à Sberbank, qui rapportera 3 milliards d'euros et contribuera au renforcement de nos fonds propres. Enfin, la cession de Dexia Asset Management est dans sa phase finale : les partenaires seront très bientôt choisis.

Il est prévu de céder Dexia Municipal Agency (DMA) à une entité dont le capital serait détenu par la CDC, la Banque postale et l'Etat : un protocole d'intention a confirmé le 16 mars l'accord trouvé en octobre, et les modalités ont été éclaircies, même si quelques détails techniques doivent encore être réglés. Mais nous attendons l'aval de la Commission européenne. C'est un obstacle sérieux au redémarrage du crédit aux collectivités territoriales, dont celles-ci pâtissent, ainsi que le secteur public hospitalier, les sociétés d'économie mixte et les syndicats intercommunaux.

En outre, nous avons mis en place avec les Etats concernés une garantie provisoire. Comme j'ai eu souvent l'occasion de le dire, celle-ci n'a que faiblement accru les liquidités du groupe, puisque sur 45 milliards d'euros, 23 milliards ont servi à rembourser des expositions intragroupe, et que nous avons engagé à la demande de la Belgique une collatéralisation des émissions qui n'avaient pas été utilisées pour rembourser la banque belge. La situation macroéconomique se détériorant, et les taux d'intérêts baissant - lorsqu'ils baissent de 1 %, le groupe a besoin de 14 milliards de liquidités supplémentaires, comme cela s'est vu dans les semaines qui ont précédé le dernier sommet européen -, nous avons demandé fin décembre une augmentation de l'enveloppe de 10 milliards d'euros. La garantie provisoire est aujourd'hui largement utilisée : à hauteur de 46 milliards d'euros sur les 55 milliards disponibles.

A quelles conditions la résolution ordonnée du groupe peut-elle aboutir sans dommage pour les Etats et les contribuables ? Tout d'abord, nous aurons besoin d'ici 2014 d'environ 90 milliards d'euros de garantie, ce qui suppose l'autorisation de la Commission européenne : les discussions devraient encore se poursuivre pendant de longues semaines. Ensuite, les Etats devront arbitrer entre des préoccupations de court terme - l'intérêt qu'ils ont à percevoir des commissions de garanties, qui se sont élevées à 280 millions d'euros depuis le début de l'année - et leur intérêt à long terme - une réduction des commissions permettrait au groupe de vendre des actifs plus rapidement, donc de réduire la garantie demandée aux Etats et les risques supportés par ceux-ci. Les Etats concernés divergent encore sur ce point.

Le soutien des banques centrales de la zone euro est également indispensable pour nous financer. La première garantie a été placée intégralement sur le marché, mais l'actuelle est surtout mobilisée auprès de la Banque centrale européenne (BCE), pour des raisons qui tiennent à la conjoncture macroéconomique. Voilà qui explique que sur 46 milliards d'euros, seuls 2 milliards aient été placés auprès du secteur privé.

Souhaitons aussi que la Commission européenne approuve aussi rapidement que possible les cessions projetées et l'ensemble du plan. Je comprends que le commissaire européen à la concurrence estime ce dossier complexe, puisque les problèmes de concurrence sont inexistants... : le groupe est quasiment démantelé, toutes ses entités opérationnelles auront bientôt été cédées, et son activité se bornera à la gestion en extinction d'un portefeuille obligataire et de ses filiales à l'étranger, en Espagne et en Italie surtout, qui ne sont pas cessibles comme chacun le comprendra.

Il nous faut donc mener à bien le programme de cessions, constituer une entité résiduelle stable et assurer la continuité du crédit aux collectivités territoriales en faisant reprendre nos activités par des institutions publiques françaises.

La cession de DMA est prête et les contours de la nouvelle banque dessinés avec la CDC et la Banque postale. Cette dernière a même commencé à prêter à court terme aux collectivités. Mais pour que des crédits à long terme soient de nouveau accordés, la Commission européenne doit donner son aval : le plus tôt sera le mieux. Certaines de ses réserves peuvent être levées. Je ne comprends pas pourquoi la France serait le seul pays d'Europe à ne pas pouvoir se doter d'une structure publique de financement des collectivités locales : il en existe en Allemagne, aux Pays-Bas, dans tous les pays d'Europe du Nord ainsi qu'en Italie, où l'équivalent de la Caisse des dépôts joue ce rôle, sans que l'on y voie une distorsion de concurrence.

En outre, ces derniers mois, la France a accru sa dette publique de près de 50 milliards d'euros pour soutenir les banques irlandaises, grecques puis espagnoles. Bankia, en Espagne, recevra 23 milliards d'euros, les banques grecques 70 milliards, payés par les contribuables européens. Et lorsque la France, le Luxembourg et la Belgique décident de régler ensemble le cas de Dexia, sans demander l'aide d'aucun autre pays européen, ce serait illégitime ?

Le problème n'est donc pas seulement technique, mais aussi politique : sa résolution dépend des discussions que la France aura avec la Belgique, et que les Etats concernés auront avec la Commission européenne.

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