La commission nomme tout d'abord M. Jean Germain rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », en remplacement de M. François Marc, et M. François Rebsamen rapporteur spécial de la mission « Ville et logement », en remplacement de M. Jean Germain.
La commission désigne ensuite M. François Marc comme candidat titulaire proposé à la nomination du Sénat pour siéger au sein de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, en remplacement de Mme Nicole Bricq.
La commission procède à l'audition conjointe de MM. Pierre Mariani, président du comité de direction de Dexia, Hervé de Villeroché, chef du service du financement de l'économie à la direction générale du Trésor (DGT), et Olivier Bourges, directeur général adjoint de l'Agence des participations de l'Etat (APE), sur la situation du groupe Dexia.
A l'automne dernier, nous avons légiféré dans l'urgence pour déterminer le montant des garanties apportées par l'Etat au groupe Dexia, dans le cadre du second plan - faut-il dire de redressement ? - depuis 2008. La France a accepté d'apporter une garantie plafonnée à 32,85 milliards d'euros, sur un total de 90 milliards, soit 36,5 %, compte tenu de la clé de répartition entre la Belgique, le Luxembourg et notre pays.
Depuis lors, nous avons entendu divers acteurs du dossier, comme M. Philippe Wahl, président du directoire de la Banque postale, au début de l'année, avec qui nous avons évoqué les conditions de mise en place d'une banque des collectivités territoriales, adossée à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et capable de se substituer en partie à Dexia. Vous comprendrez que le Sénat soit particulièrement sensible à la question de l'accès au crédit des collectivités, corollaire des problèmes rencontrés par Dexia. Il faut aujourd'hui faire le point sur ce projet.
Nous recevons donc M. Pierre Mariani, président du comité de direction de Dexia pour quelques semaines encore...
Jusqu'à l'arrêté des comptes du deuxième trimestre de 2012, selon ce qui est prévu.
et qui assure la conduite opérationnelle du groupe depuis 2008. A ses côtés, M. Olivier Bourges, directeur général adjoint de l'Agence des participations de l'Etat (APE) et représentant de l'Etat au conseil d'administration de Dexia, et M. Hervé de Villeroché, chef du service du financement de l'économie à la direction générale du Trésor (DGT) : nous bénéficierons donc d'un double éclairage de cette direction.
Deux sujets nous préoccupent particulièrement. Tout d'abord, le montant des garanties et leur incidence sur les comptes publics : nous devons savoir aussi précisément que possible quels sont les risques pour l'Etat, en fonction des scenarii envisageables. Les garanties votées n'ont encore été mises en place que partiellement : 45, puis 55 milliards d'euros, dont 36,5 % pour la France. Or nous avons lu dans Les Échos que, d'après vous, la garantie temporaire de 45 milliards d'euros n'a apporté « que marginalement de la liquidité, car plus de la moitié de ce montant a servi à rembourser les cessions d'actifs intragroupe de Dexia Banque Belgique, et une partie a servi de collatéral aux Etats garants, à la demande de l'Etat belge ». Nous voudrions être au clair sur le partage des risques entre la Belgique et la France. L'Etat est à la fois actionnaire et garant de Dexia, ses intérêts budgétaires et patrimoniaux sont donc en jeu.
Ensuite, nous nous soucions de la continuité du crédit aux collectivités territoriales. Le nouvel établissement associant la Banque postale et la Caisse des dépôts reprendra-t-il les activités de Dexia et dans quelles conditions ? Ce projet a pris du retard, du fait de la complexité du montage, mais aussi des discussions en cours avec la Commission européenne.
J'étais devant votre commission le 12 octobre, deux jours après que le conseil d'administration de Dexia eut engagé non pas la restructuration, mais la résolution ordonnée du groupe. Ces quatre dernières années, avec le président Jean-Luc Dehaene, nous avons fait tout ce qui dépendait de nous pour réussir cette opération. Depuis le mois d'octobre dernier, nous avons engagé la cession des principales entités opérationnelles. L'Etat belge a acquis le 20 octobre 2011 l'intégralité de Dexia Banque Belgique - devenue Belfius -, après que le groupe eut été déconsolidé le 1er octobre, et Dexia a remboursé à Belfius dès le 31 mars 2012, avec neuf mois d'avance, les financements non sécurisés qui avaient été consentis par Dexia Banque Belgique à Dexia Crédit Local (DCL), rompant ainsi la plupart des liens financiers entre les deux banques. Le 3 avril 2012, nous sommes convenus de céder à la Banque royale du Canada notre participation de près de 50 % dans RBC Dexia Investor Services, banque spécialisée dans la conservation de titres ; la Commission européenne a donné son accord le 15 mai, et l'opération sera finalisée lorsque les régulateurs bancaires des nombreux pays où cette banque opère auront fait de même. Après des négociations entamées dès octobre 2011, un accord a été conclu le 4 avril 2012 pour la cession à Precision Capital, investisseur du Qatar, et au Luxembourg de notre participation de 99,9 % dans la Banque internationale à Luxembourg ; l'enquête approfondie de la Commission européenne est maintenant achevée, et j'espère que la transaction pourra aboutir au troisième trimestre. Une étape importante a été franchie le 8 juin, quand nous avons signé un accord de cession de notre filiale en Turquie à Sberbank, qui rapportera 3 milliards d'euros et contribuera au renforcement de nos fonds propres. Enfin, la cession de Dexia Asset Management est dans sa phase finale : les partenaires seront très bientôt choisis.
Il est prévu de céder Dexia Municipal Agency (DMA) à une entité dont le capital serait détenu par la CDC, la Banque postale et l'Etat : un protocole d'intention a confirmé le 16 mars l'accord trouvé en octobre, et les modalités ont été éclaircies, même si quelques détails techniques doivent encore être réglés. Mais nous attendons l'aval de la Commission européenne. C'est un obstacle sérieux au redémarrage du crédit aux collectivités territoriales, dont celles-ci pâtissent, ainsi que le secteur public hospitalier, les sociétés d'économie mixte et les syndicats intercommunaux.
En outre, nous avons mis en place avec les Etats concernés une garantie provisoire. Comme j'ai eu souvent l'occasion de le dire, celle-ci n'a que faiblement accru les liquidités du groupe, puisque sur 45 milliards d'euros, 23 milliards ont servi à rembourser des expositions intragroupe, et que nous avons engagé à la demande de la Belgique une collatéralisation des émissions qui n'avaient pas été utilisées pour rembourser la banque belge. La situation macroéconomique se détériorant, et les taux d'intérêts baissant - lorsqu'ils baissent de 1 %, le groupe a besoin de 14 milliards de liquidités supplémentaires, comme cela s'est vu dans les semaines qui ont précédé le dernier sommet européen -, nous avons demandé fin décembre une augmentation de l'enveloppe de 10 milliards d'euros. La garantie provisoire est aujourd'hui largement utilisée : à hauteur de 46 milliards d'euros sur les 55 milliards disponibles.
A quelles conditions la résolution ordonnée du groupe peut-elle aboutir sans dommage pour les Etats et les contribuables ? Tout d'abord, nous aurons besoin d'ici 2014 d'environ 90 milliards d'euros de garantie, ce qui suppose l'autorisation de la Commission européenne : les discussions devraient encore se poursuivre pendant de longues semaines. Ensuite, les Etats devront arbitrer entre des préoccupations de court terme - l'intérêt qu'ils ont à percevoir des commissions de garanties, qui se sont élevées à 280 millions d'euros depuis le début de l'année - et leur intérêt à long terme - une réduction des commissions permettrait au groupe de vendre des actifs plus rapidement, donc de réduire la garantie demandée aux Etats et les risques supportés par ceux-ci. Les Etats concernés divergent encore sur ce point.
Le soutien des banques centrales de la zone euro est également indispensable pour nous financer. La première garantie a été placée intégralement sur le marché, mais l'actuelle est surtout mobilisée auprès de la Banque centrale européenne (BCE), pour des raisons qui tiennent à la conjoncture macroéconomique. Voilà qui explique que sur 46 milliards d'euros, seuls 2 milliards aient été placés auprès du secteur privé.
Souhaitons aussi que la Commission européenne approuve aussi rapidement que possible les cessions projetées et l'ensemble du plan. Je comprends que le commissaire européen à la concurrence estime ce dossier complexe, puisque les problèmes de concurrence sont inexistants... : le groupe est quasiment démantelé, toutes ses entités opérationnelles auront bientôt été cédées, et son activité se bornera à la gestion en extinction d'un portefeuille obligataire et de ses filiales à l'étranger, en Espagne et en Italie surtout, qui ne sont pas cessibles comme chacun le comprendra.
Il nous faut donc mener à bien le programme de cessions, constituer une entité résiduelle stable et assurer la continuité du crédit aux collectivités territoriales en faisant reprendre nos activités par des institutions publiques françaises.
La cession de DMA est prête et les contours de la nouvelle banque dessinés avec la CDC et la Banque postale. Cette dernière a même commencé à prêter à court terme aux collectivités. Mais pour que des crédits à long terme soient de nouveau accordés, la Commission européenne doit donner son aval : le plus tôt sera le mieux. Certaines de ses réserves peuvent être levées. Je ne comprends pas pourquoi la France serait le seul pays d'Europe à ne pas pouvoir se doter d'une structure publique de financement des collectivités locales : il en existe en Allemagne, aux Pays-Bas, dans tous les pays d'Europe du Nord ainsi qu'en Italie, où l'équivalent de la Caisse des dépôts joue ce rôle, sans que l'on y voie une distorsion de concurrence.
En outre, ces derniers mois, la France a accru sa dette publique de près de 50 milliards d'euros pour soutenir les banques irlandaises, grecques puis espagnoles. Bankia, en Espagne, recevra 23 milliards d'euros, les banques grecques 70 milliards, payés par les contribuables européens. Et lorsque la France, le Luxembourg et la Belgique décident de régler ensemble le cas de Dexia, sans demander l'aide d'aucun autre pays européen, ce serait illégitime ?
Le problème n'est donc pas seulement technique, mais aussi politique : sa résolution dépend des discussions que la France aura avec la Belgique, et que les Etats concernés auront avec la Commission européenne.
Dexia a-t-elle bénéficié de financements de la BCE au titre de l'opération LTRO (Long Term Refinancing Operation) ?
Les collatéraux demandés par la Belgique ont-ils pour effet de diminuer l'exposition de cet Etat et d'accroître les risques supportés par la France et le Luxembourg ?
S'agissant de DMA, j'ai cru comprendre que la Commission européenne s'inquiétait notamment des contre-garanties apportées par l'Etat. Pourquoi en avoir prévu pour des prêts aux collectivités territoriales, qui représentent un très bon risque, puisqu'elles lèvent l'impôt que les contribuables n'ont d'autre choix que de payer ? Est-ce parce que les écritures de certaines collectivités comprennent des actifs toxiques ?
Je remercie M. Mariani de ses explications. En octobre, nous avions peine à comprendre les tenants et les aboutissants de ce dossier. Certains points ont été éclaircis depuis, mais on ne saisit toujours pas certains points.
En ce qui concerne la situation financière du groupe, comment se fait-il que les garanties apportées par les Etats et les cessions d'actifs ne lui aient pas permis de retrouver le chemin de la rentabilité ? En 2011, Dexia a enregistré une perte de 11,6 milliards d'euros, soit 5,2 milliards liés aux activités cédées ou abandonnées et 6,4 milliards liés aux activités poursuivies. Nous sommes loin d'un redressement rapide des comptes.
A la date du 31 mars 2012, Dexia était encore exposée à hauteur de 14 milliards d'euros aux dettes de la Grèce, de l'Irlande, du Portugal, de l'Espagne et de l'Italie, dont 12 milliards pour cette dernière. Quel est le poids des dettes souveraines dans votre bilan ? Avez-vous souffert de l'accord trouvé avec les créanciers privés au sujet de la dette grecque, et dans quelle mesure ?
Je ne reviens pas sur vos déclarations dans le journal Les Échos, où vous déploriez l'effet limité de la garantie provisoire sur vos liquidités. Mais comme le président Marini, je m'interroge : en exigeant des collatéraux, la Belgique a-t-elle voulu réduire les risques qu'elle supporte, au détriment de la France et du Luxembourg ? Comment et par qui ces collatéraux sont-ils gérés ? La France a-t-elle fait la même demande, et si c'est le cas, qui gère les collatéraux et comment sont-ils évalués ?
La garantie apportée par les Etats est rémunérée : 225 millions d'euros ont été exigés lors de sa mise en place, et Dexia doit verser un complément à chaque émission garantie - 138 millions au premier trimestre 2011, alors même que le groupe a subi une perte de 431 millions. Comment cette rémunération est-elle calculée ?
Quel est l'avenir de DCL à moyen terme ? La banque est-elle gérée comme une structure extinctive, ou a-t-elle vocation à reprendre une activité pérenne de crédit ? Un certain flou demeure en la matière.
L'Etat doit-il entrer au capital de l'établissement qui reprendra les activités de l'établissement de crédit ? A quel niveau sa participation s'élèvera-t-elle, et comment sera-t-elle financée ?
Quel sort réservez-vous aux collaborateurs actuels de Dexia ? Y aura-t-il des licenciements, et combien ?
La convention régissant la contre-garantie de l'Etat auprès de la CDC a-t-elle été signée ?
Un mot sur les résultats de 2011. La perte d'environ 12 milliards d'euros est imputable à trois facteurs. Le rachat par la Belgique de Dexia Banque Belgique a occasionné une perte de 4 milliards. Nous étions également exposés à hauteur de 5 milliards d'euros à la dette souveraine grecque et à ses dérivés ; le plan de restructuration s'est soldé pour nous par une perte de près de 5 milliards d'euros - nous avons perdu 80 % des titres détenus, et il a fallu dénouer toutes les protections de taux. Enfin, nous avons également vendu au cours de l'été 2011 les 10 milliards de dollars de titres subprime américains que nous détenions encore. Du moins avons-nous ainsi supprimé les risques pesant sur notre bilan, et fait tomber la garantie sur ces produits votée par le Parlement à l'automne 2008.
Dexia est encore déficitaire. Cela tient au fait que les cessions d'actifs nous privent de toutes nos sources de rentabilité : nous ne conserverons que des activités très peu rentables. En 2012, certaines cessions occasionneront des pertes comptables ; nos coûts de financement ont beaucoup augmenté, puisque nous nous finançons surtout aujourd'hui grâce aux lignes d'urgence de la BCE, très bien rémunérées ; enfin la rémunération des garanties devrait progresser à mesure que les encours garantis augmentent. Si les comptes de 2011 ont pu être approuvés dans la perspective d'une continuité d'exploitation, c'est seulement parce que nous avons fait l'hypothèse que les commissions de garantie pourraient être ramenées à quelques points de base, au lieu de 50 ou 90 points aujourd'hui. A défaut, nous aurons besoin d'une recapitalisation.
Nous avons eu recours à la LTRO, pour une trentaine de milliards d'euros, puisqu'une grande partie de notre bilan reste éligible au refinancement de la BCE. Ainsi avons-nous pu consolider une partie de nos financements à très court terme.
En effet, mais la LTRO se substituait à des lignes à court terme qui l'étaient également, nous avons surtout allongé leur maturité.
Les collatéraux ont été mis en place au profit des trois Etats garants, dans les mêmes proportions. Nos capacités de refinancement s'en sont trouvées réduites d'autant. La gestion de ces collatéraux est assurée par la Banque de France, pour les trois Etats.
Les encours souverains étaient l'une des faiblesses structurelles du groupe, et la situation n'a pas significativement évolué depuis mars. Aux dettes d'Etat, il faut ajouter celles des collectivités : nous sommes également un financeur très important des collectivités espagnoles et italiennes. Nos filiales dans ces deux pays constitueront donc une part importante des actifs du groupe résiduel.
DCL n'a pas vocation à redevenir une banque de plein exercice. Elle se cantonnera à la gestion d'un portefeuille obligataire d'environ 70 milliards d'euros, contre 220 milliards en 2008, des filiales Crediop en Italie et Sabadell en Espagne, et d'un véhicule de Pfandbriefe en Allemagne qui représente lui aussi près de 50 milliards d'euros. La structure fonctionnera donc au ralenti, même s'il faudra conserver un minimum d'activité pour restructurer les dettes structurées, notamment celles des collectivités françaises.
La question de la gouvernance et des collaborateurs est d'une redoutable complexité, puisqu'il faut défaire l'imbrication de nos activités en Belgique et en France. Là-bas, la restructuration est achevée pour l'essentiel, et il ne nous reste plus, au sein de Dexia SA, la holding, que quelques dizaines de salariés sur 600 : à ma demande, près de 350 personnes travaillant pour la holding ont été reclassées au sein de Dexia Banque Belgique. En France, nous soumettrons aux organisations représentatives du personnel le schéma d'ensemble et les contours de la banque résiduelle et du nouvel établissement de crédit, dès que la Commission européenne aura donné son feu vert. Il ne devrait pas y avoir beaucoup de suppressions d'emplois, puisque la création de plusieurs établissements au lieu d'un seul est source de dyssynergie et de création d'emplois. Un cadre de négociations a été adopté avec les syndicats à l'automne dernier, pour éviter autant que possible les départs contraints.
La contre-garantie apportée par l'Etat est l'un des points soulevés par la Commission européenne. Elle a été accordée par le Parlement principalement pour couvrir des crédits structurés. Mais tant que la Commission européenne n'a pas approuvé le schéma d'ensemble, il n'est pas possible de signer la convention qui la régit. De nombreux travaux ont déjà été entrepris pour en définir les conditions et fixer la contribution de chacun. Il peut sembler paradoxal que l'Etat apporte sa contre-garantie à un établissement public pour des prêts consentis aux collectivités, qui sont solvables. Pour le moment, il en est résulté une hausse des impayés sur les crédits structurés, puisque cette contre-garantie a parfois été interprétée comme une prise en charge par le contribuable national des conséquences des décisions de gestion de certains élus locaux. Il faut clarifier les choses au plus vite. Si nécessaire, le préfet doit user de son droit d'inscrire d'office les dépenses d'intérêts au budget des collectivités concernées. A défaut, les tribunaux diront qui est dans son bon droit.
Prenons, au hasard, un exemple concret ... la ville de Corbeil-Essonnes avait souscrit un emprunt toxique et, après discussion avec vos services, une offre de renégociation lui avait été faite, qui a ensuite été remise en cause en subordonnant désormais le passage d'un taux variable à un taux fixe au paiement d'une prime qui entraînerait un endettement supplémentaire pour la commune. Ne peut-on pas arriver à une transaction, consistant par exemple en un taux fixe raisonnable pour les deux parties ?
Ma commune n'a pas souscrit d'emprunt toxique mais, comme beaucoup de mes collègues, je m'inquiète des conditions d'accès au crédit pour les collectivités. Aussi, que pouvez-vous nous dire du calendrier de mise en place de la co-entreprise de la Banque postale et de la Caisse des dépôts et consignations, annoncée pour le 1er juin, puis reportée à septembre. Si l'on peut comprendre les difficultés techniques que rencontre la Banque postale pour appréhender ce nouveau métier, il convient toutefois de faire attention aux risques pour la croissance si les collectivités éprouvent toujours des difficultés à se financer, car elles représentent, je le rappelle, 70 % de l'investissement public civil.
Quelles sont les strates de collectivités qui ne font pas face à leurs engagements ?
Quel est le montant de prêts toxiques encore en stock dans votre bilan ?
Les pertes pour 2011 s'étant élevées à 12 milliards d'euros, notamment en raison de la cession à l'Etat belge de DBB pour 4 milliards d'euros, est-il possible de connaître le niveau du risque résiduel subsistant pour les actionnaires, notamment français, dans le cadre de la liquidation de Dexia, étant entendu que les prêts toxiques souscrits par les collectivités doivent, quant à eux, être remboursés par ces dernières ?
Ma question sera peut-être désagréable, voire inopportune, mais au-delà de l'examen clinique de la situation, je n'ai rien entendu s'agissant des responsabilités ! Or, sans fustiger qui que soit, il faut identifier les responsables et les responsabilités, afin de comprendre en profondeur ce qui s'est passé.
Qu'en est-il de la rémunération de la garantie, de son niveau et de sa traduction dans les comptes ? Quel est le bilan patrimonial pour l'Etat et la Caisse des dépôts et consignations de leurs participations dans Dexia ? L'Etat, la CDC et la CNP sont-ils liés par un pacte d'actionnaires de façon à établir des positions concertées et concordantes ?
Enfin, l'Etat a-t-il vocation à entrer dans le capital de la holding dont la création est annoncée et, si oui, quel sera son coût et son mode de financement, question particulièrement aiguë dans la période actuelle ?
Sans revenir en particulier sur les négociations avec Corbeil-Essonnes, il est clair que la transformation des prêts à taux variable en prêts à taux fixe ne peut se faire qu'en payant une soulte, faute de quoi la banque subirait une perte et au final aurait un besoin de recapitalisation par les Etats. Sur près d'une dizaine de milliards d'euros de prêts au secteur public local contre-garantis par l'Etat, environ 4 milliards sont hors charte Gissler et 6 milliards correspondent à des prêts structurés classés 3E, 4E et 5E dans la charte Gissler.
La charte Gissler décrivant les niveaux de risques liés aux indexations complexes, que signifie alors le « hors charte » ?
Il s'agit essentiellement de crédits indexés sur des parités de devises hors zone euro, dont la parité euro/franc suisse, qui ne pourraient plus être consentis aujourd'hui car interdits par la charte. Ces produits sont non seulement les plus risqués, mais aussi ceux dont il est le plus difficile de sortir, le cours du franc suisse étant au-delà de nos barrières d'activation. Le seul moyen d'en sortir est donc le paiement de soultes importantes.
Ces crédits avaient été contractés avant 2008 puisque lors de mon arrivée, à l'automne de cette même année, j'ai ordonné qu'on cesse de les distribuer.
Quant à l'évolution des impayés, elle est significative. A la fin de l'année 2010, ils ne représentaient que 15 millions d'euros sur un encours de crédits d'environ 75 milliards d'euros et consistaient essentiellement en des décalages dans les paiements. Au 31 décembre 2011, ils avaient doublé pour atteindre 30 millions d'euros et, au 30 avril dernier, ils avaient encore augmenté pour s'établir à 103 millions d'euros. Ils sont dus pour 13 millions d'euros à des impayés sur des crédits structurés, certains clients décidant de ne plus payer les échéances en attendant les décisions de justice, mais l'augmentation la plus massive résultant des crédits à court terme, c'est-à-dire des lignes de trésorerie dont les impayés ne s'élevaient qu'à 8 millions d'euros fin 2011 mais qui atteignent aujourd'hui 75 millions d'euros. Ils concernent essentiellement les hôpitaux et le secteur public local au sens large. C'est là un signe des fortes tensions pesant sur les conditions d'accès au crédit : l'impossibilité d'obtenir des financements longs conduit les emprunteurs à utiliser ces lignes de court terme sans qu'il soit ensuite toujours possible de les rembourser. Ce phénomène devrait se renforcer, les régulateurs nous ayant imposé le non renouvellement des lignes de crédit de court terme : nous venons ainsi de révoquer 1,6 milliard d'euros de crédit long terme renouvelable, du crédit dit revolving. Il est donc très important que la Banque postale puisse, comme elle l'a fait, se substituer à nous.
Nous espérons que la création de la co-entreprise contribuera à résoudre les problèmes de financement des collectivités locales stricto sensu, mais le secteur hospitalier, non couvert par l'accord, devrait, lui, connaître les plus grandes difficultés. Le maire de Lyon a ainsi annoncé aujourd'hui l'octroi d'un prêt de 10 millions d'euros aux Hospices civils de Lyon, qui constituent tout de même le deuxième groupe hospitalier de notre pays.
Le rating moyen des actifs à notre bilan demeure très convenable, AA-, sa caractéristique demeurant leur très longue durée de vie, 15 ans en moyenne, ce qui rend nécessaire de continuer la gestion de notre portefeuille en cédant si possible des actifs, ce qui a été fait pour 90 milliards d'euros entre 2008 et 2011. Quant aux principaux risques, ils sont aujourd'hui concentrés en Espagne et Italie au travers du financement des collectivités locales, des banques ou des titres obligataires.
A propos des responsabilités, je rappellerai qu'entre 2005 et l'automne 2008, le portefeuille obligataire est passé de 70 milliards à 220 milliards d'euros. En octobre 2008, nous avons découvert un besoin de trésorerie à court terme de 260 milliards d'euros, soit l'équivalent de la dette de la Grèce... La durée des actifs était alors de 12 ans alors que celle des financements était légèrement supérieure à 4 mois. Au moment de la privatisation de la Caisse d'aide à l'équipement des collectivités locales (CAECL), il existait trois ou quatre catégories de prêts aux collectivités, contre 170 à l'automne 2008. Ceci résume la nature des problèmes auxquels nous avons été confrontés.
Le groupe Dexia a-t-il engagé une action pour recouvrer la retraite chapeau versée à M. Richard ?
Tout d'abord, dès l'automne 2008, il a été mis fin à ce régime dont ont bénéficié non seulement, l'ancien président, mais aussi un certain nombre de ses collaborateurs. Ensuite, à la demande de l'administrateur représentant l'Etat français, nous avons fait étudier les moyens de recouvrer cette somme, ce qui s'est révélé impossible dans le cadre de la législation française. En revanche, nous sommes en train d'identifier des possibilités d'action fondées, en droit belge, sur le respect d'obligations de publicité de cette décision, même s'il est difficile de retrouver la trace de certains dossiers. Cela pourrait déboucher sur une remise en cause totale ou partielle du régime de retraite vis-à-vis de l'intéressé.
J'attire l'attention du Trésor sur les problèmes d'une gravité et d'une acuité exceptionnelles que pose aujourd'hui le financement des budgets locaux, des investissements, des trésoreries et du secteur public hospitalier. Au premier trimestre, lorsqu'a été annoncée la création d'une facilité susceptible d'atteindre 5 milliards d'euros à partir des fonds d'épargne de la Caisse des dépôts, nous avions cru comprendre qu'après la mise en place d'une première tranche de 2 milliards, une seconde suivrait. Cela n'a été fait ni par l'ancien Gouvernement, ni par le nouveau. Or beaucoup d'entre nous peuvent porter témoignage des situations de quasi-rupture de trésorerie des établissements hospitaliers ou des demandes reçues de collectivités territoriales, souvent de taille modeste, qui n'arrivent pas à solder les budgets votés. L'on n'a pas été assez clair jusqu'ici sur cet aspect des choses avec la représentation nationale.
A cette situation s'ajoutent les interrogations sur la mise en place de la nouvelle institution. La Banque postale est-elle opérationnelle, pour quel type d'actions et à quelle date ? Est-elle réellement en mesure de mettre en place des financements courts ? Quand pourra-t-elle, avec les compétences nécessaires et un réseau minimum, prendre le relais du crédit, qui n'est plus correctement assuré, du fait de la défaillance de Dexia, mais aussi du retrait des banques commerciales ?
Enfin, quelle est l'évolution des pourparlers avec la Commission européenne, notamment sur la question des contre-garanties ? Par ailleurs, s'agissant des responsabilités, qui était actionnaire de Dexia entre 2005 et 2008 ?
L'accord d'octobre 2011 a conduit à certaines cessions comme celle de Dexia Banque Belgique achetée, avec l'accord de l'ensemble des actionnaires, par l'Etat belge à hauteur de 4 milliards d'euros, soit la moitié des fonds propres.
L'Etat français a recapitalisé Dexia à hauteur d'un milliard d'euros aux côtés de l'actionnaire historique public, la Caisse des dépôts, qui avait fait de même en 2008 pour 2 milliards d'euros. En revanche l'Etat a perçu des commissions pour la garantie qu'il a accordée, soit une rémunération de 768 millions d'euros entre 2008 et 2012.
Suite à l'accord d'octobre 2011, un plafond de 45 milliards d'euros de garanties temporaires a été négocié avec la Commission européenne, montant relevé à 55 milliards d'euros pour les trois Etats, du fait des conditions de marché. Rappelons que ces garanties sont des engagements hors bilan, qui ne font pas partie de la dette publique dès lorsqu'elles ne sont pas appelées.
Aujourd'hui, les trois Etats sont exposés à hauteur de 66 milliards d'euros au titre des garanties, soit 46,5 milliards d'euros de garanties temporaires et 19,5 milliards de garanties octroyées entre 2008 et 2011. Sur ce total, la France est exposée à hauteur de 36,5 %, soit 24 milliards d'euros environ, ce montant étant appelé à augmenter si la Commission européenne donnait son accord. Le plafond voté en loi de finances s'établissant à 90 milliards d'euros, nous espérons nous situer entre 65 et 70 milliards d'euros, un pic devant être atteint en 2014 pour décroitre ensuite progressivement.
Nous étions à l'origine réservés sur la demande belge d'une collatéralisation des garanties car nous considérions que le collatéral disponible devait permettre à Dexia de trouver des financements sur les marchés ou auprès des banques centrales et d'éviter ainsi d'exposer les Etats en garantie. Au final, un accord a été trouvé aux termes duquel des collatéraux sont apportés à due proportion des garanties accordées par chacun des trois Etats. La collatéralisation a toutefois été faiblement utilisée, soit pour moins de 10 milliards d'euros et a plutôt concerné des actifs non éligibles ou peu éligibles à la banque centrale.
La réussite de ce plan nécessite un accord définitif entre les trois Etats et avec la Commission européenne. L'un des paramètres importants sera la façon dont les banques centrales pourraient continuer de financer à des conditions très attractives les besoins de liquidités liées aux garanties. Un autre est le niveau des commissions de garantie que les Etats choisiront de demander, l'Etat français plaidant pour leur limitation définitive à 5 points de base, sujet encore en discussion avec la Belgique. Enfin, l'environnement macroéconomique peut aussi fortement influer sur le bilan de Dexia en termes de liquidités et de risque.
Le bilan de Dexia était de 650 milliards d'euros en 2008, 550 milliards avant les accords d'octobre 2011, 400 après la cession de DBB, et, si les opérations prévues sont réalisées, le plan nous amènerait à un bilan de 270 milliards d'euros. Cela demeure considérable, mais la décroissance a été importante.
Nous sommes très vigilants à propos des collectivités locales, sujet sur lequel nous savons que nous sommes « attendus ». Le besoin de financement des collectivités et du secteur public local en France se situe entre 17 et 20 milliards d'euros. Or, les banques françaises hors Dexia se sont engagées, par un communiqué de presse récent, à maintenir leur production actuelle, soit 10 milliards d'euros ; Dexia apportait, selon les années, environ 4 milliards d'euros et un milliard d'euros provenait de financements obligataires. S'y ajoutent les financements sur fonds d'épargne ; une première tranche de 2 milliards d'euros a été débloquée, qui n'est, à ce jour, quasiment pas tirée.
Pardonnez- moi, ce n'est absolument pas vrai ! Il suffit d'aller dans n'importe quelle délégation régionale de la Caisse des dépôts pour constater qu'il n'y a plus de fonds disponibles depuis des mois. Vous ne pouvez pas dire cela ici ! C'est contraire à la réalité des choses.
L'enveloppe a été réservée, pas en totalité, mais rien n'a été décaissé sur cette enveloppe.
C'est un sophisme ! J'entends la direction du Trésor tenir toujours le même langage depuis plus de six mois : « il n'y a pas de problème, l'argent n'est pas dépensé, passez, nous sommes là, les banques maintiennent leurs engagements ! » Je peux vous dire qu'entre une collectivité locale réelle et ce que vous dites, il y a un monde...
Il s'agit bien d'un besoin global compris entre 17 et 20 milliards d'euros, selon que l'on intègre ou non le secteur hospitalier ; et les banques, hors Dexia, ont rappelé dans un communiqué, qu'elles apporteraient 10 milliards d'euros. Le Gouvernement a annoncé une enveloppe de 5 milliards d'euros sur fonds d'épargne, dont 2 milliards qui n'ont pas été utilisés mais réservés, et 3 milliards qui seront mis à disposition des collectivités locales en fin d'année. Nous arrivons donc à 15 milliards, auxquels s'ajouteront 1 à 1,5 milliard de financements obligataires, les financements de la Banque postale ainsi que de DMA, structure sur laquelle nous comptons pour 2,5 milliards. L'on atteint donc les 20 milliards d'euros.
L'intervention de la Banque postale pour le court terme est déjà en place depuis le 22 juin. En ce qui concerne DMA, chargée d'apporter des financements à long terme, une incertitude demeure du fait des négociations avec la Commission européenne. Mais nous nous engageons à adapter nos outils de financement si DMA n'est pas capable d'intervenir d'ici la fin de l'année. Le ministre le redira : nous n'allons pas laisser les collectivités locales seules avec des besoins de financement non couverts.
La situation de l'hôpital nous préoccupe, sachant qu'il s'agit de petits montants, soit 2 à 3 milliards d'euros par an, mais dans un secteur où peu d'acteurs veulent remplacer Dexia. Ces niveaux de financements sont à la portée du secteur bancaire. Mais s'il demeure réticent, il faudra trouver des solutions.
Enfin, je précise que la position des collectivités locales à l'Agence France Trésor (AFT) est à son plus haut historique.
Merci de nous expliquer que tout ne va pas si mal. Vous avez confirmé que le passage de 2 à 5 milliards d'euros n'interviendrait pas avant la fin de l'année, ce qui est, vous en conviendrez, très propice à une bonne gestion des collectivités qui votent leurs budgets fin mars et qui ne sauront pas, entre mars et décembre, si l'argent sera disponible ! Cela permet aussi de bien gérer la courbe d'activité des entreprises mais, si vous considérez que la situation est correcte, on ne saurait mieux dire...
Je n'ai pas dit qu'elle était correcte mais simplement que les 3 milliards à venir n'étaient pas hypothétiques et que les 5 milliards annoncés seront donc effectifs. C'est bien parce que les 2 premiers milliards n'ont pas été décaissés que le complément n'a pas encore été rendu disponible.
Le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations répartit son enveloppe globale région par région et, une fois que c'est consommé, il n'a plus rien et il attend qu'on la lui majore.
Oui mais la plupart des contrats ne sont pas signés, là est la difficulté.
La perte patrimoniale pour l'Etat dans Dexia s'élève à environ 1 milliard d'euros puisqu'il a investi ce montant en 2008 à un prix de 9,9 euros par action et que celui-ci est aujourd'hui de seulement 15 centimes. En revanche, l'Etat a perçu une rémunération pour les garanties qu'il a accordées.
Par ailleurs, non, il n'existe pas de pacte d'actionnaires entre l'Etat, la CNP et la Caisse des dépôts et consignations, même si, jusqu'à maintenant, nos positions ont plutôt été concordantes.
En réponse à l'interrogation sur l'actionnariat de Dexia entre 2005 et 2008, période au cours de laquelle le bilan a gonflé par la création d'un quasi hedge fund, je rappellerai que l'Etat n'y est entré qu'à l'occasion du premier plan de sauvetage, en octobre-novembre 2008, et qu'auparavant les intérêts français étaient surtout représentés par la Caisse des dépôts et consignations. Quant à la clé de répartition du capital entre la France et la Belgique, elle n'a rien de mystérieux, puisqu'elle représente la part de leurs intérêts respectifs dans l'entreprise à l'époque.
C'était donc la Caisse des dépôts qui était actionnaire et l'on dira que cela relevait de la responsabilité de Francis Mayer, qui n'est plus là pour répondre...
Non, je ne dirai pas cela. Ma réponse est strictement factuelle et il ne me revient pas de faire la part des responsabilités.
L'injection de 6,4 milliards d'euros de capital le 3 octobre 2008 s'est faite au prix de 9,9 euros par action, soit 2 euros de plus que le cours de bourse de clôture du 28 septembre, situation ubuesque, unique en Europe ! Pourquoi les actionnaires ont-ils accepté une telle surcote ?
Ceci s'explique par le fait que le droit belge prévoit qu'en cas d'augmentation de capital réservée, le cours de bourse pris en référence est la moyenne des 30 dernières séances.
Certes, mais c'est, depuis le début de la crise financière, le seul cas en Europe de capitalisation au-dessus du cours de bourse. Il s'explique effectivement par le choix d'une procédure d'ouverture de capital réservée, ainsi, sans doute, que par la méconnaissance de la nature et de l'ampleur des difficultés du groupe au moment où cette décision a été prise.
On peut aussi penser que, lors du montage de l'opération, l'on s'est efforcé de procéder de façon incontestable pour éviter des actions de la part du public, détenteur d'une partie du capital.
Je ne peux penser l'inverse.
L'Etat va t-il entrer dans le capital de la holding détenant DMA ? Oui, puisque le protocole du 16 mars prévoit que ce capital sera initialement détenu par la CDC, l'Etat et Dexia, chacun pour 31,7 % et la Banque postale pour 5 % à ce stade, sachant qu'au plus tard en 2020, Dexia a une option de vente pour céder le solde de sa participation dans DMA. A terme, cette société a donc vocation à être détenue par les trois autres actionnaires. DMA ayant été valorisé à 380 millions d'euros, cette participation représente donc 125 millions pour l'Etat, financés par le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat », qui dispose actuellement de disponibilités.
Il est vrai qu'à propos de DMA, nous sommes en discussion avec la Commission européenne ; la négociation s'est intensifiée depuis que, suite au plan définitif que nous avions transmis le 21 mars dernier, Bruxelles a ouvert une procédure au titre des aides d'Etat le 30 mai. Nous ne connaissons donc que depuis très récemment les observations détaillées de la Commission, qui portent sur le droit de la concurrence.
La première concerne la désimbrication de DMA et Dexia, compte tenu de la détention du capital de la première par la seconde et des liens organisationnels entre les deux structures. La question est posée à Bruxelles d'une coupure plus rapide de ces liens.
La seconde, plus épineuse, porte sur les garanties et contre-garanties. Je rappelle qu'à la demande de la CDC, une garantie vendeur avait été accordée par Dexia, constituée d'une garantie générale dite de « stop-loss », c'est-à-dire de limitation des pertes et d'une garantie spécifique de litige et de performance portant sur les prêts structurés, représentants 10 milliards d'euros, dont 4 hors charte Gissler. A ceci est venu s'ajouter, à la demande de l'Etat belge, une contre-garantie qui a été validée par notre Parlement. Précisons toutefois que celle-ci comporte une franchise de 500 millions d'euros, ainsi qu'un ticket modérateur mis à la charge de Dexia afin d'éviter l'aléa moral. Des discussions approfondies sont menées avec la Commission européenne à propos de ce dispositif, certes compliqué, mais que nous défendons car il répond à une logique forte à la fois pour l'acquéreur et pour la Belgique.
Enfin, la Commission européenne s'interroge aussi sur l'existence d'éventuelles distorsions de concurrence sur le marché des prêts aux collectivités locales liées à l'existence de DMA.
Sans préjuger du résultat, l'on peut donc comprendre qu'il y a un espace de discussion avec la Commission européenne.
Monsieur le président, nous faisons tout notre possible mais vraiment je ne préjugerai de rien.
Certes, mais si l'on négocie, c'est pour aboutir, c'est que l'on est prêt à faire des concessions...
Cependant, il est certain que tant que la Commission européenne n'aura pas donné son autorisation préalable, DMA ne pourra pas intervenir.
Et donc, cela bloque toute constitution d'un établissement public dédié au financement des collectivités territoriales françaises.
Cette situation particulièrement tendue a-t-elle donné lieu à des contentieux engagés par les collectivités locales ?
J'ajouterai, en outre, à l'attention du Trésor, une raison supplémentaire à la nécessité de régler le problème du financement des collectivités : une raison qui tient à la sincérité budgétaire. En effet, la chambre régionale des comptes peut remettre en cause la sincérité de nos budgets si nous prévoyons d'équilibrer un investissement par l'inscription d'un emprunt que nous ne sommes désormais plus sûrs d'obtenir.
Aujourd'hui les préfets passent leur temps à essayer de débloquer la situation des petites communes. Comme l'a souligné le président Marini, il y a vraiment un problème !
Dans les négociations en cours, de quels moyens disposez-vous ou avez-vous besoin pour proposer des rachats ou des refinancements ? Le représentant du Trésor me semble bien optimiste quand il indique que 10 milliards d'euros devraient être financés par les banques commerciales. Car les discussions avec elles sont très difficiles. Elles invoquent des contraintes telles que Bâle 3 pour justifier au final leurs décisions de ne pas donner un sou.
J'ai apprécié la remarque selon laquelle nous serions le seul pays d'Europe à ne pas disposer d'un établissement public de financement des collectivités locales mais je vous rappelle que la Banque postale dit ne pas envisager représenter plus de 20 % à 25 % du marché. Si les banques continuent à être de plus en plus réticentes, il va falloir trouver un instrument complémentaire. Et ne vous fiez pas aux effets d'accordéon actuels liés au fait que certaines collectivités retardent leurs investissements, cela ne va pas durer.
Pourriez-vous nous rappeler le chiffre exact figurant dans le communiqué des banques commerciales ? Ce montant traduit-il une continuité ou bien une chute des financements ?
S'il apparaissait à la fin de l'année, au vu des statistiques de la Banque de France, que les banques n'ont pas agi conformément à ce communiqué, document au demeurant sans portée juridique contraignante, quels seraient les moyens dont disposerait l'Etat pour mettre en jeu la responsabilité de celles qui n'auraient pas tenu leur parole ?
Le communiqué de la Fédération bancaire française mentionnait le chiffre de 9,5 ou 10 milliards d'euros, soit un maintien du niveau de leur financements, ce qui signifie qu'elles ne se substituent nullement à Dexia. Certes, un communiqué de presse n'est pas contraignant mais nous n'avons pour l'heure aucune indication qui nous donnerait à penser que cet engagement ne serait pas respecté. Nous suivons cette question avec une immense attention, d'autant plus que nous comptions sur la création de DMA, qui est retardée.
L'on peut comprendre que les banques procèdent à des redéploiements mais, au plan microéconomique, sur le terrain, l'on sent une véritable volonté de retrait. C'est par exemple ce que je constate pour la Société Générale ou le Crédit Agricole, le Crédit Mutuel semblant plus allant. Si, en fin d'année, vous constatez qu'ils ne respectent pas leurs engagements, que faites-vous ?
J'espère que nous ne nous trouverons pas dans cette situation, mais la première urgence serait de remédier au manque de financement.
Sans commenter la situation individuelle de banques, je note toutefois que le Crédit Agricole a fait une annonce dont j'espère qu'elle sera suivie d'autres. Au vu des enveloppes engagées par chacun des établissements, l'on constate qu'il y a bien continuité avec les financements précédents.
Cela dit, un financement sur fonds d'épargne est de toute façon nécessaire, d'où les 5 milliards prévus, dont 2 ont été mis à disposition immédiatement. Si l'opération DMA ne se fait pas et que la Banque postale n'apporte pas les financements suffisants, il faudra trouver une solution. Mais, quoi qu'il en soit, si les engagements sont tenus, on se situera à un niveau raisonnable.
Petite question technique : en octobre 2011, il y avait encore 28 milliards d'euros d'émissions bénéficiant de la garantie accordée en 2008. Quel est leur niveau actuel ?
Il en reste 19,5 milliards d'euros de garanties répartis pour les trois Etats avec la clé de répartition déjà indiquée. La dernière échéance sera amortie fin 2014, ce qui conduira à la montée en puissance des nouvelles garanties.
Dans mon département, trente collectivités sont en discussion avec Dexia. Mais doivent-elles continuer et aller au bout si, au final, cela ne sert à rien ? Deux ou trois communes ont choisi d'aller au contentieux mais, pour les autres, se pose la question de savoir si vous avez les moyens d'aboutir intelligemment.
Nous avons aujourd'hui une trentaine de contentieux, les autres banques en ayant globalement le même nombre. En effet, pendant que l'on parle de Dexia et de ses crédits structurés, les autres établissements sont tranquillement tapis derrière nous en espérant que l'on ne prononce pas leurs noms, mais notre part des contentieux correspond peu ou prou à notre part de marché, 40%.
Lors des négociations que nous menons, il est possible de sortir intelligemment des prêts structurés si l'on peut prêter de nouveau aux collectivités locales de façon à étaler le coût sur de plus longues périodes. Mais aujourd'hui le principal obstacle réside dans les conditions de marché (volatilité, niveau des taux) et l'évolution de la parité euro/franc suisse qui est, dans la très grande majorité des cas, à l'origine des situations les plus tendues. En outre, pour sortir des crédits structurés, il faut d'autres structures ; or l'on a aujourd'hui davantage de difficultés à trouver des contreparties.
Notre ligne de conduite consiste ne pas traiter tous les clients de la même manière. Pour les plus petites collectivités locales, qui ont peu de profondeur d'encours, nous procédons, sous l'égide du médiateur Gissler, à une prise en charge ou à un plafonnement des intérêts. C'est le groupe qui en supporte les conséquences financières jusqu'au moment où nous serons capables de sortir ces collectivités de ces produits dans de bonnes conditions.
A l'inverse, pour les autres collectivités, soit l'on sort de manière acceptable pour tout le monde, en plusieurs étapes si nécessaire, soit l'on prend le risque d'aller au contentieux.
A propos du back-office de la nouvelle banque, je précise que l'offre de crédits à court terme faite, depuis le mois de juin, par la Banque postale n'aurait pas été possible sans les compétences de Dexia. Les décisions de crédits sont prises par des équipes largement issues du groupe, la Banque postale ne disposant pas des outils de mesure des risques. Surtout, le nouvel établissement qui sera mis en place à l'automne, utilisera très largement les systèmes informatiques issus de Dexia. Nous faisons en sorte d'être prêts à distribuer des crédits à partir de fin octobre.
Enfin, j'ai une vision un peu plus pessimiste qu'Hervé de Villeroché sur la situation des collectivités pour cette année et, plus encore, pour l'année prochaine, surtout si l'on considère le secteur public au sens large. Les acteurs du logement social vont en effet se retrouver en fort besoin de financement, surtout après les annonces de construction de 500 000 nouveaux logements supplémentaires, soit un besoin supplémentaire de 5 à 6 milliards d'euros pour les bailleurs sociaux, venant augmenter le besoin de financement local global.
S'il manque de l'argent à la fin de l'année, cela ne se verra pas, puisque les collectivités ajusteront leurs investissements, mais cela aura évidemment des incidences macro-économiques.
Il y aura moins de travail pour le bâtiment et les travaux publics, donc plus de chômage...
En effet. Aujourd'hui les représentants du bâtiment et des travaux publics se plaignent des retards de paiement.
Ces trois dernières années, les structures de financement des collectivités françaises ont été profondément modifiées : les banques étrangères ont presque disparu depuis 2008 ; en 2009, 2010 et jusqu'en 2011, la Caisse d'épargne s'est substituée à Dexia et à ses concurrentes étrangères, avec l'appui de la CDC ; en 2012 cette dernière a assuré presque seule la continuité du crédit. Ce ne peut être une solution structurelle. Si l'on veut que les collectivités se financent auprès du marché, il faut mettre en oeuvre le schéma de financement du secteur public local décidé en octobre. Sinon, il faut s'inspirer des exemples allemand et néerlandais.
Je remercie M. Mariani, qui a exercé des fonctions ingrates mais indispensables alors que Dexia était en déshérence. La crise des dettes souveraines l'a empêché de mener à bien son rétablissement, mais il ne faut pas moins lui rendre hommage, car il est intervenu très activement sur les marchés internationaux pour réduire l'exposition de la banque, et il s'est mis à l'écoute des collectivités, préoccupées de leur accès au crédit. Merci aussi à MM. Bourges et de Villeroché, dont la tâche n'a pas été facile au cours de cette audition publique. Nous aurons, à n'en pas douter, l'occasion de reparler de ce dossier.