… mais, dans le même temps, il était important de dialoguer avec nos autres partenaires. C’est ce que le Président de la République a fait dès son élection, dans un esprit d’écoute et d’ouverture, tourné vers la recherche de solutions communes.
Dans cet esprit nouveau, la relation franco-allemande a bien fonctionné et la dynamique européenne s’est remise en marche. Nous en avons vu les résultats et nous savons désormais qu’il s’agit de la bonne méthode.
Nous avons aussi retrouvé le sens du temps. Au cours des années passées, victime d’une course éperdue derrière les marchés, l’Europe a pratiqué une politique du « trop peu » ou du « trop tard ».
Lors du dernier sommet, nous avons proposé non seulement de traiter à la fois le court et le moyen terme, mais aussi d’anticiper l’avenir en proposant une vision globale de la réponse à la crise, une vision ne se limitant pas à la stabilité budgétaire.
Aussi, le troisième point que je voudrais développer devant vous concerne le pacte de croissance et d’emploi, indispensable pour réorienter l’Europe. C’était l’un des engagements du Président de la République, qui a confié au Gouvernement la tâche de rediriger l’Europe dans le sens de la croissance.
Le pacte de croissance et d’emploi adopté par le Conseil européen doit beaucoup à l’initiative et aux propositions françaises. Il constitue le pendant du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG, qu’on appelle généralement le « pacte budgétaire ». Pour le Président de la République et le Gouvernement, ce dernier n’est que le respect des engagements pris devant les électeurs pendant la campagne électorale : parvenir à l’équilibre des comptes publics de la France à l’horizon de 2017 en procédant par étapes, comme nous le ferons dès cette année au travers de la loi de finances rectificative pour 2012 et de la loi de finances pour 2013.
Ce nouveau cadre permet de réorienter les politiques économiques européennes.
Pour la France, il s’agissait non pas de remettre nos engagements budgétaires en cause, mais d’agir pour adopter un pacte de croissance et d’emploi qui nous permettra effectivement de sortir de la panne politique dans laquelle nous nous trouvons. Ces résultats ayant été obtenus, je demanderai rapidement au Parlement, comme je vous l’ai déjà dit hier, de se prononcer sur l’ensemble de ces décisions.
Quel est le contenu de ce pacte ?
C’est d’abord une réorientation de la stratégie européenne vers la croissance et non plus seulement une approche bloquée sur ce que l’on peut qualifier d’austérité imposée à chacun des États.
Un ensemble cohérent de mesures favoriseront la croissance et l’emploi au sein de toute l’Union européenne. Cette stratégie articule dispositions nationales et dispositions européennes. Elle comporte notamment des mesures sur l’approfondissement du marché unique, l’innovation, la politique de cohésion, le soutien aux petites et moyennes entreprises.
Ainsi que je l’ai évoqué dans ma déclaration de politique générale, la politique commerciale de l’Union sera conduite dans un esprit de réciprocité et de bénéfice mutuel, pour faire échec à la concurrence déloyale. Pour arriver à ce résultat, le Président de la République a dû beaucoup batailler, tant les conceptions ultralibérales des échanges ont cours au sein même de l’Union européenne. Là aussi, le combat que nous avons mené n’a pas été sans résultats.
S’agissant des politiques de l’Union en matière de compétitivité – je pense au développement du numérique, au marché de l’énergie, à la recherche et à l’innovation –, elles devront être orientées pour renforcer l’Europe comme lieu de production et d’investissement dans les secteurs d’avenir. Tout cela n’était pas acquis : c’est le résultat de la négociation !
Ce sont aussi de nouvelles mesures de financement de l’économie pour un montant total de 120 milliards d’euros – cette somme est maintenant bien connue –, ce qui représente 1 % du PIB de la zone euro.
Tout d’abord, il a été décidé une augmentation du capital de la Banque européenne d’investissement, la BEI, de 10 milliards d’euros, laquelle permettra 60 milliards d’euros de nouveaux prêts, soit environ 180 milliards d’euros d’investissements supplémentaires grâce à des cofinancements.
Il ne faut pas non plus considérer que ce résultat était acquis. J’ai en effet entendu ou lu que tout le monde était d’accord sur cette mesure. Non, les Vingt-sept n’étaient pas tous d’accord pour augmenter le capital de la Banque européenne d’investissement ! Seule une minorité d’États l’étaient. C’est la négociation qui a permis d’aboutir à cette décision du Conseil, qui maintenant s’impose à tous.
Ensuite, il a été prévu la réallocation de 55 milliards d’euros de crédits de fonds structurels en faveur de la croissance. Il va revenir aux États de décider, avec la Commission, des modalités de redirection de certains fonds vers la formation, le financement d’infrastructures stratégiques et le financement des PME.
Enfin, il a été acté le lancement des « obligations de projet », pour un montant de 5 milliards d’euros. Certains trouveront que c’est faible. Certes, mais nous n’en sommes qu’au démarrage de cet instrument, qui connaîtra une montée en puissance après une phase de test.
Chaque État, en tout cas la France, a maintenant l’obligation d’agir pour sélectionner des projets concrets. Nous les présenterons très rapidement, car il y a urgence. Les secteurs ciblés doivent contribuer au développement durable des territoires. Le Fonds européen d’investissement sera développé, notamment en ce qui concerne le capital-risque, ce qui permettra de soutenir la création de start-up innovantes.
En outre, le pacte comprend un accord pour la mise en place d’une taxe sur les transactions financières.
Là aussi, rien n’était acquis. Tout le monde y était favorable, mais, dès lors qu’il s’agissait de franchir l’obstacle et de prendre une décision, il y avait toujours de bonnes raisons pour retarder et reporter sans cesse l’échéance. Les discussions préalables avec nos partenaires, souvent dans un cadre bilatéral, ont permis de débloquer la situation.
Les États membres n’ont pas tous accepté de se lancer. C’est la volonté de neuf d’entre eux – France, Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Italie, Grèce, Portugal et Slovénie – qui, au travers d’une coopération renforcée, va permettre de mettre en œuvre cette taxe sur les transactions financières.
Si certains pays étaient moins décidés que d’autres, je tiens à souligner que le Chancelier autrichien ainsi que le Premier ministre belge se sont toujours portés à la pointe de ce combat ; puis la France. En tout cas, partout, il y a eu débat : en Italie, la décision est venue vite ; l’Allemagne s’est prononcée par la suite.
Il nous a été reproché d’avoir reçu récemment une délégation parlementaire du parti social-démocrate allemand. Nous aurions fait là un affront ; ce n’en était pas un ! C’était simplement une façon de reconnaître que, dans chaque démocratie, surtout dans les régimes purement parlementaires, le débat devait avoir lieu, notamment avec les groupes représentés au Parlement. On sait bien que la ratification du traité en Allemagne s’est faite par une négociation entre majorité et opposition. Parmi les conditions qu’avait posées le parti social-démocrate figurait l’adoption de la taxe sur les transactions financières. Mme Merkel et son parti ont été convaincus. Je m’en félicite !