La séance est ouverte à quinze heures cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.
La commission des finances a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. François Marc, pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration d’un délai d’une heure.
L’ordre du jour appelle le débat sur les résultats du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012.
Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, monsieur le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, je voudrais faire état d’une première dans le cadre de l’association des parlements nationaux au processus de décision européen.
J’ai reçu de la Commission européenne, le 6 juin 2012, un courrier m’informant que douze chambres de parlements nationaux, dont le Sénat français, lui avaient adressé un avis motivé de non-conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement du Conseil relative à l’exercice du droit de mener des actions collectives.
En conséquence, la Commission m’a fait savoir que, en application du traité sur l’Union européenne, elle allait réexaminer le texte du Conseil.
Je vous rappelle que la proposition de résolution européenne adoptée par la commission des affaires européennes sur l’initiative de M. Simon Sutour était devenue résolution du Sénat le 22 mai 2012.
Il s’agit de la première mise en œuvre, à l’échelon européen, de l’article 7 du protocole annexé sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, relatif à la procédure dite de « carton jaune ».
Après cette communication, nous en venons maintenant au débat sur les résultats du Conseil européen.
Dans le débat, la parole est à M. le Premier ministre, que je remercie de sa présence.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de me trouver à nouveau devant vous. Aujourd’hui, je viens vous rendre compte de la réunion du dernier Conseil européen des 28 et 29 juin, le premier du nouveau Président de la République, François Hollande, et du nouveau gouvernement. Je le fais bien évidemment au nom du Président de la République, qui a représenté la France à ce Conseil.
Vous le savez, les enjeux étaient particulièrement lourds pour la zone euro. Un échec aurait pu déclencher une nouvelle vague d’instabilité et de spéculation, voire pire. Mais je crois que les résultats ont été à la hauteur des enjeux et qu’ils peuvent être qualifiés de positifs.
Les décisions prises sont ambitieuses non seulement pour la croissance, mais aussi pour la stabilité. Elles étaient indispensables pour répondre à l’aggravation de la crise. En effet, depuis 2008, la crise a connu plusieurs phases et a profondément changé de nature. En 2010, elle est ainsi devenue une crise des dettes souveraines. Elle s’est successivement attaquée aux États de la zone euro parmi les plus fragiles, qui ont été touchés les uns après les autres.
Certains pays ont eu le sentiment, à tort, qu’ils étaient à l’abri de tout risque de contagion. Pourtant, la contagion s’est produite : la Grèce, l’Espagne, puis l’Italie ont été successivement confrontées à des difficultés de financement, les marchés leur imposant des taux très élevés, voire insupportables. La confiance des investisseurs dans la zone euro a été considérablement affaiblie. On peut donc dire que la crise des dettes souveraines est devenue systémique.
Pour la stopper, le Conseil européen n’avait pas d’autre choix que de prendre non seulement des mesures structurelles ambitieuses, mais également des mesures de court terme.
Cela m’amène au deuxième point que je souhaite aborder.
Après dix-huit sommets de crise, l’échec n’était pas permis. L’enjeu était d’autant plus important que la succession de sommets européens, souvent présentés comme des « sommets de la dernière chance », des sommets où l’on avait trouvé la solution, où tout était réglé, a malheureusement débouché sur des réponses inadaptées ou insuffisantes. Celles-ci ont, au contraire, aggravé la crise. Il en a ainsi été dans le déroulement de la crise grecque et des autres crises nationales.
Il fallait donc changer de méthode, et le Président de la République n’est pas pour rien dans cette évolution, même s’il ne s’est pas trouvé seul.
Nous n’avons pas cédé à la tentation, qui aurait été celle de la facilité, de nous en remettre au principe d’un directoire franco-allemand. Nous avons bien sûr travaillé étroitement avec l’Allemagne, et nous devons continuer à le faire pour rechercher avec elle le maximum de convergences – en effet, si nous arrivons à un Conseil avec des divergences et que nous en sortons au même point, cela sera évidemment un échec –, …
… mais, dans le même temps, il était important de dialoguer avec nos autres partenaires. C’est ce que le Président de la République a fait dès son élection, dans un esprit d’écoute et d’ouverture, tourné vers la recherche de solutions communes.
Dans cet esprit nouveau, la relation franco-allemande a bien fonctionné et la dynamique européenne s’est remise en marche. Nous en avons vu les résultats et nous savons désormais qu’il s’agit de la bonne méthode.
Nous avons aussi retrouvé le sens du temps. Au cours des années passées, victime d’une course éperdue derrière les marchés, l’Europe a pratiqué une politique du « trop peu » ou du « trop tard ».
Lors du dernier sommet, nous avons proposé non seulement de traiter à la fois le court et le moyen terme, mais aussi d’anticiper l’avenir en proposant une vision globale de la réponse à la crise, une vision ne se limitant pas à la stabilité budgétaire.
Aussi, le troisième point que je voudrais développer devant vous concerne le pacte de croissance et d’emploi, indispensable pour réorienter l’Europe. C’était l’un des engagements du Président de la République, qui a confié au Gouvernement la tâche de rediriger l’Europe dans le sens de la croissance.
Le pacte de croissance et d’emploi adopté par le Conseil européen doit beaucoup à l’initiative et aux propositions françaises. Il constitue le pendant du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG, qu’on appelle généralement le « pacte budgétaire ». Pour le Président de la République et le Gouvernement, ce dernier n’est que le respect des engagements pris devant les électeurs pendant la campagne électorale : parvenir à l’équilibre des comptes publics de la France à l’horizon de 2017 en procédant par étapes, comme nous le ferons dès cette année au travers de la loi de finances rectificative pour 2012 et de la loi de finances pour 2013.
Ce nouveau cadre permet de réorienter les politiques économiques européennes.
Pour la France, il s’agissait non pas de remettre nos engagements budgétaires en cause, mais d’agir pour adopter un pacte de croissance et d’emploi qui nous permettra effectivement de sortir de la panne politique dans laquelle nous nous trouvons. Ces résultats ayant été obtenus, je demanderai rapidement au Parlement, comme je vous l’ai déjà dit hier, de se prononcer sur l’ensemble de ces décisions.
Quel est le contenu de ce pacte ?
C’est d’abord une réorientation de la stratégie européenne vers la croissance et non plus seulement une approche bloquée sur ce que l’on peut qualifier d’austérité imposée à chacun des États.
Un ensemble cohérent de mesures favoriseront la croissance et l’emploi au sein de toute l’Union européenne. Cette stratégie articule dispositions nationales et dispositions européennes. Elle comporte notamment des mesures sur l’approfondissement du marché unique, l’innovation, la politique de cohésion, le soutien aux petites et moyennes entreprises.
Ainsi que je l’ai évoqué dans ma déclaration de politique générale, la politique commerciale de l’Union sera conduite dans un esprit de réciprocité et de bénéfice mutuel, pour faire échec à la concurrence déloyale. Pour arriver à ce résultat, le Président de la République a dû beaucoup batailler, tant les conceptions ultralibérales des échanges ont cours au sein même de l’Union européenne. Là aussi, le combat que nous avons mené n’a pas été sans résultats.
S’agissant des politiques de l’Union en matière de compétitivité – je pense au développement du numérique, au marché de l’énergie, à la recherche et à l’innovation –, elles devront être orientées pour renforcer l’Europe comme lieu de production et d’investissement dans les secteurs d’avenir. Tout cela n’était pas acquis : c’est le résultat de la négociation !
Ce sont aussi de nouvelles mesures de financement de l’économie pour un montant total de 120 milliards d’euros – cette somme est maintenant bien connue –, ce qui représente 1 % du PIB de la zone euro.
Tout d’abord, il a été décidé une augmentation du capital de la Banque européenne d’investissement, la BEI, de 10 milliards d’euros, laquelle permettra 60 milliards d’euros de nouveaux prêts, soit environ 180 milliards d’euros d’investissements supplémentaires grâce à des cofinancements.
Il ne faut pas non plus considérer que ce résultat était acquis. J’ai en effet entendu ou lu que tout le monde était d’accord sur cette mesure. Non, les Vingt-sept n’étaient pas tous d’accord pour augmenter le capital de la Banque européenne d’investissement ! Seule une minorité d’États l’étaient. C’est la négociation qui a permis d’aboutir à cette décision du Conseil, qui maintenant s’impose à tous.
Ensuite, il a été prévu la réallocation de 55 milliards d’euros de crédits de fonds structurels en faveur de la croissance. Il va revenir aux États de décider, avec la Commission, des modalités de redirection de certains fonds vers la formation, le financement d’infrastructures stratégiques et le financement des PME.
Enfin, il a été acté le lancement des « obligations de projet », pour un montant de 5 milliards d’euros. Certains trouveront que c’est faible. Certes, mais nous n’en sommes qu’au démarrage de cet instrument, qui connaîtra une montée en puissance après une phase de test.
Chaque État, en tout cas la France, a maintenant l’obligation d’agir pour sélectionner des projets concrets. Nous les présenterons très rapidement, car il y a urgence. Les secteurs ciblés doivent contribuer au développement durable des territoires. Le Fonds européen d’investissement sera développé, notamment en ce qui concerne le capital-risque, ce qui permettra de soutenir la création de start-up innovantes.
En outre, le pacte comprend un accord pour la mise en place d’une taxe sur les transactions financières.
Là aussi, rien n’était acquis. Tout le monde y était favorable, mais, dès lors qu’il s’agissait de franchir l’obstacle et de prendre une décision, il y avait toujours de bonnes raisons pour retarder et reporter sans cesse l’échéance. Les discussions préalables avec nos partenaires, souvent dans un cadre bilatéral, ont permis de débloquer la situation.
Les États membres n’ont pas tous accepté de se lancer. C’est la volonté de neuf d’entre eux – France, Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Italie, Grèce, Portugal et Slovénie – qui, au travers d’une coopération renforcée, va permettre de mettre en œuvre cette taxe sur les transactions financières.
Si certains pays étaient moins décidés que d’autres, je tiens à souligner que le Chancelier autrichien ainsi que le Premier ministre belge se sont toujours portés à la pointe de ce combat ; puis la France. En tout cas, partout, il y a eu débat : en Italie, la décision est venue vite ; l’Allemagne s’est prononcée par la suite.
Il nous a été reproché d’avoir reçu récemment une délégation parlementaire du parti social-démocrate allemand. Nous aurions fait là un affront ; ce n’en était pas un ! C’était simplement une façon de reconnaître que, dans chaque démocratie, surtout dans les régimes purement parlementaires, le débat devait avoir lieu, notamment avec les groupes représentés au Parlement. On sait bien que la ratification du traité en Allemagne s’est faite par une négociation entre majorité et opposition. Parmi les conditions qu’avait posées le parti social-démocrate figurait l’adoption de la taxe sur les transactions financières. Mme Merkel et son parti ont été convaincus. Je m’en félicite !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il faudra convaincre M. Cameron !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Nous ne l’attendrons pas pour agir. S’il le fallait, cela compliquerait tout, sur bien des sujets d’ailleurs !
Nous respectons évidemment les décisions du gouvernement britannique. Au reste, monsieur le sénateur, j’espère que vous-même voterez en faveur de la mise en œuvre de cette taxe.
J’en viens maintenant au quatrième point de mon intervention : l’ouverture de perspectives d’évolution pour l’Union économique et monétaire. Voilà un point qui était particulièrement attendu et, sans doute, le plus difficile.
L’Union économique et monétaire avait plus que jamais besoin de nouvelles perspectives pour retrouver la confiance. Avec le mandat confié au président du Conseil européen pour élaborer, en liaison avec les présidents de la Commission, de la Banque centrale européenne et de l’Eurogroupe, une « feuille de route » assortie d’un calendrier, en vue d’une « véritable Union économique et monétaire », un pas a été franchi.
Nous attendons beaucoup d’un tel rapport, de cette commande politique du Conseil européen, en particulier des propositions concrètes pour nous permettre d’avancer vers une plus forte intégration solidaire, comme le Président de la République l’a appelé de ses vœux, autrement dit vers une union bancaire, avec une supervision intégrée, et un gouvernement économique. La France réclame depuis très longtemps cette forme de gouvernance, qui soit davantage encore au service de la croissance et de l’emploi.
Le rapport sera présenté au Conseil européen du mois d’octobre. M. Van Rompuy va travailler vite. Il appartiendra ensuite au Conseil d’adopter, s’il est d’accord avec les propositions, un échéancier précis.
Cinquième point à noter : l’accord des membres de la zone euro sur l’assouplissement des conditions d’utilisation des mécanismes financiers, qui était également indispensable à la stabilisation à court terme.
Obtenu à dix-sept et faisant l’objet d’un texte spécifique, cet accord ne fait pas partie des conclusions du Conseil européen au sens strict, mais il s’est traduit par une déclaration des chefs d’État et de gouvernement. C’est ce qui était certainement le plus attendu, tant la capacité des membres de la zone euro à trouver un accord sur le court terme était la condition indispensable à la restauration de la confiance.
Cette déclaration introduit trois innovations. Elles vont toutes dans le sens de l’assouplissement à court terme des conditions d’utilisation des mécanismes financiers mis en place pour répondre à la crise.
La première, c’est la mise en place avant la fin de cette année d’un mécanisme de supervision unique pour toutes les banques de la zone euro. Il pourrait, c’est le souhait de la France, que l’Eurogroupe devrait confirmer, du moins je l’espère, être confié à la Banque centrale européenne.
Voilà une étape extrêmement importante quand on connaît tous les grands débats qui ont eu lieu autour du rôle de la BCE. Les choses avancent. Il serait souhaitable qu’elle joue ce rôle : telle est sa vocation, finalement, et point n’est besoin de changer les traités pour cela, seule compte la volonté politique.
Dès lors que ce superviseur renforcé sera créé, le Mécanisme européen de stabilité pourra procéder directement à la recapitalisation des banques, sans devoir en passer par l’intermédiaire des États. C’est donc un moyen de couper le lien entre l’endettement des banques et l’endettement des États, d’en finir avec un cercle vicieux dont nous n’arrivions plus à sortir. Cette avancée n’est peut-être pas celle qui a été le plus mise en avant. Je voulais la souligner devant vous.
La deuxième innovation concerne l’Espagne. Il s’agit de l’abandon du statut de créancier privilégié pour les interventions du Mécanisme européen de stabilité issues du Fonds européen de stabilité financière auquel le premier doit succéder. Cette décision devrait rassurer les investisseurs dans la solidité de la dette de l’État espagnol.
La troisième concerne l’assouplissement de l’utilisation des instruments d’aide existants pour les États qui respectent leurs engagements. À l’égard des États fournissant des efforts pour redresser leurs finances publiques et respectant les règles et les recommandations européennes, c’est-à-dire décidées en commun, la zone euro a rappelé sa détermination à agir en utilisant tous ses instruments pour stabiliser les marchés obligataires.
La Banque centrale européenne, encore elle, agira comme agent du Fonds européen de stabilité financière, et bientôt du Mécanisme européen de stabilité, pour les opérations d’achat d’obligations.
Quant à la sortie de crise des dettes souveraines dans la zone euro, que j’évoque au travers de mon propos, soyons toujours vigilants et exigeants, car elle prendra du temps, mais nous avons stoppé son aggravation et inversé la tendance. Je le répète, la France, grâce au vote des Français, a contribué à ce résultat. Nous devons donc continuer à jouer notre rôle et être d’une grande vigilance, parce que la situation, notamment en Grèce, reste très fragile.
À plus long terme, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est une réflexion globale que nous devons engager sur l’approfondissement du projet européen.
Le succès du dernier sommet nous permet d’espérer une évolution vers des réponses structurelles et pérennes à la crise de la zone euro et surtout de redonner une nouvelle perspective et une nouvelle ambition à la reconstruction européenne.
Dans ce monde nouveau qui est le nôtre, l’avenir des peuples européens passe par une Europe plus forte, plus solidaire, porteuse d’un grand projet économique, social, culturel et environnemental, qui fait encore défaut aujourd’hui et décourage les meilleures volontés. Chaque État-nation demeurera, avec son identité et sa souveraineté, mais l’ambition que nous aurons su mettre en commun nous rendra plus forts ensemble. C’est en tout cas notre responsabilité aujourd’hui !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin applaudit également.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.
Monsieur le Premier ministre, je voudrais en tout premier lieu saluer votre présence à ce débat sur les conclusions du Conseil européen. C’est la première fois qu’un chef du gouvernement participe à ce type de débat au Sénat. J’y vois non seulement une marque de considération pour les travaux de notre assemblée, mais également un signe de l’importance des résultats de ce Conseil européen. Merci, monsieur le Premier ministre !
Il faut rappeler que, la semaine dernière, les milieux financiers bruissaient de rumeurs sur l’éclatement inévitable de la zone euro. On disait que le problème était de savoir non plus si cet éclatement aurait lieu, mais quand et comment. Or ce qui est ressorti du Conseil européen et plus précisément du « sommet » de la zone euro organisé en parallèle, c’est bien la volonté unanime de préserver cet acquis essentiel qu’est la monnaie unique.
Pour manifester clairement une telle volonté, il fallait aller plus loin que les palliatifs qui se sont ajoutés de sommet en sommet depuis deux ans. Nous obtenions un répit, puis les problèmes revenaient. Pour la première fois, il est ressorti des discussions une vision à plus long terme, une démarche plus globale, que l’on pourrait définir d’une manière générale comme un rééquilibrage.
Un rééquilibrage, d’abord, entre l’impératif d’assainissement des finances publiques et l’impératif de croissance. Ils doivent aller ensemble.
Oui, il faut rétablir les finances publiques, même lorsque la lourdeur de l’héritage rend la tâche difficile. Mais l’effort ne peut être efficace et accepté que dans un contexte plus favorable à la croissance. L’austérité est un cercle vicieux : la baisse des dépenses entraîne la baisse de l’activité, donc celle des recettes, et rend nécessaire, finalement, de nouvelles mesures restrictives.
Pour éviter ce piège, il faut compenser les effets négatifs que la maîtrise des dépenses publiques peut entraîner sur l’activité. Cela veut dire que la maîtrise des dépenses doit être sélective, qu’elle doit préserver celles qui préparent l’avenir et concourent au dynamisme économique.
Cela veut dire aussi que l’Union doit, à son niveau, assurer un soutien à l’activité, ce qui est fait avec les 120 milliards d’euros dégagés par le meilleur emploi des fonds structurels et l’augmentation des prêts de la BEI. Cela veut dire, enfin, que chaque État doit mener à bien les réformes susceptibles de lever les obstacles à la croissance et à l’emploi.
Ce rééquilibrage entre assainissement et croissance a été salué, y compris, il faut le souligner, par les marchés financiers, sensibles au manque de crédibilité des politiques de pure austérité. Mais il constitue avant tout un signal important pour tous les citoyens, comme, d’ailleurs, pour tous les acteurs économiques, qui ne peuvent avoir la baisse des dépenses publiques pour seul horizon.
Il s’agit, je le rappelle et j’y insiste, d’une décision du Conseil européen, qui engage les États membres, et non d’une simple déclaration d’intention.
À côté du rééquilibrage entre assainissement et croissance, le Conseil européen a engagé un deuxième rééquilibrage, entre l’impératif de surveillance mutuelle et l’impératif de solidarité, lesquels ne doivent pas non plus être dissociés.
Au sein de la zone euro, nos pays sont étroitement interdépendants ; nous le mesurons de plus en plus au fil du temps. Cela veut dire que nous devons prévenir ensemble les déséquilibres, ou empêcher leur réapparition : c’est la surveillance mutuelle.
Cela veut dire aussi que les difficultés d’un ou plusieurs États membres retentissent sur les autres, et qu’il nous faut donc être solidaires. Ces deux principes se complètent. C’est l’« intégration solidaire », dont a parlé le Président François Hollande.
C’est pourquoi le Conseil européen, à juste titre, a prévu d’associer une supervision plus étroite à une solidarité plus grande. La possibilité de recapitaliser directement des banques est associée à la mise en place d’une surveillance bancaire unique dans la zone euro, sous l’égide de la BCE. Des interventions éventuelles du FESF, le Fonds européen de stabilité financière, et du MES, le Mécanisme européen de stabilité, sur le marché secondaire des titres de dettes sont associées au respect par les pays concernés de leurs engagements. Il y a ainsi un juste équilibre entre les droits et les devoirs. C’est l’« intégration solidaire » défendue par le Président François Hollande.
Enfin, le Conseil européen a esquissé un troisième rééquilibrage, qui n’est pas sans lien avec les deux autres, et qui concerne le fonctionnement du Conseil européen. Nous sommes sortis du schéma dans lequel les réunions étaient vouées à entériner les compromis préparés en petit comité entre la France et l’Allemagne, ou, plus exactement, entre l’Allemagne et la France, car ces compromis penchaient toujours du même côté. Nous sommes passés à un fonctionnement plus ouvert, dans lequel d’autres ont leur mot à dire, et c’est un progrès pour l’Europe. Bien entendu, tout le monde en convient, le couple franco-allemand est utile et même indispensable. Encore faut-il qu’il ne soit pas exclusif et qu’il ne prétende pas à lui seul faire la pluie et le beau temps en Europe ! Le couple franco-allemand doit, certes, favoriser la synthèse, sous réserve qu’elle intervienne à l’issue d’une préparation où il n’y a pas deux catégories d’États membres.
Je voudrais, pour terminer, souligner que les résultats de ce Conseil européen ont le mérite d’ouvrir une perspective et de s’inscrire dans la durée. Nous avons désormais l’esquisse de ce que sera une zone euro plus intégrée. Il y a, certes, encore beaucoup à faire pour parvenir à l’intégration financière, budgétaire et économique préconisée par le rapport Van Rompuy. Mais le mouvement est lancé. Pour le mener à bien, il ne faudra pas oublier la dernière des quatre orientations de ce rapport Van Rompuy, laquelle souligne la nécessité d’« assurer la légitimité démocratique et l’obligation de rendre compte ».
Les parlements – le Parlement européen mais aussi et, surtout, les parlements nationaux – devront être étroitement associés aux décisions. Nous nous situons en effet au cœur de leurs compétences, et nous traitons de domaines qui touchent directement nos citoyens. Le Sénat, je le rappelle, a déjà adopté une résolution sur ce sujet. D’ailleurs, je vous remercie, monsieur le président, d’avoir rappelé que, sur notre initiative notamment, un « carton jaune » vient, pour la première fois, d’être envoyé à la Commission sur un problème jugé par nous essentiel, celui du droit de grève. Cela montre que l’application du traité de Lisbonne nous donne des pouvoirs réels, qu’il nous faut appliquer de manière utile. Tel est le cas, puisqu’en cette matière de droit de grève, sur notre initiative, plus d’un tiers des parlements nationaux se sont prononcés contre la proposition de la Commission, laquelle doit maintenant revoir sa copie. Et nous entendons qu’elle le fasse dans un sens plus juste !
Je conclus en indiquant que le Conseil européen de la semaine dernière n’est pas un point d’arrivée. Le chemin à faire reste considérable, c’est entendu, mais nous avons pris un meilleur itinéraire, qui nous donne plus de chances d’arriver au but, et il me semble que c’est déjà beaucoup !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’ai le souvenir d’avoir joué ici, à cette même tribune, le rôle de Cassandre lors du débat préalable du précédent Conseil. J’étais en effet inquiet quant à nos perspectives en matière d’environnement, de croissance et d’emploi. Mais j’étais plus largement inquiet encore quant à notre capacité collective à esquisser une coordination a minima de nos politiques industrielles et énergétiques autrement que par la dérégulation.
Lorsque j’analyse les conclusions du dernier Conseil européen, le terme qui me vient naturellement à l’esprit est celui de « contraste » – je n’ai pas dit « changement » !
« Contraste » des termes des débats comparés aux précédents Conseils dits de la « dernière chance », « contraste » en matière de résultats, « contraste », enfin, en matière de perspectives.
Ce Conseil aura donc été décisif à plus d’un titre.
Décisif, car il est à la hauteur du moment. Bien entendu, le chemin menant à une Europe plus en phase avec les urgences qui travaillent le monde reste long et parsemé d’embûches. Néanmoins, les postulats du débat, les solutions esquissées par le « pacte pour la croissance et l’emploi » sont conformes au pragmatisme dont les Européens doivent enfin faire preuve en ces temps troublés. Le paradigme de « l’austérité » comme axiome unique de nos politiques budgétaires et unique porte de sortie possible a vécu, et c’est heureux ! Comment croire en effet que, en contractant les moyens de la puissance publique jusqu’à la priver de son potentiel d’impulsion, il était possible de renouer avec la prospérité économique ?
Comme l’a souligné le Premier ministre, « le vote des Français a pesé ». La campagne présidentielle a permis de mettre en lumière l’impérieuse nécessité, non pas de décréter la croissance, mais d’en réunir les conditions. Bien évidemment, cela ne peut se faire qu’à l’échelle européenne !
Ce sommet rompt donc avec la longue litanie des « sommets de la dernière chance ». Et le moins que l’on puisse dire est que ce Conseil et ses protagonistes ont été, cette fois, à la hauteur du moment. En effet, les nations européennes traversent l’un de ces moments que nous autres, élus de terrain, de par nos rythmes, savons mesurer.
En effet, le fait essentiel qui nous préoccupe dans l’immédiat est bien l’aggravation de la crise économique, financière et sociale de l’Union européenne.
Doit-on alors préparer nos territoires à une crise durable ou peut-on espérer une nouvelle vague de croissance dans les prochaines années ?
Plus largement, les crises que nous traversons remettent en cause notre place privilégiée sur le plan économique, linguistique et culturel. En somme, notre position dans le monde n’est plus prédominante, et nous sommes donc mis au défi d’écarter les risques de catastrophe économique, sociale et environnementale.
Dans un tel contexte, le message politique du dernier sommet montre que le rapport de forces entre les peuples et les marchés a évolué et nous éclaire sur le chemin à suivre.
Ce sommet aura été celui des solutions permettant tout à la fois de répondre à l’urgence et d’ouvrir des perspectives d’une relance de la construction européenne. En effet, en parcourant les conclusions, je décèle les jalons d’une coordination des politiques économiques, financières et budgétaires. Et nous savons tous qu’ils sont le préalable à plus d’intégration !
Un Conseil décisif, car il a également été à la hauteur des urgences qui exigent des solutions immédiates et pragmatiques : il a apporté des réponses aux situations d’urgence que traversent l’Espagne, menacée par l’effondrement bancaire, et l’Italie, confrontée à une impasse financière.
L’extension du Mécanisme européen de stabilité aux pays qui ne sont pas soumis aux programmes d’assistance financière aura un effet dissuasif sur les marchés financiers. Le MES pourra ainsi recapitaliser « en direct » les banques en difficulté et éviter, de ce fait, d’alourdir les dettes souveraines. Cela représente donc une étape supplémentaire nous menant, je l’espère, à la mutualisation des dettes européennes. N’en déplaise à l’Allemagne, nous ne pourrons en faire l’économie !
Dans ce même registre, je note aussi la présence d’éléments autorisant à terme une intégration bancaire. En effet, la mise en place d’une supervision intégrée des banques de la zone euro pilotée par la Banque centrale européenne participe de cette évolution heureuse.
Enfin – je dis bien enfin ! –, je ne peux que saluer la mise en œuvre d’une taxation sur les transactions financières que nous avions moult fois défendue ici, sur les travées socialistes.
Ces solutions recèlent donc de belles perspectives. En ce domaine, jamais Conseil européen n’aura été aussi décisif. En effet, les conclusions du Conseil européen ne se contentent pas de citer le mot « croissance » une trentaine de fois. Le pacte pour la croissance et l’emploi est assorti de moyens et d’avancées importantes.
À ceux qui considèrent comme quantité négligeable la mobilisation de 1 % du PIB européen, je fais observer que le bon fonctionnement de l’économie et des institutions financières repose aussi et, parfois, avant tout sur les anticipations positives et la confiance.
Le néolibéralisme des années quatre-vingt a vécu, le balancier penche désormais de l’autre côté. Grâce à l’action du Président de la République, l’objectif de croissance est désormais au cœur des débats et les lignes bougent au sein des enceintes internationales et a fortiori européennes.
Sur les apports de ce pacte, je retiens, là encore, plusieurs avancées structurantes à mettre rapidement en œuvre, qui demanderont, à terme, d’être approfondies. Et je vous demanderai tout à l’heure, monsieur le Premier ministre, quel sera le rôle ou l’apport du Parlement dans ce domaine.
En effet, le volet dédié à la croissance permet d’envisager une meilleure coordination des politiques économiques des États membres. Tel est, en tout cas, le sens du pilotage des projets. Que ce soit le renforcement des moyens, avec l’augmentation du capital de la BEI à hauteur de 10 milliards d’euros, ou le renforcement de l’action du Fonds, ces éléments auront un effet multiplicateur bénéfique. Vous l’avez expliqué plus longuement tout à l’heure, monsieur le Premier ministre.
Sur le long terme, certaines propositions devront être approfondies.
D’abord, l’achèvement du marché intérieur de l’énergie d’ici à 2014, dont le corollaire environnemental est encore à parfaire. En effet, la directive Efficacité énergétique reste, pour nous, très insuffisante. Si la partie « Infrastructures » semble promise à faire l’objet d’un accord, la coordination reste inexistante et ces éléments ne constituent en aucune manière la politique énergétique européenne nous mettant à l’abri des aléas géopolitiques et économiques.
Ensuite, des avancées notables sont également à noter en matière d’innovation. Elles visent le renforcement de notre compétitivité et la montée en gamme de notre économie. Nous voyons, là encore, l’esquisse d’une coordination qui devra être approfondie, tout particulièrement par un renforcement de la politique commune de recherche et développement.
Enfin, l’affirmation que « la politique fiscale devrait contribuer à l’assainissement budgétaire et à une croissance durable » permet d’envisager l’harmonisation tant attendue, qu’il s’agisse de la taxation des produits énergétiques, de l’assiette commune à l’impôt sur les sociétés ou de la révision de la fiscalité des revenus de l’épargne. Reste qu’il faudra être vigilant et faire en sorte que cela ne reste pas lettre morte !
J’émets cependant une réserve s’agissant de « l’approfondissement du marché unique par l’élimination des obstacles qui subsistent ». Cela suppose, selon mon interprétation, la relance des processus de dérégulation, comme en témoigne la nouvelle communication de la Commission sur la directive Services. Une telle mesure me semble inadéquate et à contretemps à l’heure où les Européens sont à la recherche de normes communes, de suppléments d’harmonisation. Ils sont dans l’attente d’un renforcement des coordinations économiques et, au final, de plus d’intégration en respectant, en particulier, la réciprocité.
L’histoire de la construction européenne nous enseigne que les processus harmonisation-intégration doivent être menés de front et être prioritaires.
Une question reste également ouverte, monsieur le Premier ministre : quel doit être le rôle des parlements nationaux et des institutions pour accompagner cette inflexion stratégique ? La résolution européenne adoptée le 6 mars dernier par le Sénat fournit les éléments d’un renforcement du contrôle démocratique de la gouvernance économique et financière. Et je parle sous le contrôle du président de la commission des affaires européennes !
Je puis vous assurer, monsieur le Premier ministre, que, en tant que parlementaire, notre volonté de vous accompagner dans ce moment historique est totale tant la cohérence de ce pacte avec votre programme gouvernemental est évidente. Il s’agit en effet d’une reprise de la construction d’un édifice européen toujours plus intégré et solidaire, tel que les pères fondateurs l’auraient sans doute souhaité. Car il ne suffit pas de dire « Europe ! Europe ! » ; ce qu’il faut, c’est la faire ensemble !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.
Mme Bariza Khiari remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Madame la présidente, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, chers collègues, notre débat d’aujourd’hui s’inscrit, pour la commission des finances, en ouverture de ce que nous pourrions appeler notre « session budgétaire estivale », qui se poursuivra dans cet hémicycle avec l’examen du projet de loi de règlement des comptes pour l’année 2011, le débat sur les orientations des finances publiques pour 2013, sans oublier, bien entendu, l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2012.
Il est incontestable que la crise de la zone euro constitue la toile de fond de tous ces débats à venir.
La nécessité de montrer que les Européens savent tirer les conséquences du partage d’une monnaie justifie encore plus que chacun des États d’une même zone monétaire conduise une politique budgétaire responsable.
Au fond, à la commission des finances, nous nous posons depuis deux ans, avant chaque Conseil européen, la même question : les décisions qui seront prises vont-elles améliorer ou, au contraire, rendre plus difficile le respect par la France de sa trajectoire budgétaire, sa capacité à rembourser sa dette et, donc, la protection de sa souveraineté budgétaire ?
À l’aune de ces critères, il ne fait pas de doute que la direction prise ces derniers jours est une bonne direction !
Depuis des mois, les États refusaient d’aborder les vraies questions et espéraient s’en tirer avec des solutions techniques sophistiquées mais incompréhensibles, qui n’ont jamais convaincu personne et que les gouvernements faisaient semblant de défendre.
Il faut dire les choses comme elles sont : le débat sur la croissance imposé par François Hollande a modifié les termes du débat européen.
Je ne m’étends pas sur le débat national, mais je veux saluer la démarche du Premier ministre de venir rendre compte lui-même de ce qui s’est passé à Bruxelles. Les Conseils européens ne sont pas des réunions diplomatiques, mais font partie de notre vie politique nationale. Merci au Gouvernement d’accorder du prix à l’association du Parlement à tous ces débats !
La discussion entre les États paraît aussi avoir évolué.
La zone euro ne donne plus le sentiment d’être une forteresse assiégée, qui se barricade en espérant que la bataille s’arrêtera d’elle-même. Elle semble capable de surmonter les divergences autrement que par la paralysie.
Au-delà de ce constat d’un état d’esprit nouveau, dont nous nous félicitons, quels sont les apports de ce sommet ?
Désormais, la bonne gestion des finances publiques n’est plus considérée comme une fin en soi, mais comme l’une des composantes d’une politique de croissance équilibrée. En conséquence, les textes budgétaires dont l’Europe s’est dotée ont été complétés par un pacte de croissance. L’ensemble tend ainsi à devenir plus mobilisateur. Nous attendons d’en connaître les conséquences concrètes dans notre ordre juridique interne et pour l’organisation de nos débats budgétaires.
Par ailleurs, la taxe sur les transactions financières est actée même si l’on peut regretter qu’elle ne se fasse pas à vingt-sept. À ce sujet, monsieur le Premier ministre, vous avez énuméré les pays qui adhéraient à ce dispositif. Peut-être faudra-t-il s’interroger sur l’assiette qui sera utilisée, puisque le thème a été abordé hier, lors de l’audition du ministre de l’économie par la commission des finances ? Nous attendons d’en savoir un peu plus sur ce sujet.
Il faut par ailleurs noter que la notion de participation du secteur privé n’est plus mise en avant. Au contraire, il a été explicitement décidé que le MES serait traité comme tous les autres créanciers des banques espagnoles, ce qui a vocation à rassurer les investisseurs.
Il faut enfin se féliciter que, en matière de solidarité financière, on passe petit à petit de la théorie à la pratique. À quelques jours du démarrage opérationnel du MES, et sous réserve de l’analyse qu’en fera la Cour constitutionnelle allemande, les États ont précisé ses modalités de fonctionnement.
Certes, la recapitalisation des banques et les rachats de dettes figurent déjà dans le traité sur le MES. Mais ils deviennent plus concrets et, lorsqu’ils seront utilisés, ils créeront les conditions politiques permettant de vraiment remédier aux deux défauts du système actuel : l’absence de licence bancaire pour le MES et la taille trop réduite de nos « pare-feux », qui pénalise la crédibilité de l’ensemble.
Car il est évident que, pour remplir sa mission en période de crise sur les marchés, le MES doit pouvoir se financer ailleurs que sur ces marchés, eux-mêmes en crise, en se refinançant auprès de la BCE. Il est sûr que son action sur le marché secondaire des dettes souveraines n’aura un impact significatif sur les taux que si elle est conduite à une échelle suffisante.
Évidemment, pour nos partenaires allemands, cette évolution sera difficile à accepter, et il faudra l’accompagner de modifications institutionnelles et d’une plus grande intégration des politiques budgétaires. C’est le sens des travaux que le Conseil a confié au président Van Rompuy et qui doivent déboucher d’ici à la fin de l’année.
C’est aussi l’enjeu de l’union bancaire, dont nous débattrons au Sénat dès la rentrée en examinant la proposition de directive sur les résolutions bancaires, qu’il faudra bien coordonner avec les décisions prises par les États de la zone euro.
Nous avons intérêt à accepter ces débats sur le plan européen, car c’est par cette voie que nous obtiendrons la mutualisation des dettes et que – j’y insiste aujourd’hui, alors même que, ce matin, trois instituts de conjoncture annonçaient l’entrée en récession de la zone euro ! – nous sortirons des recettes uniques reposant sur l’austérité, dont nous voyons, en Espagne, les conséquences inquiétantes.
Nous avons aussi le devoir d’ouvrir ces débats sur le plan national, car leurs implications en termes de souveraineté sont essentielles.
En résumé, mes chers collègues, le Conseil européen de la semaine dernière a redonné espoir à ceux qui désespéraient des Européens. Mais les décisions prises n’auront pas d’effet concret à court terme. Si la dynamique politique n’est pas entretenue, nous n’aurons assisté qu’à un sommet de plus. Aux Européens de prendre leurs responsabilités et d’être à la hauteur des attentes qu’ils ont suscitées.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de dix minutes au porte-parole de chaque groupe politique et de cinq minutes à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Le Gouvernement répondra ensuite aux commissions et aux orateurs.
Puis nous aurons un débat interactif et spontané pendant une heure.
Dans la suite du débat, la parole est M. Jean-Pierre Chevènement, pour le groupe RDSE.
Madame la présidente, monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, monsieur le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, la France se trouve aujourd’hui dans une situation très difficile, dont sa désindustrialisation, continue depuis près de trois décennies, l’érosion de sa compétitivité et, enfin, un chômage frappant 10 % de sa population active sont les symptômes les plus significatifs. C’est pourquoi, comme les autres parlementaires du mouvement républicain et citoyen, je soutiens l’effort nécessaire auquel appelle le Gouvernement pour réorienter l’Europe et redresser l’appareil productif. À titre personnel, j’apprécie la détermination du Premier ministre : un discours de vérité peut seul, aujourd’hui, créer la confiance avec le pays.
La situation dégradée de l’économie française résulte principalement – il faut tout de même bien le dire ! – de choix de dérégulation effectués il y a plus de vingt ans dans le cadre de l’Acte unique.
Je n’ai pas besoin de rappeler le choix qui a été le mien en 1992 quant à la création d’une monnaie unique. Nous voyons aujourd’hui les effets négatifs d’un transfert de la souveraineté monétaire de dix-sept pays très différents par leurs structures à une Banque centrale aux statuts copiés sur ceux de la Bundesbank allemande.
C’est tout ce passif qu’il nous faut aujourd’hui remonter ensemble par un effort de dialogue et par la réunion de toutes les bonnes volontés : comment regagner les quinze à vingt points de compétitivité perdus par rapport à l’Allemagne depuis la création de la monnaie unique ? La dévaluation aujourd’hui n’est plus possible. Il faut donc retrouver des marges de manœuvre. Cela ne sera pas possible par une sorte de déflation interne. Il faudra donc faire évoluer profondément les règles de la monnaie unique. C’est ce que le Président de la République a commencé à faire lors du sommet européen des 28 et 29 juin derniers.
François Hollande a su trouver, sur le thème de la croissance notamment, des convergences non seulement avec le Président Obama, mais aussi, en Europe, avec nos partenaires : l’Italie de M. Monti et l’Espagne de M. Rajoy en particulier, sans oublier l’Allemagne avec le gouvernement de laquelle des compromis dynamiques ont été passés.
Au lieu de mettre systématiquement ses pas dans ceux de Mme Merkel, François Hollande, à la différence de son prédécesseur, a cherché à nouer un dialogue constructif avec l’ensemble de nos partenaires. Ce premier sommet a été un succès du point de vue de l’opinion publique, et il a été salué comme tel par les marchés financiers. La France, non seulement n’a pas été isolée, comme le prévoyaient des oiseaux de mauvais augure, mais il est apparu qu’il était possible d’amener Mme Merkel à faire des concessions dont l’ampleur reste, certes, encore à vérifier. De ce sommet, François Hollande est sorti à son avantage.
Je passerai rapidement sur le plan de croissance qui résultera de l’augmentation des prêts de la BEI – 60 milliards d’euros –, du redéploiement des fonds structurels – 55 milliards d’euros – et d’une innovation, les « project bonds », pour un montant encore limité de 4 à 5 milliards d’euros. Mais il faut bien commencer !
À supposer que ces moyens nouveaux puissent être rapidement mis en œuvre, leur montant égal à 1 % du PIB européen ne pourra cependant pas contrebalancer l’effort de restriction réclamé au nom du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance négocié par M. Sarkozy, ni la récession déjà amorcée, comme vient de le rappeler M. Marc. Il est donc indispensable que d’autres moyens soient mis en œuvre : relance salariale dans tous les pays dont la compétitivité le permet ; relance monétaire à travers des prêts de la BCE, mieux ciblés pour financer l’économie réelle. Par ailleurs, l’abaissement du taux d’intérêt directeur de la BCE à moins de 1 % devrait intervenir incessamment. Ce sera un signe positif. Le robinet monétaire doit couler si le robinet budgétaire est fermé : c’est l’évidence.
Il faut souligner enfin que l’euro reste une monnaie surévaluée qui pénalise nos exportations. Tout devrait donc être fait pour amener l’euro à retrouver un cours au moins égal à son cours de lancement qui était, je vous le rappelle, de 1, 16 dollar, afin de relancer la compétitivité des économies européennes.
Le sommet européen des 28 et 29 juin a également abouti à deux mesures importantes : la recapitalisation directe des banques, notamment espagnoles, par le Mécanisme européen de stabilité, dès lors qu’une supervision bancaire à l’échelle de la BCE aura été instituée ; le rachat direct par le MES de titres de la dette publique sur le marché secondaire, pour alléger, autant que faire se peut, la pression de taux d’intérêt exorbitants, comme ceux exigés de l’Italie par les marchés financiers.
D’autres résultats ont été obtenus. Il en va ainsi de la mise en place d’une taxe sur les transactions financières pour les États qui le décideront : au moins neuf dans le cadre d’une coopération renforcée. Reste à fixer la destination du produit de cette taxe. Il me semble que celui-ci pourrait utilement abonder les ressources du MES.
Monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, je tiens à insister sur le fait suivant : les ressources du MES – 700 à 800 milliards d’euros en théorie, si l’on ajoute le solde disponible du FESF – ne sont pas suffisantes, eu égard aux besoins prévisibles des États sous tension et des banques les plus fragiles. Il est intenable pour l’Italie ou l’Espagne de devoir continuer à emprunter à dix ans à 6 %.
Il est regrettable que le MES n’ait pas été adossé aux ressources en principe illimitées de la Banque centrale européenne, comme l’a également déploré M. Marc, à juste titre. Seul un tel adossement, grâce à l’octroi au MES d’une licence bancaire, permettrait de décourager la spéculation.
Il faut rendre le MES « bancarisable ». Cette expression, si elle n’est pas très jolie, dit bien ce qu’elle veut dire ! Ne l’oublions pas, ses ressources viennent des États et d’émissions que ceux-ci seront amenés à garantir, comme le rappelait il y a quelques mois Mme Bricq, alors rapporteure générale de la commission des finances du Sénat. Cela signifie que le contribuable français garantira pour un montant de 142 milliards d’euros les prêts ou les interventions que le MES sera amené à effectuer, si on fait le total du capital appelé et du capital appelable.
Je ne pense pas que l’on puisse indéfiniment alourdir pour des montants aussi considérables la dette de la France. Les Français sont prêts à répondre à l’appel que le Premier ministre a lancé, non pas pour remplir un tonneau des Danaïdes, mais pour permettre le redressement productif du pays. L’Allemagne s’est engagée, rappelons-le, à hauteur de 190 milliards d’euros. Elle devrait accepter, comme M. Marc l’a suggéré, et je joins ma voix à la sienne, que la Banque centrale européenne garantisse la stabilité financière du système monétaire et pas seulement la valeur de la monnaie, en recourant au besoin à la création monétaire. Ce « saut qualitatif » se produira inévitablement, selon moi, à l’occasion d’une crise de plus grande ampleur.
Il semble que les conditionnalités des futures interventions du MES doivent encore être précisées. Je souhaiterais que le Gouvernement nous éclaire sur le mémorandum d’accord qui doit être signé. En effet, la France est à la fois un pays du nord et un pays du sud de l’Europe. En tant que pays du Sud, elle est susceptible d’être aidée par le MES ; en tant que pays du Nord, elle sera amenée à contribuer.
La mise en place d’une supervision bancaire sous l’égide de la BCE portera inévitablement atteinte aux prérogatives de la Banque de France. Pouvez-vous nous en dire davantage sur le projet d’union bancaire ?
J’en viens, pour finir, au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, signé le 20 mars dernier. Ce traité donne à la Commission de Bruxelles des pouvoirs de décision en matière budgétaire. Je me suis déjà exprimé sur ce sujet à cette tribune. Le transfert des pouvoirs budgétaires aux institutions de Bruxelles pose la question du rôle du Parlement dont je vous rappelle, mes chers collègues, que la raison d’être historique s’enracine dans le contrôle de l’impôt.
Un tel transfert ne doit pas signifier l’acheminement vers ce que Jürgen Habermas mais aussi, chez nous, Hubert Védrine ont appelé une « Europe postdémocratique » : une Europe où des technocrates, européens ou non, se substitueraient aux élus du peuple. C’est tout le problème de la légitimité démocratique qui se pose dans une Europe où, qu’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore, la démocratie s’exprime essentiellement dans le cadre national.
Certains évoquent, sans y avoir sérieusement réfléchi, un grand saut fédéral. J’ai toujours dit que ce grand saut serait un saut dans le vide. D’ailleurs, un économiste, M. Bruno Amable, vient de rappeler que ce serait un saut mortel pour la protection sociale. En effet, la solidarité en Europe reste nationale à 97, 5 %. Souvenez-vous, mes chers collègues, que le budget européen représente 1 % du PIB, alors que le niveau des prélèvements obligatoires atteint 40 % en moyenne – 46 % en France.
On ne peut pas aller vers une harmonisation totale des transferts à l’échelon européen. Ce serait ouvrir la voie à des résistances nationales parfaitement justifiées, car, comme le rappelle M. Amable, chaque système, historiquement constitué à l’échelon national, comporte des niveaux de protection et des spécificités irréductibles. Je suis sûr que, si vous voulez bien y réfléchir, je n’aurai pas besoin de vous convaincre.
Si donc l’uniformisation est une impasse, l’intégration solidaire comporte, elle, des limites inévitables.
On ne peut pas davantage appeler fédéral un système de régulation budgétaire essentiellement coercitif.
Plus pratique est le projet d’un fonds de rédemption pour une fraction de la dette publique pouvant aller jusqu’à 60 % du PIB de chaque pays.
François Hollande a proposé un système d’eurobonds. Mais ce projet inspire à l’Allemagne des réticences que l’on peut comprendre et dont, d’ailleurs, on a bien été obligé de prendre acte : l’Allemagne n’est pas prête à donner aux pays les moins compétitifs et les plus endettés une carte de crédit qui s’imputerait sur son propre compte.
Un tel système de mutualisation limitée, appelé fonds de rédemption, impliquerait évidemment s’il voyait le jour, comme je le souhaite, des contrôles et des garanties – bref, des disciplines. Le problème de la légitimité démocratique se poserait alors de nouveau.
Pour conclure, je veux souligner que le vrai problème entre les pays de la zone euro est la différence de leurs niveaux de compétitivité et l’ampleur des déséquilibres commerciaux entre eux.
Mes chers collègues, comment résoudre ce casse-tête ? J’ai proposé qu’on étudie sérieusement, pour l’avenir à moyen terme, le modèle d’une monnaie commune plutôt qu’unique.
Il n’est pas interdit de rechercher des solutions innovantes aux crises de la zone euro, qui ne sont malheureusement pas derrière nous.
De sommet de la dernière chance en sommet de la dernière chance, les dirigeants de la zone euro ont su reculer les échéances. Mais rien ne peut dispenser d’une réflexion d’ensemble sur l’avenir à long terme de la zone euro.
Le Parlement doit être mieux informé des projets de la Commission européenne, qu’il s’agisse du document dit des quatre présidents, de la supervision bancaire, d’un futur système de garantie des dépôts des épargnants ou du projet européen de résolution des crises bancaires. Pour le moment, c’est la Commission européenne qui veut s’ingérer dans la procédure budgétaire. Il serait temps que, à l’inverse, les parlements soient saisis des projets de la Commission européenne !
Il est trop tôt, messieurs les ministres, pour apprécier complètement la portée des avancées réalisées lors du sommet européen des 28 et 29 juin. Mettons à profit les mois d’été pour évaluer plus justement les progrès à réaliser en Europe en matière de solidarité et de démocratie.
L’Europe européenne que nous voulons se fera à partir des réalités, qui sont d’abord nationales. Nous faisons confiance à M. le Président de la République, élu par la nation, pour ouvrir un chemin conforme à la maxime de Jaurès : « Aller à l’idéal et comprendre le réel ».
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.
Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, vous comprendrez que je salue tout particulièrement le ministre délégué chargé des affaires européennes, un ancien parlementaire de la Manche avec qui je partage un certain nombre de passions : celle de l’Europe, bien sûr, qui nous réunit aujourd’hui, mais aussi celle de la Manche, sans oublier celle de sa filière nucléaire…
Les résultats du Conseil européen sont dans l’ensemble positifs, plus particulièrement ceux du sommet de la zone euro qui s’est tenu au même moment. Nous avons fait un pas de plus dans l’intégration budgétaire, économique et financière. Il faudra en faire d’autres, mais il était important d’avancer au vu du contexte délétère qui précédait la réunion.
J’hésite à compter parmi les véritables avancées le pacte pour la croissance et l’emploi, qui se ramène pour l’essentiel à la mise en forme d’orientations déjà adoptées.
Qu’il s’agisse d’approfondir le marché intérieur, de mieux mobiliser les fonds structurels ou de renforcer le rôle de la BEI, les résultats de ce sommet sont dans la continuité des réunions précédentes du Conseil européen.
Quel sera l’effet de ces 120 milliards d’euros ? L’avenir nous le dira. Pour ma part, je voudrais les analyser au travers d’un double prisme : la part réservée in fine à la France et la capacité de nos entreprises à en tirer parti – en clair, ne pénalisons pas leur réactivité par une fiscalité nationale confiscatoire !
Dire que ce pacte n’est pas une nouveauté fracassante ne signifie pas qu’il soit inutile. C’est un message opportun et, surtout, c’est le prétexte qui permet à la France de se sortir du guêpier de la fameuse renégociation du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. De cette renégociation, il n’est plus question aujourd’hui, et tant mieux. Tournons la page !
D’ailleurs, quand on veut bien le lire, on s’aperçoit que ce traité, contrairement à ce qu’on a beaucoup dit, n’ignore nullement la croissance. Elle fait l’objet de son article 9, dont le contenu n’est guère différent, sous une forme plus ramassée, de celui du pacte pour la croissance et l’emploi.
Un autre aspect positif des résultats du Conseil européen est le pas en avant qui a été réalisé, ou du moins esquissé, en matière d’intégration financière. Le renforcement de la supervision bancaire européenne, l’élargissement des rôles du FESF et du MES, notamment la possibilité d’une recapitalisation directe des banques, sont des avancées qui constituent une étape de plus.
Toutefois, beaucoup reste à faire et nous ne sommes pas à l’abri de rebondissements dans la crise bancaire et la crise de la dette, qui sont d’ailleurs étroitement liées. Nous le sommes d’autant moins que les marchés vont regarder avec beaucoup d’attention si la France s’engage dans des réformes structurelles ; des réformes dont elle a cruellement besoin et qui ont été engagées par le gouvernement précédent, bien que la crise ne les ait pas favorisées, ni d’ailleurs la posture de l’opposition d’alors – une posture dont je dis très clairement qu’elle ne sera pas la mienne, car je suis très soucieux de l’intérêt de la France et de l’intérêt de l’Europe.
Face à ces dangers, il faut d’abord que les États respectent pleinement les engagements qu’ils ont pris. À quoi bon parler de gouvernance commune ou de gouvernance économique si, une fois rentré chez soi, on oublie ce qui a été arrêté en commun ?
De ce point de vue, on ne peut s’empêcher de s’interroger, car je n’ai pas l’impression que notre pays donne le bon exemple. En effet, quand on lit les conclusions adoptées le 29 juin, on constate que le Conseil européen a approuvé les recommandations par pays élaborées par la Commission européenne. Le Conseil européen statuant par consensus, la France a donné son accord. Or, quand on considère les recommandations qui concernent la France, que lit-on ?
Que, pour revenir progressivement à l’équilibre budgétaire, il faut privilégier la réduction des dépenses.
Que la réforme des retraites ne sera peut-être pas suffisante et qu’il faut envisager des mesures allant plus loin.
Que le marché du travail en France est trop segmenté et trop rigide, notamment en ce qui concerne les licenciements.
Qu’il faut « veiller à ce que toute évolution du salaire minimum favorise la création d’emplois et la compétitivité ».
Enfin, qu’il faut mettre en œuvre la TVA sociale.
En un mot, la France a accepté des recommandations, préparées par la Commission européenne et approuvées par tous nos partenaires européens, qui vont directement à l’encontre de ce que le Gouvernement vient de faire ou d’annoncer.
M. le ministre chargé des affaires européennes le conteste.
C’est le grand retour du double langage : un discours à Bruxelles, un autre à Paris !
Comment le nouveau dispositif du semestre européen pourra-t-il être efficace si nous ne respectons pas les orientations arrêtées en commun ?
Je voudrais, pour conclure, exprimer une deuxième inquiétude. Elle concerne le couple franco-allemand, dont nous avons vu la semaine dernière ce qui se passe lorsqu’il ne fonctionne plus : une coupure apparaît entre les pays du nord et les pays du sud de l’Europe, les grands pays parmi ces derniers négociant directement pied à pied avec l’Allemagne. Quand la France ne joue plus son rôle de pont entre les pays du Nord et ceux du Sud, personne ne le joue à sa place.
En réalité, l’Europe a besoin, pour son unité et son bon équilibre, d’une France qui converge avec l’Allemagne, c’est-à-dire qui retrouve à son tour le chemin de la compétitivité et de la croissance.
Mes chers collègues, la France doit faire le choix de l’Europe, non seulement en paroles, mais aussi en actes. C’est le meilleur service que nous puissions rendre à nos partenaires comme à nous-mêmes.
Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.
Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a parfois des hasards de calendrier heureux et nous en avons aujourd’hui un exemple : notre Parlement est de retour en session depuis quelques jours à peine et, déjà, l’Europe se retrouve au cœur de nos débats. J’y vois une sorte de présage pour les cinq années à venir : le quinquennat qui débute en France ne réussira que si nous parvenons à réinvestir pleinement le projet européen.
Ce réinvestissement ne pourra avoir lieu que si, au sein de nos assemblées mais aussi dans la société, nous réfléchissons enfin à cette question dans un esprit ouvert, serein, empreint d’honnêteté politique et intellectuelle. Car, reconnaissons-le, si, au cours de l’intense séquence électorale que le pays a connue ces derniers mois, la crise de l’euro a constitué une toile de fond permanente, on ne peut guère dire que, pendant cette période, le débat sur l’Europe proprement dite ait brillé par sa richesse et son intensité.
Le Conseil européen qui vient de se dérouler a-t-il permis de donner un nouvel élan à cette entreprise ? En tout cas, on peut dire qu’on aura rarement vu une réunion de ce type déboucher sur autant de décisions importantes obtenues dans d’aussi rapides délais.
Je ne reviendrai que brièvement sur le contenu de l’accord lui-même, dont les orateurs précédents ont largement parlé : 120 milliards d’euros alloués à la relance de l’activité économique, une évolution des mécanismes de stabilité vers un découplage des crises bancaires et des dettes souveraines, l’instauration prochaine d’une taxe sur les transactions financières dans un nombre significatif de pays de l’Union européenne ; ce sont là des avancées indéniables que nous saluons.
Mais, à mes yeux, ce qu’il y a de plus important dans l’accord trouvé relève sans doute moins du fond que de la forme et de l’embryon de méthode employée. En effet, nous avons assisté à une rupture avec la pratique devenue dominante ces dernières années : la gestion des grandes décisions par un duopole imparfait composé de la France et de l’Allemagne, qui tenaient largement à l’écart leurs autres partenaires.
Aujourd’hui, une dynamique nouvelle semble se mettre en place : certains États qui peinaient à se faire entendre réussissent enfin à se remobiliser vis-à-vis du projet européen. À cet égard, le rôle majeur joué par les dirigeants italiens et espagnols aux côtés de la France et de l’Allemagne aura été déterminant, nous rappelant qu’on ne peut ni construire l’Union européenne ni même sauver la zone euro en mettant de côté toute une partie de leurs membres. C’est dans cette cohésion pluripartite que réside la bonne solution face à la défiance des marchés dont les jeux spéculatifs se portent opportunément d’un État en difficulté vers un autre.
Face à cette configuration nouvelle, le gouvernement allemand a su heureusement faire évoluer sa position.
Espérons que nous sommes à l’aube d’un nouveau cours européen, fondé sur une nouvelle méthode de travail communautaire, et qu’il ne s’est pas seulement agi d’une belle exception, fruit d’une conjonction de circonstances particulières.
Cela étant, il reste encore beaucoup à faire et de nombreuses interrogations subsistent. Par manque de temps, j’en soulèverai seulement quelques-unes.
Je veux évoquer d’abord l’augmentation du capital de la Banque européenne d’investissement, qui est à mes yeux la mesure la plus important du plan de relance envisagé. La BEI, grâce aux effets de levier, devrait pouvoir mobiliser jusqu’à 60 milliards d’euros de prêts en plus de ceux qu’elle octroie déjà.
Reste que l’incertitude demeure sur les types de projets qui pourront être financés par ce biais. Messieurs les ministres, quels sont, selon vous, les secteurs qui devraient en bénéficier en priorité – sachant que, bien entendu, cette question fera l’objet d’une négociation avec nos partenaires ?
De la même façon, concernant le Mécanisme européen de stabilité et les mécanismes de l’union bancaire, on a peine à comprendre quelle sera exactement la part réclamée aux banques privées dans les nouveaux mécanismes de renflouement. Envisagez-vous de plaider en faveur d’un fonds de résolution bancaire et d’un système de garantie des dépôts des particuliers qui soient abondés par les établissements privés ?
Enfin, j’en viens à la taxe sur les transactions financières, qui, je le rappelle tout de même, est une idée que les écologistes européens défendent depuis le début des années 2000.
Je suis satisfait que cette taxe voie le jour à un échelon non pas national mais multinational. Toutefois, je m’interroge sur la destination budgétaire et l’usage des fonds qu’elle permettra de dégager. Sera-t-elle destinée aux budgets propres des États membres ou – dans le cas, naturellement, où elle ne pourrait être instaurée dans l’ensemble des pays européens – affectée au financement de la contribution nationale au budget européen des États qui la créeront ? Permettre à l’Union européenne d’augmenter ses ressources propres est bien sûr, à mon sens, la piste la plus intéressante et la vocation de cette nouvelle fiscalité.
Au-delà, la question des ressources propres de l’Union européenne est plus que jamais primordiale. Pour relancer l’Europe sur le plan tant économique que politique, la question du budget de l’Union et de ses ressources propres ainsi que celle des institutions qui permettront de contrôler démocratiquement son fonctionnement doivent désormais être mises au cœur de nos discussions.
La crise traversée par la zone euro ne tient pas seulement à la situation économique et financière mondiale, ni aux problèmes de compétitivité de nos économies, bien que je ne les nie pas, ni à la question des dettes souveraines. Les dysfonctionnements actuels de la zone euro viennent, en premier lieu, de ce que nous nous sommes dotés il y a vingt ans d’une monnaie unique sans l’accompagner de la gouvernance qu’elle supposait.
Nous prenons conscience aujourd’hui seulement de la nécessité d’une gouvernance économique de l’Union et de la zone euro. Assez improprement qualifiée de « fédéralisme économique », cette réalité s’impose désormais à nous, que nous le voulions ou non. Néanmoins, une évolution qui est devenue impérative et légitime d’un point de vue économique ne peut se poursuivre sans une légitimité politique et démocratique.
Il faut aujourd’hui, sans tabou ni phobie, avoir le courage de poser enfin la question du fédéralisme politique en Europe. Seul ce dernier pourra offrir une authentique légitimité démocratique aux instruments de gouvernance économique supranationaux que nous avons institués ou que nous instituerons.
Sans mettre en cause les compétences de MM. Van Rompuy, Juncker et Barroso, nous ne pouvons admettre que les centres majeurs de décision qu’ils représentent, ainsi que les instances en cours de construction, restent privés d’un lien direct ou indirect avec le suffrage universel, à l’échelon européen.
Depuis sa naissance, l’Union européenne n’a cessé de se construire par crises, à-coups et ajouts. Au-delà de la légitimité de ses instances, cet édifice juridiquement baroque n’est guère lisible pour nos concitoyens, et ce problème se posera encore davantage si nous continuons d’opérer de la sorte.
L’accord trouvé lors du Conseil européen des 28 et 29 juin derniers a l’avantage d’éclaircir l’horizon économique et financier de l’Europe pour quelques mois. Je l’accorde à M. Chevènement : les fonds accordés aujourd’hui au MES ou au FESF ne permettraient pas de faire face à une crise supplémentaire, au-delà de celles qui touchent l’Espagne et l’Italie. Nous avons fait un pas important, des décisions importantes ont été prises, mais de graves problèmes demeurent.
En tout état de cause, plutôt que de rafistoler le mur et de colmater la fuite après l’inondation, nous avons pris de l’avance sur les prochains sinistres. Il s’agit maintenant de s’intéresser à l’architecture du mur et à la solidité des canalisations qui le traversent. La construction de l’Union européenne a entraîné la mise en place d’une architecture complexe et baroque, dont la cohérence globale n’est pas évidente. Les nouvelles extensions qui sont apportées aujourd’hui à cette architecture posent problème. Il serait dangereux que la solution trouvée à court terme à la crise de l’euro ne finisse par susciter une véritable crise démocratique et politique de l’Europe.
Nombre de propositions ont pourtant déjà été formulées pour renforcer la lisibilité et la légitimité des institutions européennes. L’une d’entre elles a été avancée par notre collègue Jean Arthuis dans son rapport sur la gouvernance économique de la zone euro remis il y a quelques mois au précédent gouvernement : regrouper en une seule fonction la présidence du Conseil européen et celle de la Commission. Dans une telle hypothèse, il faudrait absolument attacher à cette réorganisation structurelle la légitimité populaire déjà conférée au Parlement européen et à l’ensemble de nos parlements nationaux.
Depuis plus d’une dizaine d’années, les écologistes européens suggèrent que les élections européennes s’opèrent pour partie sur des listes à l’échelle nationale, comme c’est le cas actuellement, et pour partie sur des listes transnationales, avec des candidats qui se présenteraient sur l’ensemble du territoire de l’Union. L’idée sous-jacente à cette proposition est que les postes de décision pourvus à l’échelle de la présidence du Conseil européen, de la Commission européenne, voire de l’Eurogroupe, émanent de ce vivier d’hommes et de femmes politiques. Ceux-ci, par la nature du scrutin transnational, constitueraient l’embryon d’une véritable classe politique européenne, légitimée démocratiquement.
Après tous les efforts et l’intelligence déjà consentis pour sauver la zone euro et l’Union, c’est, nous dira-t-on, une attente trop exigeante. Rappelons-nous cependant du dicton qui enseigne : « Si tu veux creuser ton sillon droit, accroche ta charrue à une étoile ». Le devenir de l’Union européenne, mais aussi celui des pays qui la composent, dont le nôtre, est, je crois, à ce prix.
Messieurs les ministres, une fois adoptées les réformes décidées par le Conseil européen, comme nous espérons que ce sera le cas, avez-vous l’intention, durant l’année 2013 – celle-ci, je le rappelle, est officiellement l’« Année de la citoyenneté européenne » –, d’engager au sein de la société française un large débat sur ces questions qui associent l’économique et le politique à l’échelon de l’Union européenne ?
Mené de manière ouverte et sereine, il contribuerait certainement à rapprocher les citoyens de l’Union européenne. Il permettrait aussi, peut-être, de lier ce « rêve français », que le Premier ministre nous a présenté hier, à un rêve européen.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.
La parole est à M. Pierre Bernard-Reymond, pour la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, le sommet de Bruxelles s’est conclu par des avancées intéressantes : la recapitalisation directe des banques par le Mécanisme européen de stabilité, le rachat des dettes d’État par les fonds de sauvetage et le rôle de supervision confié à la BCE constituent des avancées auxquelles on n’osait croire quelques jours auparavant.
L’adoption d’un pacte de croissance, même si, compte tenu de sa taille modeste, il apparaît plus comme un signe, une orientation et la marque d’une volonté que comme une réelle mesure de croissance, est bienvenue.
On pourra aussi noter avec satisfaction la volonté de certains chefs d’État d’appeler à la mise en place de la taxe sur les transactions financières dans le cadre d’une coopération renforcée. La substitution du « quartet » formé par l’Allemagne, la France, l’Espagne et l’Italie au couple franco-allemand semble avoir donné des marges de négociation plus larges.
Toutefois, si le résultat de ce sommet est satisfaisant, nous aurions tort de penser qu’il permettra de sortir définitivement de la crise et qu’il place l’Europe à l’abri de toute rechute.
Il est indispensable de forger une autre ambition pour l’Europe.
Si nous ne construisons pas une communauté de nations de type fédéral, l’Europe explosera en une poussière d’États qui seront livrés les uns après les autres aux appétits des puissances émergentes en passe de devenir submergeantes.
Notre place et notre influence dans le monde, notre puissance économique, notre niveau de vie, la pérennité de notre modèle social sont irrémédiablement liés à notre capacité à accélérer le mouvement d’intégration de l’Europe. Or le mode intergouvernemental est en train de trouver ses limites.
Il s’agit d’ailleurs d’un problème plus culturel que politique, qui tient d’abord à l’évolution de la façon de gouverner dans nos démocraties modernes occidentales.
Aujourd’hui, le mode de gouvernance est dominé par un « carré tragique » : les sondages, le marketing, la tactique électorale et la communication, si bien que les chefs d’État ont tendance à suivre les opinions publiques plutôt qu’à les précéder, à leur montrer le chemin ou à leur offrir un véritable projet à long terme, qui serait bien sûr adopté ensuite dans le respect des règles de la démocratie.
Où en serions-nous aujourd’hui si le général de Gaulle avait demandé un sondage avant de lancer l’appel du 18 juin ? Où en serions-nous si les Schuman, Monnet, De Gasperi, Adenauer avaient interrogé les sondeurs avant de lancer l’idée de l’Europe ? Nous avons besoin de chefs d’État qui retrouvent une vision de long terme, une ambition, un courage à la hauteur des enjeux géostratégiques d’aujourd’hui, de chefs d’État redevenus hommes d’État qui ne se laissent pas prendre au petit jeu des sommets et ne craignent pas d’abandonner une part de leur pouvoir pour le transférer à l’échelon communautaire lorsque c’est l’intérêt de tous.
Il nous faut aussi entreprendre une réflexion sur la notion de souveraineté au XXIe siècle.
Que signifie la souveraineté de la Grèce lorsqu’on lui interdit d’organiser un référendum ? Que signifie la souveraineté de l’Italie lorsqu’on lui impose le FMI ? Que signifie la souveraineté de chacun de nos pays face aux agences de notation et aux marchés financiers ? Cessons de nous payer de mots et constatons que, trop souvent, sous l’alibi de la souveraineté, c’est le nationalisme qui prolifère.
Nous serons d’autant plus souverains que nous serons européens.
Je crois aussi que nous ne devons pas freiner la construction de l’Europe au prétexte qu’elle conduit une politique qui ne nous convient pas parfaitement.
Ne confondons pas l’évolution indispensable des institutions et les politiques conduites, qui peuvent légitimement être sujettes à critiques, mais qui sont toujours améliorables ; ne confondons pas le contenant et le contenu. Si, à l’instigation de Ronald Reagan et de Margaret Thatcher, l’Europe a connu une longue période d’ultralibéralisme nous ayant conduits à la crise que nous connaissons d’aujourd’hui, ce n’est pas une raison pour bloquer son évolution institutionnelle. C’est au sein d’institutions rénovées que le débat sur les orientations politiques peut et doit se poursuivre.
Il faut supprimer la règle de l’unanimité et confier au Parlement européen, élu démocratiquement au suffrage universel, l’essentiel du droit de ratification, dans le respect bien sûr de la subsidiarité. Lorsque le Président des États-Unis doit faire ratifier un texte, il a devant lui deux chambres ; l’Europe, messieurs les ministres, en a quarante ! Il faut faire élire dès 2014 le président de la Commission par le Parlement européen ; désigner le président du Conseil au suffrage universel, pour donner enfin une voix, un visage et un vrai patron à l’Europe ; créer au sein de la Commission un poste de haut-commissaire à l’économie, qui sera chargé de la convergence des politiques économiques et financières, ainsi qu’un poste de haut-commissaire à la politique sociale ; renforcer le budget européen, qui ne représente que 1 % du revenu brut européen et qui nous rend ridicules aux yeux de l’étranger, en le doublant d’ici à 2020 et en faisant en sorte qu’au moins 60 % de ses recettes redeviennent des ressources propres ; mettre en place le moment venu les eurobonds ; élargir les missions de la BCE ; confier la responsabilité de la surveillance et de la détermination des sanctions pour tout dérapage budgétaire à la Cour des comptes européenne ; enfin, bâtir de véritables politiques sociales, budgétaires, bancaires et fiscales européennes intégrées.
Telles sont, me semble-t-il, quelques orientations qui pourraient faire l’objet d’un débat, puis d’un nouveau traité, à la hauteur des exigences d’une Europe alors assurée de compter dans le monde.
Tous nos partenaires ne nous suivront pas sur ce chemin, pas plus que Jean-Pierre Chevènement, que je viens d’écouter une nouvelle fois. Tant pis ! Lançons un appel d’offres fédéral et avançons ! Bon courage, monsieur le ministre !
Applaudissements sur diverses travées.
Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, des avancées notables, mais dont il ne faut pas exagérer l’ampleur ; beaucoup d’espoir, mais un processus fragile : ainsi pourrait être résumée l’appréciation portée par les membres du groupe de l’Union centriste et républicaine sur les conclusions du Conseil européen des 28 et 29 juin dernier. Celles-ci vont dans le sens de ce que nous, centristes, demandons depuis des années puisque ont été posées les bases d’une Union refondée sur trois piliers : bancaire, économique et budgétaire.
L’union bancaire, qui a été ébauchée pour rompre le cercle vicieux entre crise bancaire et endettement des États, est sans aucun doute l’avancée la plus significative. Elle se concrétise par le mécanisme de surveillance européen du secteur par la Banque centrale européenne et par la capacité programmée pour le Mécanisme européen de stabilité de recapitaliser directement les banques, sans passer par les États.
Par ailleurs, on notera qu’un impératif de croissance a été reconnu, mais ne nous y trompons pas, cela reste largement incantatoire, comme l’a fait remarquer mon collègue Jean Bizet voilà quelques minutes ! Il faut tout de même souligner que l’accroissement des capacités d’investissement des institutions était prévu de longue date et ne posait pas de problème. Ce pacte de croissance correspond à 120 milliards d’euros, soit, si l’on se place à l’échelle de l’Union, 1 % du PIB pour 550 millions d’habitants. Précisons que, sur ces 120 milliards d’euros, 60 milliards d’euros étaient déjà débloqués préalablement à l’échéance des 28 et 29 juin. De plus, l’ensemble des mesures, que je ne rappellerai pas en cet instant, avaient été préparées et décidées de longue date.
Enfin, sur le plan de la convergence budgétaire, les pays de la zone euro ont de nouveau été invités à fixer des objectifs de déficit annuel. Les conditions de rachat par le Fonds européen de stabilité financière, puis par le Mécanisme européen de stabilité de la dette d’un État membre ont été allégées. Mais surtout – ce point est important –, le Conseil a donné mandat aux institutions communautaires d’établir, d’ici à la fin 2012, une feuille de route détaillée pour aboutir à une union budgétaire et politique.
Autrement dit, il reviendra à Bruxelles de contrôler a priori les budgets nationaux. La création d’un organisme de contrôle destiné à gérer les interdépendances des économies de la zone euro, à l’image d’un bureau du Trésor, est également à l’ordre du jour.
Tout cela va dans le bon sens et permet à tout le monde aujourd’hui, notamment à nos amis espagnols et italiens, dont les économies représentent 30 % de la zone euro, de respirer, au moins provisoirement. C’était important.
Les objectifs de déficit annuel correspondent, bien sûr, à la règle d’or. Je tiens à formuler deux rappels à cet égard. D’une part, les centristes ont été les premiers à réclamer cette règle d’or ; elle figurait dans notre programme présidentiel dès 2007. D’autre part, l’actuelle majorité a voté contre cette mesure. Or voilà qu’elle s’en fait le héraut, par trait communautaire interposé. Quelle pirouette !
Il en va de même du Mécanisme européen de stabilité, que nous avions fermement soutenu, tandis que l’opposition d’alors, qui s’était abstenue, s’en fait aujourd’hui le plus fervent défenseur.
A posteriori, permettez-nous donc de nous demander si le pacte de croissance n’a pas été l’alibi qui a permis in fine de lever le veto sur le traité de discipline budgétaire. Il est vrai que nous sortons de quatre mois de campagne électorale, d’atermoiements et, finalement, de vrai faux suspense…
Alors, oui, les décisions prises lors du dernier Conseil européen vont dans le bon sens, mais on avance à petits pas.
Lors du débat préalable au Conseil européen du 23 octobre 2011, j’avais eu l’occasion de plaider, au nom de mon groupe, pour une plus grande convergence interne de nos économies et un saut institutionnel qualitatif. Nous demandions l’institution d’un Trésor européen alimenté par l’ensemble des États membres, afin de financer des investissements d’avenir.
Ces engagements, je les avais réaffirmés dans cet hémicycle à l’occasion du vote sur le Mécanisme européen de stabilité. Notre collègue Jean Arthuis les a développés et systématisés dans son excellent rapport du mois de mars dernier sur la gouvernance de la zone euro. Récemment auditionné par la commission des affaires européennes, il a démontré à quel point il était urgent d’en corriger les défaillances. Il y a urgence car, en l’absence de cadre de réglementation, les risques de déstabilisation perdurent.
À cet égard, nous regrettons que le Gouvernement français ait été trop timide ces dernières semaines dans la définition des objectifs à atteindre.
Certes, les conclusions du dernier Conseil européen portent en germe la concrétisation des principales propositions du rapport précité. Mais il ne s’agit encore que de simples germes… Factuellement, les engagements actuels restent très restreints et le processus engagé par ce Conseil pour aboutir à une Europe fédérale demeure conditionnel.
D’ailleurs, si l’Allemagne a cédé sur l’assouplissement de la condition de rigueur pour le rachat par le MES des dettes souveraines, elle ne veut toujours pas entendre parler de mutualisation totale ou même partielle des risques. Dans ces conditions, pas de Trésor européen, qui serait pourtant l’aboutissement du processus. Faute d’objectifs plus ambitieux, les conclusions du Conseil européen qui vient de se dérouler représentent un compromis du plus petit dénominateur commun.
En l’occurrence, il aura fallu trouver un modus vivendi entre deux Europe que l’on oppose : l’Europe de la stabilité et celle de la relance, ce qui a conduit à opposer intégration budgétaire et solidarité financière. Ce clivage recoupe le classique débat opposant, en économie, conservateurs et keynésiens. Fallait-il opposer intégration budgétaire et solidarité financière, stabilité et relance ? Nous ne le pensons pas.
Bien sûr, l’Union ne peut se désintéresser de la croissance. Mais on ne peut pas non plus relancer notre économie efficacement sur la base de comptes publics déficitaires. Il n’y a pas d’opposition essentielle entre les deux ; il s’agit juste d’une question d’ordre séquentiel.
Le pacte de croissance, les fonds structurels, les project bonds sont de bonnes mesures, mais elles restent des dépenses, qui ne pourront un jour trouver leur effet multiplicateur, donc agir efficacement sur la croissance, que si les États membres consentent préalablement à des réformes structurelles conduisant à une intégration budgétaire plus poussée. C’est ce que défend avec raison l’Allemagne.
C’est pourquoi la voie ouverte par le Conseil est fragile. L’essentiel n’est pas écrit et des États membres risquent du coup de s’en éloigner. Mais surtout, pour aboutir, elle devra être accompagnée de politiques budgétaires nationales exemplaires. La France, dont les comptes publics sont, comme chacun le sait, dangereusement dégradés, devra agir en ce sens. Il n’y aura pas de Trésor européen, donc pas de règlement pérenne de la crise de l’euro et de la dette, sans une politique budgétaire française volontariste.
Pour arracher l’accord, la France a donné deux gages.
D’une part, elle a renoncé à renégocier le pacte budgétaire. Sans malice, je rappelle que le coup de la renégociation avortée d’un pacte de rigueur européen avait déjà été joué par un exécutif socialiste. C’était en 1997 au sujet du pacte de stabilité, que le gouvernement Jospin avait aussi fini par ratifier in extenso.
D’autre part, juste avant le Conseil, le Gouvernement a su très opportunément annoncer quelques coupes dans la fonction publique d’État pour rassurer notre partenaire allemand.
Mais demain cela ne suffira plus, parce que la France ne semble pas réellement prendre le chemin de la vertu budgétaire.
Hier, lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre n’a mentionné aucune économie, aucune mesure réellement structurelle pour relancer la compétitivité. Ce sont des dépenses nouvelles, des augmentations corollaires d’impôts, ciblées sur les forces les plus productives du pays déjà les plus pressurées, à savoir les entreprises, en particulier les PME, et les classes moyennes.
Dans ces conditions, on peut se demander si le couple franco-allemand, déjà mis à mal par le début de mandature du nouveau Président, tiendra le choc.
Comme l’a fait remarquer Jean-Louis Bourlanges, notre ancien collègue député européen, l’alliance de circonstance contre l’Allemagne est un fusil à un coup, aux antipodes de la relation de confiance établie de part et d’autre du Rhin depuis le 9 mai 1950 et à laquelle on doit la construction européenne.
Aussi craignons-nous que votre politique, tant budgétaire que diplomatique, ne nous fasse rater une chance historique d’établir un véritable fédéralisme européen, dont il faut aujourd’hui oser prononcer le nom !
Ne nous y trompons pas, l’intégration budgétaire ne peut aller de pair qu’avec l’Union politique ! En effet, il serait impensable qu’une commission non issue des urnes puisse avoir un droit de regard, voire censurer des budgets nationaux élaborés par des gouvernements démocratiquement élus.
Cela ne peut passer que par une démocratisation des institutions communautaires elles-mêmes, bien sûr, mais également par la mise en place d’un véritable contrôle par les parlements nationaux du fonctionnement de la zone euro. Comme l’a rappelé le Premier ministre, il faut évoquer un projet qui « parle » à nos concitoyens. Mais, au préalable, il nous faut des institutions fortes et solidaires. L’euro ne survivra que si les États membres et leurs populations se sentent vraiment partie prenante d’une communauté de destin.
Ce fédéralisme, nous l’appelons de tous nos vœux, non pas seulement par idéalisme, mais parce que, dans le monde de demain, il représente la seule chance pour l’Europe de ne pas être réduite à l’état de condominium sino-américain, notre seule chance de préserver notre indépendance. C’est à cette condition que l’Europe peut être de nouveau porteuse d’espoir et d’avenir pour nos concitoyens.
Monsieur le ministre, vous connaissez l’attachement indéfectible des centristes au projet européen. Nous n’hésiterons jamais à soutenir le Gouvernement lorsqu’il s’agira d’avancer dans la construction européenne. Nous l’avons prouvé dans le passé. Mais nous exprimons une exigence : que notre pays, comme l’ont rappelé nos collègues à l’Assemblée nationale hier, soit non pas en retrait mais à l’avant-garde du débat, qu’il fasse avancer très clairement la construction européenne et ne refuse pas la main que lui a tendue l’Allemagne.
Vous nous avez donné rendez-vous lors de futurs sommets. Mais c’est maintenant que se joue notre destin. Et par un de ces clins d’œil que nous adressent les pères fondateurs de l’Europe, notre destin se joue au moment même ou nous nous apprêtons à célébrer le cinquantième anniversaire du traité de réconciliation franco-allemande. Mes chers collègues, sachons donc être au rendez-vous de notre histoire !
Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.
Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, en écoutant le Premier ministre nous exposer les conclusions du dernier Conseil des chefs d’État et de Gouvernement européens, j’avoue avoir éprouvé des sentiments quelque peu mitigés.
Je comprends tout à fait que le Premier ministre insiste sur l’importance des décisions qui ont été prises lors de ce sommet et qu’il souligne le rôle décisif du Président de la République pour aboutir à ces résultats. Mais je ne partage pas la même satisfaction et l’optimisme dont il a fait preuve en nous présentant ces résultats comme étant un tournant très positif de la construction européenne, qui se donnerait enfin les moyens de lutter contre la crise et d’ouvrir la voie à une intégration comprenant plus de solidarité entre les États membres.
De la même façon, l’adjonction d’un pacte de croissance au néfaste traité budgétaire a été présentée comme étant l’un des instruments pouvant favoriser le redressement et la relance économique dans notre pays. Pour ma part, je n’ai pas la même lecture de ce qui s’est passé.
Une nouvelle fois, dans les semaines qui l’ont précédée, la réunion du Conseil a été mise en scène et dramatisée dans tous les pays, y compris dans le nôtre.
Après les dix-huit qui l’ont précédé, ce Conseil devait être un sommet crucial pour sauver l’Europe et l’occasion, d’une part, de trouver les moyens permettant à cette dernière de sortir de la plus grave crise financière et économique de son histoire et, d’autre part, de repenser en profondeur son fonctionnement mis à mal par les attaques spéculatives des marchés contre sa monnaie et contre les économies de ses pays.
Bien sûr, cette façon de procéder permet de valoriser certains résultats auprès des opinions publiques, mais elle constitue aussi une méthode dangereuse qui peut servir à masquer des aspects importants de la réalité.
En effet, je ne pense pas que le Président de la République ait vraiment atteint les objectifs qu’il s’était fixés et qu’il avait annoncés quelques mois plus tôt.
Il s’agissait alors de renégocier – le mot a été prononcé – le traité de discipline budgétaire signé par son prédécesseur et la Chancelière allemande, et de le compléter par des mesures sur la croissance. Or tel n’a pas été le cas.
Je sais bien que les sommets européens ne se déroulent jamais comme on s’y attendait, et celui qui vient de se tenir n’a pas échappé à la règle ; les péripéties y ont été nombreuses.
Certes, avec l’adoption du pacte de croissance, le Président de la République a peut-être obtenu une victoire politique et symbolique en faisant partiellement partager ses conceptions par l’ensemble des États membres. Mais, en acceptant en échange que le pacte budgétaire signé par son prédécesseur sorte intact de ce sommet, il a aussi largement renoncé à faire valoir certains de ses engagements de campagne.
Il est en effet paradoxal d’avoir battu la droite, et Nicolas Sarkozy, et d’être obligé de gouverner maintenant avec toutes les contraintes qu’implique sur nos finances publiques et sur l’économie du pays le traité que le précédent Président de la République a signé. On peut ainsi considérer que la réorientation de l’Europe promise par François Hollande ne s’est pas traduite en actes, en tout cas pour le moment.
En réalité, sous prétexte de l’accord des autres États membres sur un pacte de croissance, que, soit dit en passant, rien n’oblige à appliquer puisqu’il n’est qu’une annexe à des conclusions n’ayant pas la même forme juridique que le traité proprement dit, rien n’a été renégocié du traité budgétaire lui-même.
Le traité budgétaire et le pacte de croissance qui lui est adjoint permettront encore d’appliquer partout des politiques d’austérité conjuguées à de trop faibles compensations en matière de développement économique.
Certes, je ne sous-estime pas les 120 milliards d’euros consacrés à de nouveaux investissements. Ils joueront certainement un rôle bénéfique dans la relance économique, mais, comme cela a déjà été dit, il faut les replacer à leur juste valeur, soit 1 % du PIB de l’Union européenne !
En outre, il faut aussi savoir que le pacte reprend en grande partie des propositions que la Commission européenne avait jusque-là du mal à imposer, et qu’il repose pour l’essentiel sur l’utilisation de fonds existants.
Pour autant, les effets de ce train de mesures, dont l’augmentation des capacités de prêt de la Banque européenne d’investissement, demeurent incertains.
Dès vendredi dernier, quelques analystes jugeaient déjà les mesures du pacte de croissance très insuffisantes au regard des besoins économiques et sociaux. Surtout, ces mesures ne contrebalanceront pas les graves effets des politiques d’austérité menées par tous les gouvernements européens ; ce sont des mesures d’accompagnement, un pansement pour atténuer les ravages de ces politiques.
En revanche, les concessions consenties à Mme Merkel s’accompagnent de dures contreparties : non seulement, la Chancelière ne cède rien dans son refus de modifier le rôle de la Banque centrale européenne, mais elle a de surcroît obtenu un accroissement de ses pouvoirs dans la supervision du secteur bancaire.
Au-delà de quelques mesures en faveur d’une certaine croissance, ce sommet a donc bien été une étape décisive dans l’approfondissement de l’union monétaire et budgétaire qui commence par se dessiner autour de l’union bancaire.
Enfin, reconnaissons avec modestie que, si la taxe sur les transactions financières a bien été adoptée par nos partenaires européens, en tout cas par une partie d’entre eux, ses contours et le délai de sa mise en œuvre restent encore très imprécis. Il est donc sans doute encore un peu tôt pour se satisfaire de son adoption.
Je suis dès lors très sceptique sur la portée réelle de ce volet sur la croissance. Ayons bien conscience en effet que le pacte budgétaire n’a pas été modifié en tant que tel : il est intact et reste aussi nocif. En imposant l’austérité, ses dispositions empêchent la croissance. Il y a là une contradiction à laquelle vous ne pouvez échapper.
Ce carcan de l’austérité est confirmé, et rien n’a changé sur les points essentiels, la mutualisation de la dette aussi bien que le rôle de la BCE.
L’union bancaire ne changera pas non plus les critères de crédits aux entreprises. Les investissements de l’État et des collectivités locales seront toujours assujettis au dogme de la réduction des dépenses publiques. La politique budgétaire sera, comme auparavant, soumise à un contrôle accru de Bruxelles, au mépris de la démocratie parlementaire et de la souveraineté populaire.
La traduction des contraintes contenues dans le traité budgétaire que le Président de la République a accepté de faire ratifier n’a d’ailleurs pas tardé : dès hier, le Premier ministre a présenté devant le conseil des ministres une orientation qu’il faut bien qualifier de « tour de vis budgétaire ».
Au total, je crois que, en arrière-plan, ce sont plutôt les marchés financiers et les banques qui sont sortis vainqueurs de ce sommet. Ce sont eux, activement soutenus par la Banque centrale, qui continueront à imposer leur loi aux gouvernements d’Europe.
Je déplore vraiment que le Président de la République n’ait pas évoqué cette question lors du Conseil européen.
Tenter de présenter comme une avancée le fait qu’Angela Merkel et d’autres dirigeants européens se soient ralliés au financement de la croissance et de grands projets européens par les project bonds me semble en effet excessif. Le volume de ces emprunts ne compensera qu’à la marge l’asphyxie de l’économie réelle que porte en lui le pacte budgétaire. Surtout, c’est ne pas voir que ce sont les marchés financiers qui fixent les conditions auxquelles peuvent être souscrits ces emprunts.
Nous touchons là la contradiction profonde entre la satisfaction donnée aux marchés et l’appel qui leur est fait pour compenser les effets de la crise dont ils portent la responsabilité.
Au cours de ces sommets, plutôt que de se satisfaire de sauvetages temporaires de l’euro et de mesures pour atténuer les effets négatifs des politiques d’austérité, le Président de la République devrait désormais s’employer à convaincre nos partenaires de la nécessité d’emprunter une autre voie pour surmonter durablement la crise, car cette contradiction ne sera pas résolue sans la volonté de changer le rôle de la Banque centrale pour s’opposer aux attaques spéculatives des marchés contre certaines économies de l’Union européenne.
Pourquoi parler de gouvernance économique européenne avec une banque centrale européenne toujours plus indépendante ? Il faut retourner la puissance de la BCE contre les marchés. Il faut qu’elle puisse racheter massivement les dettes des États membres et les financer à des taux faibles.
Elle pourrait ainsi racheter des titres publics déjà en circulation pour empêcher les spéculateurs de jouer à la baisse sur les cours de ces titres. Elle l’a déjà fait l’année dernière, de manière exceptionnelle il est vrai, mais elle pourrait le faire à nouveau.
Elle devrait également racheter des titres publics dès leur émission par les États. Il faudrait pour cela aussi changer les critères d’emploi de ces titres et ne financer désormais que des dépenses qui soutiennent des politiques publiques contribuant à un nouveau mode de développement économique, social et environnemental. En fait, tout le contraire du pacte budgétaire et de la règle d’or qu’il veut imposer aux finances publiques !
Enfin, sur le fond, un aspect du sommet, peu visible et peu compréhensible par les opinions publiques, a été la mise en place d’un engrenage vers l’Union fédérale.
Pour sauver une certaine conception de l’euro et, il faut le dire, céder aux exigences des marchés, tous les dirigeants européens ont accepté cette nouvelle étape de l’intégration européenne, qui implique toujours plus de transferts de compétences et toujours moins de souveraineté nationale.
Très concrètement, c’est la « feuille de route » dont a été chargé le président Van Rompuy qui doit compléter les mécanismes d’austérité existants en accordant un plus grand poids aux institutions communautaires en matière de régulation bancaire, d’émission de dette, de surveillance de l’élaboration des budgets nationaux, de convergence des politiques économiques et de réformes structurelles.
Le Président de la République s’est satisfait de quelques compensations à la dureté du pacte budgétaire pour accepter de le faire rapidement ratifier par la voie parlementaire.
Nous pensons pour notre part que, devant l’importance de questions qui auront des répercussions considérables sur la vie quotidienne de nos concitoyens, les décisions prises lors de ce sommet doivent faire l’objet d’un débat public national ; elles dépassent le seul débat au Parlement et c’est la raison pour laquelle nous demandons qu’elles soient soumises à nos concitoyens par référendum.
Telles sont, monsieur le ministre, les appréciations sur les résultats de ce Conseil européen dont les sénatrices et sénateurs du groupe communiste, républicain et citoyen souhaitaient vous faire part.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe socialiste.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, M. le Premier ministre a dû quitter notre hémicycle, mais je veux saluer sa participation à notre débat : elle montre l’importance qu’il accorde tout à la fois au Sénat et aux questions européennes.
Le Conseil européen des 28 et 29 juin est une réussite. Les chefs d’État et de gouvernement sont parvenus à un accord qui va au-delà des attentes et dont l’Union européenne sort grande gagnante. Une étape importante a été franchie dans la gestion de la crise et, plus largement, dans la construction européenne.
Ce résultat, je le rappelle tout de même, n’était pas donné d’avance. Que n’a-t-on pas entendu pendant la campagne présidentielle quand le candidat François Hollande développait ses arguments sur la nécessité de redonner de la croissance à l’Europe ! Je ne citerai qu’un exemple. M. Leonetti, homme pourtant modéré, disait ainsi : « M. Hollande se targue d’être habile ; en matière européenne, il est surtout arrogant et manipulateur. »
Ce succès est donc en grande partie celui du Président de la République. Son élection a permis de faire bouger les lignes. Il est fini le temps où deux pays, l’Allemagne et la France, arrivaient au Conseil européen avec un projet de traité ficelé à l’avance.
Certes, la relation franco-allemande reste le socle de la construction européenne, mais nous allons vers une véritable Union pluraliste, où des pays aussi importants que l’Italie de Mario Monti ou l’Espagne se font entendre et considérer.
Le dernier Conseil européen a sonné le glas de cette ère que l’on a appelée, à tort sans doute, « l’ère Merkozy ». Il faut s’en réjouir.
Je tiens à redire par ailleurs qu’il n’y a eu ni gagnants ni perdants. À cet égard, la une de Libération du 30 juin – Hollande 1, Merkel 0 – était à mon avis une erreur politique manifeste. Il y a une gagnante : l’Europe. L’heure est désormais à l’« intégration solidaire » promue par le chef de l’État : « À chaque étape de l’intégration doit correspondre un instrument de solidarité. »
Je souligne cependant un point difficile : l’empilement des textes. Nous sommes confrontés à un nombre croissant de textes complexes pris sur des bases juridiques différentes, selon des règles de majorité différentes. Bref, on ne s’y retrouve pas : le two pack, le six pack, le semestre européen, le mécanisme européen de stabilité et, à l’avenir sans doute, le traité…
Je sais que c’est plus facile à dire qu’à faire, mais un travail de recensement et d’unification de tous ces textes devrait être mené, si c’est possible – je ne dis pas qu’il faut renégocier les traités…
M. Jean Bizet sourit.
Les appels à l’aide de l’Espagne et de l’Italie ont été entendus. En décidant de soutenir les pays de la zone euro qui ont effectué des réformes importantes et qui redressent leurs comptes publics, les Vingt-sept leur ont apporté une aide durable. L’Espagne a ainsi pu bénéficier d’une baisse importante de ses taux d’emprunt à dix ans.
La création, d’ici à quelques mois, d’un mécanisme de surveillance unique pour les banques de la zone euro ouvre la voie à la mise en place d’une « vraie » union bancaire.
Les scandales en série dans le monde bancaire, en Espagne, en Allemagne, en Italie, un peu en France aussi, montrent la nécessité d’élargir ce mécanisme à l’ensemble des banques européennes, comme a d’ailleurs proposé de le faire le Président de la République. Plusieurs scénarios existent.
Se pose en particulier le problème de la place financière de Londres, qui ne fait pas partie de la zone euro mais où les scandales financiers et bancaires sont encore plus incroyables qu’ailleurs. On a ainsi récemment vu la Barclays, la plus grande institution bancaire britannique, jouer de façon illégale avec le Libor, le London Interbank Offered Rate, qui permet de fixer les taux d’emprunt entre banques, tout cela pour pouvoir verser un bonus de 17 millions de livres à M. Diamond… Soit dit en passant, celui-ci a ensuite demandé au conseil d’administration de voter la prise en charge de ses impôts sur ces 17 millions, ce qui ne l’a pas empêché de faire des tournées de conférences sur les valeurs éthiques du système bancaire britannique…
Plusieurs autres questions, que nous aborderons peut-être au cours du débat interactif, restent en suspens. Ainsi, quel rôle la BCE jouera-t-elle précisément à l’égard du mécanisme de surveillance unique ? Quelle sera l’articulation entre la BCE et l’Autorité bancaire européenne ?
Quant à la levée du statut de créancier privilégié du MES, elle contribuera à rassurer les investisseurs privés.
L’assouplissement des conditions d’achat de titres de dette d’un État membre par le MES permettra également une baisse de la pression des marchés. M. Mario Monti a ainsi obtenu – à mon sens, de façon juste – ce qu’il demandait, c’est-à-dire la mise en place d’un « bouclier anti-spread », permettant de lutter contre les écarts existant entre les taux d’intérêt des différents pays.
La réorientation de la stratégie de sortie de crise est nécessaire.
Outre les mesures d’urgence que je viens d’évoquer, le Conseil européen a permis un rééquilibrage de la stratégie de sortie de crise en faveur de la croissance.
Le pacte pour la croissance et l’emploi constitue sans nul doute l’une des avancées majeures – sinon l’avancée majeure – du Conseil européen. Il reprend en grande partie le contenu du document de travail que le Président de la République a adressé à ses partenaires européens le 14 juin dernier. La croissance et l’emploi sont désormais au cœur de l’agenda européen. L’Europe n’a plus l’austérité pour seul horizon. Le Président de la République a en effet su donner l’impulsion nécessaire pour bâtir un plan d’investissement et de dépenses qui a déjà été évoqué et sur lequel je ne reviens pas.
Le pacte pour la croissance et l’emploi n’a certes pas la même forme juridique que le pacte budgétaire, le TSCG. Cependant, il s’agit d’une décision qui a une portée politique importante. Monsieur Billout, des décisions unanimes du Conseil des chefs d’État et des chefs de gouvernement de l’Union européenne, ce n’est tout de même pas rien ! Je rappelle que, par le passé, d’autres décisions du Conseil européen ont eu un impact aussi contraignant qu’un acte juridique ; je pense notamment au changement de nom de la monnaie unique, d’écu en euro.
Comme tout le monde, je me félicite de la décision des Vingt-sept d’autoriser le lancement d’une coopération renforcée afin de créer une taxe sur les transactions financières. Le Président de la République a joué un rôle important en la matière. Beaucoup a été dit, je ne m’y attarde pas, nous aurons certainement l’occasion d’y revenir lors du débat.
Monsieur Marini, vous vous inquiétez à juste titre des états d’âme de M. Cameron. Nous les partageons, même s’il n’a que la moitié d’un pied en Europe ! Et encore…
Oui, mais il se trouve que l’Union européenne compte vingt-sept États membres, vous n’y pouvez rien !
Oui, mais nous parlons là d’une coopération renforcée.
Je rappelle, même si vous le savez parfaitement, que les Britanniques ont instauré une taxe sur les opérations d’action de la City. Peut-on pour autant parler de taxe sur les transactions financières ? Je n’en sais rien. Toujours est-il qu’elle est très élevée – 0, 5 % – et rapporte énormément d’argent au gouvernement britannique.
M. Richard Yung. Par conséquent, M. Cameron ne peut que sauter de joie et de plaisir et se jeter dans nos bras…
Sourires.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Sans aucun doute. Il le fera très volontiers !
Nouveaux sourires.
Oui. Nous lui déroulerons le tapis rouge, ce qu’il a d’ailleurs évoqué en d’autres occasions.
En effet…
J’en viens aux prochaines étapes de l’intégration solidaire. À présent que la spirale de l’austérité est en passe d’être brisée, ce que nous souhaitons tous, il faut régler les autres problèmes auxquels l’Union européenne reste confrontée, en particulier la préparation de la feuille de route pour la réalisation d’une véritable « union économique et monétaire ». Permettez-moi à l’occasion de regretter que le Parlement européen ne soit pas associé à cette mission.
Au cours des derniers mois, les efforts du Conseil européen ont essentiellement porté sur la résolution de la crise des dettes souveraines. La situation des banques espagnoles souligne l’impérieuse nécessité de mettre en place cette union bancaire. Nous pensons que cela passera par un système de garantie des dépôts des épargnants et par la création d’un fonds européen de résolution des crises bancaires. Il faudra en débattre.
Le Président de la République a manifesté sa volonté d’intégrer les euro-obligations « dans les solidarités à venir ». Comme vous le savez, plusieurs options existent, je ne les rappelle pas toutes. Celle qui a ma préférence et en faveur de laquelle je milite, c’est la création d’un marché unifié des dettes souveraines inférieures ou égales à 60 % du PIB. Il s’agit des dettes bleues, par opposition aux dettes rouges. C’est d’ailleurs un groupe d’éminents économistes et d’éminents députés allemands qui a formulé cette proposition, conforme aux critères de Maastricht. Les dettes supérieures à 60 % du PIB font partie de la dette rouge : elles restent à l’échelon national et doivent être gérées avec les taux d’intérêt afférents.
Dans tous les cas, la mutualisation des dettes supposera la création d’un ministère européen des finances et d’un Trésor européen.
Enfin, j’attire votre attention sur la nécessité d’aller au-delà de la surveillance des politiques budgétaires nationales pour faire émerger une union économique plus positive et plus forte, fondée, d’une part, sur une meilleure coordination des politiques fiscales – ce point a déjà été largement évoqué, mais il faut avancer –, d’autre part, sur une meilleure coordination des politiques salariales. À terme, il nous faut trouver une façon de faire converger nos modèles de croissance. On ne peut pas continuer à vivre avec – je schématise – l’Allemagne qui a pour moteur l’investissement, la France qui fonctionne avec la consommation des ménages et le Royaume-Uni qui fonctionne – quand il fonctionne – avec l’import-export et la City. Tous les trois ensemble, cela ne marche pas !
Évidemment, il s’agit d’une ambition forte qui ne se réalisera pas rapidement, mais je crois que nous devons l’avoir en tête.
Cette dernière étape de l’intégration européenne nécessitera le renforcement des pouvoirs du Parlement européen et des parlements nationaux.
Le sommet de la semaine dernière et l’action du Président de la République nous mettent certainement sur la bonne voie. Messieurs les ministres, vous pouvez compter sur le soutien de notre groupe pour poursuivre cette politique.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, pardonnez-moi de ne pas me joindre au concert de louanges que je viens d’entendre. La diversité, au demeurant, est utile à notre assemblée…
Je formulerai quelques considérations sur le pacte de croissance, sur les mesures de solidarité financière au sein de la zone euro et sur la gouvernance institutionnelle.
De mon point de vue, ce sommet n’échappe pas à la pratique habituelle : des tensions savamment mises en scène à la veille de la rencontre ; un accord obtenu au petit matin par des délégations épuisées ; enfin, la lecture des conclusions avec les précisions qu’il convient d’apporter.
Bien entendu, nous comprenons tous pour quelles raisons le pacte de croissance a été magnifié : vous avez recherché un équilibre politique.
Monsieur le ministre délégué aux affaires européennes, je souhaite vous interroger sur ce que représentent réellement, en termes de capacité de croissance, les 55 milliards d’euros, sur 120 milliards d’euros, relatifs aux dégagements de fonds structurels non consommés. Plus précisément, j’aimerais savoir si ces crédits demeurent affectés aux États auxquels ils devaient bénéficier ou s’ils deviennent fongibles.
Certes, on peut insister, à grand renfort de locutions laudatives, sur la nouveauté que représente ce pacte de croissance. Il n’en reste pas moins que 55 milliards d’euros sur 120 milliards d’euros, ce n’est pas négligeable. Déjà, ces 120 milliards d’euros ne représentent que 1 % du PIB de l’Union européenne…
Par ailleurs, les projets d’investissement que l’on financerait par les nouveaux instruments devront sans doute obéir à une procédure de sélection. Il faudra faire émerger ces projets, respecter l’équité communautaire. Tout cela ne pourra pas aller très vite.
Par conséquent, présenter ces 120 milliards d’euros comme un outil de politique conjoncturelle pour renforcer la croissance dans les différents États de la zone euro – et seulement de la zone euro –, et en particulier chez nous, me semble, pardonnez-moi de le dire, un peu forcer la réalité.
Certes, mais c’est un effet de levier pour la Banque européenne d’investissement qui prêtera aux conditions du marché. Je n’ai d’ailleurs toujours pas compris comment fonctionnait cet effet de levier assez miraculeux : cela fait partie des précisions qui s’imposent.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est cela, un miracle !
Sourires.
J’en viens à la sauvegarde de l’euro. Des avancées importantes ont été réalisées ; je pense notamment aux dispositifs de solidarité.
À ce sujet, monsieur le ministre, si l’on songe au système bancaire espagnol, comment procédera-t-on jusqu’à ce que le mécanisme européen de stabilité soit mis en place ? Des éclaircissements paraissent bienvenus. En effet, sur ce point comme sur les autres, l’Eurogroupe de lundi fournira les interprétations opérationnelles utiles.
J’en viens aux interventions sur les marchés de la dette souveraine. Oui, je me réjouis de la solution qui a été trouvée : issue du travail des excellentes équipes de la Banque centrale italienne et du Trésor italien, elle est tout à fait innovante et imaginative. Les dispositions qui ont été adoptées ne vont pas jusqu’au bout des propositions formulées, mais sans doute est-ce la règle dans tout compromis…
La proposition de l’Italie qui, je le répète, est très innovante consistait à faire en sorte que les outils de solidarité financière de la zone euro puissent intervenir sur le marché de la dette souveraine d’un État de manière à réguler l’écart de taux d’intérêt, en d’autres termes le spread, par rapport à celui qui est proposé à l’État dont la dette souveraine est la mieux appréciée par les marchés.
La question de la mise en œuvre de ce dispositif se pose. L’intervention dont il s’agit est-elle limitée ou illimitée ? La Banque centrale européenne se voit-elle reconnaître un rôle de prêteur en dernier ressort ou faut-il accepter la transformation du Mécanisme européen de stabilité en Fonds monétaire européen ? S’agit-il d’aboutir à terme à ce que ce Mécanisme européen de stabilité soit lui-même doté d’un statut bancaire, c’est-à-dire soit adossé à la Banque centrale européenne et ait réellement accès à une ressource elle-même illimitée ?
Messieurs les ministres, ces points restent sans doute encore en débat et feront l’objet de délibérations. Toutefois, il serait utile que vous nous informiez sur la possibilité d’envisager des solutions plus structurelles et pérennes.
Enfin, je souhaite aborder la question des réformes structurelles.
Lorsqu’il est dit que l’Italie pourra avoir accès au nouveau régime d’intervention parce qu’elle est vertueuse, cela signifie non seulement qu’elle ne fait pas l’objet d’une procédure en raison d’un déficit excessif, mais aussi qu’elle se conforme aux orientations de l’Union européenne en matière de politique structurelle, notamment en apportant plus de flexibilité au marché du travail.
Je conclurai mon propos en exprimant une inquiétude.
Je constate tout d’abord qu’un certain nombre de remarques qui ont été formulées avant l’élection présidentielle ont été opportunément corrigées depuis.
La mutualisation des dettes était une idée abstraite, à laquelle il a fallu renoncer. La ratification du TSCG est une nécessité, alors qu’on nous disait pouvoir le renégocier avant les élections. De la même façon, le Mécanisme européen de stabilité est indispensable : c’est un pivot dans le cadre des solutions à apporter. Pourtant, votre groupe, mes chers collègues, s’était abstenu lors de son adoption, en février dernier, je me permets de le rappeler. Heureusement, nos votes ont permis sa création !
Comment peut-on s’inscrire dans une dynamique européenne tout en prônant sur le plan interne, en matière de fiscalité et de législation du travail, des positions profondément contraires aux orientations des instances de l’Union européenne dans le domaine des politiques structurelles ? Une telle question reste, me semble-t-il, encore ouverte. Je vous propose, mes chers collègues, d’en apprécier la réponse au fil du temps, en fonction de la réalité des résultats obtenus et de l’évolution de l’opinion publique.
Applaudissements sur les travées de l’UMP.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord remercier les intervenants de la qualité de la contribution qu’ils ont apportée au débat qui nous rassemble ce soir et dont chacun aura bien perçu l’importance pour l’avenir à la fois de l’Union européenne et de notre pays. Notre économie est en effet très profondément affectée par la crise, à l’instar des économies d’autres pays membres de l’Union européenne, confrontés, comme un certain nombre d’entre vous l’ont souligné, à l’austérité.
Je vais m’employer à répondre le plus précisément et le plus brièvement possible à l’ensemble des interventions prononcées à cette tribune, qui, pour un certain nombre d’entre elles, au-delà des clivages politiques, révèlent des interrogations communes, donc absolument légitimes. Elles méritent une réponse attentive de la part du Gouvernement.
D’abord, j’insisterai sur un point : la séquence qui s’est achevée la semaine dernière, au terme du sommet européen de Bruxelles, a permis de surmonter bien des contradictions qui semblaient présider au débat sur l’avenir de l’Europe. Les clivages, en effet, ont pu apparaître ou apparaîtront, à mesure que nous prendrons du recul par rapport à ce qui s’est passé, comme très artificiels.
J’évoquerai trois de ces clivages, que le débat avec nos partenaires de l’Union européenne et les conclusions du sommet ont permis de dépasser utilement.
Le premier clivage était celui qui opposait la discipline budgétaire à la croissance. Il nous renvoie aux engagements pris par le candidat François Hollande au moment de la campagne présidentielle et qu’il s’emploie à honorer en tant que Président de la République. À cet égard, je voudrais remercier les trois présidents de commission, MM. Raoul, Marc et Sutour, ainsi que les orateurs de la majorité, notamment Richard Yung et l’orateur du groupe écologiste, qui s’est exprimé avec beaucoup de pertinence sur ces questions…
Oui, le propos de M. Gattolin était extrêmement puissant et je reviendrai d’ailleurs sur un certain nombre des propositions qu’il a pu avancer.
Les uns et les autres ont bien insisté sur la cohérence existant entre les propos tenus et les résultats du sommet européen de la semaine dernière.
Qu’avions-nous dit ? Qu’il n’était pas nécessaire d’opposer la discipline budgétaire et la croissance, que, sans croissance, il n’y aurait pas de rétablissement des comptes publics et que nous devions faire du redressement de notre pays, de la limitation de ses dettes et du rétablissement de ses déficits un objectif absolu. Les dettes et les déficits minent la croissance en créant sur les marchés financiers, monétaires, des tensions sur les taux d’intérêt, ce qui interdit aux investisseurs privés de réaliser leurs projets et aux collectivités locales de se financer dans des conditions qui leur permettent d’atteindre leurs objectifs. Il n’est pas de peuple souffrant aujourd’hui de l’austérité ni de gouvernement imposant cette souffrance à son peuple qui n’aient conscience de la nécessité absolue de desserrer la contrainte pesant sur les taux d’intérêt.
Si nous n’opposons pas la discipline budgétaire à la croissance, c’est parce que nous avons clairement à l’esprit que tout ce qui va dans le sens de l’accroissement des dettes et des déficits fait peser sur les taux des contraintes qui provoquent leur hausse et rendent difficiles la rencontre entre nos pays et la croissance.
Par ailleurs, nous voulons de la croissance parce qu’elle est indispensable pour disposer de rentrées fiscales permettant de réduire, dans des conditions acceptables, les déficits et les dettes. Si nous demandons aux peuples, qui ne sont en rien comptables des déficits et de l’endettement créés par les effets d’une finance démente, de payer seuls la facture du rétablissement des comptes publics, nous aurons alors l’austérité et la désespérance.
Nous verrons la crise politique s’ajouter à la crise financière et économique, car les peuples d’Europe, qui se verront condamnés à l’austérité à perte de vue, n’accepteront pas une telle situation. Ils s’éloigneront de l’ambition que porte l’Europe depuis le projet de ses pères fondateurs. Telle est ma réponse au vibrant discours de M. Pierre Bernard-Reymond sur l’Europe et l’ambition fédéraliste qu’elle peut porter.
Nous avons donc toujours considéré que le rétablissement des comptes publics et la croissance étaient deux sujets indéfectiblement liés l’un à l’autre. Et nous voulons à la fois l’un et l’autre !
Nous avons également dépassé un deuxième clivage, qui faisait l’objet de nos débats, dès lors que la croissance était considérée comme nécessaire. Cette opposition séparait ceux qui étaient favorables à l’approfondissement du marché intérieur et ceux qui voulaient la croissance par l’investissement. Les uns pensaient que nous pouvions surmonter la crise par des investissements structurants dans les grands projets industriels de demain, tandis que les autres estimaient qu’il fallait essentiellement améliorer la compétitivité des entreprises par des mesures de libéralisation du marché du travail ou des efforts de déréglementation. Pour notre part, nous voulons à la fois la compétitivité et des investissements d’avenir, pour permettre à l’Europe de s’engager dans le développement durable.
Pour ce qui concerne la compétitivité, nous proposons – le Premier ministre s’en est fait l’écho dans sa déclaration de politique générale – de créer une banque publique d’investissement, de réformer la fiscalité des entreprises, ce qui permettra aux PME-PMI de se voir appliquer un impôt sur les sociétés beaucoup moins contraignant que celui qui s’imposait à elles jusqu’à présent. En revanche, les grands groupes, qui ont beaucoup spéculé grâce aux bénéfices qu’ils avaient accumulés, se verront appliquer une fiscalité qui les conduira à participer à l’effort de redressement que nous appelons de nos vœux. Nous œuvrons en faveur de la compétitivité.
Le Président de la République propose – le Premier ministre l’a réaffirmé devant votre assemblée – de mettre en place un contrat de génération afin de maintenir dans l’emploi les seniors et les plus jeunes, au titre d’un contrat qui les lie. Nous faisons de la formation professionnelle un objectif absolu, parce que nous considérons que les ressources humaines sont un facteur de compétitivité dans l’entreprise. Il n’y a aucune raison de ne pas favoriser l’accès à l’emploi des jeunes et des aînés. En créant les conditions de leur formation, nous sommes dans la recherche de compétitivité.
Le dépassement de ce clivage nous conduit, avec pragmatisme, à vouloir à la fois des investissements d’avenir et le renforcement de la compétitivité. Il est absurde d’opposer ces deux notions.
Enfin, un troisième clivage a été dépassé : je veux parler de l’opposition, qui n’a d’ailleurs pas lieu d’être, entre les solutions immédiates à la crise et l’intégration politique, qui recouvre d’ailleurs un autre débat, entre un plus grand fédéralisme ou de meilleures solutions économiques et sociales, sans intégration. C’est la raison pour laquelle je veux rassurer MM. Philippe Marini et Pierre Bernard-Reymond, ainsi que Mme Catherine Morin-Desailly, sur un point : le couple franco-allemand n’est en aucun cas sorti affaibli de la séquence qui vient de s’achever, bien au contraire.
Lorsque nous discutons avec nos amis allemands des modalités de sortie de crise, ils défendent le point de vue selon lequel la stabilisation, à terme, de l’Europe, le renforcement de l’union politique et la plus grande efficacité des instruments dont nous disposons pour faire face à la crise supposent une plus grande unité politique. Selon eux, nous n’y arriverons que si nous franchissons un pas, que certains ont appelé le saut fédéral ou le saut politique. Nous leur répondons que nous voulons davantage de solidarité, parce que, si nous ne renforçons pas les moyens d’intervention économiques, monétaires et financiers, pour rendre l’Europe plus forte et contenir les marchés, nous ne pourrons pas rendre acceptable le saut politique qu’ils appellent de leurs vœux.
Imaginez ce qu’aurait été la réaction des marchés si nous étions sortis du sommet en proposant une convention et un référendum, sans avoir trouvé la moindre solution immédiate pour leur permettre de résister à l’augmentation continue des taux !
Donc, nous avons voulu avancer sur les deux fronts : une plus grande solidarité, avec des instruments nouveaux qui permettent de faire face à la crise et, en même temps, une meilleure intégration, que le Président de la République a qualifiée de « solidaire ». À chaque pas supplémentaire vers une solidarité destinée à faire face à la crise, nous acceptons une nouvelle étape vers l’intégration, ce qui signifie incontestablement des souverainetés partagées et des dispositifs de transfert à l’Union européenne d’un certain nombre de prérogatives, le tout s’effectuant de façon pragmatique, étape par étape, car le corollaire de l’évolution de nos dispositifs d’intégration politique est le renforcement des outils de solidarité financière au sein de l’Union.
Je voudrais illustrer tout cela par l’évocation des avancées concrètes que nous avons obtenues, ce qui me permettra de répondre à la fois aux orateurs de la majorité, qui souhaitent aller plus loin dans la solidarité et l’efficacité des outils dont nous nous sommes dotés, et aux orateurs de l’opposition, dont un certain nombre estime que nous n’avons obtenu que ce qui était déjà prévu.
D’abord, des mesures extrêmement concrètes, tangibles et efficaces ont été obtenues en faveur de la croissance. Monsieur Billout, vous souhaitez voir l’Europe vaincre l’austérité pour s’engager dans de vraies stratégies de croissance. Votre interpellation, que j’ai bien entendue, me paraît tout à fait légitime. Ce que je trouve plus injuste, en revanche, c’est l’interprétation que vous faites des résultats obtenus. Sans essayer de vous convaincre, je voudrais tout de même vous rassurer sur ce point.
Pour ce qui concerne la croissance, on parle d’un pacte de 120 milliards d’euros, mais il s’agit en fait d’une somme bien plus importante. Nous avons obtenu la recapitalisation à hauteur de 10 milliards d’euros de la Banque européenne d’investissement. M. Bizet disait tout à l’heure qu’une telle mesure était déjà acquise. Elle l’était si bien qu’à l’occasion du conseil Affaires générales de la semaine dernière – nous étions vingt-sept autour de la table – un grand nombre de pays, qui ne constituaient pas la minorité, ont indiqué qu’ils attendaient de voir concrètement les conditions dans lesquelles cette recapitalisation pouvait se faire ! Ils éprouvaient un certain scepticisme quant à l’opportunité de s’engager dans cette voie, considérant que de nombreux efforts avaient déjà été faits en faveur de la croissance et que, si nous devions en faire de supplémentaires, il fallait agir dans le sens de la dérégulation et de l’approfondissement du marché intérieur. Il est donc faux de dire que la recapitalisation de la Banque européenne d’investissement était acquise ; elle ne l’était pas ! Elle permettra de déclencher 60 milliards d’euros de prêts.
je ferai remarquer que ces 60 milliards d’euros de prêts permettront d’enclencher 180 milliards d’euros d’investissements privés. Il convient donc d’ajouter aux 120 milliards d’euros déjà évoqués ces 180 milliards d’euros d’investissements privés, rendus possibles par la recapitalisation de la Banque européenne d’investissement et les 60 milliards d’euros que nous allons pouvoir mobiliser.
Par conséquent, quand on raisonne sur l’effet du pacte pour la croissance et l’emploi, il convient de prendre en compte la totalité des montants en cause. Les prêts octroyés aux opérateurs privés, qui bénéficieront de la recapitalisation de la Banque européenne d’investissement, seront complétés par la contribution des investisseurs privés.
J’évoquerai maintenant les 50 milliards d’euros de fonds structurels.
À ce jour, ces fonds n’ont pas été affectés à des projets et ils peuvent faire l’objet, dans le cadre des dispositifs existants, de la procédure de dégagement d’office. Par conséquent, au cours des prochaines semaines, il nous faudra engager un travail extrêmement important et méticuleux d’identification des projets auxquels nous pourrions affecter ces 50 milliards d’euros de manière qu’ils s’inscrivent le plus possible dans les perspectives que porte l’Union européenne dans le cadre de la stratégie Europe 2020, à savoir, autant que faire se peut, dans l’innovation, le développement durable, la transition énergétique, les investissements de demain qui feront le développement durable d’après-demain et créeront les emplois pérennes dont l’Union européenne a besoin pour sortir de la crise.
Bien entendu, et nous n’avons pas l’intention de susciter des clivages entre les pays de la cohésion et ceux qui font partie du club des contributeurs nets, pas plus que nous n’avons l’intention de susciter des clivages entre les pays d’Europe du Nord et les pays d’Europe du Sud. Tous les pays de l’Union européenne sont confrontés, à des titres divers, à la crise et nous considérons que les mesures en faveur de la croissance ont vocation à bénéficier à l’Union européenne dans son ensemble.
Je voudrais insister sur un dernier point d’actualité, qu’a d’ailleurs abordé M. Gattolin dans son propos. Je veux parler des perspectives budgétaires 2014-2020.
Dans les années qui viennent, nous allons devoir affecter 1 000 milliards d’euros aux grandes politiques de l’Union européenne. Au terme de la négociation, ces fonds seront répartis entre les piliers que constituent la politique agricole commune, la cohésion et les autres politiques qui peuvent contribuer à la croissance. Si nous réussissons, dans le cadre de cette discussion budgétaire, et au titre du principe du « mieux dépenser », à consacrer davantage ces fonds aux actions en faveur de la croissance future, alors nous aurons contribué à optimiser plus encore le plan présenté voilà quelques jours par le Président de la République à l’opinion publique française et que nous détaillons aujourd’hui devant la représentation nationale.
Je voudrais maintenant dire quelques mots de la taxe sur les transactions financières, dont certains nous ont dit hier, à l’Assemblée nationale, qu’elle était déjà dans les tuyaux. L’esprit de nuance étant davantage présent au Sénat qu’il ne l’était hier à l’Assemblée nationale, …
… je n’ai pas entendu de propos aussi affirmatifs ici.
Cette taxe sur les transactions financières était si peu dans les tuyaux qu’elle avait été supprimée en 2008, rétablie en des termes identiques à la fin de la législature précédente dans la plus grande précipitation, après que le précédent Président de la République nous eut dit qu’il estimait tellement difficile de faire adopter cette taxe à plusieurs qu’il préférait, isolément, la faire adopter par le Parlement en fin de législature pour être certain de pouvoir bénéficier de son produit.
Nous ne l'avons pas votée parce que nous ne voulions pas d’un impôt de bourse, monsieur Marini ; nous voulions une vraie taxe sur les transactions financières. À cet égard, je vous confirme que ce que nous avons voté en coopération renforcée est très différent de ce que vous avez voté à la fin de la précédente législature sous la forme d’un impôt de bourse.
Nous, nous voulons une vraie taxe sur les transactions financières, c’est-à-dire que nous voulons une taxe dont l’assiette soit la plus large possible et dont le taux soit le plus dynamique possible, de sorte qu’elle puisse à terme se substituer en partie aux dotations que versent les États au budget de l’Union européenne – je réponds là à votre question sur la nécessité de doter l’Union européenne de ressources propres. En effet, les dotations des États au budget de l’Union européenne ont un caractère moins dynamique qu’une taxe sur les transactions financières.
Opérer de la sorte, ce serait d’ailleurs une manière de signifier à l’Union européenne et à ceux qui souhaitent que son budget jouisse d’une plus grande autonomie que nous sommes prêts. La taxe sur les transactions financières peut être un outil extraordinaire pour engager l’Union européenne dans une voie la conduisant à disposer d’un budget beaucoup plus dynamique que celui dont elle dispose actuellement.
Vous m’aidez à faire la transition, puisque je voudrais maintenant évoquer devant vous la question des déficits.
Je comprends très bien que l’opposition exprime sa préoccupation vis-à-vis des déficits et de la dette. Je comprends d’autant mieux cette préoccupation que, parmi les acteurs de la précédente majorité, on compte quelques orfèvres en matière de creusement de dette et des déficits !
Faut-il rappeler ce que vient de nous révéler la Cour des comptes ? Une dette qui s’est accrue de 600 milliards d’euros en cinq ans ; les déficits abyssaux des comptes sociaux et publics, qui ont conduit jusqu’à la dernière minute le précédent gouvernement à mettre sur le métier des dépenses non financées à hauteur de 1, 2 milliard d’euros, comme nous l’apprend la Cour des comptes dans son rapport.
La France a vu sa note dégrader par les agences de notation, dont on nous expliquait qu’elles étaient la référence absolue et que leur verdict devait montrer le chemin. Dès lors qu’elles nous ont déclassés, elles ne valaient plus rien ! Mais enfin, le déclassement a eu lieu bien avant que l’actuelle majorité n’accède aux responsabilités ! Alors que nous sommes en situation d’exercer nos responsabilités gouvernementales depuis dix semaines à peine, alors que l’Assemblée nationale a été élue voilà quelques semaines seulement et ne travaille que depuis quelques jours, il faudrait que nous soyons comptables de ce qui a été fait au cours des dix dernières années !
C’est un argument que je veux bien entendre et auquel je réponds bien volontiers – avec calme et plaisir, car les interventions que nous avons entendues cet après-midi avaient toutes une telle hauteur et une telle tenue qu’elles méritent qu’il y soit répondu avec la plus grande précision –, mais tout de même ! Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a exposé la trajectoire de finances publiques que nous avons l’intention de présenter à l’Union européenne. L’objectif est d’essayer de ramener le déficit budgétaire à 3 % du PIB en 2013 – contre 4, 5 % aujourd’hui –, puis 0 % en 2017.
Certains disent que tout cela aura pour prix une « surfiscalisation » des Français. C’est du moins ce que j’ai entendu dans la bouche de certains des orateurs qui sont intervenus cet après-midi. Je rappelle quand même que la TVA sociale, comme la fausse taxe sur les transactions financières, qui est un vrai impôt de bourse, votées à la sauvette à la fin de la précédente législature, représentaient 13 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires sur les Français !
Le projet de loi de finances rectificative présenté hier prévoit quant à lui 7 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires. La différence est donc de 6 milliards d’euros, autant d’allègements fiscaux dont bénéficieront les Français.
Voilà la réalité ! Voilà ce qu’est la politique de ce gouvernement en matière de redressement et d’effort fiscal, à comparer avec celle que menait le précédent.
Aussi, je puis assurer à l’opposition que les décisions très concrètes que nous avons prises en faveur de la croissance et qui seront assorties d’un effort de rigueur budgétaire…
Vous avez employé le mot « rigueur » ! Vous avez osé ! Bravo, monsieur le ministre !
Oui, j’ai bien prononcé ce mot et, si vous le souhaitez, je le répéterai. La rigueur budgétaire se différencie de l’austérité dans la mesure où l’austérité, c’est la rigueur sans la croissance, c’est-à-dire la condamnation encore une fois des peuples à se serrer la ceinture pour toujours. La rigueur, c’est le contraire, à savoir un effort de discipline budgétaire et la recherche de la croissance. Là est toute la différence. Pour ce qui concerne le redressement, c’est l’effort de redressement dans la justice fiscale, ce qui est tout à fait différent de ce à quoi nous avons assisté ces six dernières années, au cours desquelles les injustices fiscales et sociales se sont accrues alors que la situation économique et financière du pays était extrêmement dégradée.
Enfin, je dirai un mot sur une question centrale que vous êtes plusieurs à avoir évoquée : comment faire en sorte que soit respectée la souveraineté des parlements nationaux dans le cadre de la feuille de route ?
Il a été indiqué que la Commission, le groupe des quatre, sous la présidence de M. Van Rompuy, s’efforceraient de faire en sorte que les actions qui ont été engagées à travers la supervision bancaire, l’intervention du Mécanisme européen de stabilité, se poursuivent pour une plus grande intégration financière, une solidarité financière renforcée et une efficacité accrue des instruments dont nous sommes dotés pour répondre concrètement à la crise à laquelle l’Europe se trouve aujourd’hui confrontée.
S’agissant des eurobonds, de la mutualisation de la dette, du renforcement de nos outils, cette feuille de route, bien entendu, nous conduira à étudier quels sont les dispositifs de pilotage politique qu’il faut mettre au regard de ces outils davantage intégrés pour rendre leur gouvernance plus efficace.
À chaque étape de cette feuille de route, le Premier ministre l’a très clairement dit tout à l’heure dans son discours, nous voulons associer étroitement le Parlement au travail qui sera engagé. Nous viendrons devant vous pour vous rendre compte, pour travailler avec vous sur ces questions, pour définir les modalités d’association des parlements nationaux au chemin sur lequel nous sommes engagés, chemin ambitieux qui ne doit pas s’éloigner de l’ambition démocratique.
Nous comprenons parfaitement que toutes les actions mises en place, en raison de leur complexité, doivent être politiquement lisibles et démocratiquement légitimes.
Aussi, nous reviendrons devant le Parlement pour traiter ces questions et nous nous exprimerons tant devant les commissions spécialisées de l’Assemblée nationale et du Sénat qu’en séance plénière.
Sur ces sujets, les impératifs du débat démocratique seront respectés. C’est une exigence que je m’engage devant vous, au nom du Gouvernement, à respecter.
Avant de répondre aux questions qui me seront posées dans le cadre du débat interactif et spontané qui suit, je tiens, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous remercier de votre attention et de la qualité de vos interventions.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.
Nous allons maintenant procéder à un débat spontané et interactif dont la durée a été fixée à une heure par la conférence des présidents.
Chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes maximum.
S’ils sont sollicités, le Gouvernement ou la commission des affaires européennes pourront répondre.
La parole est à M. Gilbert Roger.
Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’ai lu avec attention les conclusions du Conseil européen sur le volet syrien et je salue la « condamnation vigoureuse des violences brutales et des massacres de civils ».
Je suis satisfait que le Conseil ait demandé « une action unie de la part du Conseil de sécurité des Nations unies afin que soient exercées des pressions plus énergiques et plus efficaces ».
Cependant, je regrette que les pays européens, qui disposent de plusieurs instances pour peser sur les relations stratégiques régionales de l’Europe en Méditerranée, ne s’appuient pas davantage sur elles. Je pense notamment, et en particulier, à l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée, l’APM, qui regroupe vingt-six parlements des pays du pourtour méditerranéen. Notre Parlement y est représenté et j’ai l’honneur d’être le chef de délégation de l’APM au Sénat.
Le projet d’Union pour la Méditerranée étant en relatif sommeil depuis la crise de Gaza, à la fin de l’année 2008, et mis à mal par les récentes révolutions dans plusieurs pays de la rive sud de la Méditerranée, l’implication de l’APM permettrait de lui redonner un second souffle et de le renforcer. Autrement dit, l’APM pourrait devenir le volet parlementaire de l’UPM.
En effet, l’APM a su se renforcer depuis sa création en 2006 à Amman, de telle sorte qu’elle est devenue un forum pertinent pour évoquer les problèmes de l’espace méditerranéen. Elle se définit comme l’institution parlementaire qui rassemble, sur un pied d’égalité, les parlements de tous les pays du bassin méditerranéen.
Depuis 2010, elle bénéficie à nouveau de la participation des parlementaires israéliens à ses travaux. Elle est aussi la seule instance interparlementaire qui compte parmi ses quatre vice-présidents un Israélien et un Palestinien.
Avec un format géographiquement centré sur le pourtour méditerranéen, l’APM se veut un instrument de dialogue sur les problèmes économiques, politiques et environnementaux qui affectent cette zone sensible. Elle est également un vecteur d’influence utile pour le Parlement français.
L’APM s’est vu octroyer le statut d’observateur auprès de l’Assemblée générale des Nations unies par sa résolution 64/124.
L’APM et les Nations unies ont décidé de renforcer leur coopération dans la région méditerranéenne ; ainsi, l’APM s’est engagée à mettre à disposition de l’ONU ses instruments de diplomatie parlementaire et de renforcement de la confiance régionale. La mobilisation et le soutien de l’APM lors des missions de l’ONU pendant la crise de Libye ont été salués par M. Ban Ki-moon.
Par ailleurs, l’APM joue un rôle non négligeable dans le suivi du processus de paix au Proche-Orient.
Une coordination accrue entre l’APM et le Quatuor s’est mise en place, au niveau tant politique que parlementaire, afin de créer les conditions d’une reprise des négociations entre les parties israélienne et palestinienne.
Aussi, monsieur le ministre, quels sont les projets du Gouvernement sur l’Euro-méditerranée ? Comment le Président de la République compte-t-il renforcer les liens de l’Union européenne et de la France dans la région méditerranéenne ?
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole imparti à chaque orateur est de deux minutes.
La parole est à M. le ministre.
Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question. Vous connaissez la mobilisation du gouvernement français sur la situation syrienne. L’ensemble des ministres, notamment le Premier ministre, le ministre des affaires étrangères, mais aussi le Président de la République lui-même, sont mobilisés pour essayer de faire en sorte que la crise qui sévit en Syrie et occasionne des violences extrêmement nombreuses sur le peuple syrien soit surmontée le plus rapidement possible.
C’est dans cet esprit que nous réunissons demain à Paris le Groupe des amis du peuple syrien, sous la présidence du ministre des affaires étrangères, et que nous appuyons l’ensemble des initiatives qui sont prises actuellement sous couvert des Nations unies. Je pense notamment à la mission de Kofi Annan à laquelle sont associés les acteurs de la Ligue arabe.
Pour ce qui concerne l’Union pour la Méditerranée, nous sommes bien entendu très soucieux que l’ensemble des acteurs de la Méditerranée se mobilisent pour atteindre cet objectif. Les gouvernements jouent un rôle particulier, ils interviennent sous mandat des Nations unies, mais toutes les initiatives destinées à faire cesser les massacres dont le peuple syrien est victime et à trouver des solutions permettant le départ de l’actuel régime ne peuvent que susciter notre encouragement.
L’Union pour la Méditerranée a d’ailleurs renforcé ses liens avec l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée, l’APM, et un observateur participe désormais aux réunions techniques de l’Union pour la Méditerranée. Nous souhaitons que celle-ci soit réorientée vers des projets concrets et estimons que l’efficacité de son action, au moment où nous assistons à la transition démocratique dans un certain nombre de pays, notamment du Maghreb, suppose que nous puissions accompagner ces États dans de réels programmes de développement économique.
Nous réfléchissons donc actuellement, non pas à la disparition des structures de l’Union pour la Méditerranée, mais à leur réorientation vers des projets concrets qui permettent aux peuples engagés dans la transition démocratique et à leurs gouvernements d’accompagner l’évolution de leurs institutions, la réalisation de vrais projets de développement économique qui donnent de l’espoir aux peuples de la Méditerranée !
Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur l’un des points essentiels de votre intervention : le pacte de croissance.
Ce sujet me semble en effet très important si l’on veut sortir l’Europe de la crise financière, et désormais sociale et politique, dans laquelle elle s’englue chaque jour un peu plus.
Cela dit, j’ai quelques doutes sur la capacité de ce pacte, qui est certes européen, à être aussi un pacte de croissance.
S’agissant des 120 milliards, les uns disent que c’est un début, les autres prétendent que ce n’est pas suffisant. Je voudrais donc établir quelques comparaisons.
Ces 120 milliards représentent effectivement 1 % du PIB de l’Europe. Or je me rappelle que nous avons également eu en France, en décembre 2008, un plan de relance, le plan Sarkozy, qui portait sur 26 milliards, ce qui était aussi à peu près 1 % du PIB. On en a vu l’efficacité…
Sur ces 120 milliards, puisqu’on recycle 55 milliards de fonds inutilisés – on peut d’ailleurs se poser la question de savoir pourquoi ils le sont –, il y a en fait 65 milliards d’argent frais, de crédits nouveaux qui sont apportés. Je me rappelle aussi qu’à l’époque le plan Sarkozy était fabriqué à partir d’une série de fonds de tiroirs qu’on avait recyclés pour l’occasion.
Je voudrais établir une autre comparaison avec ce qu’ont fait les Américains. Lorsque le président Obama est arrivé au pouvoir, dès qu’il l’a pu, en février 2009, il a signé l’American Recovery and Reinvestment Act, l’ARRA, qui portait sur 787 milliards de dollars, soit 5, 6 % du PIB. En outre, je rappelle que, une année avant, son prédécesseur avait lancé un plan d’aide à la consommation de 160 milliards de dollars, soit 1 % du PIB.
Il ne faut donc pas trop s’étonner si, actuellement, le taux de croissance des États-Unis oscille entre 2, 5 % et 3 % alors que, cela a été dit tout à l’heure, l’Europe entre en récession ; 2, 5 % à 3 %, ce n’est pas énorme, mais c’est déjà beaucoup, d’autant que le plan Obama a été contrecarré par la politique pro-cyclique des républicains dans les États.
Pour terminer sur une note exotique, je rappellerai que, lorsqu’en 2008, les Chinois ont lancé leur plan de relance, ce dernier a porté sur 14 % de leur PIB !
Alors, monsieur le ministre, j’aimerais bien que vous m’expliquiez, pour que je sois convaincu, comment, avec un engagement aussi minime, nous allons pouvoir commencer à sortir du marasme dans lequel s’englue l’Europe et qui va se terminer par une crise sociale massive et une crise politique non moins massive !
Mes chers collègues, je vous rappelle une nouvelle fois que le temps imparti à chaque orateur est de deux minutes. Merci de respecter cette règle !
Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question qui va me permettre de revenir sur certains aspects du plan qui a été adopté au Conseil européen la semaine dernière.
Premièrement, je pense qu’on ne peut pas réduire les mesures en faveur de la croissance au seul volet des 120 milliards d’euros, qui se divisent en trois paquets de mesures : la recapitalisation de la Banque européenne d’investissement ; les 50 milliards d’euros de réutilisation de fonds structurels ; la mise en place des project bonds dans une phase pilote, afin d’engager jusqu’à 5 milliards d’euros qui, au terme d’expertises, pourraient être augmentés en vue de leur affectation à des projets plus ambitieux encore.
On ne peut réduire les mesures sur la croissance à cela. Pourquoi ? Parce que, comme nous l’avons indiqué à nos partenaires européens, la croissance n’était possible pour nous qu’avec des investissements d’avenir, ce qui supposait que nous nous dotions d’outils rendant ces investissements concrets et réels.
Deuxièmement, il fallait la stabilité bancaire, car, quels que soient les efforts que nous consentirons pour réunir les conditions favorisant des investissements importants susceptibles de créer des emplois durables et d’assurer la croissance, s’il n’y a pas la stabilité bancaire, nous n’y parviendrons pas.
Troisièmement, nous voulions la stabilisation des taux sur les marchés monétaires et engager l’Europe résolument sur le chemin de l’union économique et monétaire.
Voilà les trois sujets qui, juxtaposés les uns aux autres, créent un paysage beaucoup plus stabilisé qu’il ne l’était, afin que l’Europe puisse faire fonctionner les moyens de la solidarité, évidemment en acceptant qu’une plus grande solidarité justifie davantage d’intégration politique.
C’est sur ces trois volets que nous avons engagé la discussion avec nos partenaires. Nous avons acté ce plan de 120 milliards d’euros, mobilisant, je le répète, l’argent public mais pouvant appeler, par les effets de garanties et de prêts, des contributions privées dans le cadre de partenariats d’investissement privé ou de partenariats public-privé qui permettront d’obtenir des sommes plus significatives. Il ne faut pas considérer ces 120 milliards d’euros comme une enveloppe fermée ; c’est un levier qui est destiné à créer une dynamique d’investissement.
J’en reviens à la question de l’union bancaire. Elle permet la stabilisation de la situation des banques, qui peuvent rejouer leur rôle d’accompagnement des investisseurs privés de l’économie. Cela supposait : d’abord, la garantie des dépôts ; ensuite, la supervision bancaire ; enfin, la résolution des crises bancaires. Au terme des discussions qui se sont nouées avec nos partenaires, nous sommes arrivés à l’idée qu’il fallait se doter d’un dispositif rapide afin de mettre en place la supervision bancaire, parce que nous ne pouvons pas recapitaliser directement les banques par le biais du mécanisme européen de stabilité sans superviser de façon extrêmement attentive, avec un système très efficace, les conditions dans lesquelles elles fonctionnent.
On ne peut pas à la fois regretter les errements des banques et ne pas créer les dispositifs de régulation susceptibles d’éviter que ces errements ne se reproduisent. C’est donc ce que nous faisons en instaurant la supervision, qui va permettre l’intervention du Mécanisme européen de stabilité financière, recapitalisation directe des banques.
J’ajoute d’ailleurs, à l’intention de M. Billout, qu’il ne s’agit pas d’aider les banques plutôt que les peuples ; mais, si nous n’aidons pas les banques en les recapitalisant, nous allons entretenir le cercle vicieux « dettes souveraines-déstabilisation bancaire », qui contribue à l’augmentation des taux et crée les conditions d’un chômage qui mine les peuples.
Par conséquent, à un moment donné, il faut avoir une vision globale afin que, en intervenant sur les banques, on garantisse la stabilisation d’un système bancaire qui doit jouer son rôle en faveur de l’économie réelle. C’est le deuxième plan pour la croissance.
Enfin, l’union monétaire que nous avons mise sur le métier doit permettre au Fonds européen de stabilité financière, le FESF, et au Mécanisme européen de stabilité d’intervenir sur le marché secondaire de la dette souveraine pour faire baisser les taux d’intérêts en les maintenant dans un corridor tel que ceux qui veulent investir puissent avoir accès au crédit à des taux qui ne minent pas la croissance.
Vous me demandez si tout cela suffira. Je vous répondrai que l’on ne peut absolument pas avoir l’assurance que ce que l’on met en place dans la solidarité et le dialogue suffira à surmonter une crise de cette ampleur. En revanche, nous sommes convaincus que nous avons créé les conditions d’une stabilisation pour parvenir à un redressement de l’Union européenne et une maîtrise des marchés. En tout cas, ce que nous savons c’est que, si l’on ne fait rien de ce qui est possible, rien n’est possible de ce qui est souhaitable ! C’est cela qui nous a conduits, avec pragmatisme, à choisir le chemin dans lequel nous nous sommes engagés.
Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, la semaine dernière, Chypre est devenu le cinquième État membre à solliciter auprès de l’Union européenne une aide financière. Victime collatérale de l’effondrement de l’économie grecque, la demande chypriote apparaît logique. Je rappellerai simplement que les prêts des banques chypriotes à des clients grecs et leurs avoirs en obligations grecques représentent un quart de leurs actifs et 160 % du PIB local. Par ailleurs, près de 40 % des prêts commerciaux accordés par les trois principales banques du pays le sont à des clients installés en Grèce. La faillite annoncée du secteur bancaire chypriote n’a donc, finalement, rien de surprenant.
Ce qui l’est plus, monsieur le ministre, ce sont les contours de cette demande d’aide. Certes, à l’instar de l’Irlande, du Portugal, de la Grèce ou de l’Espagne, Chypre sollicite le Fonds européen de stabilité financière. Le gouvernement chypriote négocie néanmoins dans le même temps un second prêt avec la Russie. Cette recherche d’un deuxième guichet n’est pas anodine. Elle vise à alléger le pays d’une partie de la conditionnalité qu’induit l’aide de l’Union européenne et lui permet ainsi de différer les réformes structurelles qui lui seront demandées en échange. La perspective des élections présidentielles de février prochain n’est pas sans rapport avec une telle attitude.
Pensez-vous néanmoins, monsieur le ministre, qu’un tel comportement, à l’heure où Chypre accède à la présidence de l’Union européenne, soit un bon signal envoyé à ses partenaires également en difficulté ? Alors que nous avons eu tant de mal à faire émerger un mécanisme permanent d’assistance financière et à définir les contours d’une véritable gouvernance de l’euro, quelle position la France entend-elle adopter à l’égard de la demande chypriote ?
Je souhaiterais ajouter : le gouvernement français, dans le cadre de cette négociation, acceptera-t-il le maintien du taux de l’impôt sur les sociétés chypriotes au niveau excessivement bas qui est le sien actuellement ?
En d’autres termes, serez-vous plus exigeants que ne l’ont été vos prédécesseurs, dont vous dites beaucoup de mal, vis-à-vis de l’Irlande ?
Monsieur le ministre, je me permets de poser cette question de fond, en soulignant l’excellente initiative de M. Humbert.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je n’arriverai jamais à dire autant de mal de nos prédécesseurs que vous n’en avez dit de nous depuis dix jours que nous sommes en situation de responsabilité
M. le président de la commission des finances s’exclame.
Cela dit, j’en reviens à la situation chypriote. Comme vous l’avez indiqué à l’instant, Chypre va prendre la présidence de l’Union européenne et devra par conséquent, au cours des six prochains mois, au titre des différents sujets que nous avons mis sur le métier, poursuivre et cheminer avec nous.
Vous l’avez indiqué, monsieur le sénateur, Chypre est confrontée à une situation financière extrêmement sérieuse qui l’a conduite à demander des prêts auprès de pays qui ne sont pas membres de l’Union européenne et à solliciter cette dernière le 25 juin dernier, me semble-t-il, pour obtenir son assistance et son aide.
La situation de Chypre est d’ailleurs, de ce point de vue, assez comparable à celle d’autres pays de l’Union européenne qui ont réclamé l’assistance de celle-ci après que des banques de leur pays eurent procédé à des investissements qui fragilisaient le système bancaire. Le système bancaire appelait l’intervention des États, et l’intervention des États près du système bancaire justifiait de l’interpellation, par ces États, des institutions de l’Union européenne…
Vous savez que l’intervention de l’Union européenne en faveur d’un pays qui rencontre des difficultés n’a jamais lieu de but en blanc, sans préalable et sans expertise. À cet égard, l’intervention de la troïka est systématique dans les pays qui sollicitent cette aide. Cette intervention fait l’objet d’une expertise extrêmement poussée qui permet de déterminer l’exacte étendue des difficultés auxquelles les pays considérés sont confrontés. C’est après que cette intervention a été sollicitée et que la troïka a procédé à ces expertises que les modalités d’intervention sont décidées, non pas par la France seule mais par l’ensemble des pays et des institutions de l’Union européenne.
Nous examinerons donc, au terme de ces expertises et des travaux de la troïka, les conditions dans lesquelles une intervention peut être menée, avec, bien entendu, la volonté d’être utile sans pour autant perdre de vue la nécessité de rester à la fois prudents et responsables.
Monsieur le ministre, le Président de la République et le Premier ministre ont annoncé que la ratification des textes découlant de la signature du traité budgétaire se ferait par la voie parlementaire, vraisemblablement à l’automne.
Or la conformité de certains de ces textes à la Constitution mérite d’être examinée. Je songe en particulier à celui qui, en imposant une « règle d’or » pour nos finances publiques, porte directement atteinte à la souveraineté de notre pays en matière budgétaire. Cette préoccupation n’a certainement pas échappé au Gouvernement.
En conséquence, pourriez-vous nous indiquer si le Conseil constitutionnel sera saisi de cette question et, le cas échéant, dans quels délais et par qui ? Dans l’hypothèse où le Conseil constitutionnel, saisi, estimerait nécessaire une révision constitutionnelle, ne serait-il pas, selon vous, légitime que, sur une question touchant d’aussi près à la souveraineté nationale, cette révision s’effectue par la voie référendaire ?
Monsieur le sénateur, je constate que vous poursuivez à travers cette question le cheminement de la pensée que vous avez exprimée tout à l'heure à la tribune. Je vais tenter de vous répondre le plus précisément possible.
À l’occasion de son discours de politique générale, puis de nouveau en ouvrant ce débat relatif aux résultats du Conseil européen, le Premier ministre a évoqué les modalités de cette ratification. Il a indiqué que celle-ci emprunterait la voie parlementaire, qui conduirait l’Assemblée nationale et le Sénat à examiner en tout quatre éléments : premièrement, le TSCG ; deuxièmement, le dispositif de supervision ; troisièmement, le pacte de croissance ; quatrièmement, le dispositif concernant la taxe sur les transactions financières.
De fait, juxtaposés les uns aux autres, ces quatre éléments offrent une mise en perspective de l’objectif que nous avons souhaité atteindre, à savoir la réorientation de l’Europe sur le chemin de la croissance.
On ne peut pas séparer ces éléments les uns des autres : c’est précisément parce que nous ne souhaitions laisser isolé aucun de ces points que nous les avons négociés ensemble et que nous les soumettrons ensemble à la représentation nationale, afin que celle-ci puisse exprimer sa position démocratiquement, au terme d’un débat.
Bien entendu, comme vous le savez, des règles très précises président à la présentation des projets de loi devant les assemblées parlementaires, notamment s’agissant des textes dont la portée normative est élevée, singulièrement ceux qui sont liés aux traités européens ou aux traités internationaux. Ces règles impliquent que le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État soient préalablement saisis pour avis. C’est une fois les deux avis rendus que les textes sont soumis à la représentation nationale.
Mais, pour que ces deux instances juridictionnelles soient saisies de tels textes, encore faut-il que ceux-ci soient rédigés. Or ceux dont nous parlons sont actuellement en cours de préparation. Lorsqu’ils seront prêts, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État auront à se prononcer sur leur constitutionnalité, après quoi il nous reviendra de les présenter au Parlement. Voilà le cheminement que nous suivrons. Le Premier ministre l’a rappelé et je n’ai pas vocation à le contredire.
De surcroît, les dossiers présentés par le Gouvernement sont juridiquement très étayés et conformes aux procédures à suivre en pareil cas. Comme vous le savez, le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel sont maîtres des conditions dans lesquelles ils remettent leurs avis. Je ne peux donc pas être plus précis concernant le calendrier de présentation de ces textes au Parlement.
Quant au référendum que vous avez évoqué, je souligne que, si l’on veut se conformer aux engagements que l’on a pris, notamment sous la Ve République, il est toujours hasardeux d’assumer des engagements pris par d’autres que par soi-même. Or il ne vous a pas échappé que, lorsqu’il était candidat à l’élection présidentielle, le Président de la République a affirmé que la ratification suivrait la voie parlementaire. Il a été élu après l’avoir annoncé. En conséquence, nous ferons ce pour quoi il a été élu et nous suivrons les procédures qu’il a désormais toute légitimité de mettre en œuvre.
Monsieur le ministre, vous avez répondu, il y a quelques instants, à l’une des questions que je m’étais permis de vous poser concernant le plan de relance et les orientations sectorielles globales, en rappelant que l’une des lignes de conduite du Gouvernement serait de s’inspirer fortement des actions menées dans le cadre du programme pluriannuel à l’horizon 2020, s’agissant notamment de sa partie consacrée à la recherche et à l’innovation.
Travaillant actuellement au sein de la commission des affaires européennes du Sénat sur le budget à l’horizon 2020, précisément, et conduisant à ce titre un certain nombre d’auditions, je ne peux que me satisfaire des grandes orientations qui sont actuellement définies par la Commission, en accord avec le Parlement européen et en discussion avec le Conseil.
Sur certains aspects, je me permettrai d’émettre quelques doutes quant aux procédures telles qu’elles sont menées actuellement par les instances européennes. Vous avez, en particulier, évoqué ce plan de relance comme un levier pour l’activité des PME-PMI. Certes, tout un travail de simplification des procédures est en cours mais, en dépit de cette volonté, la capacité des PME-PMI à accéder aux fonds de l’Union européenne, notamment en matière de recherche et d’innovation, reste aujourd’hui extrêmement limitée.
Premièrement, peut-on envisager des procédures plus ciblées sur les PME-PMI dans le cadre de ce plan de relance ? De fait, malheureusement, aujourd'hui, seuls les grandes entreprises et les grands centres de recherche bénéficient de ce support.
Deuxièmement, le Conseil européen des 28 et 29 juin avait notamment pour but de trouver les premières lignes d’accord entre les États concernant le huitième programme pluriannuel. Êtes-vous en mesure de nous donner davantage de précisions à ce sujet, ou bien les discussions et les décisions ont-elles été reportées à plus tard ?
Monsieur le sénateur, les questions que vous soulevez sont très importantes, mais elles ne relèvent pas du plan de relance en tant que tel : elles portent davantage sur les modalités de fonctionnement des institutions européennes, notamment de la Commission, en aval du plan de relance, afin que les dossiers présentés puissent être instruits dans les meilleures conditions et que nous soyons assurés que les sommes allouées sont dépensées avec la réactivité qu’appellent l’urgence et la gravité de la crise.
Ce que nous souhaitons – ce vœu correspond du reste aux instructions données par le Président de la République et le Premier ministre aux membres du Gouvernement, notamment à moi-même –, c’est être en mesure d’examiner le plus rapidement possible les modalités de traitement des dossiers. Cet examen devra se faire non seulement avec la Commission mais aussi avec les régions, qui peuvent jouer un rôle d’interface utile dans la mobilisation de plusieurs fonds européens pour un certain nombre d’entreprises.
Au demeurant, les régions sont des acteurs importants des pôles de compétitivité. À ce titre, elles sont en relation avec des PME-PMI innovantes. Elles peuvent ainsi faire remonter des dossiers et attirer l’attention des États sur la nécessité, s’agissant de ces dossiers qu’elles instruisent, d’accélérer l’allocation des fonds, en vue de garantir l’efficacité et le respect des délais.
C’est tout ce travail qu’il nous faut accomplir en aval, en allant si possible dans le détail des procédures, pour faire en sorte que celles qui peuvent être allégées le soient. Ce travail mené en dialoguant avec la Commission sera d’autant plus utile que les constats que nous dresserons en expérimentant la mise en œuvre de ce plan de relance pourront justifier une réflexion entre les États membres et la Commission, dans l’optique de l’élaboration des perspectives budgétaires 2014-2020.
À ce stade, monsieur le sénateur, je ne peux pas répondre à votre question de manière plus précise. Toutefois, à mesure que nous progresserons dans nos travaux menés en lien avec la Commission, je m’engage à vous informer personnellement, ainsi que les commissions spécialisées des deux assemblées, de l’état d’avancement des réponses que nous apporterons à vos préoccupations.
Monsieur le ministre, lorsqu’on regarde la crise européenne de loin, je veux dire d’une autre région du monde, on a l’impression que deux phénomènes se conjuguent : d’une part, une crise du monde occidental, que nous partageons avec les États-Unis et le Japon ; d’autre part, une crise spécifiquement européenne, liée à une certaine caducité des processus de décision au sein de l’Union européenne et à notre incapacité à les faire évoluer.
Cette situation, qui nous affaiblit face au reste du monde, suscite une très grande préoccupation.
À cet égard, le dernier sommet européen opère une énorme avancée. C’était le premier Conseil européen du président François Hollande. À mon sens, ce sommet a profondément modifié l’architecture de l’Union européenne, en particulier en s’attaquant à un défaut fondamental de l’union monétaire.
Contrairement à ce que j’ai pu entendre tout à l'heure dans la bouche de collègues siégeant sur les travées de droite, la relation franco-allemande a été refondée à cette occasion sur des bases nouvelles, avec des objectifs et une perception de l’Europe différents, en dressant le constat suivant : dans l’Union européenne, il n’y a pas deux pays mais vingt-sept ; en outre, il y a des institutions européennes, et l’ensemble de ces acteurs méritent à la fois d’être écoutés et respectés avant d’établir une synthèse.
Lorsque j’affirme qu’il y avait un problème au niveau de l’union monétaire, je songe notamment à la supervision bancaire : nous avions une banque centrale indépendante, mais elle était irresponsable ! La supervision bancaire restait nationale, parfois laxiste, avec la complicité des États, parce qu’il y avait des recettes à la clef…
La Banque de France et l’Autorité de contrôle prudentiel n’ont jamais été laxistes !
… qui ont favorisé une supervision laxiste en contrepartie de recettes budgétaires.
Aujourd’hui, cette situation apparaît comme l’une des causes fondamentales de la crise à laquelle nous devons faire face.
Dans ce contexte, l’union bancaire est une solution, mais à condition de conduire cette analyse à son terme pour ce qui concerne le rôle de la BCE.
Ma question est donc la suivante : dès lors que l’on a constaté que la Banque centrale européenne devait aujourd’hui être non seulement indépendante mais responsable, celle-ci sera-t-elle effectivement responsable jusqu’au bout ? Quel sera le rôle des anciennes banques centrales nationales, qui n’ont plus de raison d’être dans la situation actuelle ? Comment cette supervision bancaire pourra-t-elle s’exercer concrètement ? Je le répète, celle-ci constituait l’un des éléments les plus déstabilisants de l’union monétaire telle que nous la connaissions jusqu’à présent.
Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question. Je vais tenter de rappeler les buts que nous souhaitons atteindre en la matière et le chemin sur lequel nous nous sommes engagés. Certes, nos objectifs ne sont pas encore tous atteints, mais un certain nombre d’entre eux sont mentionnés dans une feuille de route sur laquelle nous allons nous pencher de nouveau au cours des semaines et des mois qui viennent.
Ce que l’on a nommé l’union bancaire, ce sont trois éléments très précis, que je rappellerai brièvement dans un souci de clarté.
Premièrement, c’est la volonté de faire en sorte que les dépôts soient garantis. Il s’agit d’assurer aux déposants qu’ils peuvent maintenir leur confiance envers le système bancaire dans la mesure où celui-ci sera capable de continuer à assumer son rôle, précisément grâce à la sécurité des dépôts des financeurs de l’économie réelle.
Deuxièmement, c’est le dispositif de résolution des crises bancaires dont nous avions besoin compte tenu de l’ampleur des crises subies, de leur répétition et du fait qu’elles devenaient de plus en plus graves et profondes.
Troisièmement, c’est le système de supervision. De fait, on le comprend aisément, dès lors que l’on souhaite réguler l’activité bancaire, il faut établir des règles permettant d’éviter les errements du passé. En outre, lorsqu’on envisage la recapitalisation des banques via le Mécanisme européen de stabilité, il importe que la supervision garantisse que les actions menées ne seront pas accomplies en pure perte.
Voilà les trois piliers qui structuraient ce que l’on a nommé l’union bancaire.
Au terme des discussions qui sont intervenues et qui ont abouti aux conclusions du sommet, il a été décidé de commencer par la supervision, en liant d’ailleurs celle-ci à l’intervention du Mécanisme européen de stabilité, ce qui nous convient car nous n’envisageons pas un instant que l’on puisse recapitaliser les banques sans supervision, puisqu’il s’agit de défaire ce lien très funeste entre dettes souveraines et crises bancaires, qui accroît le risque de déstabilisation profonde des économies.
Donc, les modalités de ce dispositif de supervision, qui serait exercé par la Banque centrale européenne, doivent être précisées. C’est la raison pour laquelle il est prévu, dans les conclusions du sommet de la semaine dernière, qu’au mois d’octobre des propositions précises seront formulées, qui permettront de définir concrètement les modalités de la supervision, pour s’assurer de son efficacité, et les modalités d’intervention, dans le cadre de la supervision, du Mécanisme européen de stabilité.
Il m’est difficile d’en dire plus sur ce que seront les modalités de la supervision puisque nous attendons précisément que la Commission formule, au mois d’octobre, des propositions en la matière. Tout le dispositif de consolidation de l’union bancaire et de l’union monétaire sera profilé dans la feuille de route confiée aux quatre acteurs que sont le président de la Commission, le président de la BCE, le président de l’Eurogroupe et le président du Conseil européen. Je ne peux évidemment pas vous dire aujourd’hui quel sera le résultat des travaux que nous leur avons confiés. Sinon, à quoi servirait-il de leur avoir confié ces travaux ?
Je souhaite revenir sur la problématique de la convergence et de la cohérence entre nous et nos principaux partenaires de l’Union européenne.
Nos prédécesseurs ont créé l’union monétaire, avec les imperfections que l’on sait. Nous sommes en train de parfaire aujourd’hui l’union budgétaire, et nous nous en réjouissons. Tout cela pour arriver au troisième stade qui est l’union économique. Vous-même, monsieur le ministre, et un certain nombre de collègues de la majorité l’ont très clairement dit : nous avons besoin d’une union économique et monétaire.
Or les engagements pris par la France lors du Conseil européen des 28 et 29 juin et le fait que la Commission ait formulé un certain nombre de recommandations que vous avez prises en compte sont, à mon sens, « en incohérence » – ce n’est pas vous faire injure que de dire cela – avec les deux premières mesures prises par le gouvernement Ayrault, c’est-à-dire le retour à la retraite à 60 ans, l’augmentation du SMIC et, prochainement, la suppression de la TVA sociale ainsi que l’augmentation du nombre de fonctionnaires : autant de signes à l’adresse de notre principal partenaire, l’Allemagne, et à l’adresse des marchés.
Comment allez-vous procéder pour engager cette convergence entre les deux principales économies, à savoir l’économie française et l’économie allemande ? Cette question a, du reste, été également soulevée tout à l’heure par notre collègue Richard Yung.
Par ailleurs, je tiens à dire que je voterai le TSCG, tout simplement parce que j’avais, avant, décidé de le voter.
Mais il y a deux façons de voter, monsieur le ministre : soit avec enthousiasme, soit avec résignation. Pour le voter avec enthousiasme, j’aimerais savoir comment vous allez procéder pour engager les réformes structurelles dont notre pays a besoin.
Un certain nombre de membres de l’UMP auront, me semble-t-il, cette même interrogation. Donc, répondez-nous assez rapidement, avant que nous n’abordions la ratification du traité. Comme l’a dit M. le président de la commission des finances, à l’époque, si je ne me trompe pas, monsieur le président Sutour, le parti socialiste n’avait pas voté le MES. Nous, a priori, nous voterons le TSCG parce qu’il y va de l’intérêt de la France et de l’Europe.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le sénateur, Tocqueville, qui a passé beaucoup de temps dans le département de la Manche et qui disait que les habitants de notre département sont « violemment modérés », trouverait dans votre obstination, vous sénateur de la Manche, à développer des arguments ne correspondant pas à la réalité, une forme d’éloignement de son esprit. Cela ne vous ressemble pas !
Sourires. – M. Jean Bizet marque son étonnement.
Je voudrais donc vous convaincre d’arrêter d’utiliser des arguments qui ne correspondent pas à la réalité, ce que je vais essayer de vous démontrer, parce que je n’avance pas cela sans avoir l’envie de vous persuader et sans être sûr d’y parvenir.
Quelle situation avons-nous trouvée ? Une aggravation de la dette publique de 600 milliards d’euros : elle s’élevait à 1 200 milliards d’euros en 2007, elle est aujourd'hui de 1 800 milliards d’euros. Cette situation de dégradation des déficits vous a conduits, sans vous préoccuper hier de la rigueur budgétaire autant que vous vous en préoccupez aujourd’hui, et alors que le Premier ministre déclarait au début du quinquennat précédent que le pays était en faillite, à mettre en place un dispositif de politique fiscale en faveur de ceux qui n’avaient nul besoin de ces largesses, au détriment des équilibres budgétaires de notre pays et de ses comptes publics.
Vous avez mis en place un dispositif d’exonérations multiples de charges qui n’ont en rien restauré la compétitivité de notre économie puisque, le quinquennat passé s’est soldé par une augmentation de un million du nombre de chômeurs, qu’il a vu la destruction de 450 000 emplois industriels et la disparition de pans entiers de notre industrie. Et si la compétitivité d’une économie se mesure à sa capacité à exporter ses produits, nous héritons d’une situation où le déficit du commerce extérieur s’élève à 75 milliards d’euros quand les Allemands affichent 150 milliards d’euros d’excédent.
Donc, tout ce qui a été fait au cours des cinq dernières années a consisté à nous faire diverger profondément de l’objectif de justice sociale, de rétablissement des comptes publics et de compétitivité. Alors que nous sommes là depuis quelques semaines seulement, que notre objectif est de rétablir l’équilibre des finances publiques, voilà que l’on nous demande presque des comptes sur les effets de dix ans de politique dont vous, vous êtes comptables !
Cela étant précisé, monsieur le sénateur, je veux maintenant vous dire comment nous allons procéder concrètement.
Vous mentionnez les mesures qui ont été prises et vous en citez trois. D’ailleurs, comme tous les parlementaires de l’opposition les citent systématiquement dans les mêmes termes, j’imagine que vous devez tous avoir des fiches bien préparées…
Les trois mesures évoquées de manière itérative sont : premièrement, la retraite, deuxièmement, l’augmentation du nombre de fonctionnaires et, troisièmement, l’augmentation du SMIC.
Ces trois mesures représentent un volume global de 800 millions d’euros, intégralement financés et contrebalancés, ce qui n’est pas le cas des 1, 2 milliard d’euros de dépenses non gagées dont fait état la Cour des comptes et qui ont été, dans le budget 2012 dont nous héritons, mises sur le métier par la précédente majorité sans qu’il y ait en face le moindre euro de financement.
Comment allons-nous faire converger nos économies ?
Nous créerons, d’abord, les conditions de la compétitivité, en essayant de mettre en œuvre la politique qui est la nôtre et qui n’a pas vocation à être nécessairement la même que l’Allemagne. Après tout, il peut y avoir des chemins divers pour faire de la compétitivité, et nous ne sommes pas obligés de construire l’Europe en plagiant les autres ; il y a aussi en France un modèle, des entreprises, une économie justifiant que l’on mette en place des solutions qui correspondent à notre tissu économique, à notre tissu social et à notre ambition pour notre pays.
Quelles sont ces mesures pour la compétitivité ?
C’est d’abord la création de la banque publique d’investissement, qui permettra de mettre en place les moyens de financement de l’activité des PME-PMI innovantes, moyens qui n’existaient pas jusqu’à présent.
C’est ensuite l’institution d’un contrat de génération visant à maintenir dans les entreprises des ressources humaines qui sont un facteur de compétitivité.
Nous avons en outre l’intention d’engager une réforme de l’impôt sur les sociétés que vous n’avez jamais voulu faire, au point que le Président de la République précédent a découvert à la fin de son quinquennat que les grands groupes ne payaient pas d’impôts, comme si, pendant les cinq ans qui s’étaient écoulés, il n’avait pas eu le temps de s’en rendre compte… Nous, nous voulons faire en sorte que l’impôt applicable aux entreprises soit juste et efficace et qu’il permette l’investissement et l’innovation.
Si vous considérez que la mesure consistant à baisser significativement l’impôt sur les sociétés prélevé sur les PME et les PMI innovantes et à taxer davantage les grands groupes qui spéculent est marginale, je considère quant à moi que c’est une véritable mesure en faveur de la compétitivité. En effet, la compétitivité, cela suppose aussi que les entreprises qui font de l’innovation technologique, qui organisent la montée en gamme de leurs produits – car c’est également cela, la compétitivité d’une économie – puissent bénéficier d’une fiscalité incitative.
Voilà autant d’éléments qui permettront, à terme, d’aligner notre compétitivité sur celle des autres pays.
Quant à la trajectoire de finances publiques, on verra bien le résultat. On connaît le vôtre ! On pourra apprécier le nôtre à mesure que nos politiques se déploieront.
Nous avons indiqué que nous aurions 3 % de déficit en 2013 - nous sommes à 4, 5 % – et que nous voulions parvenir à l’équilibre en 2017. Nous prenons, dans le projet de loi de finances rectificative, des mesures de nature à nous engager sur ce chemin et il y aura un projet de loi de finances initiale pour 2013 qui conduira ce gouvernement à prendre ses responsabilités pour atteindre ces objectifs.
Vous nous posez des questions précises, je vous apporte des réponses précises. Dès lors que ces réponses vous sont apportées, vous pourrez, me semble-t-il, non seulement voter le traité que vous semblez vénérer, mais aussi tout ce qui en corrige les effets et permet d’avoir une politique globale où la discipline budgétaire, la croissance, le financement du budget de l’Union européenne, la régulation des marchés financiers, la supervision bancaire sont inscrits dans un ensemble qui forme un tout cohérent et qui permet d’assurer le redressement dans la croissance et la justice.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos portera sur un point que l’on pourrait qualifier d’annexe parmi ceux qui ont été adoptés par le Conseil européen.
En effet, à côté des décisions sur la stabilité financière et le pacte pour la croissance et l’emploi, le Conseil s’est félicité de l’adoption du cadre stratégique de l’Union européenne en matière de droits de l’homme et de démocratie, ainsi que du plan d’action y afférent.
Le conseil Affaires étrangères du 25 juin avait aussi insisté sur l’importance qu’il y avait à nommer un représentant spécial de l’Union européenne pour les droits de l’homme, dans le but de restaurer la crédibilité de l’Union sur la scène internationale, d’améliorer l’efficacité et la visibilité de sa politique en matière de droits de l’homme. Il a clairement exprimé le souhait que cette nomination ait lieu rapidement.
Trois favoris sont en lice : le Grec Stavros Lambrinidis, la Finlandaise Astrid Thors et le Français François Zimeray, qui dispose pour sa part d’une réelle expérience dans le domaine des droits de l’homme puisqu’il a été nommé ambassadeur pour les droits de l’homme en 2008 et confirmé dans ce rôle par Laurent Fabius.
Les eurodéputés déclarent que ce nouveau représentant des droits de l’homme doit posséder une expertise avérée dans ce domaine et bénéficier d’un mandat fort, indépendant et flexible, qui ne devrait pas être défini par des responsabilités spécifiques.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous en dire davantage sur le champ de compétences de ce haut représentant pour les droits de l’homme et, éventuellement, sur les chances de chacun des candidats ?
Madame le sénateur, je vous confirme l’importance que le gouvernement français attache à la mise en place d’un haut représentant chargé des droits de l’homme auprès de Mme Ashton. Celle-ci a d’ailleurs engagé les auditions en vue du recrutement de ce haut représentant.
Il y a, comme vous l’avez indiqué, plusieurs candidats, dont l’ambassadeur français pour les droits de l’homme, François Zimeray. Dès sa prise de fonctions et à plusieurs reprises au cours des dernières semaines, Laurent Fabius est intervenu pour faire en sorte que la candidature de François Zimeray puisse être prise en compte par les autorités qui auront à décider de la désignation du haut représentant ; une lettre leur a été adressée à cette fin.
Le haut représentant chargé des droits de l’homme doit, comme vous l’avez indiqué, disposer de l’expérience, de l’équation personnelle et aussi du réseau lui permettant d’être utile et de donner à cette responsabilité, qui peut être extrêmement importante au sein de l’Union européenne et tout à fait valorisante pour elle, le relief qu’elle doit avoir dès lors qu’on souhaite que l’Union européenne puisse jouer un vrai rôle sur ces sujets, conformément au vœu des institutions européennes et de Mme Ashton.
J’ai moi-même, à la faveur de mes rencontres avec mes homologues européens, qui m’ont parfois sollicité à ce propos, eu l’occasion d’exprimer la position du gouvernement français.
Je ne veux pas vous indiquer quel est l’état des chances des uns et des autres. La décision appartient à Mme Ashton et nous n’avons pas à décider à sa place ni à exercer sur elle des pressions qui seraient malvenues. Il reste que, tout en respectant ses prérogatives et le choix qu’elle sera, seule, amenée à faire, nous avons souligné les grandes qualités de l’ambassadeur François Zimeray, notamment son expérience, qui feraient de lui un excellent représentant de l’Union européenne pour les droits de l’homme.
Sans tomber dans un excessif optimisme, je me réjouis, comme mes collègues, des décisions et orientations du sommet européen des 28 et 29 juin. J’en félicite le Président de la République, de même que je vous félicite, monsieur le ministre, pour la clarté et la cohérence de vos réponses à nos questions.
Ces orientations répondent aux exigences du court terme, grâce à l’adoption du pacte de croissance. Pour le plus long terme, elles tracent la voie à suivre en vue de renforcer l’Union économique et monétaire.
Nous sommes bien sûr conscients que tout n’est pas réglé, et nous devons songer à la manière de financer à plus long terme des mesures pour une croissance durable.
Pour ce faire, nous devons assurer à l’Union européenne un budget à la hauteur de ses ambitions. Mon propos visera donc les négociations en cours sur les perspectives financières 2014-2020, auxquelles vous avez fait allusion tout à l’heure, monsieur le ministre, en évoquant les 1 000 milliards d’euros à répartir sur sept ans.
Je serai plus particulièrement intéressée par vos réponses sur la position française en matière de politique agricole commune et de politique de cohésion.
Toutefois, étant donné que le temps presse et que plusieurs collègues n’ont pas encore eu le temps de poser leurs questions, je comprendrais très bien, monsieur le ministre, que vous répondiez plus précisément à mes interrogations lors de votre audition commune par la commission des affaires étrangères et la commission des affaires européennes.
Il semble que, lors du Conseil européen des 28 et 29 juin, les débats relatifs aux perspectives financières aient été compliqués. J’aimerais donc que vous puissiez malgré tout dès aujourd’hui nous donner quelques indications sur la position française et sur l’état de la négociation, si possible de manière générale, mais aussi s’agissant des deux politiques que j’ai plus particulièrement évoquées.
Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice.
Comme je l’indiquais tout à l’heure en réponse à M. Gattolin, ces sujets qui concernent les perspectives budgétaires 2014-2020 sont extrêmement importants, notamment au regard de l’objectif consistant à générer de la croissance.
Je le rappelle, le précédent gouvernement avait considéré qu’il fallait diminuer de 200 milliards d’euros la contribution de la France au budget de l’Union européenne. Toutefois, cette baisse devait s’accompagner d’une sanctuarisation, que nous souhaitons également, des crédits alloués à la politique agricole commune – j’y reviendrai. Avait aussi été affichée la volonté de ne pas trop minorer les crédits consacrés à la cohésion, qui permettent à un certain nombre de pays de cheminer vers la convergence et de faire de la croissance. Il restait donc finalement très peu de ressources, dans un contexte où les piliers budgétaires étaient sanctuarisés, pour faire de la croissance, de l’innovation et de la recherche.
On voit bien d’ailleurs que, sur ce point, nous évoluons sous contrainte.
Toutefois, à cette heure, je ne suis pas encore en mesure de vous dire exactement quelle sera la position de la France dans la négociation qui doit se dérouler dans les mois qui viennent et qui se prolongera jusqu’à la fin de l’année 2012, voire au-delà. Nous sommes en effet engagés dans un processus interministériel d’analyse de la « boîte de négociations » présentée par la présidence danoise, analyse qui doit être croisée avec nos propres contraintes.
Nous devons notamment faire face au cruel dilemme devant lequel nous met la Commission européenne : d’une part, elle nous dit qu’elle veille au respect par l’ensemble des pays des trajectoires budgétaires qu’ils ont présentées et que nous devons à cet égard nous conformer aux recommandations qu’elle nous adresse ; d’autre part, elle nous demande de contribuer au budget de l’Union européenne de telle sorte que, si l’on suivait ses propositions, notre contribution passerait de 18 milliards à 23 ou 24 milliards d’euros. Les deux demandes sont difficiles à satisfaire simultanément. Nous devons donc adopter une position équilibrée et raisonnable afin d’essayer, dans la cohérence, d’utiliser le budget de l’Union pour faire de la croissance.
Ce je peux vous dire d’ores et déjà, c’est que ce travail interministériel doit nous permettre d’arrêter une position susceptible de matérialiser cette cohérence.
Par ailleurs, j’ai eu l’occasion d’indiquer lors des deux conseils Affaires générales auxquels j’ai participé qu’il n’était pas question pour nous d’accepter les amendements présentés par certains États à la « boîte de négociations » au sujet des crédits alloués à la politique agricole commune. En effet, un certain nombre de textes proposés par des États membres préconisaient de diminuer massivement les aides directes à la politique agricole.
Nous pensons, pour notre part, qu’il ne faut pas affecter un secteur d’activité qui souffre déjà beaucoup de la crise. Nous pouvons envisager des évolutions comme le verdissement de la politique agricole commune, qui peut apparaître souhaitable. Nous pouvons également envisager de procéder à des réorientations au sein des deux piliers de la politique agricole commune – les aides directes et l’accompagnement du monde rural. Mais nous ne souhaitons pas qu’on touche au principe des aides directes, à leur volume et au budget de la politique agricole commune. C’est la raison pour laquelle j’ai, à plusieurs reprises, pris des positions extrêmement claires sur les amendements qui étaient proposés par un certain nombre de pays en la matière.
Quant aux crédits de la cohésion, encore une fois, nous avons bien conscience qu’ils sont importants pour la croissance. Mais il faut qu’ils soient utilisés à bon escient. C’est dans cet esprit que nous nous sommes positionnés contre le filet de sécurité et pour le filet de sécurité inversé.
Le filet de sécurité permet à un certain nombre de régions qui bénéficiaient de la cohésion, et qui ne sont pas nécessairement dans les pays de la cohésion, de préserver les deux tiers de leur dotation dans le cadre des trajectoires budgétaires à venir. Nous considérons que ce sujet doit être débattu et nous ne sommes pas nécessairement favorables à ce filet de sécurité. Le filet de sécurité inversé constitue, quant à lui, un dispositif qui permet de maîtriser l’évolution des budgets alloués à un certain nombre de pays de la cohésion en fonction de l’évolution de leur PIB.
Telles sont les précisions que je peux vous apporter cet après-midi. Elles sont, me semble-t-il, suffisantes pour vous montrer que l’on travaille, mais je ne peux pas vous en dire trop non plus à un moment où les arbitrages interministériels sont en cours.
Je me réjouis tout d’abord de ce débat, qui a été conduit sur l’initiative de notre collègue Simon Sutour.
En écoutant certains propos tenus cet après-midi, j’ai pensé, monsieur le ministre, à la fable de La Fontaine le Renard et les raisins.
Car enfin, que n’a-t-on entendu sur la faiblesse des résultats obtenus, sur le fait que ces 120 milliards d’euros pour la croissance étaient vraiment insuffisants, que les 60 milliards d’euros de prêts, qui engendreront 180 milliards d’euros d’investissements privés, constituaient un chiffre médiocre, que la taxation des transactions financières était finalement très modérée ?
Je tiens, pour ma part, à dire que nous sommes fiers de ce qui a été obtenu au Conseil européen par le Président de la République et le Gouvernement, monsieur le ministre. On peut certes dire que c’est insuffisant. Mais vous avez impulsé le mouvement, créé le précédent, déclenché l’effet de levier.
Mes questions seront simples.
Premièrement, par rapport aux mesures pour la croissance que j’ai rappelées, quelles dispositions allez-vous prendre afin que cet élan, qui est enfin donné, en faveur d’une nouvelle politique économique en Europe, se prolonge dans le temps, qu’il soit un commencement présageant de nouvelles avancées, que vous obtiendrez mois après mois, année après année ?
Deuxièmement, pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, à quelles orientations vous pensez s’agissant des investissements ? Très concrètement, quels investissements pourraient être financés par cet effort de croissance que nous jugeons tellement bienvenu ?
Je vous remercie de cette question, monsieur Sueur.
Je dirai d’abord quelques mots sur notre état d’esprit après ce sommet, puisque vous évoquiez les commentaires parfois durs faisant état de l’insuffisance de ce qui a été obtenu.
Je constate d’ailleurs que nombre de ceux qui jugent les résultats obtenus insuffisants sont les mêmes qui, hier encore, expliquaient que ce que nous voulions obtenir n’était pas utile…
Impossible et inutile, cela faisait en effet beaucoup !
Nous avons réussi à le faire. Certes, ce n’est pas suffisant, et nous nous efforçons nous-mêmes de ne pas être suffisants au regard de ce que nous avons obtenu. C’est aussi une forme de changement puisque, ces derniers temps, chaque sommet était devenu un « sommet de la dernière chance », qui aboutissait à des opérations de communication en forme d’autocongratulations. Ce n’est absolument pas notre manière de procéder.
Le sommet qui vient de se tenir n’était pas un sommet de la dernière chance, mais seulement une étape d’un processus qui en appelle d’autres. Nous sommes engagés sur un chemin difficile, qui exigera de toute façon beaucoup de mobilisation dans les mois et les années qui viennent.
Nous ne nous glorifions pas du résultat que nous avons obtenu, mais nous considérons simplement qu’il constitue une étape utile pour atteindre le but que nous voulons pour l’Europe, à savoir plus de solidarité, plus de croissance et plus d’efficience des outils dont l’Union européenne se dote afin que les peuples ne soient pas condamnés à l’austérité.
Nous ne sommes pas dans une mise en scène, servie par une communication tonitruante, dont le Président de la République serait seul en situation de tirer profit, en expliquant qu’il aurait vaincu tout le monde pour atteindre son objectif.
Le Président de la République a d’ailleurs expliqué lui-même avec beaucoup de précision que personne n’avait « gagné » lors de ce sommet, sauf l’Europe, que nous n’avions pas « gagné » face à l’Allemagne tout simplement parce que nous étions engagés avec ce pays dans le même combat du sauvetage de la zone euro et du redressement face à la crise.
Je veux redire ici que le couple franco-allemand est sorti conforté de ce sommet, justement parce que nous nous sommes dit les choses avec beaucoup de franchise. On ne bâtit aucun compromis solide sur des ambiguïtés. Lorsque Helmut Schmidt et Valéry Giscard d’Estaing ou Helmut Kohl et François Mitterrand étaient confrontés à des étapes et des échéances importantes, c’est dans la franchise des propos qu’ils se tenaient les uns aux autres qu’ils bâtissaient des compromis solides qui permettaient à l’Europe d’avancer. Ils le faisaient avec pragmatisme, lucidité et modestie.
C’est tout à fait l’état d’esprit du Président de la République. Nous ne sommes pas là pour vaincre qui que ce soit ; nous sommes là pour aider l’Europe à progresser sur le chemin de la croissance et du redressement pour surmonter la crise.
Ce qui a été obtenu est une étape. C’est moins que ce que nous voulions, mais c’est plus que ce que l’on nous avait dit qu’il était possible d’obtenir voilà quelques semaines encore.
En conséquence, comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, nous devons poursuivre résolument ce travail. Comment y parvenir ?
Poursuivre ce travail consiste d’abord à suivre de près les effets de ce qui a été engrangé. Le Président de la République souhaite que les décisions prises soient concrètement mises en œuvre et, à cet égard, certaines questions que vous avez posées nous incitent à être extrêmement méthodiques et vigilants.
Cela veut dire qu’il nous faut mobiliser la Commission, les régions, les entreprises et les institutions financières françaises. Cette mobilisation générale, où chacun doit jouer son rôle, doit permettre de faire en sorte que les fonds soient affectés aux projets qui peuvent faire la croissance de demain.
Par ailleurs, il existe une feuille de route, celle de M. Van Rompuy, celle de la Commission, face à laquelle nous devons être extrêmement déterminés pour pouvoir aller plus loin dans le renforcement de l’Union économique et monétaire, afin que, à chaque étape de la construction de celle-ci, il y ait une composante d’intégration européenne qui permette à l’Europe d’être plus forte. C’est ce que le Président de la République a appelé l’« intégration solidaire ».
Étape après étape, nous viendrons devant le Sénat, l’Assemblée nationale et les commissions spécialisées des deux chambres pour rendre compte, répondre à vos questions et cheminer avec vous.
Vous me posez ensuite la question des projets que nous souhaitons voir prévaloir. Il s’agit bien entendu des projets qui assureront la croissance et l’emploi durables, qui engageront l’Europe dans l’innovation, la recherche, les transferts de technologie, la transition énergétique, et l’Europe a besoin d’une politique énergétique européenne davantage intégrée. Il y a là des gisements d’emploi et d’activité extraordinaires. D’ailleurs, vous pouvez le constater, la transition énergétique souhaitée par le Président de la République, qui avait été tant décriée par l’opposition, constitue aujourd'hui un formidable enjeu de développement de l’Europe s’articulant autour de la croissance verte et du développement de demain.
Tels sont les sujets sur lesquels nous souhaitons nous mobiliser, mais cet immense travail ne se fera pas sans le concours des parlements. Aussi avez-vous, monsieur le président de la commission, un rôle déterminant à jouer pour que nous puissions atteindre ces objectifs le plus harmonieusement et le plus rapidement possible.
La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
Au terme de ce débat, je voudrais revenir sur quelques points et apporter quelques éléments de conclusion.
Tout d’abord, je veux dire à notre collègue Jean Bizet que j’étais favorable au Mécanisme européen de stabilité et que, au Sénat, le vote du groupe socialiste en a permis l’adoption.
M. Jean-François Humbert exprime son scepticisme.
Ensuite, je voudrais apporter un certain nombre de précisions à la suite des propos tenus par notre collègue Gilbert Roger sur l’Union pour la Méditerranée.
S’agissant du Parlement, deux instances suivent ce projet : d’une part, l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée, où nos collègues Gilbert Roger et Raymond Couderc, par ailleurs maire de Béziers, représentent le Sénat, et, d’autre part, l’Union pour la Méditerranée, qui regroupe l’ensemble des parlements de l’Union européenne et les parlements des pays du bord de la Méditerranée, au sein de laquelle je siège et dont Martin Schulz, le président du Parlement européen, vient de prendre la présidence.
Une nouvelle impulsion va être donnée afin de coordonner les actions de ces deux instances, car c’est une nécessité.
Concernant les perspectives budgétaires, sachez, monsieur le ministre, que le Sénat, qui représente les collectivités territoriales françaises – les communes, les départements, les régions –, est très sensible à la politique de cohésion, car celle-ci concerne aussi notre pays.
À cet égard, a été adoptée ici à l’unanimité une résolution tendant à soutenir la proposition du commissaire européen Yohannes Hahn de créer des régions intermédiaires, qui ont été qualifiées de « régions en transition ». Le gouvernement précédent s’y était clairement opposé. Aussi, je souhaite que le nouveau gouvernement, que je soutiens, ait une approche un peu plus positive sur cette question, mais nous aurons l’occasion d’en reparler.
Permettez-moi, madame la présidente, de remercier, par votre intermédiaire, M. le président du Sénat d’avoir permis l’organisation de ce débat.
Sans vouloir polémiquer, je rappelle qu’il n’était plus question, voilà quelques mois, pour ne pas dire quelques années, d’organiser les débats préalables au Conseil européen dans cet hémicycle au motif qu’il fallait le réserver à d’autres sujets. On voulait qu’ils aient lieu en commission et, pour nous faire avaler la pilule, si je puis dire, dans le « petit hémicycle » de la salle Médicis. Mais ce temps est révolu grâce au président Bel, qui institutionnalise ainsi ce débat.
Certes, le débat a eu, cette fois-ci, une forme quelque peu particulière dans la mesure où l’habituel débat préalable au Conseil européen n’a pu être programmé en raison de l’installation du nouveau gouvernement. Toutefois, eu égard aux résultats obtenus, il est satisfaisant qu’il ait lieu après.
Notre débat a été extrêmement positif et, pour la première fois, je tiens à le répéter, il a été légitimé par la présence du Premier ministre. Aussi vous demanderai-je, monsieur le ministre, de bien vouloir remercier de nouveau M. Ayrault de sa présence.
Madame la présidente, je n’allongerai pas plus le débat, qui fut particulièrement long – quatre heures, c’est un record sur ce sujet ! – et extrêmement intéressant. Nous avons apprécié, monsieur le ministre, votre disponibilité, votre connaissance des dossiers et la pertinence de vos réponses. Nous vous retrouverons le 18 juillet prochain, lors de votre audition commune par la commission des affaires étrangères, et la commission des affaires européennes. Nous sommes tous ici, me semble-t-il, des Européens convaincus, et nous allons continuer à travailler ensemble pour une Europe différente, une Europe au service de tous.
Je n’ai pas perçu à temps que M. Alain Richard souhaitait également s’exprimer dans ce débat. Je ne lui donne donc la parole que maintenant et le prie de bien vouloir m’en excuser.
Je vous remercie, madame la présidente, mais c’est à moi qu’incombe entièrement la responsabilité de ce contretemps : je ne me suis pas manifesté avec suffisamment de vigueur.
Je ne suis pas connu ici pour être un homme complimenteur, mais je tiens à dire combien j’ai été frappé par la finesse, l’aisance et la précision avec laquelle le ministre a participé à ce débat interactif.
J’aimerais faire trois suggestions simples sur des sujets compliqués.
Premièrement, concernant le pacte de croissance, certains de nos collègues considèrent que 1 % du PIB de l’Union européenne représente un pourcentage mineur. Mais ce n’est pas du tout dérisoire si l’on se souvient de l’effet multiplicateur du plan Marshall, qui représentait entre 3 % et 4 % de la richesse européenne.
Toutefois, il faudra être moins sélectif dans le choix des projets, car la rapidité sera, monsieur le ministre, un élément clé.
Toutes les personnes qui travaillent sur le financement de projets innovants et de projets de transition, dans quelque domaine que ce soit, savent que, malheureusement, très peu de projets sont prêts. Aussi, je me permets de vous recommander de présenter des projets plus modestes, ou plus banals, qui ne fassent pas l’objet d’une grande communication, pour profiter de ces crédits à temps. On le sait, le caractère très méthodique des procédures de sélection et de validation fait que la rapidité est un défi.
Deuxièmement, l’union bancaire sera un combat, à l’instar de toutes les vraies unions. Il ressort de vos réponses, monsieur le ministre, que la qualité de la supervision est évidemment le principal sujet.
Nous partons de situations très disparates. Il faut faire converger les niveaux d’efficacité en matière de supervision et de contrôle bancaires. Puis-je vous suggérer, monsieur le ministre, que vous nous fassiez, le moment venu, un état des lieux des divergences que vous estimerez difficiles à combler entre les objectifs de supervision poursuivis par les différents États membres ? Cette question a été, depuis trois ans, l’un des facteurs aggravants de la crise. Maintenant qu’une impulsion est donnée, il ne faut surtout pas échouer sur le plan technique.
Troisièmement enfin, depuis le temps que l’on débat de ce sujet qui constituait l’un des manques flagrants de l’union monétaire, on vient de franchir la première étape de la mise en commun des dettes. C’est tout de même un jour à marquer d’une pierre blanche !
Il convient maintenant d’examiner les méthodes progressives, acceptables par tous nos partenaires, et par l’un d’eux en particulier, permettant de progresser dans cette mise en commun de la dette publique existante. À cet égard, le Gouvernement pourrait réfléchir à l’utile suggestion de notre collègue Richard Yung, défendue par un certain nombre d’économistes ayant, de surcroît, l’avantage d’être allemands, de recourir à la « tactique du salami » : il convient de prendre les éléments représentatifs de la dette constituée pour savoir comment nous pouvons progresser dans la mutualisation. Car il faut de la méthode dans ce domaine.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier tous ceux d’entre vous qui, toutes tendances politiques confondues, ont pris part à ce débat. Vos contributions ont été extrêmement intéressantes dans la mesure où vous travaillez les uns et les autres depuis longtemps sur ces sujets alors que, moi, j’exerce des responsabilités nouvelles. J’ai autant à apprendre de vous que vous avez d’informations à recevoir de moi. Cet échange m’est donc très utile et je me réjouis, monsieur le président Sutour, de revenir devant vos commissions des affaires étrangères et des affaires européennes le 18 juillet prochain pour une discussion plus approfondie.
Permettez-moi de répondre en quelques mots sur les trois points qu’a évoqués Alain Richard.
Concernant l’impact du pacte de croissance, la comparaison avec le plan Marshall est pédagogiquement très pertinente. À cet égard, j’indique à ceux d’entre vous qui m’ont interrogé tout à l'heure sur cette question que, si l’on rapporte 120 milliards d’euros à la part de la France dans le PIB global de l’Union européenne, l’impact du pacte de croissance sur l’économie française est de l’ordre de 20 milliards d’euros, ce qui n’est pas du tout négligeable. Cela nous donne la possibilité de faire des choses que nous n’aurions pas pu faire si nous avions dû les financer sur nos ressources propres.
Je partage tout à fait le sentiment d’Alain Richard quant à la nécessité de revenir devant le Sénat pour lui rendre compte de la manière dont nous travaillons avec la Commission européenne en vue de l’élaboration des projets précis qui bénéficieront de ces moyens.
Concernant la question de la mutualisation de la dette, Alain Richard a évoqué la proposition des Sages allemands consistant à mettre en place un fonds dit « de rédemption », qui permettrait de mutualiser la part de la dette supérieure à 60 %. Avec la feuille de route de M. Van Rompuy, qui comprend un dispositif de supervision et d’intégration, nous nous engageons à créer un climat de confiance permettant d’avancer davantage dans la mutualisation des outils dont nous disposons et dans celle de la dette.
Certes, nous pouvons vouloir des outils de solidarité, mais nous ne pouvons ignorer que les États avec lesquels nous voulons les faire vivre et les financer peuvent souhaiter que ces outils soient assortis d’un certain nombre de règles et de jalons propres à garantir que nous pourrons cheminer ensemble. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai indiqué que la relation franco-allemande sortait plutôt confortée de ce Conseil.
En effet, les exigences des uns se sont combinées aux demandes des autres, et nous avons cheminé ensemble avec la volonté de faire en sorte que chaque progrès soit assorti de contreparties. D’ailleurs, au sortir du sommet européen, Mme Merkel a utilisé une formule claire pour synthétiser les débats : « keine Leistung ohne Gegensleistung », c'est-à-dire « pas de progrès sans contrepartie ».
Conclure ce débat en allemand est une manière de dire au Sénat la force de la relation franco-allemande.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.
Nous en avons terminé avec le débat sur les résultats du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012.
Mes chers collègues, je vous rappelle que la conférence des présidents réunie le jeudi 28 juin dernier a prévu deux séances de questions orales les mardis 17 et 24 juillet 2012.
La liste des questions inscrites pour ces séances sera publiée au Journal officiel et sur internet.
Je rappelle que la commission des finances a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. François Marc, membre de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.
M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 5 juillet 2012, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 73 de la loi du 1er juin 1924 (2012-274 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 10 juillet 2012, à quatorze heures trente :
- Proposition de loi visant à abroger la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire (Procédure accélérée) (n° 595, 2011-2012)
Rapport de M. Daniel Raoul, fait au nom de commission des affaires économiques (n° 632, 2011-2012)
Texte de la commission (n° 633, 2011-2012)
Avis de M. René Vandierendonck, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 624, 2011-2012)
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures.