Intervention de Cécile Duflot

Réunion du 10 juillet 2012 à 14h30
Abrogation de la majoration des droits à construire — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement :

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous dire combien je suis heureuse de porter la voix du Gouvernement dans la Haute Assemblée pour l’examen de ce tout premier texte de la mandature.

C’est un grand honneur pour le Gouvernement de venir apporter son soutien à une initiative parlementaire qui correspond parfaitement, dans l’esprit comme dans la lettre, à l’action qu’il mène. Soyez certains que je saurai apprécier tant la qualité de vos travaux que votre liberté de ton ; j’espère que, de votre côté, vous saurez apprécier la mienne…

La loi du 20 mars 2012, cela a été rappelé, fut le fruit d’une initiative très largement improvisée, qui n’a donné lieu qu’à un simulacre de concertation avec les acteurs du logement, les associations d’élus locaux et les acteurs économiques. Annoncé le 30 janvier 2012, le projet de loi a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 8 février : ce n’est ni sérieux ni concevable pour légiférer. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, détermination et agitation. Ne serait-ce qu’en termes de méthode, ce gouvernement, tout en prenant les sujets à bras-le-corps, ne travaillera pas de cette manière.

Je suis la première à dire devant vous qu’il faudra mettre en place des dispositifs intelligents et efficaces pour concrétiser l’engagement présidentiel de construire 500 000 logements par an tout en luttant contre l’étalement urbain et pour la régulation des prix. Cet objectif est particulièrement ambitieux : cela n’a pas été fait depuis trente ans. Pour y parvenir, de nombreux leviers devront être actionnés.

Tout d’abord, monsieur le rapporteur pour avis, il faut évidemment des terrains. Pour cela, un programme de mobilisation du foncier public sans précédent sera lancé par le Gouvernement. Sa mise à disposition sera facilitée et simplifiée, avec une très forte décote, allant jusqu’à la cession gratuite, pour la réalisation de logements sociaux. Ce travail est déjà en cours et je peux vous assurer de la volonté du Premier ministre, qu’il a rappelée devant vous la semaine dernière, et de ma très grande détermination à faire aboutir la mise en place de ce dispositif le plus rapidement possible. Je sais que de nombreuses collectivités attendent, avec des projets déjà prêts, l’instauration d’un mécanisme de ce type. Cela étant, nous travaillerons également sur la mobilisation du foncier privé, avec l’instauration d’une fiscalité spécifique qui permettra de lutter contre la rétention foncière.

Ensuite, il faut bien sûr des droits à construire sur ces terrains, et pour cela des élus volontaires, qui doivent être soutenus. C’est la question essentielle, que nous allons poser ensemble, de l’échelle pertinente pour élaborer et mettre en œuvre des projets répondant tant au besoin d’une consommation limitée de l’espace qu’à celui de logements accessibles.

Enfin, il faut des investisseurs intéressés par la pierre. Les bailleurs sociaux joueront évidemment, dans cette période, un rôle de premier plan. Ils devront réaliser 150 000 logements par an. L’investissement des particuliers sera également nécessaire, tant pour l’accès à la propriété que pour la constitution d’un patrimoine locatif. Toutefois, un logement ne doit pas être réduit à une niche fiscale : on ne devient pas et on ne doit pas devenir propriétaire bailleur uniquement pour payer moins d’impôts. Des contreparties sociales et des contrôles devront être adossés aux mesures d’incitation fiscale à l’investissement locatif.

Je crois véritablement que l’enjeu est de permettre le retour des investisseurs institutionnels sur le segment du logement intermédiaire. C’est la condition essentielle de la constitution d’un parc locatif privé pérenne et de qualité.

Faire croire que la loi relative à la majoration des droits à construire allait permettre la relance de l’offre de logement, en facilitant l’agrandissement des logements existants et la production de logements nouveaux, était un leurre : on a pu s’en rendre compte.

Ainsi, le Gouvernement ne peut souscrire ni à la réponse apportée par la loi dite des 30 % ni à la méthode employée pour l’élaborer.

En premier lieu, conçu à la va-vite, ce dispositif présente de graves manques et insuffisances qui limitent sa portée et fragilisent, sur le plan juridique, les décisions prises pour son application.

Tout d’abord, l’objectif de lutte contre l’étalement urbain, que je juge majeur, n’est pas atteint par cette loi. En effet, telle qu’elle était prévue, la majoration automatique des droits à construire se serait appliquée, par exemple, dans les zones à urbaniser non encore équipées des réseaux publics.

Je doute aussi de la solidité de cette loi au regard des modalités d’association des citoyens à l’élaboration des documents traduisant localement la décision de majorer les droits à construire. Le Gouvernement ne peut faire supporter par les collectivités territoriales le risque que le juge vienne leur dire que leurs décisions sont contraires aux prescriptions de la Charte de l’environnement.

On peut enfin nourrir les plus grands doutes sur la disposition de cette loi selon laquelle, dans le cas d’un plan local d’urbanisme intercommunal, une commune membre d’un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de PLU pourrait prendre une décision contraire à celle ayant été arrêtée par l’organe délibérant de l’établissement public compétent. Outre qu’elle est source de désordre juridique et politique, cette disposition remet en effet frontalement en cause tout l’édifice des PLU intercommunaux, qu’il faut au contraire solidifier et développer, conformément aux orientations définies lors de la campagne présidentielle.

Vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, cette loi traduit, en second lieu, une vraie défiance à l’égard des collectivités territoriales. Je veux devant vous réaffirmer au contraire la confiance que ce gouvernement accorde aux élus pour atteindre leurs objectifs en matière de développement de l’offre de logements, sans méconnaître pour autant les enjeux environnementaux.

Fragile, inopportune, mal préparée, cette loi ne peut être maintenue. Le Gouvernement souhaite donc son abrogation le plus rapidement possible, afin que les collectivités ne soient pas enfermées dans des délais mécaniques, impossibles à maîtriser. L’importante question des règles d’urbanisme modernisées et de la compacité urbaine mérite une bien meilleure réponse que cette épée de Damoclès pesant sur les élus locaux.

Je salue donc l’initiative de Thierry Repentin, devenu mon collègue au sein du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, et remercie Daniel Raoul d’avoir rapporté cette proposition de loi avec le talent que chacun lui connaît. §

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