Les élus locaux n’utilisant même pas les possibilités existantes, on leur forcera donc la main. Pourquoi ces nouvelles possibilités seront-elles mieux utilisées par les acteurs du logement que celles qui existent déjà ? Mystère !
Les possibilités d’augmenter les droits à construire dans certaines zones, par délibération du conseil municipal, pour le logement social ou pour l’obtention d’économies d’énergie, existent déjà.
Le texte que nous allons abroger était donc inutile.
Inutile, au mieux, car l’augmentation systématique des possibilités de construction est une machine infernale dont malheureusement on ne connaîtra les effets sur le terrain que trop tard. Il importe donc de la désamorcer au plus vite, ce que demande d’ailleurs l’écrasante majorité des élus locaux.
C’est aussi un texte mal rédigé et donc source d’insécurité juridique, ai-je dit, un texte contraire aux règles habituelles du droit et au principe de libre administration des collectivités territoriales.
Le but est clairement de forcer la main aux collectivités, d’où l’inversion des règles habituelles : l’augmentation des droits à construire s’imposera sauf si, au terme d’une procédure compliquée, coûteuse et politiquement à risques – vous savez ce que sont les débats sur l’urbanisation dans nos communes ! –, les collectivités s’y opposent. Quant à la disposition permettant aux communes de récupérer une partie de la compétence urbanisme qu’elles auraient transférée à une intercommunalité, cette innovation juridique est une première. On marche sur la tête !
D’un côté, l’État tente de faire passer par la bande ses choix en matière d’urbanisme, revenant ainsi sur l’un des acquis majeurs, pour les communes, de la décentralisation de 1982-1983, un acquis tel qu’elles entendent bien résister à toute tentative de les en priver sans leur consentement, fût-ce au nom d’une rationalisation de l’intercommunalité ou de je ne sais quelle logique bureaucratique.
De l’autre, quand ces communes ont consenti volontairement à ce transfert, ce même État, lorsque ça l’arrange, les autorise à s’en affranchir.
Mais le principal reproche que l’on peut faire à la loi que nous allons abroger, c’est d’être une fausse réponse à deux vrais problèmes : le premier est celui du coût du foncier, le second celui du sous-financement de la politique du logement.
Le marché foncier n’étant ni concurrentiel ni homogène, une unité foncière ici n’étant pas substituable à une unité foncière là, injecter des droits à construire partout, comme on le ferait d’une monnaie avec la planche à billets, n’aura aucun effet à la baisse sur les prix et sur la rétention du foncier.
Pour lutter contre la spéculation foncière, le principal outil dont nous disposons, ce sont les établissements publics fonciers régionaux, dont il y a urgence à augmenter les possibilités d’intervention en leur donnant la liberté de moduler, dans une limite fixée par la loi, le montant de la taxe d’équipement dont ils bénéficient.
Quant au sous-financement croissant de la politique du logement, seule l’intervention, elle aussi croissante, des collectivités locales, notamment des communes et des intercommunalités, a pu le masquer. Nous atteignons les limites de l’exercice.
Personnellement, j’observe que, dans les plans de financement des projets de logement social que je connais, l’État intervient rarement au-delà de 5 %. Un alinéa à la loi de finances permettant d’augmenter ce niveau d’intervention aurait été plus utile que la loi du 20 mars 2012. Je le dis tout net, cette observation vaut aussi pour le présent gouvernement.
En conclusion, pour le RDSE, cette loi a déjà coûté suffisamment cher pour qu’on ne tarde pas à la renvoyer au néant qui l’a conçue.