En 1945, le Conseil national de la Résistance a décidé de mettre en place un dispositif destiné à contrer la spéculation sur les produits alimentaires, afin que les petits producteurs puissent tout simplement vivre du produit de leur travail. Il a opté pour un mécanisme appelé « coefficient multiplicateur » entre le prix au producteur et le prix au consommateur, mécanisme que je vais brièvement vous décrire.
Admettons que le coefficient multiplicateur soit de 1, 5 ; un distributeur qui achetait une salade 10 centimes au paysan de l’époque ne pouvait la revendre plus de 15 centimes au consommateur. Ainsi, si le distributeur voulait bénéficier d’une marge plus importante sur le produit, sa seule possibilité était d’augmenter le prix au producteur.
En effet, en achetant la salade 20 centimes, il la vendait ensuite 30 centimes et bénéficiait donc d’une marge de 10 centimes au lieu de 5 centimes.
Ce mécanisme a perduré jusqu’en 1986, date à laquelle il a été supprimé à la suite de l’ouverture des frontières aux importations agricoles.
Or, en raison de la réapparition d’une crise alimentaire depuis quelques années, le Gouvernement a dû faire des concessions et il s’est résolu, par la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, à rétablir ce procédé en France, très précisément en cas de crises conjoncturelles ou en prévision de celles-ci, pour une durée ne pouvant excéder trois mois. Toutefois, les modalités d’application de ce mécanisme de contrôle des prix n’ayant jamais été définies, ces dispositions sont restées lettre morte.
Le présent amendement vise à étendre ce dispositif au-delà des situations de crise conjoncturelle pour permettre son application réelle, mais aussi afin de prendre en compte le fait que les déséquilibres auxquels il devait remédier sont aujourd’hui généralisés au-delà d’une période particulière.
Je tiens à rappeler que de nombreux pays européens ont déjà mis en place des dispositifs similaires sans provoquer aucune réaction de la Commission. Ainsi, l’Espagne a mis en œuvre un système très proche de « cliquet », en vertu duquel se déclenche un mécanisme de fixation automatique des prix dès qu’une crise apparaît. De même, en Allemagne, des outils de protection des fournisseurs ont été développés, qui contreviennent délibérément aux mécanismes du marché.
L’an dernier, le ministre de l'agriculture et de la pêche, Michel Barnier, a menacé de remettre en place le coefficient multiplicateur en dénonçant les abus de la grande distribution. Les abus persistant, je propose que nous appliquions cette mesure.
Parce que le coefficient multiplicateur a fait ses preuves et parce que sa mise en œuvre ne nous semble pas soulever de grandes difficultés techniques dès lors qu’existe la volonté politique, nous vous demandons d’adopter cet amendement.