Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 11 juillet 2012 à 14h30
Harcèlement sexuel — Article 1er

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Je voudrais profiter de ce débat pour évoquer la situation des personnes dites « trans », c'est-à-dire transsexuelles ou transgenres.

Il me paraît quelque peu surprenant qu'un projet de loi affichant parmi ses finalités la lutte contre les discriminations se trouve être discriminatoire par omission.

Si la prise en compte de ces personnes dans le texte que nous examinons pouvait apparaître à certains, au premier regard, dépourvue d'intérêt au motif que le harcèlement sexuel s'étend à leurs yeux à toute situation de harcèlement à connotation sexuelle, tant le débat démocratique que les réalités de la vie nous imposent de nous pencher sur leur situation, car elles sont des cibles privilégiées du harcèlement sexuel.

Les transsexuels inspirent à beaucoup des fantasmes, dans le très mauvais sens du terme, ce qui suscite des comportements néfastes, voire prédateurs, liés à une incompréhension ou à une haine de la différence. En effet, quoi de plus différent qu'une personne « trans » ?

La transsexualité existe depuis l'aube des temps, dans toutes les cultures. Nul ne sait aujourd'hui en expliquer l'origine. L'unique nouveauté apportée par la modernité est la possibilité médicale d'opérer une transformation physique, seul choix ouvert aux personnes concernées pour sortir de leur souffrance et pouvoir faire abstraction du genre qui leur a été assigné à la naissance, sur la base de constatations visuelles.

Au-delà de cette particularité et des étiquettes trompeuses, il s'agit avant tout de personnes, de citoyens et de citoyennes à part entière, qui essaient, en dépit de grandes difficultés, de mener une vie normale, de travailler, d'étudier, de rester auprès de leurs enfants. Ils essaient, tant bien que mal, de remplir les mêmes obligations que tous leurs concitoyens et doivent, par conséquent, pouvoir bénéficier de la même protection et des mêmes droits.

Notre rôle de parlementaires est de protéger l'ensemble de nos concitoyens, et surtout les plus vulnérables d'entre eux. Or les transsexuels sont bien des personnes vulnérables, notamment lors de leur transition.

Force est de constater que le taux de harcèlement sexuel au sein de cette population est extrêmement élevé : la moitié des adultes « trans » ont été victimes de harcèlement, y compris sexuel. Chez les jeunes, cette proportion atteint 80 %. De plus, 6 % des adultes et jusqu'à 12 % des mineurs ont subi des agressions sexuelles. Le harcèlement sexuel vise le plus souvent à les humilier.

Cette situation est d'autant plus préoccupante que le harcèlement marque souvent le début d'un engrenage de grande marginalisation et d'exclusion sociale. Les personnes « trans » harcelées au travail perdent trois fois plus souvent leur emploi que les autres, et elles deviennent alors des SDF dans 40 % des cas.

Les mineurs ayant subi des actes de harcèlement sont trop souvent déscolarisés, la moitié d'entre eux se retrouvant à la rue. En effet, l'avenir de ces jeunes, dépourvus de qualification, sans expérience, vulnérables, pour une grande partie d'entre eux rejetés par leur famille, est assez prévisible…

Le harcèlement sexuel met directement en jeu la vie des personnes « trans » : au sein de cette population, le fait d'avoir été harcelé induit une augmentation de 74 % de la probabilité de commettre une tentative de suicide. La perte du travail, la déscolarisation, les agressions sexuelles entraînent également une hausse significative du taux de tentatives de suicide. Ainsi, pour les « trans » ayant été victimes d'une agression sexuelle alors qu'ils étaient mineurs, ce taux est environ deux fois plus élevé que celui que l'on constate parmi les autres transsexuels.

Fermer les yeux sur un tel état de choses n'est plus possible ! Quand ces personnes souffrent, leur entourage souffre aussi, affectivement et financièrement. En France, de 5 000 à 10 000 enfants sont issus de parents « trans », de 3 000 à 5 000 personnes sont conjoints ou ex-conjoints de « trans ». En incluant les parents, les frères et sœurs, les collègues, les amis, c'est tout un tissu social comportant entre 50 000 et 75 000 personnes qui est fragilisé par la vulnérabilité exacerbée des personnes « trans ».

Permettez-moi de citer à mon tour l'article 3 de la directive 2006/54/CE : « La Cour de justice a considéré que le champ d'application du principe d'égalité de traitement entre les hommes et les femmes ne saurait être réduit aux seules discriminations fondées sur l'appartenance à l'un ou l'autre sexe. Eu égard à son objet et à la nature des droits qu'il tend à sauvegarder, ce principe s'applique également aux discriminations qui trouvent leur origine dans le changement de sexe d'une personne. »

Nous avons donc l'obligation, me semble-t-il, par respect pour la dignité et la vie de l'ensemble de nos concitoyens, par respect pour nos valeurs, par respect pour nos obligations internationales, de remédier à la situation présente des personnes « trans ».

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