Nos concitoyens regrettent la dispersion des responsabilités et des initiatives. Mais ils se rendent aussi bien compte que, lorsque l'on mène des efforts de coordination en ajoutant des structures de coordination à d'autres structures de coordination, on ajoute à la confusion et que les acteurs passent finalement davantage de temps à essayer de se coordonner que de répondre aux demandes du public. On est ici dans la caricature, et les politiques publiques de l'insertion n'y échappent pas, au moment même où les besoins sont énormes et les moyens limités.
Alors, certes, la politique de l'emploi au niveau macroéconomique est bien une compétence qui appartient à l'État mais, si l'on raisonne en termes de développement économique, l'intervention des régions se justifie, de même que celle des grandes intercommunalités, à la condition bien sûr que ces trois niveaux se coordonnent.
La mise en relation de l'offre et de la demande d'emploi, qui n'est pas une tâche aisée lorsque l'on s'adresse à des personnes parfois très éloignées de l'emploi, dépend largement de cette coordination entre acteurs, qui ne fonctionne malheureusement pas toujours, sauf dans les missions locales et en particulier pour les jeunes, à la condition d'agir simultanément sur l'insertion professionnelle et l'accompagnement social. Or, l'insertion professionnelle, notamment en matière de formation, est une compétence de la région, alors que l'accompagnement social est de la compétence pleine et entière du département. Au final, on se rend souvent compte qu'il n'y a aucune coordination.
Je suis maire d'une ville de 13 000 habitants comptant 1200 chômeurs inscrits à Pôle emploi, 650 allocataires du RMI, un taux de chômage de 20 % et même de 40 % dans certains quartiers et, depuis dix ans, je n'arrive toujours pas à faire travailler ensemble la maison de l'emploi et les assistantes sociales qui, au nom du secret professionnel, refusent même le concept de confidentialité partagée entre professionnels de l'insertion. Pourtant, quelles que soient les structures ou les réunions passées à essayer de monter des actions en commun, les efforts, aussi grands soient-ils, sont voués à l'échec s'il n'existe pas de traitement intégré des dossiers à travers le double prisme de l'insertion professionnelle et de l'accompagnement social.
On constate, selon les bassins d'emploi, que les missions locales s'articulent plus ou moins bien avec les travailleurs sociaux ou les acteurs de Pôle emploi, avec qui il est possible de contractualiser. Ce n'est donc pas tant la multiplicité des structures mais plutôt le cloisonnement de celles-ci qui irrite les élus locaux.
Les missions locales ont constitué de l'intercommunalité avant l'heure. Or, et cela me parait être une grande carence de notre droit, dès lors que l'on a des missions locales sur tout le territoire, qui mettent en oeuvre un service public universel financé par l'État et par les régions, l'insertion sociale et professionnelle devrait logiquement pouvoir être dans les compétences obligatoires de l'intercommunalité.
En revanche, ce qui doit demeurer au niveau communal, ce sont les missions locales qui restent en rapport direct avec les acteurs de la commune sur le suivi individualisé des dossiers. Sur ce dernier point, on doit, à mon avis, aller vers davantage de proximité et de décloisonnement au moyen de la confidentialité partagée, et surtout vers un rapprochement entre la politique d'insertion et de formation professionnelle de la région et la politique d'insertion sociale du département.