Madame la Présidente, mes chers collègues, la politique de l'emploi, vous le savez, est une compétence qui revient essentiellement à l'État. Mais les collectivités territoriales se sont fortement engagées dans ce domaine, bien avant que la loi leur reconnaisse un rôle en ce sens.
J'ai procédé à plusieurs séries d'auditions afin de recueillir les témoignages des associations d'élus, de l'administration, de Pôle emploi, des maisons de l'emploi, des missions locales et des plans locaux pluriannuels pour l'emploi (PLIE), des partenaires sociaux, des associations de chômeurs et de salariés précaires, ainsi que des chambres consulaires. J'ai également effectué deux déplacements, à Lille et à Marseille, pour me rendre compte, sur le terrain, de l'organisation des politiques de l'emploi menées au niveau local.
L'engagement des collectivités et de leurs groupements se justifie à plusieurs égards.
Tout d'abord, la politique de l'emploi doit être adaptée aux territoires et prendre en compte leurs spécificités.
Ensuite, cette politique doit être une politique intégrée, qui fait le lien entre l'insertion professionnelle et l'insertion sociale, mais aussi entre le développement économique, l'emploi et la formation. Les transferts de compétences opérés par la décentralisation rendent ainsi nécessaire la participation des collectivités à la politique de l'emploi. Celle-ci ne peut plus se limiter à une opération de placement des demandeurs d'emploi, mais doit, notamment, anticiper et accompagner les mutations économiques.
Si leur intervention en faveur de l'emploi est justifiée, les collectivités ne souhaitent pas se substituer à l'État ou à Pôle emploi. Au contraire, c'est dans une logique de complémentarité et de partenariat qu'elles agissent.
Dans l'ensemble, les personnes auditionnées ont dressé un bilan positif de l'action des collectivités dans le champ des politiques de l'emploi. C'est la raison pour laquelle la reconnaissance de leur rôle dans ce domaine doit être effective. Les partenariats entre les collectivités et Pôle emploi doivent notamment être renforcés. À cette fin, une plus grande place doit être donnée aux collectivités dans la gouvernance de Pôle emploi, comme je l'évoque dans la proposition 1.
Malgré une appréciation d'ensemble positive, on ne saurait nier l'extrême hétérogénéité qui caractérise les territoires. Les auditions ont révélé que certaines instances n'avaient localement plus lieu d'être, ou devaient voir leur mode de fonctionnement remanié pour que leur plus-value soit préservée. Pour répondre à ces difficultés, il me semble nécessaire de promouvoir une évaluation raisonnée, élaborée de façon partenariale, des différentes instances intervenant dans le domaine de l'emploi. C'est l'objet de la proposition 5. J'insiste sur l'adjectif « raisonnée », car l'évaluation peut aussi avoir des effets pervers, qu'il convient d'éviter.
En fait, la multiplication des acteurs crée une difficulté majeure, qui a été soulevée de façon récurrente : la complexité du paysage institutionnel des politiques de l'emploi menées au niveau local avec, pour corollaire, un manque de lisibilité des actions menées. Dans ce que l'on peut qualifier de véritable « maquis », ou de « mille-feuilles », les personnes à la recherche d'un emploi, déjà dans des situations difficiles, sont désorientées. Les acteurs eux-mêmes avouent ne pas toujours s'y retrouver. L'absence de « pilote dans l'avion » a fréquemment été déplorée.
Une simplification de ce paysage est souhaitée de façon unanime. La question en suspens est la suivante : comment fait-on ? Hélas, il n'y a pas de formule magique et il faut, à mon sens, se garder de tout simplisme. La volonté d'y voir plus clair, tout à fait légitime, ne doit pas anéantir les spécificités des initiatives locales, qu'il s'agisse de leur proximité avec les territoires ou de leur caractère intégré.
Dès lors, il est nécessaire de clarifier, mais sans rigidifier, les rôles de chacun, afin de tenir compte de l'hétérogénéité des territoires. Il me semble en effet illusoire de vouloir appliquer sur l'ensemble du territoire un schéma uniforme de répartition des interventions dans ce domaine.
Dans ce cadre, un effort particulier doit être mené au niveau de la coordination des acteurs. Il ne s'agit pas seulement de la renforcer, mais aussi de la fluidifier. Or, les récentes initiatives de l'État dans ce domaine n'ont pas toujours porté leurs fruits.
La piste d'un pilotage par les collectivités des politiques de l'emploi menées au niveau local, notamment par le couple Région-Intercommunalités, a été évoquée à plusieurs reprises. Compte tenu de leurs compétences en matière de développement économique et de formation, elle doit, à mon sens, être étudiée avec attention. Toutefois, à la veille d'un nouvel acte de la décentralisation, et compte-tenu de l'évolution attendue du cadre dans lequel interviennent les collectivités, je n'ai pas souhaité arrêter de position figée à ce sujet. Cette question devra néanmoins trouver une réponse au plus vite. C'est le sens de ma proposition 3.
Outre cette recommandation, des réponses plus ciblées peuvent être apportées aux difficultés créées par la multiplication des acteurs.
Pour réduire le nombre d'acteurs, les rapprochements entre maisons de l'emploi, missions locales et PLIE au niveau local doivent être davantage encouragés. Déjà réalisés dans certains territoires, ils accroissent la lisibilité et la cohérence des interventions menées par ces différentes instances. Or, à l'heure actuelle, ils peuvent être freinés par des rigidités d'ordre comptable. C'est la raison pour laquelle je propose de reprendre la proposition de simplifier leur cadre comptable et financier, dans la proposition 4.
Enfin, il importe de simplifier les démarches des personnes à la recherche d'un emploi. Elles sont aujourd'hui obligées d'exposer leur parcours et leur situation devant chaque nouvel interlocuteur. Pour leur éviter la répétition de cet exercice fastidieux, un effort particulier pourrait être mené au niveau de l'échange des données entre les différents acteurs. À défaut, on pourrait imaginer la création d'un livret ou d'une carte rassemblant l'ensemble des données nécessaires à leur accompagnement. Cette idée a également été proposée par M. Joyandet, dans son rapport sur l'emploi des jeunes remis en janvier dernier. Il s'agit de la proposition 2.
Certaines de ces propositions sont déjà mises en oeuvre au niveau local. Pour ma part, j'ai pu observer que la collaboration entre les différentes collectivités territoriales et Pôle emploi est déjà une réalité dans de nombreux territoires. Cette collaboration est maintenant ancienne et remonte à la création, il y a plus de 30 ans, des missions locales, et d'abord celle de Béziers, que je connais bien pour la présider encore aujourd'hui ; comme je préside également le PLIE et la maison de l'emploi, je peux témoigner du fait que la collaboration existe, que les actions sont coordonnées. D'où mon étonnement lorsque je vois que vous proposez de « promouvoir une évaluation raisonnée, élaborée de façon partenariale, des différentes instances intervenant dans le domaine de l'emploi » alors que cela existe déjà. Sans doute que cela n'est pas le cas dans tous les territoires ? Sans doute faut-il envisager vos recommandations comme témoignant du fait qu'il y a des pratiques très diverses selon les territoires ?
Ensuite, s'agissant de votre proposition de « simplifier le cadre comptable et financier des structures regroupant plusieurs instances », je souhaiterais que vous nous précisiez de quoi il s'agit concrètement. Par exemple, on sait bien que chaque structure dispose de son propre conseil d'administration. Est-ce que cela signifie que vous souhaitez regrouper, dans un même budget, l'ensemble des structures qui travaillent localement dans le secteur de l'emploi ?
Je voudrais tout d'abord saluer les propositions qui vont dans le sens d'un meilleur partenariat entre les différents acteurs de la politique de l'emploi.
Au regard de l'évolution des compétences des régions et des intercommunalités en matière de développement économique, on ne peut qu'encourager la mobilisation des acteurs locaux. Aujourd'hui, beaucoup de projets de territoire sont menés au niveau de l'intercommunalité et il serait intéressant, justement, de faire un lien plus étroit entre la création d'emploi et ces projets de territoire en bénéficiant du soutien des structures de Pôle emploi.
On rencontre souvent, comme cela a été dit, une étanchéité entre ces structures qui pourraient être regroupées. Pour pallier le défaut de liens réguliers avec ces instances, la présence des élus au sein des structures de gouvernance locale de Pôle emploi pourrait donc être pertinente.
Une autre solution, que vous avez abordée à juste titre, est celle de la coordination entre les différents acteurs. Il est vrai que, aujourd'hui, interviennent Pôle emploi, les missions locales, les collectivités... et que l'efficacité d'ensemble de toutes ces interventions gagnerait beaucoup à une meilleure coordination. Les maisons de l'emploi, chaque fois qu'elles sont constituées, font leurs preuves sur le terrain et peuvent être le bon outil dans cette mobilisation générale en faveur de l'emploi.
Je rappellerai ensuite le précédent des anciens comités de bassin, qui étaient des formes de groupes d'action locale (GAL). Il pourrait être utile, sous cette forme, d'associer les acteurs sociaux et économiques aux projets territoriaux afin de répondre aux besoins exprimés en matière d'emploi. Cela constituerait un gage d'efficacité.
Enfin, s'agissant des missions locales, il convient certainement de simplifier le cadre comptable mais en prenant bien en compte ce que cela signifie concrètement. Surtout, ce qui me parait le plus important, c'est que dans nos territoires, les missions locales ont de plus en plus de difficultés à exister aujourd'hui face au désengagement de l'État, et ce constat est largement partagé. Mais il ne faut pas stigmatiser uniquement celui-ci car, dans ce domaine, de nombreuses collectivités ne participent pas aux missions locales. Celles-ci n'ont plus réellement les moyens de leur action. D'où la nécessité de renforcer leur partenariat avec les collectivités territoriales et de mobiliser l'investissement de l'État dans ces structures extrêmement utiles pour les jeunes en difficulté.
Je souscris pleinement à l'analyse de notre collègue Raymond Couderc lorsqu'il relève que le fait de présider les trois structures facilite les choses. Pour autant, cette configuration ne se retrouve pas dans tous les territoires. Pour ce qui me concerne, dans le territoire où je suis élu, le PLIE est mort car les collectivités n'ont pas voulu mettre la main à la poche et nous avons même perdu des fonds européens en le faisant disparaitre, ce qui était évidemment très regrettable. La mission locale survit péniblement aujourd'hui, après avoir fait un travail remarquable auprès des jeunes. Quant à Pôle emploi, nous rencontrons de vraies difficultés de moyens, de management et de considération à l'égard du personnel, qui se répercutent sur les demandeurs d'emplois : avec une moyenne hebdomadaire de 120 dossiers à traiter par agent, on est loin du meilleur service rendu aux personnes en recherche d'emploi.
Je souscris également à l'idée d'associer les collectivités territoriales, car elles disposent d'une connaissance fine des réalités de terrain. C'est d'ailleurs ce qui a bien fonctionné avec les missions locales, auxquelles toutes les collectivités contribuaient. Tout cela disparait aujourd'hui et je ne donne pas cher de l'avenir des missions locales si on ne leur donne pas un second souffle grâce à une meilleure gouvernance, à l'image de celle qui nous est proposée.
La question de l'emploi est au coeur de nos préoccupations. C'est le sujet transversal à toutes nos réflexions, un engagement fort dont les collectivités territoriales ne pourront s'affranchir, y compris financièrement. Sans doute faut-il éviter maintenant les sollicitations constantes auprès des collectivités, communes ou groupements de communes pour financer tous les dispositifs, car au final il y a une saturation et une perte de lisibilité quant à leur efficacité réelle.
C'est pourquoi j'approuve dans leur principe ces propositions qui vont dans le bon sens, c'est-à-dire celui du résultat. Certains chercheurs d'emploi ont malheureusement bien du mal à en trouver. C'était d'ailleurs la mission du PLIE que de leur permettre de se réconcilier avec eux-mêmes avant d'engager des démarches auprès des employeurs, mission qui demande des moyens financiers et beaucoup d'investissement et de compétences de la part des animateurs.
Nos concitoyens regrettent la dispersion des responsabilités et des initiatives. Mais ils se rendent aussi bien compte que, lorsque l'on mène des efforts de coordination en ajoutant des structures de coordination à d'autres structures de coordination, on ajoute à la confusion et que les acteurs passent finalement davantage de temps à essayer de se coordonner que de répondre aux demandes du public. On est ici dans la caricature, et les politiques publiques de l'insertion n'y échappent pas, au moment même où les besoins sont énormes et les moyens limités.
Alors, certes, la politique de l'emploi au niveau macroéconomique est bien une compétence qui appartient à l'État mais, si l'on raisonne en termes de développement économique, l'intervention des régions se justifie, de même que celle des grandes intercommunalités, à la condition bien sûr que ces trois niveaux se coordonnent.
La mise en relation de l'offre et de la demande d'emploi, qui n'est pas une tâche aisée lorsque l'on s'adresse à des personnes parfois très éloignées de l'emploi, dépend largement de cette coordination entre acteurs, qui ne fonctionne malheureusement pas toujours, sauf dans les missions locales et en particulier pour les jeunes, à la condition d'agir simultanément sur l'insertion professionnelle et l'accompagnement social. Or, l'insertion professionnelle, notamment en matière de formation, est une compétence de la région, alors que l'accompagnement social est de la compétence pleine et entière du département. Au final, on se rend souvent compte qu'il n'y a aucune coordination.
Je suis maire d'une ville de 13 000 habitants comptant 1200 chômeurs inscrits à Pôle emploi, 650 allocataires du RMI, un taux de chômage de 20 % et même de 40 % dans certains quartiers et, depuis dix ans, je n'arrive toujours pas à faire travailler ensemble la maison de l'emploi et les assistantes sociales qui, au nom du secret professionnel, refusent même le concept de confidentialité partagée entre professionnels de l'insertion. Pourtant, quelles que soient les structures ou les réunions passées à essayer de monter des actions en commun, les efforts, aussi grands soient-ils, sont voués à l'échec s'il n'existe pas de traitement intégré des dossiers à travers le double prisme de l'insertion professionnelle et de l'accompagnement social.
On constate, selon les bassins d'emploi, que les missions locales s'articulent plus ou moins bien avec les travailleurs sociaux ou les acteurs de Pôle emploi, avec qui il est possible de contractualiser. Ce n'est donc pas tant la multiplicité des structures mais plutôt le cloisonnement de celles-ci qui irrite les élus locaux.
Les missions locales ont constitué de l'intercommunalité avant l'heure. Or, et cela me parait être une grande carence de notre droit, dès lors que l'on a des missions locales sur tout le territoire, qui mettent en oeuvre un service public universel financé par l'État et par les régions, l'insertion sociale et professionnelle devrait logiquement pouvoir être dans les compétences obligatoires de l'intercommunalité.
En revanche, ce qui doit demeurer au niveau communal, ce sont les missions locales qui restent en rapport direct avec les acteurs de la commune sur le suivi individualisé des dossiers. Sur ce dernier point, on doit, à mon avis, aller vers davantage de proximité et de décloisonnement au moyen de la confidentialité partagée, et surtout vers un rapprochement entre la politique d'insertion et de formation professionnelle de la région et la politique d'insertion sociale du département.
Je partage tout à fait cette analyse. Je constate, et c'est intéressant, l'absence de remise en cause et même, finalement, l'adhésion large à la fusion ANPE-ASSEDIC, dont l'efficacité a été reconnue.
Il n'y a évidemment pas assez de moyens dans la politique de l'emploi, comme l'a reconnu, sur ce point, le Premier ministre dans son discours de politique générale... ce qui porte à conclure que davantage de moyens y seront à l'avenir consacrés.
S'agissant de la première proposition, il me semble avant tout nécessaire de rapprocher Pôle emploi du conseil général, qui gère aujourd'hui le RSA, car il y a un vrai problème de coordination entre les deux, problème que l'on observe dans de nombreux départements. Ce rapprochement avec le département, et avec les collectivités en général, ne saurait cependant servir de prétexte à une sollicitation financière consistant à demander aux collectivités territoriales de participer financièrement à la place de l'État à l'effort en la matière.
Quant à la troisième proposition, elle s'inscrit dans le cadre de la décentralisation, mais que fait-on, dans ces conditions, de la politique de l'emploi ? Faut-il qu'elle soit décentralisée ? Sans doute cela est-il un autre débat.
Il faut être initié, voire expert, pour s'y retrouver dans le maquis des outils mis au service de cette politique. Pour les non initiés, et d'abord pour les demandeurs d'emploi, les mécanismes sont souvent d'une grande complexité. C'est un constat qui constitue le fil rouge de votre rapport et c'est pourquoi j'approuve les propositions que vous faites. Toute initiative pour faciliter l'information des demandeurs d'emploi, en particulier la création d'un livret d'accompagnement, que vous suggérez, me semble devoir être encouragée.
Vos interventions et vos réflexions reflètent les problématiques que j'ai abordées dans le rapport.
En ce qui concerne les maisons de l'emploi, je tiens à rappeler qu'elles ne sont pas présentes sur l'ensemble du territoire. La question de la pertinence de leur maintien a parfois été posée au niveau local, de même que pour les missions locales ou les PLIE. Ces instances sont en effet parfois accusées, dans certains territoires, de mobiliser beaucoup trop de crédits de fonctionnement pour une plus-value jugée faible. Dans ce cas, il revient, à mon sens, aux territoires de prendre leurs responsabilités en rénovant les structures qui en ont besoin ou en fusionnant les instances qui interviennent sur des périmètres trop étroits, par exemple. Le développement d'une évaluation raisonnée - et sa prise en compte effective - doivent permettre de faire le point, au niveau local, sur le fonctionnement des différentes instances.
La question de la lisibilité des actions menées est importante. Lors de mon déplacement à Marseille, j'ai été très étonnée d'apprendre qu'il existait plus de 470 structures qui s'occupent de l'emploi et de l'insertion. Dans ce cadre, on voit tout l'intérêt d'une coordination qui s'effectue de façon efficace et, surtout, fluide. Les acteurs de l'emploi sont fatigués de toutes ces réunions qui ont lieu à des fins de coordination, avec des effets malheureusement parfois limités. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé une refonte des modalités de pilotage des politiques de l'emploi au niveau local.
S'agissant des éventuels transferts de compétence qui pourraient accompagner l'octroi aux régions du pilotage des politiques de l'emploi menées au niveau local, je pense que nous devons attendre que le débat ait pleinement eu lieu avant de nous prononcer à ce sujet. Le dialogue qui se tiendra dans la perspective de la nouvelle étape de la décentralisation doit être l'occasion d'aborder cette question plus précisément. Les différentes pistes doivent être analysées de façon approfondie et soumises au débat.
Nous devons également travailler au niveau du bassin de vie et donner plus de moyens aux instances qui interviennent à ce niveau, car c'est à cette échelle que les choses se passent. En Alsace, l'exemple nous a été donné d'intercommunalités et de municipalités qui ont anticipé des créations d'emploi dans le bassin de vie, à la suite de l'annonce de la création d'entreprises ou d'EPAD. Avec le concours de Pôle emploi, des formations d'aide-soignante ont, par exemple, été proposées pour répondre aux besoins qui en ont résulté. De telles possibilités sont offertes sur tous les territoires, il revient aux élus de s'en saisir.
Clarifier et rassurer : voilà les deux principales missions que nous devons remplir à court terme. À ce sujet, le rapport propose l'instauration d'un carnet ou d'une carte, sur le modèle de la carte Vitale, qui permettrait au demandeur d'emploi d'avoir un document indiquant l'ensemble des formations qu'il a suivies, au lieu d'avoir à répéter à chaque fois son parcours. Cette disposition - sur laquelle a mis l'accent notre présidente - permettrait aux demandeurs d'emploi de posséder un document concret et positif compilant leurs compétences et leurs formations.
Nous devons également prendre en compte le fait que seulement 17 % des offres d'emploi passent par Pôle emploi. Cela signifie qu'il existe un marché caché.
De manière générale, et c'est ce qui ressort de l'ensemble des auditions que nous avons menées, nous devons aller vers davantage de coordination.
Vous mentionnez deux recommandations qui me paraissent naturellement liées : celle tendant à simplifier le cadre comptable et financier des structures regroupant plusieurs instances et celle appelant à une évaluation raisonnée, élaborée de façon partenariale, des différentes instances intervenant dans le domaine de l'emploi.
Vous posez la question de la superposition ou de la coexistence de différentes structures en matière d'emploi. Ce point mérite d'être examiné de près, au-delà de la seule simplification du cadre financier et comptable ou encore de la nécessité de mettre en place une évaluation claire. Je peux citer l'exemple de ma région, où les participants aux maisons de l'emploi n'ont pas une connaissance fine de ce qui se fait dans la mission locale d'à côté, chacun étant persuadé de bien agir. Aussi, une mise en ordre ou, tout au moins, une réflexion à ce sujet est-elle nécessaire. Mais si cette dernière est essentielle, elle ne doit pas pour autant conduire à se couper du terrain.
En ce qui concerne votre suggestion de confier la responsabilité aux régions, je peux être globalement d'accord, dans la mesure où si la politique de l'emploi relève bien de la compétence de l'État, la région intervient toutefois en matière de formation, une compétence d'ailleurs très coûteuse. En Alsace, il s'agit du premier poste budgétaire. Il paraîtrait logique que la formation soit très directement axée sur la politique de l'emploi. Dès lors, il est légitime de penser que la région a son mot à dire. Sur ce point, dans les futurs débats sur la décentralisation, on gagnerait à instaurer une meilleure liaison entre les représentants de l'État en région et le conseil régional. On perd actuellement beaucoup de temps, sans oublier les malentendus qui surviennent. Il est clair que la région, fût-elle petite comme l'Alsace avec seulement deux départements - mais c'est encore plus vrai pour les grandes régions - a besoin de s'ancrer sur un territoire local, un bassin d'emploi et de vie. Elle ne pourra en effet rien faire sans avoir dans chaque bassin une véritable mobilisation de tous les partenaires.
Une précision importante, cependant : certes, il faut mettre de l'ordre, mais il ne faut pas le faire en se coupant du terrain. Je pense que la région peut faire mieux que l'État et, en tout état de cause, nous gagnerions du temps. Pour autant, la politique de l'emploi doit avoir les pieds dans la glaise au moyen d'approches territoriales. On le fait actuellement avec les politiques de formation professionnelle et d'apprentissage. Bien évidemment, les communes et les intercommunalités ont un rôle à jouer. La communauté de Strasbourg, avec ses 400 000 habitants, mérite une voix au chapitre. Dès lors, votre proposition d'instaurer un livret individuel perd, dans ma conception, un peu de sa pertinence, car l'on retrouverait les mêmes personnes dans les mêmes instances.
Premièrement, je dirai que les collectivités territoriales peuvent être des facilitateurs dans l'amélioration des relations avec les groupements d'employeurs. Or, ces groupements d'employeurs constituent d'excellentes passerelles vers l'emploi. Au quotidien, ils permettent d'insérer des personnes éloignées du marché de l'emploi dans un dispositif, sous la forme d'un tutorat ou d'un encadrement.
Deuxièmement, il faudrait également insister sur la nécessité d'inscrire, chaque fois que cela est possible, la clause d'insertion dans les appels d'offres des collectivités territoriales. Nous l'expérimentons dans mon conseil général, en lien avec l'ensemble des services de la collectivité.
En troisième lieu, la question du financement des différentes structures est sensible. Il faudrait que nous puissions demander la stabilisation des financements croisés région-département-intercommunalité en matière d'emploi. Car, si les missions locales ne relèvent pas de la compétence du conseil général, nous savons tous qu'elles s'adressent aux assemblées départementales pour demander des financements pour leur fonctionnement quotidien. Aussi, des propositions doivent-elles être faites pour encadrer cette pratique.
En quatrième lieu, je souhaite insister sur l'utilisation des fonds européens. La prochaine programmation budgétaire concernera les années 2014 à 2020 et débutera donc dans un an et demi. Notre rapport doit s'inscrire dans cette perspective et permettre d'apporter des pistes de clarification. En effet, à un moment donné, on a demandé aux missions locales de scinder leur organisation interne. Elles ont ainsi créé un organe à part, qui est le seul capable de solliciter les fonds sociaux européens, car la structure initiale des missions locales et l'utilisation des fonds étaient jugées trop opaques. Nous avons donc des missions locales hybrides, dont une part est cofinancée par l'État et les collectivités territoriales, et l'autre bénéficie de financement du fonds social européen (FSE), en échange de contreparties. Sans doute, pour la transparence des financements européens, cette distinction était-elle nécessaire, même si je n'en suis pas sûr. Dans tous les cas, nous devons avoir à l'esprit cette source de financement afin de pouvoir profiter, à l'avenir, du FSE sur la période 2014-2020.
Je souscris complètement aux propositions faites par notre rapporteur. Pour revenir sur le pilotage par les régions et les intercommunalités, notamment, je crois que celui-ci est effectivement une difficulté à l'heure actuelle.
En ce qui concerne le cadre comptable, il a été dit qu'il ne s'agissait pas nécessairement de la question la plus déterminante. Pour en avoir fait l'expérience et avoir essayé, pendant deux ans, de fusionner plusieurs structures en créant une maison de l'emploi, je sais combien les difficultés sont nombreuses, que ce soit en termes de gouvernance ou de fonctionnement. Il a fallu se battre, notamment avec l'Etat. Lorsque les régions pilotent et mettent dans la balance les financements qu'elles déploient, il peut être mis fin à ce type de blocage.
Pour en revenir à l'exemple du nombre de structures à Marseille, nous n'en pouvons plus de ces empilements nuisibles à l'efficacité. Une mutualisation est nécessaire. Pour rejoindre ce qui disait Pierre Jarlier, je pense aussi que les intercommunalités doivent se saisir de ce thème, à partir d'un certain seuil démographique évidemment. Sur mon territoire, nous avons réussi à mobiliser les cinq communautés de communes sur l'ensemble du pays, alors que cette opération n'était pas gagnée d'avance, notamment grâce à la fusion-mutualisation à laquelle j'ai procédé. Par cette dernière, nous avons notamment réalisé une économie de loyer substantielle. Ce type d'exemple et les efforts réalisés en termes de mutualisation peuvent encourager la mobilisation des collectivités.
Cet empilement des structures s'accompagne d'une multiplication des réunions de coordination. Les élus, déjà bien sollicités, doivent enchaîner des réunions à des intervalles parfois très courts dans des configurations très proches.
Les propositions vont dans le bon sens, notamment en affirmant le rôle des régions. Leur compétence en matière de formation est déterminante à cet égard. Chez nous, la maison de l'emploi est une maison de l'emploi et de la formation qui, en outre, est ouverte le samedi. Cela permet aux salariés, aux artisans, aux chefs de PME d'accéder plus facilement aux services proposés.
Sur le FSE, je rejoins ce qui a été dit. Ce qui me semble plus grave encore, c'est qu'il s'agit d'un problème « franco-français » : l'Europe est toujours montrée du doigt mais, à Bruxelles, on nous explique qu'il faut que l'on arrête de rajouter des critères qui ne sont pas imposés par l'Europe et qui nous conduisent à rendre des enveloppes budgétaires complètes de FSE.
Je partage le point de vue de nos collègues sur le FSE et je voudrais proposer à notre rapporteur d'intégrer cette problématique. Il s'agit d'une source de financement qui a été largement sous-utilisée, puisque la plupart des structures locales n'utilisent pas le FSE en raison de la complexité du montage des dossiers. Les nombreux obstacles rencontrés peuvent conduire les porteurs de projets à ne pas bénéficier, in fine, de crédits, malgré les efforts déployés. Alors qu'il y a des besoins sur le terrain en matière d'insertion et d'aide à l'emploi, je déplore que nous soyons incapables d'utiliser les fonds européens destinés à cet effet. Il faut que nous fassions remonter ces difficultés pour que dans la prochaine programmation, 2014-2020, les démarches puissent être facilitées pour mobiliser ces crédits.
Au travers des témoignages des uns et des autres, nous mesurons combien l'échelle intercommunale est efficace, que ce soit en matière d'insertion, d'emploi ou de développement économique. Il faut sans doute aller vers davantage de CCAS intercommunaux. Les communes en ordre dispersé n'arrivent pas à faire fonctionner tout cela et ne peuvent être des interlocuteurs compétents. Il y a, là aussi, des aspects de gouvernance à revoir.
Il faut profiter de ce rapport pour insister sur la nécessité de s'appuyer sur les missions locales et de leur trouver des financements adéquats. Les jeunes les connaissent bien et elles fournissent d'excellents résultats. Leurs financements doivent donc être confortés et elles doivent être intégrées dans une stratégie globale territoriale.
Le conseil général a une compétence sociale mais on voit bien, là aussi, que, sans lien avec les territoires et notamment les intercommunalités, il est difficile de mettre en oeuvre une politique d'insertion efficace. Il serait, à mon sens, intéressant de développer les partenariats entre les conseils généraux et les intercommunalités en matière d'insertion.
Dans le monde rural, cette articulation peut s'effectuer au niveau de plusieurs intercommunalités, en raison de la taille de ces dernières.
Sur le FSE, je rappelle que la région Alsace est la seule en France à être chargée de l'instruction des dossiers. Or, chez nous, il n'y a plus de dégagement d'office. C'est la raison pour laquelle je ne pourrais conseiller à ceux qui regrettent une mauvaise consommation des crédits d'essayer d'obtenir la même possibilité, car cela fonctionne bien.
En 2004, lors du débat sur l'acte II de la décentralisation avec M. Raffarin, tout le monde était favorable à ce que cette possibilité soit donnée à toutes les régions. Il y a eu un recul, qui s'est traduit par la mise en place d'une expérimentation en Alsace. Mais je crois que nous sommes tous demandeurs de sa généralisation.
J'ai effectivement abordé la problématique des fonds européens dans le rapport.
Vous avez tous souligné l'importance d'un rôle accru des régions et des intercommunalités. Ce que nous avons constaté sur le terrain, c'est l'importance de l'anticipation des mutations économiques. Lorsqu'une entreprise est en difficulté, la région ou l'intercommunalité peuvent réagir, en lien avec leurs compétences en matière de développement économique, parce qu'elles connaissent bien leur territoire.
Je voudrais aussi souligner que le ministère de l'Éducation nationale ne doit pas rester à l'écart de ces préoccupations. Les jeunes doivent pouvoir trouver une réponse globale à leurs difficultés.
Le rapport est approuvé.