Il s’agit d’un amendement de cohérence avec ceux que nous avons défendus à l’article 21. L’article 22 est en effet le complément, voire l’aboutissement de la négociabilité des conditions générales de vente prévues par l’article précédent.
Je formulerai simplement trois remarques.
En premier lieu, cet article tend à supprimer l’interdiction des discriminations, notamment tarifaires. Or le I de l’article L 442-6 du code de commerce, que vous souhaitez abroger, dispose : « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
« 1 ° De pratiquer, à l’égard d’un partenaire économique, ou d’obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d’achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence ; ».
Cela concerne non seulement les tarifs, mais également les délais de paiement, qui deviennent un élément de la négociabilité.
Avec les assouplissements que vous avez introduits à l’article 6, la boucle est bouclée, si j’ose dire, et je crois qu’il faudra attendre encore longtemps avant que nous parvenions à une réduction des délais de paiement ; j’aurai l’occasion d’y revenir.
Bref, tout devient négociable ! La grande distribution et les donneurs d’ordre pourront obtenir tous les avantages qu’ils souhaitent sans contrepartie qui pourrait les justifier.
Après avoir dépénalisé ces abus, qui peuvent relever d’une situation de domination ou d’une relation de dépendance, on supprime maintenant ce qui pourrait relever de la responsabilité civile de leur auteur et donc engager sa responsabilité.
En deuxième lieu, vous supprimez, en réécrivant le b du 2° du I de l’article L 442-6 du code de commerce – je reviendrai plus tard sur cette réécriture, qui est loin d’être anodine –, une disposition qui avait toute son importance et qui protégeait certains petits fournisseurs. Je demande d’ailleurs à mon collègue Bruno Retailleau d’y être attentif. En effet, ne relève plus du délit civil le fait de lier l’exposition à la vente d’un produit à l’octroi d’un avantage quelconque constitué.
Il s’agit, en réalité, des fameux accords de gamme, qui consistent à subordonner la distribution d’une grande marque à d’autres produits moins réputés. Or nous savons que cette pratique a eu pour effet d’évincer les produits des petits fournisseurs. Cette pratique abusive était précisément considérée comme un abus de puissance de vente ou d’achat, dès lors qu’elle conduisait à entraver l’accès des produits similaires aux points de vente.
En troisième lieu, les modifications introduites au 4° du I de l’article L 442-6 sont loin d’être satisfaisantes et rendent bien compte du basculement qui est en train de se produire des conditions générales de vente aux conditions générales d’achat ou conditions particulières d’achat.
En effet, le droit actuel s’appuie sur les conditions générales de vente en considérant qu’est manifestement dérogatoire aux conditions générales de vente le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir, sous la menace d’une rupture brutale ou partielle des relations commerciales, des prix, des délais de paiement ou des coopérations commerciales. Cette référence disparaît dans la nouvelle rédaction, qui renvoie à la notion d’obligation d’achat et de vente, notion non définie par ailleurs.
Cette substitution est tout à fait révélatrice de l’idée qui est derrière ce projet de loi.
Vous nous expliquez que les conditions générales de vente demeurent le socle de la négociation commerciale. Or il est évident que ce n’est pas le cas. En fait, les conditions générales de vente peuvent aussi être utilisées en cas de litige entre fournisseur et client.
Comment conserver toute leur efficacité aux conditions générales de vente collectives applicables aux professions si l’on supprime cette référence ?
Pourtant, comme l’ont souligné plusieurs fournisseurs et sous-traitants lors des auditions que nous avons menées, ces conditions générales de vente jouent un rôle capital dans le règlement des litiges et la sanction des abus, car elles constituent un recueil des « usages » des professions, autrement dit des pratiques plus ou moins légales, au sens juridique du terme, auxquelles les magistrats se réfèrent en cas de clauses contradictoires empêchant de déterminer une commune intention des parties, en cas de silence de la loi ou du contrat.
Pourquoi supprimer cette référence et lui substituer une notion plus ambiguë faisant allusion aux obligations d’achat et de vente ? Je demeure perplexe !
Notre amendement vise à s’opposer à la suppression de l’interdiction de discrimination en matière de prix et de délais de paiement. Il tend donc à maintenir les dispositions de l’article L 442-6 du code de commerce qui fonde, avec l’article L 441-6, les conditions générales de vente collectives comme socle de relations commerciales équilibrées au bénéfice des PME et des sous-traitants. Nous reviendrons plus tard sur la réécriture de certaines mesures.