L’article L. 442-6 du code de commerce dispose : « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait […] :
« b) D’abuser de la relation de dépendance dans laquelle il tient un partenaire ou de sa puissance d’achat ou de vente en le soumettant à des conditions commerciales ou obligations injustifiées, ».
La nouvelle rédaction proposée dans ce projet de loi substitue à cette cause d’abus de relation de dépendance ou de puissance d’achat ou de vente à l’égard d’un partenaire commercial la notion de « déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ». Une telle substitution risque d’affaiblir considérablement l’efficacité d’un dispositif visant à préserver les petits fournisseurs face à la puissance d’achat des grands distributeurs et à la relation de dépendance.
Je crois que la notion de relation de dépendance ou de puissance d’achat ou de vente permet précisément de qualifier un déséquilibre dans les rapports de force entre les cocontractants. Car il s’agit bien de cela : un rapport de force inégal dans lequel, dans la pratique, les droits et les obligations sont difficilement « équilibrables », si vous me permettez l’expression.
Je ne comprends pas pourquoi on supprime cette notion au profit de celle de déséquilibre significatif.
Pour appuyer mes propos, permettez-moi de citer un extrait de l’étude réalisée par le professeur Michel Glais sur les délais de paiement, à partir d’une enquête diligentée auprès des organisations professionnelles.
Le professeur Glais observe que le rapport de force inégal entre les cocontractants est « la cause essentielle de l’allongement et des retards de paiement constatés dans de nombreux secteurs. Il ne serait donc pas déraisonnable de considérer que l’existence de retards substantiels et systématiques de paiement au-delà de ceux prévus dans les conditions générales de vente des fournisseurs constitue une preuve matérielle, tout à la fois, de l’existence de situations de dépendance économique et de pratiques abusives – débits d’office, procédés divers conduisant à retarder les règlements, etc. – commises par les acheteurs en cause […]. Dans de nombreux cas ces écarts résultent des déséquilibres dans les pouvoirs de négociation, les fournisseurs les plus faibles se voyant imposer par certains clients puissants des conditions de règlement susceptibles de relever des dispositions des 1°, 4° et 7° du I de l’article L. 442-6 du code de commerce. »
Voilà donc une série d’arguments très forts pour préférer la disposition figurant actuellement dans le code de commerce à celle que contient le projet de loi.