Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 11 juillet 2012 à 14h30
Harcèlement sexuel — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes :

Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, l’abrogation par le Conseil constitutionnel de la disposition pénale relative au délit de harcèlement sexuel a créé dans notre droit pénal un vide juridique choquant.

Ce vide, nous devons le combler au plus vite pour ne pas laisser sans protection des victimes de telles violences et pour ne pas envoyer un message d’impunité aux harceleurs.

La constitution d’un groupe de travail commun nous a permis, à travers un large programme d’auditions, de mieux prendre la mesure de la réalité du harcèlement sexuel comme des difficultés que pose sa répression et de dresser le cahier des charges d’une nouvelle définition du délit qui soit à la fois conforme aux exigences constitutionnelles de clarté de la loi et plus protectrice pour les victimes.

Nous pouvons en attendre une amélioration de la réponse pénale, mais la lutte contre le fléau social que constitue le harcèlement sexuel ne peut se limiter à son volet répressif. Aussi notre délégation insiste-t-elle également sur la nécessité d’une politique d’information et de prévention.

Parce que l’on a longtemps sous-estimé son impact sur les victimes, le harcèlement sexuel reste un phénomène peu étudié et sous-évalué. L’enquête nationale sur les violences envers les femmes réalisée en 2000 nous en a donné un premier aperçu, mais cette étude a maintenant plus de dix ans et des enquêtes ponctuelles, comme celle qui a été réalisée en 2007 en Seine-Saint-Denis, ont montré que les violences sexuelles étaient sans doute plus fréquentes encore qu’alors, en particulier dans le monde du travail.

Il est nécessaire de mieux appréhender la réalité de ce phénomène pour guider les actions de prévention et pour évaluer les politiques publiques.

C’est pourquoi nos deux premières recommandations portent respectivement sur la réalisation d’une nouvelle enquête sur les violences faites aux femmes en France et sur la création d’un observatoire national des violences envers les femmes.

Cet observatoire n’aurait pas seulement pour vocation de réaliser des études, mais pourrait également, à l’image de l’observatoire des violences de Seine-Saint-Denis, constituer une plateforme de collaboration entre les acteurs engagés dans la lutte contre les violences.

Il serait également le correspondant naturel des observatoires locaux.

Madame la ministre des droits des femmes, au cours de votre audition, le 26 juin dernier, vous nous avez fait part de l’accueil favorable que vous réserviez à titre personnel à ces deux recommandations. Peut-être pourrez-vous nous indiquer les engagements que le Gouvernement peut aujourd’hui prendre et à quelle échéance. C’est d’ailleurs l’objet de l’amendement que j’ai déposé.

Les comportements de harcèlement sexuel ne donnent lieu qu’à un faible nombre – de l’ordre du millier par an – de poursuites devant les tribunaux et à un nombre plus réduit encore – entre soixante-dix et quatre-vingts par an – de condamnations pénales.

En outre, le délit de harcèlement sexuel est souvent utilisé pour déqualifier, dès qu’elles surviennent dans la sphère professionnelle, des atteintes sexuelles plus graves.

Aussi, nous vous demandons, madame la garde des sceaux, et c’est notre troisième recommandation, de veiller à ce que le nouveau délit de harcèlement sexuel ne soit plus utilisé pour sanctionner des agissements qui relèvent, en réalité, d’incriminations pénales plus lourdes.

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