Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 11 juillet 2012 à 14h30
Harcèlement sexuel — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes :

Nous recommandons la mise en place d’une politique plus systématique de dépistage et de prévention du harcèlement sexuel ainsi que de protection de ses victimes, à travers une meilleure implication des différents acteurs.

La médecine du travail doit pouvoir jouer un rôle plus actif dans la détection des situations de harcèlement sexuel et dans l’accompagnement de ses victimes. Ces deux aspects devraient figurer expressément parmi les missions qui sont assignées aux médecins du travail par l’article R. 4623-1 du code du travail.

Comme le confirment les enquêtes réalisées en Seine-Saint-Denis, c’est d’abord à leur médecin traitant que les victimes se confient le plus volontiers. C’est donc bien l’ensemble des professionnels de santé qu’il faut former à la détection des situations de harcèlement sexuel et à l’accompagnement des victimes.

Nous recommandons également aux organisations syndicales et aux délégués du personnel de s’impliquer pleinement dans la lutte contre le harcèlement sexuel.

Celui-ci, nous le savons, peut constituer une source importante de souffrance au travail, tout particulièrement pour les femmes ou pour des personnes harcelées du fait de leur identité ou orientation sexuelle, comme nous l’ont rappelé les organisations représentant les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres.

Les associations de défense des droits des femmes ont déjà la possibilité d’ester en justice dans les procès pénaux. Nous souhaitons qu’elles puissent, dorénavant, le faire aussi dans des procès civils et, en particulier, devant les juridictions prud’homales.

Les représentants des syndicats nous ont indiqué qu’ils ne souhaitaient pas conserver le « monopole » dont ils disposent actuellement. J’ai donc déposé un amendement en ce sens.

Nous souhaitons également que les employeurs publics – l’État, les collectivités territoriales – se sentent responsables de la lutte contre le harcèlement sexuel dans leurs administrations respectives.

Corollaire de cette responsabilité, il faut intégrer dans la formation initiale et continue des personnels d’encadrement des différentes fonctions publiques des modules d’enseignement qui leur permettent de détecter les situations de harcèlement sexuel et d’y répondre de façon adaptée.

Nous avons, en outre, adopté deux recommandations relatives à l’enseignement supérieur.

Elles font suite aux préoccupations exprimées par le CLASCHES, le collectif de lutte anti-sexiste contre le harcèlement sexuel dans l’enseignement supérieur, qui a attiré notre attention sur la faiblesse des recours dont disposent les étudiants et étudiantes, les doctorants et doctorantes. Étant considérés comme des usagers du service public, ils et elles ne bénéficient pas à ce titre de la protection statutaire assurée aux agents publics.

La future enquête sur les violences envers les femmes devra donc comporter un volet sur les atteintes sexuelles dans l’enseignement supérieur.

Il faudra aussi améliorer la protection des étudiants et doctorants à travers une réforme de la saisine et de la composition des sections disciplinaires des établissements, ainsi que de leurs procédures d’instruction.

Lorsque des faits d’une gravité manifeste seront avérés, les sanctions devront pouvoir être assorties d’une interdiction d’enseigner.

Le harcèlement sexuel est un phénomène également fréquent dans le monde sportif. Il s’agit alors d’agissements d’autant plus choquants qu’ils touchent souvent des enfants ou des adolescents, donc des victimes particulièrement vulnérables.

En 2008, le ministère des sports avait lancé, en partenariat avec le Comité national olympique et sportif français, un plan de lutte contre le harcèlement et les violences sexuelles dans le sport. Il ne faut pas en rester là et, comme les autres mouvements associatifs ne sont pas exempts de ces comportements, un effort général de sensibilisation nous paraît nécessaire.

En ce domaine comme dans d’autres, une responsabilité particulière échoit au ministère de l’éducation nationale, car c’est très en amont, dès l’école, qu’il convient de lutter contre des stéréotypes de genre qui assurent la reproduction de la domination masculine et sont le terreau de violences envers les femmes.

Je passerai plus rapidement sur nos cinq recommandations « législatives », car nous aurons l’occasion d’y revenir dans le courant de la discussion des articles.

La délégation, d’une façon générale, apporte son soutien à un certain nombre de solutions rédactionnelles dégagées par le groupe de travail, aux réflexions duquel elle a, je dois le dire, activement et assidûment participé : la double référence, dans la définition du délit aux situations où le harcèlement sexuel renvoie à des actes répétés et aux situations où un seul acte grave, assimilable par exemple à une forme de chantage sexuel, suffit à le constituer ; la désignation des « menaces, intimidations, contraintes » comme éléments constitutifs du second volet du « harcèlement sexuel aggravé » ; la désignation de l’atteinte à la dignité comme élément intentionnel principal du délit aux côtés de la « recherche d’une relation sexuelle ».

Enfin, la délégation recommande de retenir comme circonstance aggravante du délit l’abus d’autorité, la minorité de la victime, son état de vulnérabilité et le fait que les agissements soient commis à plusieurs personnes.

S’agissant de l’état de vulnérabilité, nous souhaitons ajouter aux cas de figure prévus par le projet de loi et le texte de la commission, celui de la vulnérabilité sociale ou économique. Nous aurons l’occasion de discuter plusieurs amendements qui vont dans ce sens.

Dans un souci de clarté de la loi, nous recommandons pour finir un alignement des définitions figurant dans les différents codes et textes de référence, sans oublier bien entendu la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Le texte complété par la commission des lois va en partie dans ce sens.

Telles sont les recommandations que notre délégation a adoptées à l’unanimité.

Je souhaite que les dispositions que nous allons voter, mes chers collègues, et les politiques de prévention qui devront immanquablement les accompagner permettent de lutter plus efficacement contre des agissements qui constituent le premier palier dans le continuum des violences faites aux femmes. §

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