Intervention de Muguette Dini

Réunion du 11 juillet 2012 à 14h30
Harcèlement sexuel — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Muguette DiniMuguette Dini :

Madame la garde des sceaux, j’ai compris que vous ne pouviez rien faire pour que justice soit rendue aux victimes de cette QPC, mais qu’envisagez-vous pour celles qui, ayant dépensé beaucoup d’argent pour se défendre, n’ont aucun espoir de recevoir des dommages et intérêts ?

Je reviens sur le projet de loi que vous nous présentez. Je ne m’attarderai pas sur le fond, les précédents orateurs l’ont fait. Le texte est le reflet des différentes propositions de loi que nos collègues et moi-même avons déposées et je le voterai sans états d’âme.

Je soulignerai quelques points qui me semblent essentiels et positifs.

Il s’agit d’abord de la suppression de la pluralité des définitions : le harcèlement sexuel sera désormais défini dans le seul code pénal, le code du travail renvoyant à la définition pénale.

Il en est de même des sanctions pénales du harcèlement sexuel, puisque celles-ci ne sont envisagées que dans le seul code pénal, exception faite toutefois des actes discriminatoires résultant du harcèlement sexuel.

Enfin, une définition plus précise et distinguant deux niveaux de gravité des faits me semble tout à fait satisfaisante.

J’ai déposé cinq amendements et souhaite insister, mais sans grande illusion, sur deux d’entre eux.

Le premier amendement concerne les faits de harcèlement sexuel commis sur des mineurs de quinze ans. Même si j’ai bien entendu l’ensemble des arguments qui plaident contre l’adoption de cet amendement, je propose de supprimer la précision « de quinze ans ». Je considère en effet que la majorité sexuelle n’a rien à voir ici, puisqu’il n’y a pas, à proprement parler, passage à l’acte, comme c’est le cas dans le cadre d’une agression sexuelle ou d’un viol.

Il me semble que c’est jusqu’à dix-huit ans que les circonstances aggravantes devraient s’appliquer. Cela permettrait à de très jeunes stagiaires, élèves, sportifs ou apprentis d’être mieux protégés contre des agissements qu’ils ont d’autant plus de mal à dénoncer qu’ils sont jeunes.

Le second amendement n’est pas moins important : il porte sur le délai de prescription de l’action publique en matière de harcèlement sexuel et d’agressions sexuelles aggravées. C’est un sujet incontournable en matière de violences sexuelles, et je souhaite toujours faire évoluer notre droit sur ce point. Il ne sert à rien d’avoir des incriminations clairement et précisément définies, si les victimes, dans les faits, ne peuvent porter plainte !

Pour dénoncer leur harceleur ou leur agresseur, les victimes, nous le savons tous dans cette assemblée, doivent être physiquement, psychologiquement ou matériellement en état de le faire.

J’ai déposé en octobre 2011 une proposition de loi tendant à allonger le délai de prescription de l’action publique des agressions sexuelles autres que le viol. Elle a été rejetée, principalement au motif qu’elle bouleversait la classification établie par le code pénal des infractions sexuelles, de leurs incriminations et de leurs sanctions, ce que j’ai très bien compris. Ainsi, à la souffrance des victimes, on oppose le respect de la cohérence du dispositif du code pénal !

Cela dit, lors de l’examen en séance publique de ma proposition de loi, plusieurs sénateurs de la majorité actuelle partageaient mon avis.

Notre collègue Catherine Génisson avait alors déclaré : « Outre les arguments d’ordre psychologique avancés par Mme Dini, on peut aussi mettre en avant l’impossibilité pour une victime de déposer plainte et de se reconstruire avant qu’elle n’ait obtenu sa mutation quand l’agression s’est produite en milieu professionnel. »

Je me permets également de reprendre les propos de notre collègue Jean-Pierre Godefroy : « Trois ans, c’est court aussi pour les violences commises dans le milieu professionnel. Tant que la victime d’une agression ou de harcèlement sexuels sur son lieu de travail n’a pas réussi à trouver un autre emploi – et Dieu sait si c’est difficile aujourd’hui – ou obtenu une mutation, la peur de porter plainte peut l’emporter, car elle craint de perdre son travail, elle redoute des agressions encore plus violentes, qui pourraient devenir moralement insupportables. »

Ces propos ont mûri ma réflexion et fondent aujourd’hui cet amendement. Je propose en effet que le délai de prescription de l’action publique des agressions sexuelles aggravées et du harcèlement sexuel commis dans le cadre des relations de travail ne coure qu’à compter du jour où la victime n’est plus en relation avec son agresseur ou son harceleur.

Enfin, je parlerai de la prévention, que vous avez vous-mêmes évoquée, madame la garde des sceaux, madame la ministre. On sait que les violences verbales ou physiques plus particulièrement dirigées vers les filles débutent très tôt, dans la famille quand on donne aux fils une autorité sur leurs sœurs, à l’école quand on n’explique pas aux enfants que l’on ne s’attaque pas aux plus faibles.

J’en suis persuadée, c’est dès l’école maternelle qu’il faut être attentif à ces comportements.

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