Intervention de François Pillet

Réunion du 11 juillet 2012 à 14h30
Harcèlement sexuel — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de François PilletFrançois Pillet :

Madame la présidente, mesdames les ministres, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, l’inquiétude de nos concitoyens face à la violence, qui ne cesse d’essaimer ses métastases dans le corps social, nous a conduits en de nombreuses occasions, depuis plusieurs années, à réfléchir, à débattre et à légiférer, en somme à réagir.

Ce fut le cas, il y a peu, pour renforcer la lutte contre les violences de groupe et la protection des personnes chargées d’une mission de service public.

Ce fut le cas pour renforcer la protection des victimes et la répression des violences faites aux femmes.

Ce fut le cas, plus généralement, pour renforcer la lutte contre les violences au sein des couples et leurs incidences sur les enfants.

Nous poursuivons aujourd’hui notre travail, notre mission, en organisant la répression des agissements de harcèlement sexuel.

Le harcèlement sexuel est un drame humain mal compris, trop souvent méprisé. Si ce constat nous paraît évident, il est fondamental que nous tentions d’apprécier la souffrance, réelle et profonde, mais relativement méconnue, des victimes.

Il s’agit de bien plus que d’un banal fait de société représentant, d’après la Chancellerie, moins de cent cas annuels. En effet, ce chiffre ne recouvre que les décisions rendues par les juridictions, et ne reflète certainement pas la réalité du nombre de vies déstructurées du fait du harcèlement, encore trop rarement dénoncé et réprimé.

Notre responsabilité, vous l’aurez compris, mes chers collègues, est donc aujourd’hui importante, et je forme le vœu que notre travail législatif encouragera des victimes à sortir du silence.

Il s’avère donc à nos yeux absolument nécessaire de réprimer toutes les formes de harcèlement sexuel, y compris celles qui sont commises dans des circonstances particulières –à l’occasion d’un entretien d’embauche ou de l’attribution d’un logement, par exemple –, de définir l’infraction dans des termes suffisamment précis pour sécuriser les procédures, enfin d’alourdir les peines en cas de circonstances aggravantes, en particulier lorsque l’auteur des faits exerce une autorité hiérarchique sur la victime.

Près de deux mois après l’abrogation de la loi sur le harcèlement sexuel, jugée trop floue par le Conseil constitutionnel, le Gouvernement a décidé de présenter un projet de loi, relativement critiqué.

Au-delà de la méthode employée, sur laquelle je ne reviendrai pas, votre texte, madame la garde des sceaux, présentait une structure compliquée, qui, pour autant, ne méritait pas les propos ou qualificatifs excessifs, en tout cas peu soucieux des impératifs propres à un État de droit, formulés par certaines associations.

Je disais que votre texte était compliqué ; en effet, les conditions de la première forme de harcèlement sexuel que vous aviez définies pouvaient paraître cumulatives avec celles de la seconde.

Il était non seulement compliqué, mais également peu opérationnel, dans la mesure où la victime devait prouver une succession d’éléments matériels afin de voir retenue l’infraction la plus sévèrement réprimée.

Enfin, votre texte constituait un signal dramatique pour la dignité de la personne humaine, car la forme la plus grave de harcèlement sexuel aurait été moins punie que le délit de vol simple, ce qui maintenait dans notre droit pénal une illégitime sous-pénalisation des atteintes aux personnes par rapport aux atteintes aux biens.

Par conséquent, mes chers collègues, je salue, comme l’a fait précédemment Jean-Jacques Hyest, le travail effectué par Alain Anziani, qui a su reprendre judicieusement les éléments de réflexion élaborés par le groupe de travail auquel nous avons participé.

Alors que la transposition à l’identique de la directive européenne aurait été un mauvais choix juridique, car celle-ci couvre un champ plus vaste, concerne exclusivement le droit du travail et pose en outre des problèmes de traduction, la manière dont le rapporteur a, en quelque sorte, objectivé les éléments matériels du délit me paraît constituer, sur le plan juridique, du très bon travail.

De même, le rapporteur a tenu à renforcer la portée et l’efficacité du texte en évitant que le ressenti de la victime soit considéré comme un élément matériel : s’il l’avait été, cela aurait fragilisé le dispositif. Nous devons avoir à l’esprit que toute situation doit être analysée de la manière la plus objective possible : la juxtaposition d’éléments subjectifs ne suffit pas à définir une infraction pénale. Le droit pénal repose sur un principe de légalité strict. À poursuivre des faits qui ne seraient pas précisément décrits, nous risquerions une nouvelle fois d’encourir la sanction du Conseil constitutionnel.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion