Je vous ai en effet présenté un projet ambitieux, mais à la hauteur des besoins. La responsabilité du Gouvernement est de prendre à bras le corps un certain nombre de sujets.
Les écologistes ne sont en rien opposés par principe aux grands projets d'infrastructures. Ils souhaitent simplement que ces projets soient utiles et ont à cet égard une approche pragmatique. Or, je ne peux que souligner, en tant que ministre, que le Schéma national des infrastructures de transport (SNIT) correspond à cent dix ans d'investissements publics, sur la base des investissements actuels ! Il est donc clair pour tout le monde que l'intégralité de ce schéma ne sera pas réalisée dans les dix années qui viennent.
Par ailleurs, dans la période de difficultés financières actuelle, il est de la responsabilité de l'État de prioriser les investissements. Il est aussi indispensable, en matière de réseau de transport ferré, d'entretenir le réseau secondaire : si on stoppe les investissements sur ce réseau au profit d'une éventuelle ligne à grand vitesse (LGV), on prend le risque de ne pas avoir de ligne LGV et un réseau de transport classique tellement dégradé que le niveau du service assuré sera inférieur à celui des années cinquante.
La problématique du canal à grand gabarit rejoint celle d'autres infrastructures : elle soulève la question des partenariats public-privé (PPP). De nombreuses collectivités locales se rendent compte aujourd'hui que la signature de certains contrats révèlent des réalités financières douloureuses.
En matière d'intercommunalité, Martial Bourquin, le forceps ne fonctionne en effet pas, mais le statu quo n'est pas souhaitable. Vous avez souligné, à raison, que le désengagement de certains services de l'État rend délicate la situation de certaines collectivités locales, notamment les petites communes rurales qui exercent seules la compétence urbanisme. Pour autant, on ne reviendra pas en arrière sur le chemin de l'intercommunalité : la logique de la décentralisation est bien que les collectivités locales exercent l'ensemble des compétences dont elles ont la charge. Le schéma de cohérence territoriale (SCOT), outil qui mobilise l'ensemble des collectivités territoriales autour d'un projet de territoire partagé, a fait la preuve de son utilité. Il faut, à mes yeux, aboutir à une couverture de l'ensemble du territoire national par ce type d'outils, permettant ainsi une meilleure contractualisation entre l'État et les collectivités. Je serai très attentive à soutenir cette démarche et à faire en sorte que les SCOT, aujourd'hui juridiquement très vulnérables, deviennent plus robustes.
Sur la question des maisons de l'emploi et de la délocalisation de Pôle emploi, j'estime qu'un agent d'accueil qui assure un service public peut être celui qui oriente vers d'autres types de dispositifs. Le contact humain est incontournable. Il faut travailler notamment à la mise en place d'un dispositif juridique aisé dans lequel pourraient s'insérer les différents services de l'État et les collectivités locales. Certaines initiatives ont été lancées, notamment par des départements, avec des maisons de service public, mais il est souvent difficile aux services de l'État de s'intégrer dans ce type de dispositifs.
Sur la question du logement, nous souhaitons travailler sur la capacité contradictoire des préfets de loger prioritairement les familles reconnues comme telles au titre du droit au logement opposable (DALO) et de pouvoir recourir dans le même temps à la force publique pour les expulser de leur logement. Une instruction est en cours de discussion entre le ministère du logement et le ministère de l'intérieur. Ma détermination sur ce sujet sensible est très grande. Je souhaite que nous aboutissions, tout en étant consciente que cela ne règlera pas le problème des prioritaires DALO qui ne sont pas relogés, notamment en raison du déficit de mobilisation des bailleurs.
S'agissant du décret sur le logement décent, il faut se garder d'effectuer une modification qui risquerait d'aggraver la crise. Depuis de nombreuses années, des résidences sociales ont ainsi été réalisées avec des logements d'une taille inférieure à 14 m2. Une telle mesure induirait à une situation extrêmement délicate, avec soit le maintien de locataires de façon informelle, soit une partie du parc social qui ne serait plus habitable. Cela ne me paraît pas réalisable rapidement, même si on pourrait imaginer que les normes minimales applicables au patrimoine construit avec l'aide de l'État soient renforcées.
Ce n'est pas un secret : le programme « Habiter mieux » a du mal à démarrer, mais il répond à une vraie nécessité. Il sera mis en lien avec l'objectif de rénovation thermique de un million de logements par an. Des difficultés existent aujourd'hui sur des dispositifs de l'ANAH qui, sous couvert de simplification, ont été complexifiés. Malgré des besoins immenses, l'intégralité des aides n'a ainsi pas pu être distribuée. Nous allons donc travailler à lever les difficultés existantes.
S'agissant de la fracture numérique, nous voulons travailler sur l'ensemble des questions. Le droit européen permet la mise en place de réseaux d'initiatives publiques, à partir du moment où les opérateurs font défaut. Il convient aujourd'hui de mettre l'ensemble des opérateurs autour de la table, avec les collectivités locales et l'État, pour faire avancer un certain nombre de sujets. La volonté du Président de la République en la matière est très grande.