Intervention de Didier Migaud

Commission des affaires sociales — Réunion du 10 juillet 2012 : 1ère réunion
Certification des comptes 2011 de la sécurité sociale — Audition de M. Didier Migaud premier président de la cour des comptes

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

Concernant tout d'abord l'activité de recouvrement, la cartographie des risques et les contrôles automatisés, il est vrai que, depuis 2010, l'Acoss est engagée dans un processus de refonte du dispositif de contrôle interne des activités des Urssaf.

L'Acoss a commencé à déployer une cartographie des risques dans les principaux organismes de son réseau ; celle-ci consiste en une identification et une cotation des risques inhérents aux activités des Urssaf. Cette cotation est fonction des risques en question. Les Urssaf sont appelées à définir et à mettre en oeuvre des moyens de maîtrise des risques destinés à en réduire le niveau. Une partie de ces moyens ont une origine nationale. Il s'agit par exemple de la mise en oeuvre d'un contrôle prescrit par l'agent comptable de l'Acoss ou d'un traitement informatique permettant de détecter des anomalies de manière supplétive locale. D'autres moyens peuvent avoir une source locale, comme des mesures d'organisation par exemple.

Le déploiement de cette cartographie des risques nous apparaît positif et de nature à renforcer le degré de maîtrise des risques des activités des Urssaf. On constate toutefois deux limites : à ce stade, les Urssaf demeurent en phase d'appropriation de ce nouveau dispositif, qui n'est pas encore complètement opérationnel et renseignent la cartographie des risques de manière hétérogène ; les rubriques de la cartographie des risques sont calquées sur celles du référentiel des fonctions et processus définis en 1998, qui est imparfaitement adapté aux prélèvements sociaux qui ne constituent pas le coeur de métier des Urssaf.

Dans le cadre de l'audit des comptes 2012 de l'activité de recouvrement, la Cour appréciera la contribution de la cartographie des risques à la maîtrise des risques liés aux activités de recouvrement.

S'agissant ensuite des questions relatives à la branche famille, pourquoi le taux d'erreurs à incidences financières recouvre-t-il de fortes disparités selon les prestations versées ? On constate que l'incidence financière moyenne des erreurs qui affectent les prestations servies en faveur ou au détriment des assurés sociaux atteint 2,4 % des montants de prestations.

Ce taux recouvre de grandes disparités selon les prestations concernées. Les allocations familiales sont les moins affectées par les erreurs. Le taux d'incidence financière des erreurs est de 0,36 %. Le RSA activité est en revanche le plus touché. Le taux d'incidence financière des erreurs est de 18,14 %. Les allocations logement demeurent une source importante d'erreurs, avec un impact financier compris entre 12 et 16 % selon les prestations. Les autres prestations dont l'attribution est soumise à conditions de ressources connaissent généralement des fréquences élevées d'erreurs.

La qualité de la première attribution et du service des prestations est tributaire du degré de complexité des informations transmises par les allocataires mais aussi de la fréquence et de la qualité de cette exploitation par les Caf. Ainsi, pour les allocations familiales, l'assuré doit transmettre l'acte naissance de l'enfant. S'agissant du RSA activité, l'assuré doit communiquer tous les trois mois l'ensemble des éléments qui entrent dans ses revenus mensuels - salaires, indemnités chômage et pensions alimentaires.

La Cour, s'agissant de la fréquence et de la qualité d'exploitation des informations fournies par les Caf, a constaté que ces dernières n'exploitaient pas systématiquement celles transmises par la direction générale des finances publiques (DGFiP) sur les revenus déclarés par les assurés. Ainsi, quatre-vingt-sept Caf n'ont pas correctement couvert les cibles permettant le contrôle de l'activité et les ressources de l'année 2010 qui intervenaient dans la détermination des prestations servies en 2011. D'autres contrôles avaient été engagés mais non achevés, parfois depuis plusieurs exercices.

M. Antoine Durrleman, président de la 6e chambre. - Les difficultés du contrôle interne du réseau de la Cnaf et des Caf tiennent à quatre faits. En premier lieu, la Cnaf ne fixe pas aux organismes de son réseau des objectifs portant sur des fréquences et des plafonds d'erreurs de portée financière à ne pas dépasser, mais uniquement des objectifs en termes de nombres de contrôles à réaliser. Elle a, de ce point de vue, une pratique différente de la Cnamts et de la Cnavts qui fixent des objectifs beaucoup plus stricts.

Deuxième difficulté : ces objectifs quantitatifs de contrôle à réaliser portent uniquement sur certains éléments constitutifs d'une prestation, comme la justification de l'identité du bénéficiaire, et non sur la totalité d'entre eux.

La troisième difficulté vient de l'absence de pilotage. Les Caf bénéficient d'une très grande autonomie dans le choix des actions de contrôle à effectuer. Elles ont ainsi la possibilité d'opter pour des actions de contrôle plus faciles à réaliser que d'autres et à faible rendement financier plutôt que des actions plus complexes sur des prestations elles-mêmes plus complexes qui permettraient de prévenir des volumes plus importants d'erreurs.

Enfin, la quatrième difficulté vient du fait que, d'une manière générale, les ressources administratives en personnel que la Cnaf et les caisses de son réseau consacrent à ces actions de contrôle internes sont inégales et globalement plutôt insuffisantes.

Ces constats sont récurrents. La Cour les a déjà formulés depuis l'origine de ses campagnes de certification. La Cnaf a réagi mais relativement lentement. Elle a développé des processus de contrôle ciblés qui sont fondés sur une analyse de risques que présentent les dossiers des assurés. A ce titre, elle a prévu de déployer quatorze processus. Nous constatons que ces processus peinent à être mis en place dans les calendriers indiqués.

Au cours de l'année 2011, quatre processus devaient être déployés ; seulement d'eux d'entre eux l'ont été, notamment concernant les aides au logement. Ce processus n'a été déployé qu'à la fin de l'exercice et n'a donc pas eu d'effets sur 2011. En 2012, d'autres processus doivent être déployés, notamment un processus portant sur le RSA. Cela étant, un seul processus aurait un caractère obligatoire pour les Caf d'ici fin 2012 : il s'agit des aides au logement.

L'examen approfondi du pilotage de la fusion des Caf et de sa mise en oeuvre auquel s'est livrée la Cour n'a pas fait apparaître d'anomalies de nature à avoir une incidence sur notre position quant aux comptes 2011 de la branche famille.

Dans le cadre de l'audit des comptes 2012, nous allons vérifier que la Cnaf s'est assurée de l'harmonisation des procédures et des actions de contrôle interne entre les Caf fusionnées. Nous pensons que le pilotage de son réseau par la Cnaf, y compris le domaine des risques de portée financière, pourrait être facilité par la réduction du nombre d'organismes de base, qui passent de 123 à 102.

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