J'ai le plaisir d'accueillir le Premier président de la Cour des comptes, M. Didier Migaud, qui va nous présenter le rapport de certification des comptes sociaux pour 2011, rendu public fin juin. Il est accompagné de MM. Antoine Durrleman, président de la 6e chambre, Jean-Pierre Viola, rapporteur général, Mme Karine Turpin, rapporteur adjointe et de M. Christian Charpy, conseiller maître à la Cour et contre-rapporteur du rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale pour l'exercice 2011.
Ce rendez-vous est très important pour nous, membres de la commission des affaires sociales du Sénat. Ce rapport est, cette année, particulièrement sévère, notamment pour ce qui est de la branche famille. C'est pourquoi nous auditionnerons, le 18 juillet prochain le président Jean-Louis Deroussen pour connaître les réactions de la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) à cette annonce de la Cour.
Le 26 juin dernier, la Cour des comptes a adopté son rapport sur la certification des comptes 2011 du régime général de la sécurité sociale. Comme le prévoit la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, ce rapport vous a été remis avant la fin du mois de juin.
Avant de vous présenter les positions de la Cour, vous me permettrez quelques remarques sur le sens de cet exercice de certification. La certification est une opinion écrite et motivée, que formule par expression de son jugement professionnel, un organisme indépendant sur les comptes d'une entité. L'expression de cette opinion est l'aboutissement d'une démarche d'audit visant à obtenir une assurance raisonnable - par nature, cette assurance ne peut avoir un caractère absolu - que les comptes sont réguliers et sincères et qu'ils donnent une image fidèle du résultat, du patrimoine et de la situation financière.
Par ses travaux de certification, la Cour atteste ainsi de la fiabilité, de la sincérité et de la conformité aux règles et principes comptables des états financiers et par là-même notamment de l'exactitude du déficit du régime général et de chacune des branches qui le composent. Cet exercice constitue un levier majeur pour sensibiliser les branches du régime général et leurs autorités de tutelle à la nécessité d'améliorer la fiabilité des comptes, en les amenant à renforcer la maîtrise des risques de portée financière qui affectent les opérations comptabilisées et à appliquer exactement les principes et les règles comptables.
Une maîtrise accrue des risques de portée financière est nécessaire afin de sécuriser les recettes et les dépenses du principal régime de sécurité sociale, en contribuant ainsi à l'effort de redressement des finances sociales engagé par les pouvoirs publics et d'améliorer le service rendu aux assurés sociaux.
Les comptes des autres régimes de sécurité sociale sont quant à eux audités par des commissaires aux comptes. Dans l'élaboration de ses positions, la Cour prend en compte les opinions des commissaires aux comptes des régimes qui gèrent des opérations pour le compte du régime général. Parallèlement, les commissaires aux comptes sont naturellement attentifs pour l'expression de leur propre opinion aux travaux de la Cour.
A cet égard, les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, complétées par un décret et un arrêté du 21 juin 2011, ont permis de fixer le cadre général des communications d'éléments d'information et d'analyse entre la Cour et les commissaires aux comptes de régimes de sécurité sociale et, aussi, d'organismes tiers. Ces dispositions ont d'ores et déjà joué lors de cette campagne de certification vis-à-vis des commissaires aux comptes de l'Unedic et de l'association pour la gestion du régime d'assurance des créances des salariés (AGS). En effet, dans le cadre du transfert aux unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf), au 1er janvier 2011, du recouvrement des contributions d'assurance chômage et des cotisations d'assurance des créances des salariés, des éléments d'appréciation nécessaires à l'exercice de leur mission de certification leur ont été transmis par la Cour.
Le régime général de sécurité sociale réalise chaque année des centaines de millions d'opérations, pour environ 343 milliards d'euros de produits et 360 milliards d'euros de charges. Compte tenu du recouvrement par les Urssaf de cotisations et de contributions sociales pour le compte de tiers au régime général et d'opérations retracées uniquement au bilan des organismes du régime général, le périmètre d'audit de la Cour est encore plus large : il recouvre 460 milliards d'euros de produits et 390 milliards d'euros de charges, soit respectivement 23 % et 19,6 % de la richesse nationale.
Avec de tels volumes, la certification n'est pas seulement une affaire de vérification de la justification de postes comptables par l'existence de pièces. La certification consiste aussi à apprécier si les systèmes d'information et les dispositifs de contrôle interne, de par leur conception et leur mise en oeuvre, permettent ou non de maîtriser les risques d'anomalies ayant une incidence sur les comptes.
Les procédures et instruments du contrôle interne des caisses de sécurité sociale sont donc systématiquement analysés et évalués à l'aune de leur capacité à couvrir les zones de risques identifiées par la Cour. Progressivement, en raison des travaux d'audit qu'elle a conduits depuis désormais six ans, les organismes de sécurité sociale ont pris conscience de la nécessité de mieux maîtriser les risques financiers liés à leur activité et d'améliorer la qualité de leurs comptes. La Cour, qui mesure la lourdeur des chantiers engagés, souvent liés à la refonte des systèmes d'information, accompagne ces efforts en suivant, chaque année, les résultats des actions entreprises en vue de sécuriser les processus de gestion et les comptes des institutions chargées de collecter les ressources, de verser les prestations et de gérer les intérêts financiers de la sécurité sociale.
Ce faisant, les constats de la Cour apportent une contribution déterminante à la maîtrise des finances sociales et à la qualité de service rendu aux assurés et aux cotisants : payer à bon escient les prestations sociales, mettre en recouvrement les cotisations et contributions sociales auprès de leurs redevables et en répartir correctement les produits et encaissements entre leurs attributaires. Dans son office de certificateur, la Cour se situe ainsi dans une démarche d'accompagnement des 341 organismes du régime général et de leurs têtes de réseau.
Elle a constaté des progrès souvent notables dans plusieurs domaines. Pour prendre un exemple concret, c'est en raison des constats de la Cour dans le cadre de sa mission de certification que la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) a renforcé ses contrôles sur les opérations gérées par les mutuelles pour le compte du régime général. Autre exemple marquant, la Cnamts, la Cnaf et la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnavts) ont mis en place des dispositifs de suivi de la fréquence et de l'incidence financière des erreurs relatives à l'attribution et au calcul des prestations. En effet, maîtriser le risque d'erreurs dans les comptes, n'est pas uniquement, voire principalement, l'affaire des agents comptables mais aussi celle des directeurs d'organismes de sécurité sociale et des services qui liquident les prestations.
Cependant, tout en prenant acte de l'importance des réorganisations en cours au sein des différents réseaux - à titre d'exemple, les caisses d'allocations familiales ont été regroupées en 2011 et sont passées de 123 à 102 - ce qui a concentré très fortement les efforts des équipes de direction, la Cour a observé en 2011 un ralentissement de la démarche continue et progressive d'amélioration de la qualité des comptes du régime général. L'évolution de certaines de ses positions reflète ce constat.
J'en viens maintenant en effet aux neuf opinions de la Cour, relatives aux comptes des cinq branches - maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, famille, retraite, recouvrement - et des quatre caisses nationales auditées - Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), Cnaf, Cnamts et Cnavts.
L'exercice 2011 constituait le dernier exercice du second cycle triennal de certification 2009-2011. A ce titre, la Cour a couvert plus en profondeur un périmètre lui-même plus étendu de points d'audit intéressant le contrôle interne et les comptes. L'intensification des travaux de la Cour, conjuguée au ralentissement de la démarche d'amélioration de certains organismes, a entraîné une augmentation du nombre de réserves ou d'éléments motivant un refus de certification en 2011 - 42 contre 39 en 2010.
De fait, la Cour a fait évoluer sa position sur l'un des ensembles d'états financiers qu'elle audite. En effet, elle a refusé de certifier les états financiers de la branche famille et de la Cnaf, qui avaient fait l'objet d'une certification avec réserves sur l'exercice 2010. Par ailleurs, comme en 2010, la Cour a refusé de certifier les comptes de la branche des accidents du travail - maladies professionnelles. Elle certifie avec réserves les états financiers de l'activité de recouvrement et de l'Acoss, ceux de la branche maladie et de la Cnamts et ceux de la branche vieillesse et de la Cnavts.
J'évoquerai d'abord les deux branches dont les comptes ont fait l'objet d'un refus de certification : la branche famille et la branche accidents du travail et maladies professionnelles.
La Cour avait certifié avec des réserves les comptes de la branche famille pour l'exercice 2010. L'augmentation du montant des erreurs de portée financière qui affectent les prestations versées et comptabilisées par la branche a conduit la Cour à estimer ne pas être en mesure de certifier les comptes de la branche famille et de la Cnaf pour l'exercice 2011.
En effet, selon les mesures disponibles établies par la Cnaf à partir de contrôles portant sur des échantillons de prestations, le montant agrégé des erreurs de portée financière est estimé à 1,6 milliard d'euros en 2011, contre 1,2 milliard d'euros en 2010. Les erreurs recouvrent principalement des trop-perçus par les allocataires et concernent notamment le revenu de solidarité active (RSA) et les aides au logement.
L'augmentation du montant des erreurs de portée financière souligne l'inadaptation du dispositif de contrôle interne de la branche, caractérisé notamment par des insuffisances de conception et des faiblesses du pilotage par la Cnaf. En particulier, la Cnaf ne fixe pas aux organismes de son réseau des objectifs de montants d'erreurs à ne pas dépasser, mais des objectifs de nombre de contrôles à réaliser. En outre, les Caf bénéficient d'une autonomie excessive dans la réalisation effective des contrôles prescrits par la Cnaf. La Cour a également relevé des faiblesses dans le domaine des systèmes d'information : incomplétude des tests en environnement de production préalablement au déploiement de nouvelles versions applicatives et insuffisances du dispositif de suivi des incidents informatiques.
Au titre des autres constats de la Cour sur cette branche, je soulignerai l'imputation directe aux capitaux propres de provisions pour risques et charges relatives aux subventions d'investissement en action sociale, alors qu'en application des règles comptables en vigueur, les charges relatives à ces provisions - 540 millions d'euros au total - auraient dû être comptabilisées dans le résultat de l'exercice - arrêté à - 2,6 milliards d'euros pour 2011. Par ailleurs, les estimations comptables relatives aux provisions pour dépréciation de créances et aux charges à payer de prestations manquent de fiabilité. Enfin, les annexes aux comptes combinés de la branche famille et aux comptes annuels de la Cnaf comportent des erreurs, des omissions et des imprécisions.
J'en viens maintenant aux comptes combinés de la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP). En 2010, la Cour avait refusé de certifier les comptes de la branche en raison principalement des insuffisances cumulatives du contrôle interne relatif aux cotisations dans la branche AT-MP et dans l'activité de recouvrement. Au titre de 2011, la Cour dispose donc toujours d'une assurance insuffisante sur l'exhaustivité et l'exactitude des cotisations sociales, autrement dit de la quasi-totalité des produits de la branche, dans la mesure où les effets des plans d'action engagés par la Cnamts et par l'Acoss en 2011 sont attendus en 2012.
En outre, et c'est d'ailleurs un motif de refus de certification encore plus important, la Cour a relevé un défaut de provisionnement des conséquences financières très lourdes sur les produits de cotisations des contestations engagées par les employeurs de salariés qui sont pendants à la clôture de l'exercice.
Ces contentieux portent sur l'origine professionnelle de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle ou le taux de l'incapacité permanente. Ils visent des motifs de fond ou de procédure. En cas de succès pour le requérant, les taux de cotisation sont diminués de manière rétroactive. Il s'ensuit des remboursements de cotisations auparavant réglées par les employeurs. En application des principes comptables généraux, ces remboursements, qui portent sur plusieurs centaines de millions d'euros, auraient dû être provisionnés.
La Cour a par ailleurs relevé des faiblesses du contrôle interne en matière d'indemnités journalières et de prestations en nature et un manque de fiabilité des provisions pour dépréciation de créances sur les recours contre tiers et les prestations.
J'évoquerai maintenant les branches et caisses nationales dont les états financiers avaient été certifiés, avec des réserves, l'an dernier et pour lesquelles la Cour a reconduit une opinion de certification avec réserves.
Cette branche a connu en 2011 un fait marquant d'envergure : la généralisation du transfert du recouvrement des contributions d'assurance chômage et des cotisations d'assurance des créances des salariés en application de la loi du 13 février 2008 relative à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi. Les Urssaf ont ainsi mis en recouvrement 26,1 milliards d'euros de contributions d'assurance chômage et 1,3 milliard d'euros de cotisations d'assurance des créances des salariés. Au terme des diligences qu'elle a effectuées, la Cour estime disposer d'une assurance raisonnable sur la maîtrise de cette opération de transfert et l'exactitude des produits et des encaissements attribués à l'Unedic et à l'AGS au regard des opérations traitées par les Urssaf.
L'audit des comptes 2011 a fait apparaître certains progrès, notamment le déploiement d'une cartographie des risques dans les organismes les plus importants du réseau et des consignes données aux Urssaf sur le paramétrage de contrôles automatisés.
En outre, des composantes de réserves exprimées sur les comptes 2010 ont pu être levées.
Des difficultés importantes subsistent toutefois :
- des faiblesses du contrôle interne relatif à plusieurs processus de gestion des cotisations et contributions sociales auto-liquidées par les employeurs de salariés ou par d'autres cotisants - cas de la contribution sociale généralisée (CSG) précomptée sur les revenus de remplacement ;
- des insuffisances toujours marquées de la maîtrise des risques ayant une incidence sur les comptes pour deux catégories de flux minoritaires dans l'ensemble des états financiers de l'activité de recouvrement : les cotisations d'accidents du travail - maladies professionnelles - AT-MP - et les cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants, tout particulièrement ceux relevant du dispositif de l'interlocuteur social unique (Isu) partagé avec le régime social des indépendants (RSI) ;
- des problèmes comptables : une méthodologie inadaptée d'évaluation des provisions pour dépréciation de créances sur les cotisants ; un traitement comptable des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants et des impôts et taxes recouvrés par l'Etat qui continue à relever d'une logique de caisse et n'est donc pas conforme au principe législatif de la tenue des comptes des organismes de sécurité sociale en droits constatés.
La Cour a pu lever sa réserve relative à la conformité des règlements aux établissements hospitaliers aux activités de soins déclarées par ces derniers.
En revanche, la Cour a relevé la présence d'erreurs ayant une portée financière significative dans les charges de prestations en nature - exécutées en ville et en établissement - et d'indemnités journalières. En raison d'un encadrement insuffisant des contrôles sur des échantillons de prestations qui servent à les déterminer, les mesures de l'incidence financière des erreurs qu'établit la Cnamts manquent de fiabilité et les montants d'erreurs de liquidation qu'elles permettent d'évaluer - 300 millions d'euros pour les prestations en nature et 80 millions d'euros pour les indemnités journalières - sont sous-évalués.
S'agissant des prestations en nature, le rapprochement globalement limité des paiements avec les pièces justificatives - feuilles de soins, ordonnances et accords préalables - prive une part importante des enregistrements comptables d'une justification appropriée. En outre, les caisses d'assurance maladie ne disposent d'aucun outil permettant de prévenir le remboursement de dépenses de santé pour lesquelles l'accord préalable a été refusé ou a été soumis à certaines conditions.
Par ailleurs, les dispositifs de contrôle interne d'une partie des mutuelles gérant des prestations maladie relevant de la couverture de base, par délégation du régime général, demeurent perfectibles.
Enfin, la Cour a constaté un manque de fiabilité des provisions pour dépréciation de créances sur les recours contre tiers, les prestations et les participations et franchises restant à la charge des assurés sociaux.
Comme pour l'exercice 2010, la Cour certifie avec réserves les comptes de la branche vieillesse.
Dans le cadre de ses travaux, la Cour a cependant constaté que la Cnavts évoluait trop lentement au regard de constats qu'elle a, pour la plupart d'entre eux, établis de longue date. Ainsi, les données de carrière prises en compte dans le calcul des pensions, notamment celles adressées par des organismes sociaux - périodes assimilées à des périodes d'assurance vieillesse et assurance vieillesse des parents au foyer - comportent toujours des erreurs et des incertitudes. Une partie des pensions de retraite attribuées ne font pas l'objet d'une révision, généralement au détriment des assurés, alors qu'elles le devraient.
La Cour a par ailleurs constaté que des erreurs, en faveur ou en défaveur des assurés, continuaient à affecter, dans une mesure significative, les pensions de retraite liquidées, mises en paiement et comptabilisées.
La France est l'un des rares Etats de la zone euro qui se soit engagé depuis 2006 dans une démarche de certification des comptes de ses administrations publiques. Cette démarche inclut les comptes des administrations de sécurité sociale, lesquels sont établis selon des principes voisins, voire souvent identiques, à ceux applicables aux entreprises. Le fait que la Cour, auditeur externe indépendant, puisse s'assurer de la régularité, de la sincérité et de l'image fidèle donnée par les comptes du principal régime de sécurité sociale constitue un atout pour les finances publiques de la France, tout particulièrement dans la situation économique et financière actuelle.
En auditant, au fil des ans, les comptes du régime général de sécurité sociale, la Cour a conscience, à une époque où la confiance de nos concitoyens et des acteurs financiers est plus que jamais essentielle, de sa responsabilité de certificateur.
Dans le cadre de la campagne de certification des comptes de l'exercice 2012, la Cour portera ainsi un regard attentif à la concrétisation des engagements pris par les organismes nationaux du régime général et leurs autorités de tutelle, afin de renforcer la maîtrise des risques financiers qui affectent les opérations comptabilisées et d'assurer la transparence des comptes par une application conforme des normes comptables.
Compte tenu de la nature des constats, il est manifeste en effet qu'elle ne pourra certifier sans réserve à une échéance raisonnable les comptes des branches du régime général que si les dirigeants des organismes nationaux et leurs autorités de tutelle mettent en place ou accélèrent les plans d'action nécessaires à la réalisation de cet objectif partagé.
Merci de ces informations.
J'excuse notre rapporteur général, Yves Daudigny, retenu dans son département. Je vous poserai en son nom une question concernant le recouvrement.
Vous avez mentionné des progrès relatifs au contrôle interne et évoqué le déploiement d'une cartographie des risques dans les plus importants organismes du réseau ainsi qu'un début d'harmonisation de certains contrôles automatisés. Quels sont les principaux risques concernés et en quoi consistent exactement ces dispositifs ?
Je donne à présent la parole au rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la branche famille, Mme Isabelle Pasquet, puis à M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour la branche AT-MP.
Vous portez une appréciation assez sévère sur la gestion des comptes et de la Cnaf. Déjà, l'année précédente, la certification s'était faite avec des réserves. Ce que vous décrivez aujourd'hui laisse interrogatif pour l'avenir.
Pour quelle raison le taux d'erreurs à incidence financière recouvre-il de fortes disparités selon les prestations versées - RSA, allocations logement, allocations familiales ?
Pour quelles raisons le dispositif de contrôle interne de la branche ne permet-il pas de maîtriser les risques d'erreurs de portée financière affectant les prestations légales ? La Cnaf a-t-elle pris des engagements de nature à résoudre les difficultés rencontrées ? La Cour fait-elle habituellement des préconisations concernant le dispositif de contrôle ?
Troisièmement, comment la Cour juge-t-elle la réforme de la structure du réseau des Caf menée au cours de l'année 2011, ayant consisté en la fusion de la quasi-totalité des caisses infradépartementales ? Cette opération répond-elle à la nécessité de renforcer la capacité de pilotage de la Cnaf ?
Cette question me paraît importante : étant donné toutes les remarques que vous faites concernant la branche famille, on peut se poser la question de savoir s'il était judicieux de regrouper les Caf. Il s'agit certes d'une mise en commun d'un certain nombre de moyens mais ceux-ci peuvent également faire défaut, au détriment d'un meilleur contrôle interne.
Enfin, concernant l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), vous évoquez un manque de certitudes quant à la réalité, l'exhaustivité et l'exactitude des cotisations. Comment peut-on prendre cette affirmation ? La branche vieillesse ne donne-t-elle pas suffisamment d'informations à la Cnaf ? La Cnaf ne contrôle-elle pas ces informations ? Je suis assez surprise de l'affectation des provisions et du fait qu'il n'y ait pas eu de préconisations précises, comme cela peut se faire pour d'autres caisses.
Estimez-vous que la réforme engagée au sein de la branche AT-MP concernant les cotisations, dont l'échéance est prévue en 2014, sera de nature à répondre aux préoccupations de la Cour afin que les cotisations soient bien les cotisations dues et correspondent à l'importance des entreprises et des personnels concernés ?
En second lieu, la Cour dispose-t-elle d'éléments sur l'impact financier des défauts de contrôle interne concernant les prestations servies par la branche ?
S'agissant de l'endettement de la branche AT-MP, l'Acoss cite des montants très sensiblement supérieurs à ceux que l'on peut déduire des soldes comptables établis par la commission des comptes de la sécurité sociale. L'Acoss donne un chiffre de l'ordre de 2,2 milliards d'euros ; or, le chiffre qui nous est annoncé est de 1,7 milliard d'euros. Avez-vous des informations plus précises sur l'endettement de la branche AT-MP° ? Comment expliquez ce décalage ? Enfin, s'il fallait apurer la dette de la branche, quel serait selon vous le montant à retenir ? Je ne poserai pas la question de savoir par quels moyens - je pense que le débat viendra en son temps.
Concernant tout d'abord l'activité de recouvrement, la cartographie des risques et les contrôles automatisés, il est vrai que, depuis 2010, l'Acoss est engagée dans un processus de refonte du dispositif de contrôle interne des activités des Urssaf.
L'Acoss a commencé à déployer une cartographie des risques dans les principaux organismes de son réseau ; celle-ci consiste en une identification et une cotation des risques inhérents aux activités des Urssaf. Cette cotation est fonction des risques en question. Les Urssaf sont appelées à définir et à mettre en oeuvre des moyens de maîtrise des risques destinés à en réduire le niveau. Une partie de ces moyens ont une origine nationale. Il s'agit par exemple de la mise en oeuvre d'un contrôle prescrit par l'agent comptable de l'Acoss ou d'un traitement informatique permettant de détecter des anomalies de manière supplétive locale. D'autres moyens peuvent avoir une source locale, comme des mesures d'organisation par exemple.
Le déploiement de cette cartographie des risques nous apparaît positif et de nature à renforcer le degré de maîtrise des risques des activités des Urssaf. On constate toutefois deux limites : à ce stade, les Urssaf demeurent en phase d'appropriation de ce nouveau dispositif, qui n'est pas encore complètement opérationnel et renseignent la cartographie des risques de manière hétérogène ; les rubriques de la cartographie des risques sont calquées sur celles du référentiel des fonctions et processus définis en 1998, qui est imparfaitement adapté aux prélèvements sociaux qui ne constituent pas le coeur de métier des Urssaf.
Dans le cadre de l'audit des comptes 2012 de l'activité de recouvrement, la Cour appréciera la contribution de la cartographie des risques à la maîtrise des risques liés aux activités de recouvrement.
S'agissant ensuite des questions relatives à la branche famille, pourquoi le taux d'erreurs à incidences financières recouvre-t-il de fortes disparités selon les prestations versées ? On constate que l'incidence financière moyenne des erreurs qui affectent les prestations servies en faveur ou au détriment des assurés sociaux atteint 2,4 % des montants de prestations.
Ce taux recouvre de grandes disparités selon les prestations concernées. Les allocations familiales sont les moins affectées par les erreurs. Le taux d'incidence financière des erreurs est de 0,36 %. Le RSA activité est en revanche le plus touché. Le taux d'incidence financière des erreurs est de 18,14 %. Les allocations logement demeurent une source importante d'erreurs, avec un impact financier compris entre 12 et 16 % selon les prestations. Les autres prestations dont l'attribution est soumise à conditions de ressources connaissent généralement des fréquences élevées d'erreurs.
La qualité de la première attribution et du service des prestations est tributaire du degré de complexité des informations transmises par les allocataires mais aussi de la fréquence et de la qualité de cette exploitation par les Caf. Ainsi, pour les allocations familiales, l'assuré doit transmettre l'acte naissance de l'enfant. S'agissant du RSA activité, l'assuré doit communiquer tous les trois mois l'ensemble des éléments qui entrent dans ses revenus mensuels - salaires, indemnités chômage et pensions alimentaires.
La Cour, s'agissant de la fréquence et de la qualité d'exploitation des informations fournies par les Caf, a constaté que ces dernières n'exploitaient pas systématiquement celles transmises par la direction générale des finances publiques (DGFiP) sur les revenus déclarés par les assurés. Ainsi, quatre-vingt-sept Caf n'ont pas correctement couvert les cibles permettant le contrôle de l'activité et les ressources de l'année 2010 qui intervenaient dans la détermination des prestations servies en 2011. D'autres contrôles avaient été engagés mais non achevés, parfois depuis plusieurs exercices.
M. Antoine Durrleman, président de la 6e chambre. - Les difficultés du contrôle interne du réseau de la Cnaf et des Caf tiennent à quatre faits. En premier lieu, la Cnaf ne fixe pas aux organismes de son réseau des objectifs portant sur des fréquences et des plafonds d'erreurs de portée financière à ne pas dépasser, mais uniquement des objectifs en termes de nombres de contrôles à réaliser. Elle a, de ce point de vue, une pratique différente de la Cnamts et de la Cnavts qui fixent des objectifs beaucoup plus stricts.
Deuxième difficulté : ces objectifs quantitatifs de contrôle à réaliser portent uniquement sur certains éléments constitutifs d'une prestation, comme la justification de l'identité du bénéficiaire, et non sur la totalité d'entre eux.
La troisième difficulté vient de l'absence de pilotage. Les Caf bénéficient d'une très grande autonomie dans le choix des actions de contrôle à effectuer. Elles ont ainsi la possibilité d'opter pour des actions de contrôle plus faciles à réaliser que d'autres et à faible rendement financier plutôt que des actions plus complexes sur des prestations elles-mêmes plus complexes qui permettraient de prévenir des volumes plus importants d'erreurs.
Enfin, la quatrième difficulté vient du fait que, d'une manière générale, les ressources administratives en personnel que la Cnaf et les caisses de son réseau consacrent à ces actions de contrôle internes sont inégales et globalement plutôt insuffisantes.
Ces constats sont récurrents. La Cour les a déjà formulés depuis l'origine de ses campagnes de certification. La Cnaf a réagi mais relativement lentement. Elle a développé des processus de contrôle ciblés qui sont fondés sur une analyse de risques que présentent les dossiers des assurés. A ce titre, elle a prévu de déployer quatorze processus. Nous constatons que ces processus peinent à être mis en place dans les calendriers indiqués.
Au cours de l'année 2011, quatre processus devaient être déployés ; seulement d'eux d'entre eux l'ont été, notamment concernant les aides au logement. Ce processus n'a été déployé qu'à la fin de l'exercice et n'a donc pas eu d'effets sur 2011. En 2012, d'autres processus doivent être déployés, notamment un processus portant sur le RSA. Cela étant, un seul processus aurait un caractère obligatoire pour les Caf d'ici fin 2012 : il s'agit des aides au logement.
L'examen approfondi du pilotage de la fusion des Caf et de sa mise en oeuvre auquel s'est livrée la Cour n'a pas fait apparaître d'anomalies de nature à avoir une incidence sur notre position quant aux comptes 2011 de la branche famille.
Dans le cadre de l'audit des comptes 2012, nous allons vérifier que la Cnaf s'est assurée de l'harmonisation des procédures et des actions de contrôle interne entre les Caf fusionnées. Nous pensons que le pilotage de son réseau par la Cnaf, y compris le domaine des risques de portée financière, pourrait être facilité par la réduction du nombre d'organismes de base, qui passent de 123 à 102.
Le contrôle interne de l'AVPF comporte trois faiblesses. La première tient au fait que les droits à l'AVPF sont eux-mêmes fonction de droits à certaines prestations familiales. Autrement dit, les erreurs qui affectent l'attribution ou le service de ces prestations ont mécaniquement une incidence sur les droits à l'AVPF et ceux dont peuvent notamment disposer les femmes du point de vue de la législation sur l'assurance vieillesse.
Le second point concerne les insuffisances spécifiques du contrôle interne des droits à l'AVPF. Celui-ci nous renvoie à ce que vient d'évoquer le président de la 6e chambre à propos du dispositif en vigueur au sein de la branche famille.
Le troisième aspect dont nous nous sommes fait écho dans le rapport de certification des comptes porte sur l'existence de risques de double envoi et donc de double acquisition de données de carrière par les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), suite à un envoi automatisé effectué de manière centralisée par la Cnaf, compte tenu du caractère insuffisant des contrôles de cohérence effectués par la Cnavts sur les données qu'elle reçoit d'autres organismes sociaux.
C'est là un élément constitutif d'une réserve sur les comptes combinés de la branche vieillesse. Les droits à pension sont fonction de salaires mais aussi de données notifiées par les organismes sociaux, en particulier les périodes assimilées ou les équivalents salaires au titre de l'AVPF. On constate que les dispositifs de contrôle mis en oeuvre par la Cnavts, notamment en matière de corroboration des données transmises par les organismes émetteurs, sont insuffisants. Il s'agit là d'une observation forte de la Cour qui a, elle aussi, un caractère récurrent.
S'agissant des prévisions relatives aux subventions d'investissement en action sociale, la part des subventions restant à verser à la clôture de l'exercice était, avant 2011, uniquement mentionnée dans l'annexe aux comptes des engagements hors bilan. En 2011, la Cnaf a modifié ce traitement comptable. A juste titre sur le plan des principes, elle a comptabilisé des provisions pour risques et charges. Cependant, elle ne les a pas imputées, comme elle aurait dû le faire, au compte de résultat. Elle les a directement affectées aux capitaux propres, en contradiction avec les normes comptables applicables. Comme M. le Premier président l'a évoqué, l'enjeu financier relatif à ces provisions portait sur 540 millions d'euros. Le résultat de la Cnaf et de la branche famille aurait donc été dégradé de 540 millions d'euros supplémentaires si les normes comptables avaient été respectées.
S'agissant de la branche AT-MP et des questions de M. Godefroy, la réforme des cotisations nous paraît a priori aller dans le bon sens. Elle correspond à des observations que la Cour a déjà faites dans le passé à propos de la faible incitation en faveur de la prévention dans ce domaine. Elle a également pour objectif de permettre un meilleur équilibre d'une branche qui, par principe, doit être équilibrée par les cotisations des entreprises, sans apport de ressources extérieures. Dans un cadre extérieur à la certification des comptes, nous n'avons pas procédé à l'évaluation complète de cette réforme de la tarification dès lors qu'elle n'est pas encore complètement déployée. Nous ambitionnons de l'évaluer une fois que ce sera le cas.
Concernant l'indicateur de fiabilité des prestations, sa mise en oeuvre est récente. Il nous apparaît que la Cnamts et les organismes de son réseau pourraient consacrer plus d'efforts aux contrôles sur échantillons des dossiers afin de mieux détecter les erreurs financières. Nous avons réalisé des tests sur échantillons sur lesquels aucune erreur n'avait été détectée et nous avons constaté que certains dossiers en comportaient ; dès lors, la situation affectant les prestations en nature et les indemnités journalières est plus dégradée que celle reflétée par les indicateurs de fiabilité établis par la Cnamts. Nous lui avons fortement recommandé de mener des efforts supplémentaires en matière de détection de ces erreurs financières, indépendamment des indicateurs qui ont pu être mis en place.
S'agissant des différences dont il est fait état entre les informations communiquées par l'Acoss et les comptes de la branche AT-MP, il convient de distinguer d'une part les capitaux propres, dont le montant est négatif à hauteur de - 1,6 milliard d'euros au 31 décembre 2011 et, d'autre part, le compte courant à l'ACOSS, lui aussi négatif, autrement dit l'endettement de la branche, qui s'élève à 2,2 milliards d'euros.
Cette différence de chiffres n'a pas de caractère anormal. Elle traduit simplement le fait que, d'un point de vue économique, les activités de la branche AT-MP sont génératrices d'un besoin en fonds de roulement. Cela tient notamment au calendrier de versement des subventions de la branche AT-MP au fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata) géré financièrement pas la Caisse des dépôts et consignations.
La cartographie des manquements des divers organismes des différentes branches est-elle parlante ou ceux-ci sont-ils disséminés sur l'ensemble du territoire français ? Arrive-t-on à cerner des zones qui, en fonction des différentes branches, sont plus à même d'attirer vos reproches ?
En second lieu, vous indiquez que les arrêtés des agences régionales de santé ont permis de fiabiliser le règlement des établissements hospitaliers, les provisions s'étant régularisées alors que beaucoup d'établissements se plaignaient de retards, notamment par rapport aux versements résultant de la tarification à l'activité (T2A). Avez-vous des informations plus précises sur ce point ?
Enfin, quelles raisons, selon vous, empêchent d'avoir un compte précis des cotisations des praticiens et des auxiliaires médicaux ?
La Cour des comptes rappelle dans son rapport que l'Acoss peut et doit encore progresser en matière de contrôle interne et d'audit pour ce qui est des prélèvements sociaux auto-liquidés et des cotisations relevant du régime des indépendants. J'aimerais que vous précisiez votre point de vue car je vous ai trouvé évasif, monsieur le Premier président. Les restrictions de personnels n'ont-elles pas de conséquences sur les Urssaf et sur la Caf ?
Je voudrais revenir d'autre part sur la branche maladie. Vous avez émis cinq réserves dont l'une concerne les défauts de justification d'une partie des prises en charge par celle-ci des cotisations sociales des praticiens et auxiliaires médicaux. Quelle est la nature de ces cotisations ? S'agit-il exclusivement des cotisations des professionnels de santé prises en charge en échange de leur conventionnement ? Si tel est le cas - et d'une manière générale - ne pensez-vous pas qu'il faille rompre avec ce mécanisme et le remplacer ? Je vois M. Barbier manifester son désaccord mais je souhaite vous poser cette question en toute franchise !
Je souhaiterais aborder une question générale qui pourra paraître naïve, ingénue ou - pire - perverse !
Vous avez dit que l'audit et la certification des comptes de la sécurité sociale constituaient pour vous un exercice nouveau et que nous étions un des rares pays d'Europe à avoir mis en oeuvre une telle procédure. J'ai retrouvé dans les termes que vous avez employés beaucoup de ceux que j'employais moi-même lorsque j'étais commissaire aux comptes.
Vous avez émis trois certifications avec réserves et refusé deux certifications. Refuser de certifier les comptes d'une société peut avoir des conséquences pénales et, bien souvent, des conséquences sur la pérennité des mandats des dirigeants sociaux. Dans le cas présent, peut-on imaginer que cela constitue un aiguillon pour l'année prochaine ? Ne pourrait-on aller plus loin et trouver un mécanisme permettant de tirer les conséquences du refus d'une haute juridiction comme la vôtre de certifier des comptes ?
S'agissant de la branche AT-MP, vous avez indiqué que la réforme des cotisations en cours serait évaluée lorsqu'elle serait effective et avez insisté sur l'incitation à la prévention.
Lors des auditions que nous avons menées avec Jean-Pierre Godefroy, on nous a dit que la réforme devait à terme limiter le contentieux sur la forme. Néanmoins, une grande partie du contentieux porte sur le fond - contestations de l'origine professionnelle du sinistre ou du taux d'incapacité permanente - d'où l'intérêt de provisionner, ce qui va rendre la branche plus difficile encore à équilibrer. Etant donné la dette actuelle auprès de l'Acoss, il va falloir se pencher sur sa reprise, comme l'a dit Jean-Pierre Godefroy.
Par ailleurs, le montant du transfert à la branche maladie des AT-MP sous-déclarés est évalué tous les trois ans. Ce délai mérite-t-il, selon vous, d'être raccourci ? Dans la mesure où la fourchette d'évaluation est assez large, le montant retenu par la loi de financement de la sécurité sociale est souvent un chiffre moyen.
Vous avez signalé l'absence de contrôle pertinent concernant le RSA activité. Vous êtes-vous penchés sur le RSA socle ? Y a-t-il davantage de contrôles ? Pensez-vous que ceci est dû à l'instruction trimestrielle des dossiers, les revenus des cas difficiles étant très évolutifs ? Une instruction mensuelle amènerait-elle moins d'indus ?
La cartographie des manquements nous apparaît disséminée sur l'ensemble du territoire avec, il est vrai, des difficultés plus marquées dans le Sud-Est, en Languedoc-Roussillon et dans les Dom.
Pour ce qui est des praticiens et des auxiliaires médicaux, la déclaration préremplie a marqué un progrès en 2011. Les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) détiennent les informations permettant de calculer les prises en charge de cotisations. Jusqu'en 2011, il revenait aux praticiens et aux auxiliaires médicaux de remplir une déclaration spécifique. Désormais, l'information est communiquée directement par les CPAM aux Urssaf, ce qui sécurise le procédé.
En revanche, il n'existe pas encore de solution complète à propos de questions très étroitement comptables, notamment celles relatives à l'indépendance des exercices, pour lesquelles il existe des difficultés de réconciliation des opérations réciproques entre les prises en charge de cotisations par les CPAM et les produits que comptabilisent les Urssaf - sans parler du fait que les prises en charge de cotisations des praticiens et des auxiliaires médicaux sont pour partie imputées au RSI et à la mutualité sociale agricole (MSA). Il existe donc là, d'un point de vue comptable, des relations triangulaires ou quadrangulaires qui ne génèrent pas de flux financiers mais qui font apparaître certaines anomalies. C'est pourquoi la Cour a été amenée à reconduire ses observations dans le cadre du rapport de certification des comptes 2011.
S'agissant de l'Acoss, l'objectif est en règle générale de faire en sorte que davantage d'effectifs soient affectés au contrôle. Nous recommandons d'aller en ce sens. Plus le contrôle interne est large, moins il existe d'erreurs - ce qu'on ne peut que saluer !
Le défaut en matière de prise en charge des cotisations des praticiens et auxiliaires médicaux concerne les cotisations maladie et famille. Les causes du problème sont encore une fois de nature comptable et tiennent à des écarts dans les soldes respectivement comptabilisés par ceux qui supportent ces dépenses - en l'espèce la Cnamts, le RSI et la MSA - et par les Urssaf qui les inscrivent en produits. Toutefois, le contrôle interne s'est amélioré en 2011 grâce à la communication pas les CPAM aux Urssaf des informations qu'elles détiennent sur l'activité des praticiens et des auxiliaires médicaux. A ce titre, la Cour a pu lever une partie de réserve sur les comptes combinés de l'activité de recouvrement.
C'est un enjeu important qui représente 2,2 milliards d'euros. Nous y reviendrons en septembre, afin d'essayer de vous éclairer plus complètement sur ce sujet.
Si j'ai bien compris, ce n'est pas une question de fraude ou de fausse déclaration mais uniquement un problème de comptabilité. Il faut être clair !
En effet.
M. Jean-Noël Cardoux a posé une question d'ordre général. Nous ne certifions les comptes du régime général que depuis six ans. Cela reste récent. Nous avons souhaité adopter une démarche d'accompagnement vis-à-vis des structures des institutions dont nous sommes appelés à certifier les comptes.
Nous avons d'ailleurs adopté la même démarche pour l'Etat. Cela étant, il est vrai que lorsque nous refusons de certifier des comptes, c'est que nous estimons que les efforts ont été insuffisants. Nous avons voulu marquer le trait cette année. L'an passé, nous avions certifié les comptes avec réserve mais, compte tenu d'une augmentation très sensible des erreurs, nous avons cette fois considéré qu'il n'était pas possible de le faire.
Nous souhaitons que cela serve d'aiguillon et que cette branche prenne les dispositions nécessaires pour surmonter les difficultés auxquelles elle peut être confrontée et répondre ainsi aux observations que nous avons exprimées.
Dans le passé, la Cour a déjà refusé à plusieurs reprises de certifier les comptes de la branche famille et de la Cnaf en raison d'un certain nombre de difficultés. A la suite de ce refus, des progrès très sensibles avaient été enregistrés, en particulier en matière d'identification des bénéficiaires ou de sécurisation des échanges avec les services fiscaux. On a constaté une sorte d'affaissement dans la poursuite de cet effort. Ceci est assez particulier à la branche famille ; d'autres réseaux, malgré les difficultés importantes qu'ils rencontrent, sont au contraire dans une démarche d'effort continu.
On a beaucoup parlé de l'activité de recouvrement de l'Acoss. Certes, il reste des difficultés que nous avons pointées, mais ce réseau a compris la nécessité de la certification. Il existe parfois des lenteurs, mais aucun retour en arrière.
Pour la branche famille, on constate au contraire un retour en arrière. C'est pourquoi un refus de certification est éminemment pédagogique. Cela signifie que l'ensemble du réseau doit se ressaisir.
Nous le souhaitons en tout cas !
C'est bien ainsi que l'administration de tutelle le voit !
Je partage l'avis de M. Cardoux sur la gravité de la situation. J'ai travaillé dans un service de comptabilité d'une caisse d'assurances sociales : j'imagine donc bien ce qui peut se passer.
Je suis surprise que vous ne preniez pas en compte les grandes réformes subies par les Caf depuis 2009 - RGPP, regroupements, charges supplémentaires dues à l'examen des dossiers du RSA activité et du RSA socle sans effectifs supplémentaires suffisants.
La Cnaf a récemment produit une étude selon laquelle près de la moitié des bénéficiaires potentiels du RSA ne le touchent pas. On est donc loin de ce que l'on pourrait verser !
A cela s'ajoute la complexification des dossiers. En tant que parlementaires, nous légiférons sans toujours mesurer les conséquences sur le travail quotidien des agents. Il faut être conscient de ce que pourrait entraîner un contrôle mensuel des revenus des bénéficiaires du RSA en termes de moyens. Aujourd'hui, les moyens ne sont pas au niveau des besoins des populations, ni des agents des Caf. Certaines sont au bord de l'implosion, comme la Caf de la Martinique ou celle du Nord ! Je ferai la même remarque au président de la Cnaf : nous sommes dans une situation critique.
La Cour le reconnaît totalement. Je vous invite à relire le bas de la page 8 de notre rapport : « Elle a pris la pleine mesure de l'importance des réorganisations majeures en cours au sein des différents réseaux, qui se traduisent par une réduction sensible du nombre d'organismes de base et la lourdeur des réformes qu'ont eues parallèlement à mettre en oeuvre les différentes branches et l'activité de recouvrement, qui ont très fortement concentré les efforts des équipes de direction et souvent contribué à une dégradation des conditions générales de fonctionnement des organismes, au détriment sans doute des travaux visant à fiabiliser davantage leurs comptes ».
Un certain nombre de faits peuvent expliquer cette situation mais nous ne pouvons certifier les comptes lorsque nous constatons une augmentation de 30 % de l'incidence financière des erreurs affectant les prestations servies par la branche. Nous souhaitons bien évidemment que la trajectoire que nous avions pu saluer puisse être reprise. Nous essayons d'être justes dans notre appréciation mais nous sommes obligés, pour arrêter notre opinion, de tenir compte de la réalité des choses et non obligatoirement du contexte.
Cela pourra peut-être permettre - et Mme la rapporteure le proposera - d'arrêter les restructurations et d'obtenir des moyens supplémentaires pour les Caf.
Mme Deroche a souhaité savoir si le délai de réévaluation des transferts à la branche maladie pour sous-déclaration des AT-MP est pertinent ou non.
La commission qui en a la charge fonctionne bien. Par définition, elle ne peut proposer que des évaluations mais elle le fait sur la base d'une véritable vérification des dépenses de la branche maladie qui devraient ressortir de la branche AT-MP. Rapprocher le délai entre les évaluations ne serait pas nécessairement plus productif en termes de clarification des relations entre les deux branches. C'est un délai raisonnable.
On peut espérer que la réforme de la tarification permettra moins de contentieux, un certain nombre de bases ayant été actualisées. Cela étant, il ne faut pas s'y tromper : ce qui dynamise le contentieux relatif à la tarification de la branche AT-MP, c'est le fait qu'un certain nombre de cabinets proposent aux entreprises d'auditer la tarification qui leur est appliquée et de contester les modalités de cette tarification. Ce ne sont pas les entreprises qui entrent dans l'analyse de la tarification mais des cabinets prestataires de services qui leur proposent de « faire des économies ».
M. René-Paul Savary a souhaité savoir s'il existait des différences entre le RSA activité et le RSA socle. A priori, non...
La problématique de contrôle interne et de maîtrise insuffisante des risques d'erreur est la même pour le RSA socle et le RSA activité, les contrôles effectués par les Caf étant insuffisants. S'agissant de la fréquence des contrôles des revenus des bénéficiaires, aujourd'hui trimestrielle, j'aurais tendance - même si c'est extérieur au champ de la certification des comptes - à aller dans le sens de Mme la sénatrice : ce serait une charge de travail supplémentaire importante pour les Caf. De manière générale, plus les prestations sont complexes, plus les risques d'erreurs de portée financière sont élevés.
Il y en a peu sur les allocations familiales.
L'an passé, la Cour a certifié les comptes de la branche famille avec des réserves. Cette année, la Cour a refusé de certifier les comptes de ce secteur, qui pèse 84 milliards d'euros ! Par ailleurs, tout comme en 2011, la Cour refuse cette année encore de certifier les comptes de la branche AT-MP ! Comment ceux qui nous observent peuvent-ils réagir ? J'ai l'impression de collaborer à une sorte d'hypocrisie nationale, au moment où les Français s'interrogent sur les milliards dont parlent les médias. Cela doit s'arrêter !
Ma question est celle d'un profane : y aura-t-il un troisième refus de certification ? Existe-t-il des mesures coercitives pour faire avancer ce dossier ? Cette affaire est malsaine : il y aurait des sachants et des « gueux » contre lesquels on aurait lancé une vindicte populaire ! C'est injuste !
Cela dépasse peut-être les analyses de la Cour. Si des mesures existent, ce n'est pas la Cour qui pourra nous les indiquer. La Cour est là pour certifier les comptes ; ses membres peuvent avoir un avis mais les mesures incombent au Gouvernement et aux responsables politiques. On demande à la Cour d'être neutre politiquement : on ne peut lui demander d'aller au-delà !
Je comprends la réaction de notre collègue Vergoz. Le rôle de la Cour est de constater, mais a-t-elle la possibilité de saisir la justice ? Le RSA représente 150 millions d'euros pour le conseil général des Alpes Maritimes ! Or, les Caf du département ferment un jour ou deux par semaine pour pouvoir traiter tous les dossiers - et chacun l'accepte ! La Cour est-elle condamnée à constater les choses ou peut-elle nous aider à les faire avancer ?
Lorsque la sincérité et la fiabilité des comptes apparaissent insuffisantes, nous faisons notre travail et n'acceptons pas de les certifier.
Il n'appartient pas à la Cour d'en tirer les conséquences. Ce sont les conseils d'administration qui sont concernés au premier chef, tout comme le législateur. Nous avons mis en lumière la complexité du système des prestations voté par le législateur, qui peut également expliquer les erreurs qui ont été commises. Plus le système est complexe, plus le risque d'erreurs est grand. Le législateur « a fait fort » pour un certain nombre de prestations et l'on peut comprendre qu'il puisse exister quelques erreurs dans l'attribution des allocations logement.
Une des sources importantes d'économies peut passer par une correcte liquidation des prestations. Ce n'est pas la première fois que nous faisons ce constat. Nous souhaitons, à travers les constats que nous établissons, que les conseils d'administration, le Gouvernement et le législateur, en tirent toutes les conséquences !
La somme de 1,6 milliard d'euros à laquelle nous chiffrons les erreurs constitue un chiffre suffisamment important pour qu'on le relève et qu'on demande que ces erreurs soient réduites au maximum.
C'est tout l'intérêt de l'exercice de certification, qui peut conduire les dispositifs de contrôle interne à progresser vers la correcte liquidation des prestations, même si l'une des causes reste la plus ou moins grande simplicité des dispositifs de prestations.
Une réflexion plus large sur la complexité des règles relatives à ces prestations sera sûrement nécessaire dans les mois à venir. Les simplifier pourrait contribuer à résoudre les erreurs que vous pointez.