Monsieur le Président, mes chers collègues, dès avant 2006, date de constitution de la Serbie actuelle, qui a succédé à l'État commun de Serbie-et-Monténégro, la France a soutenu les efforts accomplis par Belgrade pour normaliser et stabiliser sa situation intérieure.
Cette action s'est inscrite dans le droit fil des conclusions du sommet européen réuni à Thessalonique en 2003, qui a reconnu la « perspective européenne » des États des Balkans occidentaux.
Le présent accord, signé à Paris le 18 novembre 2009, entre les ministres de l'Intérieur serbe et français, répond à une demande de Belgrade. La Serbie est en effet consciente des menaces qui pèsent sur sa sécurité intérieure, et du caractère perfectible de l'organisation de ses forces en ce domaine.
Cet accord s'insère dans un cadre, plus général, d'engagement de notre pays en faveur de la zone des Balkans occidentaux.
La stratégie régionale française de sécurité intérieure pour les Balkans consiste en un effort de mise en cohérence des analyses de la menace et des initiatives prises par les différents ministères compétents (ministères de l'Intérieur, des Affaires étrangères, de la Justice, de l'Economie, des Finances et du Commerce extérieur) réalisé durant la période 2008-2010.
Cette action interministérielle d'analyse et de lutte contre la criminalité organisée en provenance de cette région se structure autour de deux axes principaux :
- le Pôle régional de lutte contre la criminalité organisée originaire d'Europe du sud-est dit Pôle de Zagreb, créé en septembre 2004 ;
- la fonction de coordonateur régional du ministère de l'Intérieur pour la zone des Balkans occidentaux, créée en septembre 2009 pour harmoniser l'action des services de sécurité intérieure (SSI).
Le programme de travail pour 2012 du Pôle comporte une étude régionale sur le trafic d'armes devant aboutir à la tenue d'un séminaire régional de sensibilisation. Deux autres thèmes ont été retenus sur le trafic de faux médicaments et les fraudes à la carte bancaire.
La Serbie est caractérisée par des forces de sécurité perfectibles, faisant face à une criminalité organisée de nature à menacer les équilibres internes du pays.
L'administration serbe, comme la classe politique, est vulnérable à la corruption. S'agissant des fonctionnaires, ce constat renvoie à la question plus générale de leurs conditions statutaires, avec des conditions de recrutement hétérogènes, des traitements modestes et disparates selon les services, qui ne pourra être traitée que par une refonte globale, inscrite dans la durée, de l'administration serbe. Les services répressifs de l'Etat requièrent un effort spécifique de modernisation du système de gestion des ressources humaines.
De plus, la coordination entre services répressifs et autorités judiciaires reste perfectible. Une réforme de l'appareil judiciaire, et la redéfinition des missions du parquet nécessitent une phase d'ajustement, tout comme la définition de nouveaux modes de relation entre magistrats instructeurs et officiers de police judiciaire.
Vous trouverez dans ce rapport écrit une analyse de ces forces, de leurs effectifs et de leur organisation.
Comme dans la plupart des pays des Balkans occidentaux, la principale menace sécuritaire à la stabilité du pays relève de la criminalité organisée, même si cette notion y revêt une signification particulière.
Les « mafias » qui sévissent en Serbie correspondent à des regroupements d'individus sur une base géographique et clanique visant à maintenir et même accroître leur influence sur les structures de l'Etat.
En dehors d'un impact résiduel lié au blanchiment des revenus illicites, cette forme de criminalité organisée constitue une menace réelle et persistante pour la stabilité des institutions serbes, la légitimité de la classe politique et le développement économique du pays.
Les résultats de l'élection présidentielle des 6 et 20 mai ont souligné l'impact de ce thème dans la victoire du parti nationaliste SNS de Tomislav Nikolic, qui a notamment dénoncé la corruption des précédentes autorités politiques.
L'accroissement exponentiel du trafic d'héroïne, en provenance d'Afghanistan et utilisant en particulier la « route des Balkans », l'accroissement du trafic transatlantique de cocaïne, l'indépendance du Monténégro, foyer de diverses activités de contrebande et de contrefaçon ont accru les menaces pesant sur la sécurité interne de la Serbie.
Ces facteurs ont favorisé le développement international des organisations criminelles serbes et leur insertion dans les flux criminels internationaux. L'action déstabilisante de ces groupes pour le pays ne doit pas être méconnue, ne serait-ce que parce qu'ils ont intérêt à entretenir la fragilité institutionnelle du pays.
Il faut, en revanche, souligner que les menaces relevant du terrorisme fondamentaliste restent modestes en Serbie.
La coopération bilatérale de sécurité intérieure avec la Serbie a débuté en 2002, avec l'ouverture au sein de l'ambassade de France à Belgrade d'un service de sécurité intérieure.
Notre coopération est très appréciée de la Serbie.
Les actions bilatérales réalisées peuvent être regroupées selon quatre axes principaux :
- les visites d'étude et missions de formation visant à favoriser les échanges opérationnels, notamment dans le domaine de la lutte contre la criminalité organisée et le grand banditisme, comme la cybercriminalité, la fraude documentaire, le trafic de véhicules et la traite des êtres humains ;
- les actions de formation en matière d'intervention spécialisée, domaine dans lequel la Serbie est particulièrement demandeuse de l'expertise française, comme la gestion de prises d'otages ou les escortes de personnalités.
- les visites d'étude et missions de formation dans le domaine de la protection et de la sécurité civiles répondent à une attente récente mais forte de Belgrade, gestion des risques naturels et technologiques, formations au sauvetage et au déblaiement ;
- les stages linguistiques visant à préserver un vivier francophone dans les rangs du partenaire et la formation des cadres.
Le présent accord reprend l'essentiel des dispositions du texte-cadre établi par le ministère des affaires étrangères en matière de coopération policière.
Les négociations d'accords dans le domaine de la coopération policière et de la sécurité intérieure se sont multipliées à partir du début des années 1990, et un accord-type a été établi par le Ministère des affaires étrangères et européennes en 2007.
Il faut souligner que le présent accord exclut tant la coopération en matière de défense que la coopération judiciaire et l'entraide judiciaire en matière pénale. Pa ailleurs, comme pour les accords avec la Macédoine, la Bosnie et la Croatie, l'échange des informations est très encadré.
En conclusion, je vous engage à ratifier cet accord et vous propose son examen en séance publique sous forme simplifiée.