Elle n’a pas été mal préparée, bien au contraire ! Un Livre vert a été présenté et les consultations furent nombreuses. Mais ce qui ressort du travail de la Commission paraît parfois artificiel, comme mû par des a priori sans fondement. Cela ne serait d’ailleurs pas la première fois que cela arrive.
On peut dire que la PCP est l’histoire d’une émancipation qui a mal tourné. Nous débattons aujourd’hui de la plus ancienne politique commune, puisqu’elle a été prévue dès le traité de Rome. À l’origine, elle était totalement liée à la politique agricole commune, la PAC, et son principe était le même : la régulation de l’activité et l’intervention sur les marchés. Très vite, les deux branches se sont séparées. La PAC s’est consolidée à travers un budget, tandis que la PCP s’est concentrée sur la réglementation du secteur. Comme la PAC, la PCP a été régulièrement réformée. La PAC est réformée tous les six ans, la PCP tous les dix ans. Une première réforme a eu lieu en 1983, une deuxième en 2002 ; c’est donc la troisième réforme qui est aujourd’hui engagée.
Mais ces réformes furent toutes inabouties. Les avancées institutionnelles du traité de Lisbonne n’ont été que partielles. Tandis que les textes portant sur la PAC ont basculé sur la codécision, la PCP est soumise à trois procédures distinctes. Si la procédure législative ordinaire règle la majorité des questions touchant à la pêche, certaines mesures restent adoptées soit par le Conseil après avis du Parlement européen, comme c’est le cas de l’attribution des droits de pêche, soit par le Conseil après avis conforme du Parlement européen, comme c’est le cas des accords de pêche internationaux.
Sur le fond, les réformes de la PCP sont également marquées par une longue hésitation. Réforme après réforme, la PAC s’est orientée vers la solidarité au travers des aides aux revenus, tandis que la PCP a suivi deux orientations contradictoires, voire opposées, passant d’une politique d’aides aux navires pour la modernisation de la flotte à l’aide à la casse des navires ! De plus, contrairement à la PAC, la PCP a été parfois détournée de son objet, dans un contexte de suspicion envers les pêcheurs. La PCP a toujours été vue et vécue comme un échec. Ce constat est partagé tant par les professionnels du secteur que par les observateurs plus ou moins bien attentionnés. La PCP réussit la prouesse d’unir un très large éventail d’opposants. Nos collègues d’outre-mer, à travers l’intervention de Serge Larcher, ont évoqué les incohérences entre les visées communautaires et les accords internationaux, qui ont pour résultat d’aider nos concurrents directs dans cette partie du monde.