On peut craindre qu’il n’en soit de même cette fois encore. Nous avons l’impression que les mesures proposées sont inadaptées. Je prendrai quatre exemples : le rendement maximal durable, déjà abordé par Bruno Retailleau, les droits individuels transférables, l’interdiction des rejets de pêche, et les moyens budgétaires.
Concernant le rendement maximal durable, il y a un accord général sur l’objectif de parvenir à organiser une pêche durable « en ramenant l’exploitation des stocks halieutiques à un niveau compatible avec la production maximale équilibrée », pour reprendre l’expression de la Commission. Il ne saurait être question de nier l’intérêt et même la nécessité de fixer une date butoir, accompagnée d’un échéancier. L’absence de planification offrirait trop de possibilités de dérapage. Néanmoins, fixer une date butoir générale en 2015, valable pour toutes les espèces, semble irréaliste. Il y a trop d’incertitudes scientifiques, trop d’aléas.Il convient de privilégier une approche pêcherie par pêcherie, espèce par espèce, de façon concertée avec toutes les parties prenantes, scientifiques et pêcheurs.
Concernant les droits individuels transférables, l’opposition est forte et claire – cela a été dit par Bruno Retailleau –, et les retours d’expériences sont hasardeux. La gestion des espaces et de la ressource doit rester publique. La marchandisation du droit d’accès à la ressource présente tant d’effets pervers qu’il me paraît inutile d’insister sur ce point. D’ailleurs, il semble que cette initiative rencontre l’opposition de beaucoup d’États membres. Je ne crois pas, pour ma part, qu’elle ait de grandes chances d’aboutir, et tant mieux !
Il en va de même de l’interdiction des rejets. Personne ne nie que l’importance des rejets est un gâchis économique, écologique et alimentaire. La Commission propose en conséquence de les interdire, obligeant les navires à ramener à terre toutes les quantités pêchées. Là encore, l’objectif peut être partagé, mais la règle uniforme est inadaptée. L’importance des prises accessoires dépend beaucoup des modes et des types de pêche. Le chalutage profond présente plus de risques de prises accessoires que la pêche des poissons de la mer du Nord rassemblés en colonnes d’eau. Les prises accessoires peuvent concerner soit des poissons qu’il ne faut pas encore pêcher – les poissons sous taille –, soit des poissons qu’il ne faut plus pêcher parce que les quotas ont été dépassés. Les rejets sont tellement divers que les solutions doivent être adaptées à chaque catégorie de pêche.
Comme l’avait indiqué M. Bruno Le Maire, « la solution de la valorisation systématique des prises, sous forme de farines de poisson, par exemple, n’a aucun sens pour la préservation de la ressource ».