Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme cela a été rappelé ce matin, l’Union européenne possède le plus grand territoire maritime du monde. La pêche représente donc une possibilité de ressources, à la fois financières et alimentaires, qu’il ne faut surtout pas négliger.
L’Europe est actuellement le quatrième producteur de pêche et d’aquaculture : plus de 6 millions de tonnes de poissons sont pêchés chaque année. En outre, sa flotte est constituée de plus de 80 000 navires.
Pourtant, 80 % des produits de la mer consommés par les citoyens européens sont importés. Je suis persuadé qu’une meilleure information du consommateur sur cette question permettrait de faire diminuer nettement cette importation. À cet égard, l’idée d’instituer un écolabel me semble judicieuse.
Pour la France, cette importation massive représente un déficit de sa balance commerciale qui a été multiplié par deux en trente ans, pour s’établir à 770 millions d’euros en 2011. La production annuelle diminue constamment. De ce fait, ces deux dernières années, notre pays a perdu près de 1 000 navires.
Ce constat nous amène à accueillir la réforme de la politique commune de la pêche – sa dernière révision date de 1992 – avec une grande attention, tant il est nécessaire de tenir compte des évolutions de ce secteur. Cependant, une vigilance particulière doit être portée sur trois points particuliers : les diagnostics, les concessions de pêche transférables et le volet social.
La majorité des mesures prises par la Commission européenne le sont sur la base de diagnostics. Or ceux-ci sont discutables. Estimés peu crédibles, ils sont souvent remis en cause.
L’ensemble des instruments de la politique commune proposés par la Commission européenne vise à protéger l’exploitation de la mer en réduisant la capacité de la flotte de pêche européenne. Mais ces politiques ne pourront pas véritablement s’appliquer tant que les études relatives à la surexploitation des ressources halieutiques seront contestées.
En matière de ressources, nous le savons, la situation est encore préoccupante pour certaines espèces. Toutefois, l’insuffisance des connaissances scientifiques dans ce domaine ne nous permet pas de disposer de points de référence permettant de dresser un réel constat. Ainsi, sur les 193 stocks suivis à l’échelon européen, moins de la moitié a fait l’objet d’un diagnostic avec des points de référence.
Par conséquent, il est indispensable que ces diagnostics donnent lieu à des évaluations contradictoires, qui doivent être effectuées en concertation avec les professionnels de la pêche afin de crédibiliser les recueils de données pour qu’ils deviennent incontestables.
Soyons convaincus que le dialogue et les évaluations partagées seront source de crédibilité et donc d’efficacité pour la préservation de la ressource halieutique. Tout le monde s’accorde sur ce point.
J’en viens aux concessions de pêche transférables. Sur ce sujet, la position de la France est claire : ces concessions ne sont pas acceptables !
Dès 2010, le Sénat a fait part de son opposition à ce type de projet dans une résolution européenne et sa position n’a pas varié depuis. Les concessions de pêche transférables ont le principal inconvénient de concentrer les droits de pêche, au détriment de la pêche artisanale, pourtant principal levier de l’emploi. Celle-ci représente plus de 80 % de la flottille en France et 83 % de la flotte européenne. Elle doit donc être préservée, voire renforcée.
Par ailleurs, les concessions de pêche transférables affaiblissent les organisations de producteurs en les remplaçant par le jeu du marché. Seul le marché régulerait alors un bien public, ce qui est absolument inacceptable !
Dans son avis sur la future politique commune des pêches en date du 31 janvier dernier, le Conseil économique, social et environnemental propose également de rejeter ce système de droits individuels transférables.
Par votre voix, monsieur le ministre, le Gouvernement écarte la proposition de la Commission européenne et souhaite donc laisser aux États la possibilité de rejeter la mise en place de concessions de pêche transférables, ce dont nous nous félicitons.
Par ailleurs, je me réjouis des propos que vous avez tenus ce matin, relevant à cette occasion votre participation assidue aux réunions du Conseil européen, ce dont je tiens à vous remercier, votre présence constituant un élément extrêmement positif. Je me plais à le souligner, car, lors des négociations sur les quotas de pêche relatifs à l’anchois notamment, la France avait péché, si je puis dire, en brillant par son absence, alors que l’Espagne avait été fort bien représentée par son ministre. Notons que, dans ce pays, la pêche occupe la même place que l’agriculture chez nous.
Pour finir, je souhaite remettre au centre des discussions un sujet particulièrement important, notamment dans la situation de crise que nous connaissons. Je veux parler du volet social de la réforme de la politique commune de la pêche.
Cette réforme est attendue depuis de nombreuses années. Elle est en gestation depuis la publication du Livre vert au mois d’avril 2009. Pourtant, le volet social en est quasiment absent. C’est une erreur qui doit être corrigée, notamment par une harmonisation européenne des conditions de travail des marins pêcheurs.
Comme le propose le Conseil économique, social et environnemental dans son avis du mois de janvier dernier, un socle de règles sociales minimales devrait être mis en place. Il faut réaliser une harmonisation par le haut des réglementations sociales, ce qui permettra une concurrence plus saine et, surtout, plus loyale entre les États membres.
Le développement du dialogue social et la mise en place de parcours de formation et de perfectionnement aux métiers de la pêche, avec des passerelles vers d’autres métiers, notamment lorsqu’existent de grosses difficultés de reconversion, doivent faire partie des priorités de la nouvelle politique commune de la pêche.
La sécurité des marins doit également être améliorée par la formation ainsi que par la modernisation non seulement des bateaux, mais aussi des équipements de débarquement.
Ce qui est vrai pour la pêche l’est dans de multiples domaines : l’Europe économique et financière ne peut se parfaire qu’accompagnée d’une meilleure Europe sociale, faite de dialogue et de respect mutuel. Tel est le vœu que nous formons pour l’avenir en général et pour celui de la pêche en particulier. §